d’honneur pour arrêter la .lutte. On nous ferme l’issue; nous n’avons plus à prendre conseil que de notre courage, en renvoyant la responsabilité du sang versé à ceux qui, systématiquement, repoussent toute transaction.
« C’est à leur ambition personnelle que peuvent être immolés encore des milliers d’hommes : et quand l’Europe émue veut arrêter les combattants sur la frontière de ce champ de carnage pour y appeler les représentants de la nation et essayer la paix, oui, disent-ils, mais à la condition que cette population qui souffre, ces femmes, ces en
fants, ces vieillards qui sont les victimes inno
centes de la guerre, ne recevront aucun secours, afin que la trêve expirée, il ne soit plus possible à leurs défenseurs de nous combattre sans les faire mourir de faim.
« Yoilà ce que les chefs prussiensne craignêntpas de répondre à la proposition des quatre puissances.
Nous prenons à témoin contre eux le droit et la justice, et nous sommes convaincus que si, comme les nôtres, leur nation et leur armée pouvaient voter, elles condamneraient cette politique inhumaine.
« Qu’au moins il soit bien établi que jusqu’à Ja dernière heure, préoccupé des immenses et précieux intérêts qui lui sont confiés, le Gouverne
ment de la défense nationale a tout fait pour rendre possible une paix qui soit digne.
« On lui refuse les moyens de consulter la France. Il interroge Paris, et Paris tout entier se lève en armes pour montrer au pays et au monde ce que peut un grand peuple quand il défend son honneur, son foyer et l’indépendance de la patrie.
« Vous n’aurez pas de peine, monsieur, à faire comprendre des vérités si simples et à en faire le point de départ des observations que vous aurez à présenter lorsque l’occasion vous en sera fournie.
« Agréez, etc.
« Le ministre des affaires étrangères,
Jules Favre.


LE 31 OCTOBRE, A 9 HEURES 12 DU SOIR


Nous n avons point la triste tâche de décrire les divers incidents de cette journée douloureuse, que l’histoire seule pourra apprécier dignement avec une impartiale sévérité. Nous nous bornons à représenter, d’après le croquis d’un témoin ocu
laire, le tableau de la scène principale qui s’est passée dans le grand salon des fêtes, au moment décisif de la crise. Si le terrible malentendu eût duré, le sang des membres du gouvernement de la défense nationale eût pu être versé par des mains inconnues, par des meurtriers anonymes.
Assis à la table derrière laquelle le gouvernement de la défense nationale a trouvé son dernier rempart, le citoyen Flourens écrit une de ces mille listes improvisées qui se succédaient les unes aux autres, et dont beaucoup portaient comme marque de fabrique le nom de leur au
teur. Un citoyen, frère puîné du célèbre pompier du 15 mai, fait retentir les échos de la salle de roulements funèbres ! La plupart des hurleurs dont nous avons représenté quelques grappes ne paraissent pas l’entendre. Il y a un fouillis de fu
sils, de jambes, de bras, de drapeaux, de sabres. Des cris, des cris, encore des cris, jamais une idée! Et dans les ombres, le long des murs, des êtres qui dorment. Milton n’a rien rêvé de plus sinistre après avoir vu le cadavre de Crom
well traîné aux gémonies devant le peuple de Londres. A la lueur des lustres ballotés par la houle populaire, on voit la Hère et mâle figure des hommes à qui la France a confié le soin de sauver sa fortune ébréchée, son étoile vacillante, mais destinée à reprendre un éclat serein, pur, sublime !
Quoique tirée des rangs du peuple par des influences mystérieuses, incompréhensibles, cette foule n’était pas le peuple. Le plébiscite l’a victo
rieusement montré : cette foule sans lien moral, incapable de balbutier le nom du gouvernement nouveau qu’elle voulait introniser, cette foule a semblé commencer par se faire peur à ellemême, ce qui l’a empêchée d’avoir le temps de faire peur aux autres. W. de Fonvielle.
LE GÉNÉRAL DE MAUDHUY
Le général de Maudhuy a débuté dans la carrière par le siège d’Anvers. Il était sorti de l’école
militaire en 1829, et il commanda, en 1848, lagarde mobile de Paris jusqu’à son licenciement.
Gomme colonel, il fit partie de l’armée expéditionnaire de Grimée et fut nommé, en 1857, gé
néral de brigade, grade qu’il conserva jusqu’en 1870, où il fut promu général de division, et mis à la tête, en cette qualité, de la 2e division du 13e corps d’armée, commandée par le général Vinoy.
On sait que le 13° corps, envoyé au maréchal de Mac-Mahon, ne put le rejoindre à temps, et que la bataille de Sedan l’obligea à une retraite qui a fait le plus grand honneur au général Vinoy.
Rentré à Paris, par suite de cette retraite, le général de Maudhuy a pris part, depuis, à la défense de la capitale avec le corps auquel il appar
tenait, et dont les troupes furent successivement engagées dans les affaires des 19, 22, 23 et 30 septembre.
C’est même au général de Maudhuy et à sa division que l’on doit la reprise de la position de Villejuif, le fait d’armes le plus glorieux accompli par nos troupes depuis le commencement du siège.
Dans la récente formation des trois armées de Paris, le général de Maudhuy a été appelé au commandement de la 2e division du 1er corps de la deuxième armée, que commande en chef le général Ducrot.
C.-P. Doullay.
