été mises à l’abri des projectiles ennemis par une levée de terre considérable.
Ce travail éist certainement l’un des plus importants qui’aient .été exécutés. Il complète d’une fa
çon admirable la défense générale de Saint-Denis,
dont la plaine, du côté de Stains, est également inondée sur une .étendue de plusieurs kilomètres par la dérivation de la petite rivière la Crould, Cette place est donc défendue d’une façon formi
dable, et aucune tentative de l’ennemi n’est à craindre de ce côté.
C’est par les mêmes moyens que la. place de Lille a été inondée avant le blocus. MM. Neut et
Dumont ont ôté chargés de la fourniture et de l’installation d’un matériel de pompes pouvant débiter 1600 litres d’eau par seconde. L’eau est prise dans le canal d’Aire à la Bassée, à Cuinchy près Béthune, pour être déversée dans la Deule, qui s’écoule à son tour dans les fossés de la place de Lille. P. P.
Toujours d’un pôle à l’autre!
La semaine dernière, tout était fini, tout était perdu; c’était la fin du monde, et nous n avions plus qu’à nous couvrir la tête de cendres pour nous dire et nous répéter entre nous la funèbre salutation de la Trappe : « Frère, il faut mourir ! »
Paris est ainsi fait, et nous sommes habitués à voir son vaisseau symbolique monter du fond de l’abîme au sommet des vagues déchaînées. N’estce pas l’histoire de toutes les tempêtes?
La semaine dernière à sa fin tournait au désespoir, et comme un ballon qui vient de toucher terre, Paris, cette semaine, a rebondi.
Lundi, la proclamation du général Trochu nous dit : Soyons hommes! et mardi une dépêche nous annonce la reprise d’Orléans.
Et soudain Paris revient à l’espérance, et se demande si le triomphe de la Prusse, depuis trois mois, ne ressemblera pas à la bataille de Mal
plaquet, dans laquelle l’ennemi n’eut pour prix de sa victoire que le champ du combat couvert de ses morts.
Rapprochement étrange ! Aujourd hui, comme au temps de Jeanne d’Arc, notre délivrance commence par celle d’Orléans. Puissions-nous conti
nuer, eu répétant, comme l’héroïne de Vaucouleurs : Combattons jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un ennemi en France !
La France était, sous Charles VII, réduite à une désespérance plus grande qu’aujourd’hui. L’An
glais régnait à Paris, la France n’existait plus que de nom, et le dauphin disait, au château de Chinon, qu’il n’avait pas un gigot de mouton pour recevoir La Hire qui le venait visiter dans sa dé
tresse. Bien plus, le jeune roi, pour se consoler de la chute de son trône et de sa dynastie, oubliait, dans les plaisirs et les fêtes, les grands de
voirs qu’il avait à remplir. C’est à la dernière heure de cette crise épouvantable que la France sut prouver, par un suprême effort, qu’elle était véritablement le soldat de Dieu.
A propos de l’armistice.
Voici l’heure de montrer à l’Europe et au monde que le soldat de Dieu n’est pas dégénéré.
Nous ne pouvons tout dire et tout reproduire dans ce gigantesque pandœmonium parisien où les événements et les choses se succèdent et se métamorphosent, au jour, à l’heure et à la mi
nute; mais nous laisserions une lacune clans notre chronique, si nous omettions de consigner des observations qui méritent à coup sûr d’avoir leur place dans l’histoire.
M. de Bismark saura donc que Paris, comme la France, comme l’Europe, dit et redit à qui veut l’entendre, ainsi que le général Trochu vient de le faire, que l’armistice était bien certainement accepté avec ravitaillement par le quartier général prussien, et qu’il n’a subitement changé d’avis
qu’à la nouvelle de la journée du 31 octobre. Le grand ministre du roi Guillaume s’épanouissait sans doute à la pensée de voir, suivant son mot : « Paris cuire dans son jus. » Mais, déception amère! L’outrecuidant diplomate, en se jouant des quatre puissances, iie sera parvenu qu’à jus
tifier une fois de plus, aux yeux de L’Europe, le nom qu’il porte: Bismark signifie double marché.
Autre travers que ne manque jamais de nous montrer l’homme qui ne croit qu’à la force. Prenez et lisez le premier document diplomatique prus
sien qui vous tombera sous la main, et vous verrez que la conclusion finira toujours par faire retomber sur la France la responsabilité des événements. C’est un parti pris, et la Prusse est tou
jours innocente, à la façon de la fable du loup et de l’agneau. Dans son entretien avec M. Thiers,
M. de Bismark, suivant sa coutume, aurait encore dit à notre représentant : « Ges messieurs du Gou
vernement, en refusant la paix que nous leur offrons, sont responsables du sang qui va être versé. » Morale du coin des bois et des grands chemins, qui se traduit par un dialogue que vous connaissez bien :
— Vous m’étranglez et je n’ai rien fait !
— Tu n’as rien fait, malheureux? Juge un peu, si tu avais fait quelque chose.
Deux petites sourdines au tonnerre qui nous arrive des armées prussiennes.
D’un côté, impossible d’interroger un soldat prussien, saxon, mecklembourgeois, bavarois, sans
qu’il vous dise immédiatement : « Nous en avons assez! »
D’un autre côté, M. Thiers aurait reçu de Saint- Pétersbourg trois cassettes soigneusement ca
chetées. L’une contenaitles cartes des grands personnages de la cour et du monde officiel; l’autre, les cartes des officiers généraux de l’armée; la troisième, les cartes des hauts fonctionnaires de l’empire. Ces témoignages de vives sympathies sembleraient donner créance à la nouvelle de la lettre que l’empereur Alexandre aurait écrite à son oncle Guillaume, et dans laquelle il lui disait :
— « Je suis le seul homme de mon empire quirésiste encore à la résolution de vous faire la guerre. »


Autant de points noirs à l’horizon delà Prusse.


