ville, à assurer en amont et en aval l’action des canonnières blindées de la marine et le fonctionnement de la pompe de Chaillot, enfin par l oc
cupation très-solide des villages qui avoisinent l’enceinte.
De Vitry à Issy, d’une part, entre Saint-Denis et le canal de l’Ôurcq, d’autre part, les maisons ont été crénelées, les rues barricadées; une ligne continue relie maintenant les redoutes de Gravelle et de la Faisanderie aux forts qui se succè
dent jusqu’à Saint-Denis. En avant de cette ligne, les villages de Noisy, Rosny, Nogent ont été également retranchés; on travaille à une ligne nouvelle qui s’étendra de la Seine (au point corres
pondant à Port-à-1’Anglais) à la Marne,.en passant par Maisons-Alfort.
Plus de 80,000 travailleurs ont coopéré à cette œuvre immense, qui représente des mouvements de terre incalculables.
En même temps que la place se renforçait, le rayon de la défense s’étendait de jour en jour.
Ainsi, tandis que le 19 septembre, après l’affaire de Ghâtillon, nous étions réduits à la ligne des forts, nous avons aujourd’hui reconquis sur l’en
nemi, en avant de nos ouvrages, Vitry, Villejuif, Arcueil, Cachan, Issy (dont l’ennemi occupait le parc au 19 septembre et où nous avons aujourd’hui des défenses formidables), Suresnes, Puteaux, Courbevoie, désormais à l’abri de ses in
cursions, Asnières, repris depuis trois jours, Villetaneuse, une partie de Pierrefitte, Stains, La Courneuve, Fontenay-sous-Bois et Nogent-sur- Marne, où les assiégeants pénétraient à leur aise,
et que nous avons couvert de barricades. Enfin nous possédons vers l’est une tête de pont à Join
ville, et à l’ouest nous disposons, dans sa totalité, de la presqu’île de Gennevilliers.
§ 2. - ARTILLERIE.
Théoriquement, d’après les règles établies en 1867, l armement des forts et de l’enceinte devait se composer de sept pièces par bastion. Or, au dé
but de la guerre, le matériel de l’artillerie n’était, pour les forts, que de trois pièces par bastion, et il n’existait pas une seule pièce en batterie sur les remparts de l’enceinte. Jusqu’au 8 août, on se borna à y placer quelques canons, plutôt pour sa
tisfaire l’opinion publique qu’en prévision d’un siège qu’on regardait comme impossible.
A toute place de guerre il faut une réserve : deux parcs d’artillerie, à 250 bouches à feu cha
cun, devaient composer la réserve de Paris; mais,
en vue des opérations de la guerre du Rhin, ils avaient été envoyés à Metz et à Strasbourg, et ils y sont encore.
Les munitions confectionnées ne représentaient que dix coups par pièce. On avait des projectiles sphériques en abondance; mais les obus oblongs, qui sont actuellement presque seuls en usage,
étaient en très-petit nombre. Les boîtes à mitraille et les éléments pour en faire manquaient à peu près complètement.; l’approvisionnement en pou
dre à canon n’était que de 540,000 kilogrammes. Le personnel de l’artillerie était plus pauvre en
core que le matériel ; une dizaine d’officiers tout au plus étaient répartis sur l’immense étendue de l’enceinte. Dans quelques forts, le service de l’ar
tillerie était représenté par un simple gardien de batterie.
Aujourd’hui, grâce au patriotisme des officiers retraités ou démissionnaires rappelés à l’activité,
aux batteries prises dans les dépôts, au concours de plus en plus efficace des artilleurs de la garde mobile de la Seine, de Seine-et-Oise, de la Drôme, du Rhône, de la Loire-Inférieure et du Pas-de- Calais, à la création de canonniers auxiliaires re
crutés parmi les anciens militaires, et, par-dessus tout, grâce à l’activité et au dévouement de la marine, qui nous a donné ses amiraux, ses offi
ciers, ses artilleurs, en même temps que 7,000 de ses marins, le personnel de l’artillerie de la place est arrivé au chiffre respectable de 13,000 officiers, sous-officiers et soldats.