CHATEAUDUN
Encore une ville vaillante qui vient de s’illustrer, d’inscrire son nom au livre d’or de l’histoire, de faire décréter par la République qu’elle a bien mérité de la patrie !
Ghàteaudun a succombé.
Ghâteaudun est une petite ville de 6,700 habitants environ. Elle avait pour se défendre quelques gardes nationaux, quelques francs-tireurs parisiens, deux mille hommes tout au plus.
Les Prussiens sont venus, ils étaient cinq mille: ils n’ont pas pu prendre la ville!
Ils n’ont pas pu la prendre, le fait est incontestable, et pourtant Ghâteaudun est une ville sans rempart, par conséquent, sans défense....
Elle a lutté, et le Prussien n’a pu s’en rendre maître qu’en la bombardant, qu’en la brûlant, qu’en canonnant chaque maison une par une.
Cette lutte pied à pied a duré près de dix heures, de midi à neuf heures et demie du soir. Nous re
présentons le dernier acte de ce drame héroique. C’est le combat qui s’est livré pour défendre la grande place. La ville était pourtant perdue; mais les braves défenseurs combattaient encore, et les récits qui nous sont arrivés attestent que la place était couverte de cadavres prussiens.
Que d’actes héroiques ! que de traits de courage nous aurons à raconter ! M. de Larochefoucauld, duc de Doudeauviile, y a trouvé la mort. Il était dans son château de la Gandinière quand il apprit que les Prussiens marchaient sur Châteaudnn ; aussitôt il arme ses garde-chasses, ses domesti
ques, il leur adjoint quelques personnes de bonne volonté et se jette dans Ghâteaudun. Là, il com
battit en héros et tomba en Français vraiment digne de ce nom.
Honneur à lui ! il n’a point hésité à sacrifier la plus grande, la plus enviable des existences, au salut de la patrie.
LES ENROLEMENTS VOLONTAIRES
Dans les derniers jours d’octobre, la place du Panthéon nous a présenté un spectacle émouvant et patriotique.
Le maire du cinquième arrondissement avait fait un appel à tous ses concitoyens pour les enrôlements volontaires de la garde nationale.
Une tente énorme était dressée devant le monument et faisait face à la rue Souflïot. Cette tente restait ouverte tous les jours, de midi à quatre heures. C’est là qu’on s’inscrivait. Dix re
gistres recevaient les inscriptions des volontaires des dix bataillons de l’arrondissement. Deux au
tres registres étaient réservés, l’un au bataillon d’Ivry et l’autre aux volontaires que le manque d’armes n’a pas permis d’incorporer. Au centre était placé un tronc pour la souscription des canons.
Au sommet de la tente flotte un drapeau noir sur lequel sont inscrits ces trois noms : Strasbourg, Tout, Chdteaudun. A droite et à gauche, des fais
ceaux de drapeaux tricolores avec les initiales de la République française. Au-dessous une large banderolle qui porte ces mots :
« Citoyens, la patrie est en danger. Enrôlements volontaires de la garde naiionale. »
A gauche, la date 1792. A droite, la date 1870.
Dans le fond se détachent en gros caractères les numéros des dix bataillons de l’arrondissement et du bataillon d’Ivry pour lequel sont reçus les enrôlements. Ce sont les numéros 21, 59, 60, 118, 119, 98 (Ivry), 151, 160, 161, 163,248.
Au tond du bureau on voyait les proclamations du maire et des membres du comité d’armement. Voici les principaux passages de la proclamation, signée du maire, M. le docteur Bertillon, et des deux adjoints Friser et Vimont :
« Citoyens,
« La République de Venise avait son Livre d Or où elle inscrivait le nom des élus, des grands citoyens de la République.
« Pour garder le souvenir d’un patriotique dévouement, ouvrons aussi le Livre d Or du 5e arrondissement.
« La détermination d’un volontaire, d’un fils, d’un père de famille, n’est pas seulement un acte de dévouement du volontaire, mais aussi du vieux père, de Ja mère, de la sœur, de l’épouse. Comme autrefois, il faut que ce soit la femme qui boucle son ceinturon pour que l’homme parte fier et confiant.
« Françaises, vous tenez les cœurs des hommes dans vos mains; n y faites naître que de nobles et mâles résolutions ! »
La scène des enrôlements était des plus saisis
L’ennemi est donc entré; mais quand il s’est trouvé enfin maître de la ville, il à cherché vaine
ment Châteaudun, Châteaudun n’était plus qu’un monceau de cendres, et, soasces cendres que fou
laient les envahisseurs, il y avait dix-huit cents Prussiens ensevelis...
Châteaudun a bien mérité de la patrie.
C’était une charmante ville et une des plus -anciennes du département d’Eure-et-Loir...
Sous les Romains, elle s’appelait Gastello-Dunum ; les Francs l’ayant mise en leur possession, elle s’appela Ghateau Dun : Dun signifie éminence.
Le nom de la ville explique parfaitement la situation : les premières maisons se groupèrent sur la pente du coteau en haut duquel se dressait fièrement le château seigneurial.
Ce coteau lorme un demi-cercle; sur la pente du coteau, des maisons, des jardins, des vergers.... Il y avait à Ghâteaudun des fabriques de couver
tures, des tanneries, etc. C’est au point de vue agricole surtout que Châteaudun était riche. Il n’y a plus aujourd’hui que des ruines. Les Prussiens ont passé par là !
René du Merzer.