nous devons nous borner au rapide exposé des événements.
Lundi matin, deux affiches signées de M. Jules Favre publiaient deux communications du gou


vernement, l’une relative à la reddition de Metz,


l’autre relative à la mission de M. Thiers. Yoici la première :
« Le Gouvernement vient d’apprendre la dou
loureuse nouvelle de la reddition de Metz. Le maréchal Bazaine et son armée ont dû se rendre après d’héroïques efforts, que le manque de vi
vres et de munitions ne leur permettait plus de continuer. Ils sont prisonniers de guerre.
« Cette cruelle issue d’une lutte cle près de trois mois causera dans toute la France une profonde et pénible émotion. Mais elle n’abattra pas notre courage. Pleine de reconnaissance pour les braves soldats, pour la généreuse population qui ont combattu pied à pied pour la patrie, la ville de Paris voudra être digne d’eux. Elle sera soutenue par leur exemple et par l’espoir de les venger. »
Cette nouvelle n’a fait que rendre plus vive et plus douloureuse encore l’émotion qui avait si péniblement impressionné Paris à la suite de la reprise du Bourget par les Prussiens. Le mouve
ment de la population, en se portant vers l’Hôtelde-Ville, a même provoqué une tumultueuse manifestation du parti des irréconciliables; nous en rendons compte dans un article spécial. Le désordre de cette journée ne peut sans doute nous inquiéter au point de vue des périls que pourrait nous faire courir le parti de la Commune : sa sor
tie forcée de l’Hôtel-de-Ville lui a manifestement prouvé sa radicale impuissance. Mais l’impression du public après la reprise du Bourget est ellemême, pour le gouvernement de la défense natio
nale, un salutaire avertissement. L’opinion est unanime à demander plus de netteté dans le commandement et plus d’énergie dans l’exécution.
A la suite de la journée du 31 octobre, le Gou
vernement a destitué les chefs de bataillons delà garde nationale dont les noms suivent :
G. Flourens, chef du I “ bataillon de volontaires; Jtazoua, chef du 61° bataillon;
Goupil, chef du 115e bataillon;
Ranvier, chef du 141e bataillon;
De Frémicourt, chef du 157e bataillon; Jaclard, chef du 158e bataillon; Cyrille, chef du 167e bataillon;
Levraud, chef du 204e bataillon; Minière, clief du 208e bataillon.
Par un autre décret, la population de Paris avec l’armée et les bataillons de mobiles, est appelée à se prononcer sur le maiptien ou le renvoi du gouvernement de la défense nationale. Le scrutin s’ouvre au moment où nous écrivons cette revue. L’opinion demeure convaincue que le gouvernement obtiendra une majorité immense.
Constatons aussi qu’à la suite des événements du 31 octobre, M. Henri Rochefort a envoyé sa démission au Gouvernement de la défense natio
nale. En lisant, dit le Rappel, sur les murs l’affiche
qui ajourne les élections municipales, affiche qui ne lui avait pas été communiquée au préalable,
M. Henri Rochefort, qui les avait promises la veille au nom de ses collègues, a cru devoir envoyer sa démission de membre du Gouvernement de la défense nationale.
Yoici maintenant la communication relative à la mission de M. Thiers :
« M. Thiers est arrivé aujourd’hui à Paris; il s’est transporté sur-le-champ au ministère des affaires étrangères.
« Il a rendu compte au Gouvernement de sa mission. Grâce à la forte impression produite en
Europe par la résistance de Paris, quatre grandes puissances neutres, l’Angleterre, la Russie, l’Autriche et l’Italie, se-sont ralliées à une idée commune.
« Elles proposentaux belligérants un armistice, qui aurait pour objet la convocation d’une assemblée nationale. Il est bien entendu qu’un tel armistice devrait avoir pour conditions le ravitaille
ment proportionné à sa durée, et l’élection de l’assemblée par le pays tant entier. »
Et pour bien préciser la portée de cet armistice, le gouvernement a publié, dans le Journal officiel, la note qui suit :
« Le public ne doit pas se méprendre sur le caractère de la proposition d’armistice qui émane des puissances neutres.
« Get armistice n’est point le commencement d’une négociation de paix ; il n’a qu’un but, net
tement défini : la convocation d’une assemblée pour mettre la France en mesure de décider de son sort dans la crise où l’ont précipitée les fautes du gouvernement déchu.
« L’armistice, tel qu’il est proposé, ne saurait porter aucun préjudice à la France : il est subor
donné à des conditions que le Gouvernement de la défense nationale avait précédemment deman
dées, lors de l’entrevue de Ferrières : le ravitaillement et le vote par la France toute entière.
« Le Gouvernement de la défense nationale n’a absolument rien à changer à la politique qu’il a proclamée à la face du monde; il est convaincu d’avoir exprimé la résolution du pays tout entier;
il ne doute pas que les élus do la France, réunis à Paris, ne ratifient solennellement son pro
gramme, et il a plus que jamais le ferme espoir que la justice de notre cause sera finalement reconnue par toute l’Europe. »
M. Thiers est parti lundi à quatre heures pour Versailles, pour discuter, avec M. de Bismark, la proposition des quatre puissances. On attend son arrivée à l’heure où nous écrivons, et l’on s’attend,
généralement à un armistice qui serait de vingtcinq jours. D’après M. Thiers, les départements accueilleraient avec faveur cette suspension des hostilités qui leur permettrait de se faire représenter à Paris.
Get armistice, ainsi que le dit le Journal officiel, n’implique assurément aucune négociation de paix. Mais la cessation momentanée des hostilités ne manquera pas de mettre à l’ordre du jour ces négociations, et, à ce point de vue, il est intéressant de connaître les dernières dispositions mani
festées par la Prusse. L’attitude de Paris a déjà produit, paraît-il, un excellent résultat, et les journaux anglais le Times et le Daily Têlègraph an
noncent dans les termes les plus sérieux que la Prusse renoncerait désormaais à réclamer l’Alsace et la Lorraine.
AUG. Marc.
L’AFFAIRE DU BOURGET
Le 28 octobre, Pans apprenait, le soir, qu’une reconnaissance vigoureusement poussée contre le Bourget avait réussi à s’emparer de cette position, que nos troupes occupaient définitivement. L’oc
cupation de ce poste était regardée comme acquise à notre système de défense, et cette opinion s’était d’autant mieux accréditée, qu’un rapport du gé
néral Bellemarre avait annoncé le lendemain que les Prussiens avaient inutilement canonné le village pendant toute la journée du 30.
Malheureusement, notre conûance,nous empêche de prendre les dispositions nécessaires pour nous fortifier dans la position conquise. On n’envoya au Bourget ni renforts suffisants, ni artillerie. Nous avions à peine au Bourget quelques canons avec deux bataillons de renfort, quand nos soldats virent le surlendemain, dimanche, fondre sur eux quinze mille Prussiens avec une artillerie formi
dable. La lutte est devenue impossible, et nous avons dû, cetle fois encore, battre on retraite. Malheureusement, nous n’avons même pas la satisfaction de pouvoir annoncer qu’elle s’est accom
plie en bon ordre. Nous avons à constater un grand nombre de morts, de blessés et de prisonniers, et en présence d’uu malheur qu’on pouvait facile
ment éviter, on comprend l’irritation du public et les accusations qu’on a adressées de tous côtés au gouvernement de la défense. Il n’y a, en effet, pour nos généraux aucune justification possible.
Ou le Bourget ne rentrait pas dans le système de l’offensive à prendre, et alors, il fallait dès le premier jour l’abandonner après avoir détruit les ouvrages de l’ennemi ; ou le Bourget, une fois oc