Les journaux prussiens à Versailles.
La vérité déborde et elle n’est pas à la louange de nos envahisseurs.
C’est évidemment pour l’obscurcir et pour empêcher la France de se reconnaître elle-même que M. de Bismark a eu l’ingénieuse idée de publier des journaux français à Versailles.
Vous connaissez le Nouvelliste de Versailles et le Moniteur officiel du quartier général prussien. M. de Bismark donnant des nouvelles des dépar
tements à Paris, et des nouvelles de Paris aux départements, est bien la conception la plus burlesque qu’ait jamais imaginée l’astucieuse politique de Berlin.
Avons-nous besoin de dire que dans cette invention renouvelée du lit de Procus te, toute version française est impitoyablement raccourcie et toute version allemande démesurément allongée. M. de Bismark en sera pour ses frais, el nul ne se laissera prendre à ces billets de La Châtre.
En résumé, nous revenons vis-à-vis de la Prusse à la seule politique rationnelle, la guerre !
Ce sont, les diplomates qui écrivent les trai
tés, disait un jour M. de Talleyrand au maréchal- Lamies.
— Oui, sans doute, répondit le maréchal; mais ce sont les militaires qui taillent les plumes.
Taillons donc nos plumes.
Le général Trochu.
La circulaire Trochu a mis, plus que jamais, le nom du général dans toutes les bouches, et les épithètes se croisent comme les volants sur les raquettes.
A Belleville, c’est un traître.
Sur les boulevards, c’est un sage.
Dans certains salons, c’est un Monk.
Dans les casernes, c’est « un rude lapin. » Dans les cafés, c’est un sphinx.
Aux remparts, « il a son plan. »
C est évidemment pour nous faire sentir l’exécution imminente de ce plan, que le général vient de nous adresser une proclamation nouvelle.
Mais, en vérité, pourquoi donc le général, en nous adressant son sursurn corda, prend-il un ton la
mentable et des airs funèbres? C’est surtout en présence de l’ennemi qu’une fanfare de guerre doit savoir enlever les cœurs !
Les canons.
Et quand parlera la poudre? Dès que nos canons seront prêts.
Nous consacrons un article spécial à cette question de la fonte de nos canons. Mais il est un côté vraiment intéressant de cette question palpitante qui a laissé son empreinte dans l’histoire du siège, et que nous ne pouvons laisser passer sous silence.
C’est, par exemple, le canon quiainspiréle plus d’affiches à l’imagination parisienne. L’artillerie nous en a montré de toutes les couleurs. Nous avons assisté au défilé des appels faits par les mairies, des appels faits par les comités spéciaux, par les comités scientifiques, et des appels faits par les citoyens.
Nous ne pouvons tout citer. Mais écoutez le cri jeté par « un vrai républicain » sur une immense affiche rouge où chacun lisait en lettres majuscules :
« Des canons, encore des canons, toujours des canons! »
« Dans la fameuse séance de l’Assemblée législative du 2 septembre 1792, Danton, « ce soufflet de forge qui enflammait le peuple, » terminait son discours par ces mots qui sont restés célèbres : « Que faut-il pour vaincre les ennemis do la pa
trie ? Il faut de l’audace, encore de l’audace, tou
jours de l’audace ! » Toute la France répondit au cri de Danton, et les républicains de 1792 chassèrent l’Europe coalisée qui occupait déjà la Lorraine.
« Que faut-il aujourd’hui pour opérer le même prodige? Il nous faut des canons, encore des canons, toujours des canons! Et pour avoir des ca
nons, que faut-il? De l’argent, encore de l’argent, toujours de l’argent! Que Paris, que le gouverne
ment de la défense nationale, qui est à l’heure présente l’incarnation de la France entière, ose faire aux caves de la Banque un emprunt de cent MILLIONS.
« Là est le salut! »
Nous avons eu ensuite la souscription patriotique des canons, et pour cette souscriptiou, comme
pour les ambulances, on peut dire qu’il n’est pas
un citoyen à Paris qui n’ait versé son obole. Les. bataillons de la garde nationale ont lutté de pa
triotisme. Ges jours derniers, une compagnie du 18e bataillon a offert à la République une batterie montée, avec les chevaux, le fourrage pour sept semaines, et une somme de 7,000 fr. pour les blessés.
Les souscriptions des journaux ont, de leur côté, montré la plus généreuse émulation.Unecotisation particulière s’est ouverte pour fondre un canon qui s’appellera La Populace, chargé de relever le mot de M. de Bismark.
Le pauvre a pu aussi apporter son obole. Le peuple, les femmes les enfants, les vieillards, tout le monde a souscrit, et les canons que nous al
lons entendre, créés au nom de la solidarité répu
blicaine, représenteront ce métal de Corinthe que le malheur de la patrie rendit inaltérable par la fusion de tous les métaux en un seul.
Que d’exemples touchants nous pourrions rappeler! Un entre mille. Dans un des clubs de nos faubourgs, un ouvrier demande la parole et monte à la tribune.
« Il faut des canons, s’écrie-t-il; mais il faut aussi des hommes, et j’ai trouvé le moyen de donner une souscription et un homme à la Ré
publique. Ce matin même je me suis vendu. Avec l’argent que j ’ai reçu, j ’ai fait la part de ma femme et de mes enfants, et j’apporte le reste pour les ca. nons. Je ne veux pas qu’on dise mon nom. Je n’ai pris la parole que pour donner un exemple, et je pars pour aller rei oindre mon régiment. »