Aujourd’hui, l’artillerie a mis en batterie, sur l’enceinte ou dans les forts, 2,140 bouches à feu,
Aujourd’hui, nous avons porté de 540,000 kilog. à 3 millions l’approvisionnement des poudres. Le siège de Sébastopol n’a consommé que 1 million 500,000 kilog., et d’ailleurs la fabrication continue.
Les projectiles oblongs ont été développés sur une large échelle.
On a fait venir tous ceux qui existaient dans les forges de l’Ouest et du Midi; on a fait appel à l’industrie privée, qui s’est mise en état d’en four
nir une production constante et qui dépasse dès aujourd’hui les besoins prévus. De dix coups par pièce, l’approvisionnement a été porté à 400 coups, et jusqu’à 500 pour les canons des forts.
En même temps, le service de l’artillerie s’occupait do la fabrication des cartouches d’infante
rie. Au début, on était loin d’avoir en magasin les huit cents cartouches par homme jugées né
cessaires dans les places de lre classe. On dut se
réduire à 390 cartouches. Mais de vastes ateliers ont été installés, et, après les lenteurs inévitables de la mise en train, on est arrivé â une fabrica
tion de plus de deux millions de cartouches par semaine, assurément supérieure aux besoins de la consommation même la plus étendue.
L’artillerie a rendu à la défense de Paris un service d’un autre genre : elle a, par l’usage des pièces à longue portée, obligé l’ennemi à reporter au loin le rayon d’investissement. En conséquence,
tous les forts de la rive droite, à l’exception d’Aubervilliers, de Yincennes et de Nogent, ont reçu des canons d’un puissant calibre. Le Mont-Valérien, Charenton, Gravelle, la Faisanderie, la Dou
ble-Couronne, divers points saillants de l’enceinte continue en ont été abondamment pourvus.
Les mêmes pièces ont servi à former les magnifiques batteries des buttes Chaumont et des buttes Montmartre, qui battent tout le terrain de Gennevilliers à Romainville, ainsi que les importantes batteries du parc de Saint-Ouen, qui protègent le fort de laBriche et qui dominent la Seine à droite d’Argenteuil.
L’armement des forts de la rive gauche et de l’enceinte qui les avoisine a été fortifié de la même manière, de façon à protéger le Point-du-Jour, la
vallée de la Seine en amont, le confluent de la Marne et l’entrée dans Paris du chemin de fer d’Orléans. Enfin, les bastions sont tous prêts à re
cevoir, en très-peu de temps, la réserve nécessaire aux fronts d’attaque. Cette réserve, qu’il a fallu, comme nous l’avons dit, créer tout entière, ne s’é­ lève pas à moins de 350 bouches à feu.
§ 3. - MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS
Le ministère des travaux publics a associé à l’œuvre de la défense les forces organisées que représentent le corps des ponts et chaussées, le corps des ingénieurs des mines et les ingénieurs civils. Il a également fait appel aux ressources infinies de l’industrie privée.
Les ingénieurs des ponts et chaussées ont été les auxiliaires actifs du génie militaire et de l’ar
tillerie dans l’exécution des immenses travaux de construction et de terrassement qu’ont nécessités la fermeture des portes de Paris, la mise en état des fossés et des glacis, l’établissement des batteries nouvelles, le déblayement de la zone mili
taire. Ce sont eux qui ont réuni les bois de toute espèce nécessaires à l’établissement des platesformes et des embrasures sur les remparts, et il a fallu souvent chercher ces matériaux jusqu’à 30 lieues de Paris, dans les forêts domaniales. Ils ont puissamment concouru à la défense de Saint- Denis par les travaux exécutés le long du canal Saint-Denis, et en amenant dans les fossés de la place les eaux du .anal de l’Ourcq; ils ont égale
ment coopéré à la construction des redoutes de la plaine de Gennevilliers, decel’esde Charlebourg, d’Asnières et du pont de Glichy.