cupé, était considéré comme un poste avantageux,


et alors il fallait le fortifier, comme les Prussiens ont fortifié Châtillon. Quand donc arriveronsnous à notre dernière faute ?
Henri Vigne.
LA JOURNÉE DU 31 OCTOBRE
Sous l’impression poignante de la capitulation de Metz et de la reprise du Bourget par les Prus
siens, un grand nombre de bataillons de la garde nationale n’avaient cessé de se porter depuis le matin vers l’Hôtel-de-Ville. Ges bataillons appar
tenaient pour la plupart au parti qui, le 8 octobre,


était déjà venu réclamer la Commune et la levée en masse.


Aussi l’agitation sur la place de l’Hôtel-de-Ville était-elle extrême. Des clameurs mille fois répé
tées par des groupes sans cesse croissants no ces
saient de demander la Commune! La guerre à outrance!
M. Etienne Arago harangue la foule et annonce que le gouvernement va prendre les mesures les
plus énergiques. Il déclare, en même temps, que les vingt maires de Paris, réunisà l’Hôtel-de-ViUe,
délibèrent sur l’élection immédiate des membres de la Commune.
C’était vrai. Les maires provisoires, à la suite de leur délibération, avaient même pris la résolution de procéder sans délai à l’élection des membres de la Commune. Une affiche placardée dans tout Paris et signée, d’un côté, par M. Arago et de ses adjoints, et de l’autre par M. Dôrian, comme président de la commission provisoire de la Com
mune et de M. Schœlcher comme vice-président, annonçait les élections de quatre membres par arrondissement pour le lendemain 1er novembre
à midi. Une élection annoncée pendant la nuit pour le lendemain à midi, n’est-ce pas, en vérité, dérisoire? Ajoutons, d’ailleurs, que M. Dorian n’avait pas accepté laprésidencede la commission provisoire qui s’était installée à l’Hôtel-de-Ville pendant son occupation par les chefs de la manifestation.
C’est qu’en effet l’ouverture d’une porte avait livré passage aux groupes, et en un clin d’œil l’Hôtel-de Ville avait été envahi. Au même instant,
un ordre donné par un officier de décharger les fusils est maladroitement exécuté, et quelques soldats tirent en l’air plusieurs coups de feu. La foule fuit de toutes parts en criant -. Aux armes! et l’anxiété devient de plus en plus grande.
Le flot d’hommes qui s’est précipité dans l’intérieur remplissait déjà les appartements, les vestibules et les escaliers. Le général Trochu, vio


lemment ému, avait en vain essayé de haranguer


ces premiers envahisseurs, dont les cris n’avaient pas tardé à couvrir sa voix.
Une cinquantaine de citoyens, à la tête desquels marchaient MM. Maurice Joly, Chassin et Lefrançais, avaient réussi à se faire introduire dans la salle des délibérations, où quelques membres du gouvernement se trouvaient réunis. Là, ces citoyens, qui se disaient délégués par le peuple, avaient demandé différentes explications, entre
mêlant leurs opinions de reproches violents à l’adresse des membres du gouvernement. « Vous êtes des incapables! » s’ôtait écrié M. Maurice Joly,
et M. Jules Ferry lui avait répondu : « Vous étiez plus modéré, il y a quinze jours, quand vous nous sollicitiez de vous donner une place. » Un effroyable tumulte avait éclaté à ces mots.


Cependant l’Hôtel-de-Ville finit par être com


plètement envahi. A l’intérieur, le désordre est à. son comble. Sur la place, la foule reste compacte, çn dépit de la pluie. Un drapeau rouge est ar


LE PLÉBISCITE DU 3 NOVEMBRE A PARIS


Oui................................ 382,000 Non


............................ 52,000