MM. de Beauverger, de Benoist, Buffet, Busson-Biliàult, baron J. David, Du Mirai, Gressier, Alfred Le Roux, Mathieu, Ûllivier, Segris, de Talhouët.
En pesant avec impartialité chacun de ces noms, et par des causes diverses, je suis disposé à ne considérer comme arrivées à un certain degré de maturité, au point de vue exclusif de la capacité, que les candidatures de MM. Buffet, Alfred Le Roux, Oliivier et Segris.
M. Buffet est un esprit doctrinaire et cependant toujours indécis, qui ne se donnera jamais tout entier, qui se présentera dans une combinaison ministérielle, comme M. ûllivier, avec des condi
tions et un programme sur les choses et sur les personnes. Le premier article de ce programme serait actuellement le retrait de la loi sur l’armée.
Nous n’en sommes point, que je sache, à ce degré du régime parlementaire, et. je ne crois pas l’em
pereur disposé à passer ainsi sous les fourches caudines.
M. Alfred Le Roux a été fréquemment l’objet de conversations entre Sa Majesté et moi. Nous avons souvent pesé ses qualités et ses défauts; inutile de les retracer. Il serait certainement bien accueilli de la majorité, qui verrait en lui une ga
rantie de candidature officielle pour la plupart de ses membres.
M. Émile Oliivier a plus d’elao que M. Buffet, il se donnerait avec plus d’empressement ; mais quelles péripéties ne subirait pas ensuite, cette nature versatile, dont la générosité est gâtée par une malheureuse infatuation, et que tant de relations interlopes unissent avec les nuances politiques très-hostiles et très-avancées ?
Je suis d’ailleurs mal posé pour apprécier cette candidature. Loin de suivre l’indication que je lui avais donnée, avec l’autorisation de l’Empe
reur, de se mettre en bonnes relations avec la majorité par une franche explication, M, Émile Oliivier a plus que jamais épousé les hostilités
de M. Walewski contre moi; il m’a pris pour objectif personnel à la Chambre, pendant que l’ancien président du Corps législatif a organisé mon éreintement systématique et quotidien dans une feuille publique. Je sais bien que ce sont là
des feux de paille qu’éteindraient facilement quelques satisfactions ; mais quant à présent, les choses en sont à ce point que les questions de personnes sont devenues des questions de direction de la politique, et relèvent dès lors exclusivement du sentiment intime de l’empereur.
Quant à M. Segris, sa nomination plairait peu à la majorité ; mais ce sentiment s’effacerait assez vite. Ce député a du talent de parole, il riposte avec vigueur ; seulement ne serait-il pas très-ré
solu dans la conduite des affaires publiques ? On le pense également.
Je m’aperçois que j’ai omis de désigner M. Latour du Moulin. Je prie l’empereur de croire que cette omission n’était pas le résultat de la jalou
sie ; mais je confesse que ce travail a l’intention d’être sérieux.
Sénat.
Entrons, enfin, dans le cénacle des anciens, et voyons si nous serons assez heureux pour y trouver un homme.
La compositiôn du Sénat présente une pléiade d’anciens ministres, soit de l’intérieur, soit d’au
tres départements civils, et, en dehors, à peine deux ou trois individualités investies d’une certaine notoriété, au point de vue ministériel.
Les anciens ministres sont MM. Ferdinand Barrot, Bonjean, Boudet, Casablanca, de Ghasseloup-Laubat, Delangle, Drouyn deLhuys, Dumas, de la Bitte, Lefèvre-Duruüé, Magne, de Maupas, de Padoue, de Persignv, Rouland, de Royer, Walewski.
En dehors, je ne crois pouvoir citer que MM. de la Guéronnière, Devienne et Vuillefroy.
Si je ne me trompe, parmi les anciens ministres dont j’ai évoqué les noms, quatre seulement peuvent arrêter l’attention de l’empereur : ce sont MM. de Persigny, Walewski, de Royer et Magne. La nomination de l’un des deux pre
miers ne saurait s’expliquer que par un change-, ment de vues politiques. En tout cas, elle intro
duirait dans la composition du. ministère d’inévitables éléments de trouble et de dissolution.
Le choix de M. de Royer n’aurait aucun de ces inconvénients. Le premier président de la Cour des comptes est entièrement dévoué; il a le ta
lent nécessaire pour discuter et se bien défendre. Mais il a le travail très-lent, le caractère extrê
mement méticuleux, et je craindrais qu’il ne fût bien vite débordé par ce travail quotidien de l’intérieur, qui ne saurait être par sa nature renvoyé au lendemain.
M. Magne aurait toutes, mes préférences. Parole caime, claire, limpide, souvent ingénieuse;
jugement d’une grande sûrelé; esprit plein de modération, conservateur libéral avec prudence,
il remplirait son rôle avec l’autorité que donne toujours une longue carrière politique. Apparte
nant par ses affections a un autre groupe que ce
lui qui est aux affaires, il introduirait dans le Conseil quelques idées différentes ; il imposerait quelque réserve à certaines hostilités ardentes ; enfin il offrirait à l’empereur des garanties nou
velles d’exactitude, de vérité, de contrôle pour l’exercice de la haute direction et du gouvernement du chef de l’Etat.
On lui reprochera peut-être un peu de faiblesse de caractère et un peu de népotisme.
Je ne redouterais le premier reproche que si nous étions en face d’une émeute; mais alors la question deviendrait militaire.
Quant aux tendances à un népotisme un peu exagéré, je. crois la matière épuisée et, par conséquent, les occasions rares pour l’avenir.
Al’égard des au très sénateurs dont j’aiprononcé les noms, voici mon sentiment.