Le service des ponts et chaussées achève aujourd’hui, accord avec le génie militaire, la se
conde enceinte de Paris, dont le chemin de fer de ceintui e est la base. Sur certains pomts, comme à la Muette, le même sejvice exécute, d’après les plans du génie, ce que l’on peut appeler la 3“ enceinte, et i! transforme l’Arc-de Triomphe de
l’Etoile en une véritable place d’armes, qui pourrait offrir, même après la rupture des premières lignes, un obstacle à peu près insurmontable. Enfin, il a participé aux travaux de la commis
sion des barricades, dont nous parlerons plus loin.
Le corps des ponts et chaussées a construit, en dix-huit jours, le chemin de fer de la rue mili
taire, cet élément si important de la défense, qui permet le transport rapide des troupes et du ma
tériel sur tout le pourtour de la place. Cette voie ferrée ne représente pas moins de 40 kilomètres de développement. Ce sont également les ingénieurs de l’État qui président, avec la collaboration d’ingénieurs civils et d’architectes, à la cons
truction des baraquements de la garde nationale aux abords de la rue militaire.
A ces divers travaux, il convient d’ajouter : deux barrages sur la Seine, à Suresnes et au nord de l’île de la Grande-Jatte; une estacade au
Point-du-Jour; un pont de bateaux en amont du mur d’enceinte; deux barrages incombustibles au pont Napoléon, destinés à arrêter les brûlots incendiaires que la Seine pourrait charrier. Les égouts et aqueducs ont, été mis en défense, tant au moyen de travaux intérieurs que par l’organi
sation d’une surveillance constante confiée aux égoutiers armés. De leur côté, les ingénieurs des mines ont exploré les carrières souterraines, qui se trouvent en si grand nombre dans le sol pari
sien; lespuifs ont été comblés; les galeries murées; les ouvertures placées à portée des glacis soigneu
sement détruites; les carrières à ciel ouvert qu’on n’a pu combler ont été rendues impraticables. Les ingénieurs des mines ont également construit la vaste poudrière blindée qui doit servir de dé
pôt aux munitions de l’artillerie, et ce sont eux qui ont présidé à l’œuvre si délicate de la rentrée dans Paris et de l’enfouissement des pétroles et autres matières incendiaires, que nos environs contenaient en si grande abondance.
Le ministère des travaux publics s’est particulièrement préoccupé du service des eaux pendant le siège. Les hauts quartiers, que l’aqueduc de la Dhuys, coupé par l’ennemi, a cessé d’alimenter, seront pourvus par les grands réservoirs de Belleville et de Menilmontant; 1a. zone moyenne, par les machines établies dans l’intérieur de Pa
ris ; enfin les parties basses, au moyen des locomobiles installées sur la Seine, du puits artésien de Passy et de celui qu’un grand industriel,
M. Say, a mis généreusement à la disposition de la Vilie.
L’administration des travaux publics a institué plusieurs commissions pour l’étude et l’application des moyens de défense :
1° Commission d études. — Cette commission, présidée par M. Reynaud, directeur de l’Ecole des ponts et chaussées, a examiné un grand nombre de projets émanés de l’initiative des citoyens;
elle a résolu, avec le concours des divers services civils et militaires, des problèmes d’un grand intérêt, tels que l’emploi de ia lumière électrique, pour entraver les travaux de nuit des assiégeants, l’éclairage au magnésium, la fabrication du coton-poudre comprimé, l’emploi des matières in
flammables les plus récemment étudiées par la science comme moyen d’arrêter l’ennemi sur la brèche, l’inflammation des mines à distance. Elle a réalisé un système de boîtes explosibles, ou tor
pilles terrestres, qui se cachent facilement à la surface du sol et qui éclatent sous la pression du pied ; les abords des forts ont été semés de ces redoutables engins.
La commission d’études a examiné, depuis le 4 septembre, plus de 12Ü propositions diverses; elle a toujours répondu à leurs auteurs dans l’espace de quelques jours.
2° Commission d armement. — Cette commission, formée peu après le 4 septembre, pour centraliser l’achat des armes, a dû bientôt se diviser en deux sections, l’une qni s’est rendue à Tours, afin de poursuivre les opérations d’achat; l’autre qui s’occupe, à Paris, de la transformation, de la réparation et de la fabrication des armes.
Quinze ateliers de réparations gratuites ont pu