LES PHARES ÉLECTRIQUES
DE LA


DÉFENSE


Parmi les agents nouveaux que la science est venue mettre au service de la défense de Paris, la lumière électrique mé
rite d’occuper un des premiers rangs. Nous avons déjà eu oc
casion de signaler le rôle joué par elle à la dernière affaire de Gliâtillon, alors qu’inondant d’une clarté subite un espace occupé par l’ennemi, elle permit de déloger celui-ci des tra
vaux d’attaque qu’il cherchait à établir à la faveur de l’obscu
rité; ce seul exemple suffit à donner une idée des services que peut rendre la lumière électri
que dans une lutte comme celle que nous soutenons en ce mo
ment ; aussi, un grand nombre de points de l’enceinte ont-ils été munis de phares électri
ques, dont, chaque nuit, les jets lumineux sillonnent le ciel com
me des éclairs. Au nombre des appareils de ce genre, un des plus puissants et des plus cu
rieux est celui qui a ôté installé au sommet de là butte Montmartre, par les soins de M. Bazin.
M. Bazin n’est pas un inconnu pour les lecteurs de VIl
lustration ; c’est lui qui, appli. quant la lumière électrique aux investigations sous-marines , parvint à porter sa clarté éblouis
sante à des profondeurs où les rayons du soleil eux-mêmes
n’avaient jamais pénétré; nous avons eu occasion de décrire dans ce jourpal les curieuses expériences faites à ce sujet


DÉFENSE DE PARIS. — Phare électrique de Montmartre, intérier du poste installé au Moulin de la Galette.


dans la rade de Cherbourg, et, tout récemment encore, nous rendions compte des merveil
leux résultats obtenus par M. Bazin dans ses tentatives pour reprendre à la mer, en s’aidant de la lumière électrique, les ri
chesses ensevelies au fond de la baie de Vigo.
C’est, nous l’avons dit, à l’extrême sommet de la butte Mont
martre, à côté du Moulin-de-la- Galette, que M. Bazin a établi
son observatoire. Qui ne connaît ce rendez-vous classique où la population du faubourg allait le dimanche voir le poin t de vue en dégustant le petit bleu? Maintenant, les bosquets sont dé
serts, les chandelles se sont éteintes dans leurs lanternes de papier, dont les lambeaux pen
dent tristement, détrempés par la pluie, et le cliquetis des ver
res, les chansons des buveurs, ont fait place au bourdonne
ment d’une machine à vapeur. Nous suivons en gravissant l’é­ troit sentier en lacet qui con
duit à la plate-forme du mouiin Là, nous rencontrons M. Ba
zin, qui nous annonce que les expériences vont commencer. Il fait nuit noire; mais une lon
gue traînée blanche, jaillissant de derrière le moulin, barre le ciel et va se perdre au loin dans les nuages. Tout à coup, le fais
ceau lumineux s’abaisse, et nous découvrons la cathédrale de Saint-Denis; une partie du village est éclairée; armé d’une longue-vue, l’œil perçoit distinc
tement les moindres détails du paysage ; il semble qu’on puisse toucher du doigt ces murs sur lesquels on lit distinctement les affiches, ce factionnaire qui monte la garde à côté d’une
barricade; tout cela apparaît dans le disque de l’objectif,
JET Dé LUMIÈRE PROJETÉ SUR SAENT-OUEN PAR LE ELECTRIQUE DE MONTMARTRE.