On disait autrefois de Paris ce que l’on disait de la France : Hypertrophie au cœur, paralysie aux membres ! La vie de Paris se rattachait toute
entière à ce méridien qui va des Champs-Elysées à la Bastille. Aujourd’hui, le mouvement parisien se produit dans un sens invers, et le siège nous fait assister à un phénomène tout nouveau poul
ies habitants. La vie s’est peu à peu retirée du centre pour devenir de plus en plus active aux portes de Paris.
Et la métamorphose s’accomplit d’une façon si complète, qu’elle se fait sentir même dans le vocabulaire. Le Parisien dit aujourd’hui « mon sec
teur, » comme il disait autrefois « mon café. » Il va au rempart comme il allait à la Bourse, et au lieu d’aller fumer un londrès au boulevard des Italiens, il demande son fusil pour aller faire une reconnaissance au Raincy.
Une visite aux avant-postes
Allons donc chercher la vie de Paris là où elle palpite aujourd’hui, avec tout son belliqueux ap
pareil, aux remparts, aux forts, aux avant-postes, et prenons, si vous le voulez bien, le chemin de Bondy. Pour arriver à notre première étape, la porte de Pantin, savez-vous combien de compa
gnies de gardes nationaux et de mobiles nous rencontrons? Douze, et dans chaque faubourg, tous les quartiers qui conduisent aux portes font mouvoir la même fourmilière en armes.


SORTIE DU 21 OCTOBRE SOUS LE COMMANDEMENT DU GÉNÉRAL DUCROT, VUE PRIS PENDANT L’ACTION DE LA HAUTEUR DOMINANT RUEIL. — Croquis d’après nature par M. Gaildrau.


Ce mouvement qui porte vers l’extérieur la force armée, rend la physionomie des faubourgs plus vivante, et cette activité s’est encore accrue du surcroit de population que l’abandon de la ban
lieue a rejeté sur Paris. Ces exilés de la banlieue parisienne se sont, pour la plupart, installés dans les quartiers si étendus qui vont des barrières anciennes à la barrière actuelle de l’enceinte conti
nue, et ont éparpillé sur ce vaste périmètre une émigration de deux cent mille habitants.
Donc, pour ces deux causes, — va-et-vient militaire, population de la banlieue, — les faubourgs de Paris ont en ce moment un air de crânerie et
de vie exubérante. Paris jusqu’à ses portes est toujours Paris. Mais franchissez le pont-levis, et soudain vous voyez apparaître brusquement les dévastations et les tristesses qui sont l’inévitable cortège d’un siège.
Vous sortez, et partout où vous portez les yeux, à gauche, à droite, tout autour de la cité im
mense, vous no voyez plus que le vide. C’est Paris qui a commencé par porter la main sur lui-même. Comme le vaisseau qui s’allége pour mieux lutter contre l’ouragan, Paris a rasé, en quelques jours, les mille et mille habitations qui pendaient en quelque sorte à sa ceinture. Il fallait l’espace pour le canon des forts, et les maisons de la zone mili
taire ont immédiatement disparu. Un coup de baguette et tout s’est éclipsé.
Ce vide à perte de vue vous attriste. Quels sacrifices! Mais ne discutons rien, et jetons à la mer la cargaison pour sauver le navire. Allons plus
loin; cette plaine nue et attristée nous paraîtra moins pénible encore que le silence des villes abandonnées que nous voyons devant nous.
ASPECT DU BOIS DE BOULOGNE DANS LA ZONE VOISINANT L’ENCEINTE FORTIFIÉE DU COTÉ DU GRAND LAC. Bois de Buzanval.
Le vieux moulin.Chàteau de Buzanval.
Château de la Jonchère.
incendié.Bougival.
Aqueduc de Marly.Rueil.