M. de la Guéronnière ne me paraît pas avoir les conditions voulues pour être ministre de l’inté
rieur. Il aurait avec la presse des camaraderies péiilleuses; il espérerait en conjurer les ardeurs, mais, d’une part, il n’y réussirait pas, et, de l’au
tre, il ferait à cette espérance les plus dangereux sacrifices.
Cependant, depuis quinze jours, cette candidature a été favorablement signalée par plusieurs personnes; M. de la Guéronnière l’a prise au sé
rieux, la nomination d’un autre personnage sera pour lui une déception, et, à la longue, cette dé
ception pourrait bien rendre le journal la France peu sympathique.
Nous ne sommes pas riches en défenseurs officieux, nous avons intérêt à ne pas nous exposer à les perdre ; nous sommes dès lors amenés à ces compositions transactionnelles qui sont souvent la condition d’existence des gouvernements parlementaires. Il me semblerait donc utile de créer une
Il ne faut employer qui l’on soupçonne, ni soupçonner qui l’on emploie.
Aug. Marc, directeur-gérant.
Imprimerie de riLi-us-nuTioN, A. MARC, 22, de Verneuil, à Paris. Encres typographiques de Ch. Loriüeu.
position à M. de la Guéronnière, et, comme sa fortune est en désordre, il serait peut-être bon de l’envoyer à l’étranger. Ne serait-il pas un utile remplaçant de M. de Malaret, avec la perspective plus ou moins éloignée de la conversion de la légation en ambassade V Puisque je touche incidemment à la question de notre représentation à l’é­ tranger, qu’il me soit permis de laisser la parenthèse un peu plus longtemps ouverte et de rap
peler à l’empereur certaines considérations que j’ai déjà eu l’honneur de lui soumettre.
Rien n’est plus regrettable que de laisser à Paris, inoccupées, de grandes individualités politiques
auxquelles l’empereur a cru devoir, au moins pour un temps, retirer les hautes fonctions.
Excités par des influences extérieures, ou cédant à une pente assez naturelle du caractère, ces hom
mes, désireux de rentrer aux affaires, se répandent en propos acerbes en critiques amères, nouent ou laissent se nouer autour d’eux les plus étranges coalitions, entretiennent ainsi le trouble et l’incer
titude dans les rangs de l’administration, non sans dommage réel pour l’autorité du chef de l’État.
Ces accusations de défaut de caractère, d’absence d’énergie et d’unité proviennent, en grande partie, d’espérances incessamment déçues, d’un chan
gement et dans les personnes et dans les idées. Ce n’est même que par ces espérances que peuvent être soutenues des relations avec des journaux de toutes couleurs et des personnages qui n’ont au
cune nuance, parce qu’ils les ont toutes. Tout cola ne produit que de l’indécision, du malaise et de l’inquiétude.
J’ajoute que de hautes fonctions diplomatiques seraient pour les hommes éminents auxquels je fais allusion une sauvegarde, contre eux-mêmes,
car ils atténuent par leurs agitations actuelles, et les solidarités qu’ils contractent, l’utilité des ser
vices qu’ils pourront rendre à un jour donné.
Aussi bien notre représentation diplomatique est des plus faibles à Rome, à Saint-Pétersbourg,
à Madrid. Lui donner une vi talité plus grande,, une action plus marquée eu face des complica
tions européennes actuelles serait faire un acte vraiment utile.
Jo ne veux citer qu’un exemple de cette action dissolvante sur laquelle j’ai eu récemment l’occa
sion d’être renseigné. Il frappera l’empereur par la gravité des inconvénients, je dirai presque des périls qui pourraient en être la conséquence. Il y a en réalité à Paris deux ministres de la guerre,
l’un rue Saint-Dommique, l’autre au Louvre; l’un qui agit et travaille, 1 autre qui blâme et désorganise. Les officiers -supérieurs cherchent inces
samment entre ces deux influences laquelle est la plus puissante pour leur avancement. Tous les mécontentements aboutissent au Louvre, et là, la formule stéréotypée pour démolir une candidature de la rue Saint-Dominique est celle-ci : « Of
ficier non dévoué, orléaniste, etc... » Combien d’erreurs, de dépits, d’irritations, d’indiscipline peuvent enfanter les indications de cetle petite
église dont le grand-prêtre annonce incessamment son avènement 1
Que l’empereur porte son attention sur toutes ces choses; elles n’ont de secondaire que l’appa
rence. C’est surtout par la discipline intérieure que les gouvernements se maintiennent et se fortifient. C’est une illusion que d’espérer apaiser ou réconcilier ses adversaires ; mais c’est être certain de les vaincre que de créer énergiquement la convergence des forces gouvernementales.
M. Devienne est doué d’une certaine austérité de caractère; il a de la fermeté, de l’énergie. Mais sa santé est ébranlée, l’âge commence à se faire sentir, et je ne sais s’il n’est pas un peu tard pour faire entrer cet homme* d’ailleurs éminent, dans une carrière nouvelle.
M. Vuillefroy se trouve un peu dans les mêmes conditions. C’est un homme de caractère, il a l’es
prit rectiligne et impétueux et ne manque jamais d’énergie. Mais ii est atteint d’une maladie assez grave et que des travaux sérieux empireraient très-vite, aussi je doute même qu’il voulût en entreprendre la tâche.
EXPLICATION DU DERNIER RERUS :
Tout lecteur du rébus ci-dessus qui en enverra une explication exacte avant samedi prochain, pourra récla
mer, au tiers de sa valeur, un des huit derniers volumes parus de VIllustration-, soit moyennant 6 fr. au lieu de la.