LA DÉFENSE DE PARIS
LES CANONS.
Des canons ! C’est le mot que nous entendons répéter du matin jusqu’au soir, et nous ne devons pas nous en étonner, puisque le général Trochu, dans la lettre qu’il adressait au maire de Paris au sujet des volontaires de la garde natio
nale, confesse hautement lui-même que la fonte de nouveaux canons est la condition indispensable de notre salut,
A ce sujet, l’aveu du gouverneur de Paris nous donne le droit d’exprimer le regret sincère d’avoir vu trop longtemps examiner, discuter et préparer un travail qui devait être, depuis le 4 septembre, le point de mire de la défense nationale.
Nous avons laissé perdre un temps précieux par les questions d’attributions de pouvoirs et par les polémiques relatives au choix des modèles à adopter. A qui devait revenir le commandement, dans ces questions si complexes ? Le gouverne
ment de la défense nationale, le comité de défense de Paris, le ministère de la guerre, le ministère des travaux publics, le comité d’artillerie, repré
sentaient cinq autorités directes qui ont dû se nuire au lieu de s’entr’aider dans l’organisation de cette importante fabrication.
L’incident des canons de Vincennes nous a fait toucher du doigt, par un fait, la réalité de ces antagonismes de pouvoirs.
. Il a fallu une véritable lutte, en quelque sorte, pour amener le général directeur de l’artillerie à remettre ces canons.
Aujourd’hui, tous ces canons sont déterrés, et, de concert avec le général Guyod, les ingénieurs Lalanne et Lézaune ont été chargés de les mettre en position.
S’il en a été ainsi, pour savoir si l’on devait utiliser des canons que l’on abandonnait dans les arsenaux de Vincennes, quelles luttes n’a-t-on pas dû soutenir pour arriver à une commune entente au sujet de la fonte des nouveaux canons.
A ce propos nous pouvons dire ici que l’incertitude et l’indécision ne datent pas malheureuse
ment d’hier. Les rivalités d’opinions remontent à l’époque où l’on fit comparativement, au camp de
Châlons, l’expérience de nos canons rayés et des canons d’acier de l Angleterre et de la Prusse.
Settc épreuve fut décisive, et tous les journaux anglais et prussiens l’annoncèrent bruyamment urbi et orbi. Nos officiers supérieurs qui dirigèrent
les expériences, constatèrent eux-mêmes les résultats obtenus, dans un rapport bien connu qui fut traduit en Angleterre et en Prusse. Chacun des éléments de ce rapport constatait qu’au point de vue de la vitesse, de la portée, de la solidité,
de la tension delà trajectoire et de l’économie, nos canons rayés devaient céder le pas aux canons en acier. Pourquoi donc n’a-t-on pas, après ces expé
riences, changé l’arme de notre artillerie, comme on avait changé l’arme de notre infanterie? Hélas!
1 faut bien le dire : rejeter le canon rayé, c’eût ;té rejeter l’invention que s’attribuait l’Empereur, t, pour ne pas affronter la volonté impériale, on aissa passer inaperçu le progrès réalisé par l’Angleterre et la Prusse. On a donc commencé la
guerre avec le canon rayé, et en plaçant toute sa confiance daus le chassepot et la mitrailleuse.... On sait le reste !
Aujourd’hui, la nécessité de tout refaire, de tout refondre, de tout réorganiser n’a fait que
multiplier nos difficultés, et ces difficultés, il faut le reconnaître, se sont encore accrues par suite des résistances opposées par les comités directeurs.
L’histoire de la canonnière Farcy et celle de l’affût do l’amiral Labrousse, les services rendus par l’invention de M. Farcy pendant le siège sont aujourd hui reconnus par tous. Pourquoi donc n’a­ vons-nous donc encore qu’un seul modèlede ce mer
veilleux engin? L’adoption de l’affût de l’amiral Labrousse a donné lieu aux mêmes tiraillements
Ges préliminaires une fois posés, arrivons aux réalités présentes. Le rapport sur l’organisation de la défense, inséré au Journal officiel des 17 et 18 octobre, nous annonçait que notre artillerie de campagne de l’armée de Pans se composait de
20 batteries de 4 rayé ;
14 batteries de 12 rayé;
6 batteries de mitrailleuses.
A ce premier appoint, un décret du 28 octobre ajoute vingt nouvelles batteries et ce sont ces vingt nouvelles batteries que le Gouvernement de la défense a commandées à l’industrie privée.
C’est la fabrication de ces nouveaux canons que nous avons tenu à représenter dans ce numéro, et nous avons assisté à chacune des opérations re
produites par nos dessins. L’usine Gail, qui fond en ce moment les derniers canons do la première commande qui lui a été faite, a prouvé que l’in
dustrie privée pouvait avantageusement rivaliser avec les établissements çle l’Etat.
Résumons brièvement l’ensemble du travail d’un canon On façonne d’abord le moule dans le
quel devra être coulé le bronze. Autour d’une pièce do bois ayant la forme du canon, on dispose un mélange de sable fin et de terre grasse. Lors
que ces substances sont arrivées au degré voulu de consistance, on retirela pièce de bois. Le moule est soutenu par de nombreux cercles de fer.
Durant ce travail, un alliage formé de 94 0/0 de cuivre, de 5 d’étain et de 1 de zinc, placé dans un four à fusion, est soumis à la température connue sous le nom de chaleur rouge. On sait que l’étain donne beaucoup de souplesse et de dureté au cuivre.
Lorsque les métaux sont fondus, au moyen d’une grue on approche du trou de coulée un vase en terre réfractaire destiné à recevoir le métal li
quide ; une fois rempli, ce vase, toujours aumoyen de la grue, est transporté jusqu’au moule. Un
système de roues dentées l’incline et permet de remplir le moule.
Pour fabriquer un canon de 7, il faut faire fondre 1,800 kilogrammes de métal. Ge poids subit dans le coulage même une perte d’environ 500 ki
DÉFENSE DE PAIRS. — La fonte des canons de vonze dans l’usine Cail et Cie.
Les moulins à farine fonctionnant dans l’usine Cail et Cie
Tournage et forage des canons de bronze dans l’usine Cail et Cie.