SOMMAIRE.
Texte: Revue politique de la semaine. — Documents [diplomatiques. — Défense de Paris: l’atelier de fabrication des affûts de canons à la gare de Lyon et l’atelier de fabrication des ballonsposte à la gare d’Orléans. — Aux environs de Paris. — Les Châti
ments. — Lettre d’un mobile breton — Courrier de Paris. — Les papiers des Tuileries (suite). —Les Cantines municipales.
Gravures : Siège de Paris: la redoute prussienne de Brimborion, vue prise à la barricade du pont de Sèvres. — L’atelier de fa
brication des affûts de canon à la gare de Lyon. — L’atelier de fabrication des ballons-poste à la gare d’Orléans. — Pano
rama des hauteurs occupées par l’ennemi, de Montmorency à Maisons-Lafflte. — Cantine municipale de la rue Saint-Sauveur, 2° arrondissement. — Rébus.
Après la victoire d’Orléans, une dépêche de M. Gambetta, en date du 13 novembre, au Gou
vernement de la défense nationale, est venue fort heureusement dissiper le nuage qui couvrait pour Paris la situation des départements. Voici ce do’ cument, qui a produit à Paris l’impression la plus favorable :
« Nous vous avons annoncé notre mouvement offensif sur Orléans, qui a été repris après deux jours de marche, pendant lesquels deux gros combats ont été livrés, à Baccon et à Goulmiers, où nous avons fait 2,500 prisonniers, tout compte fait, et où nos troupes ont fait preuve du plus vigoureux élan. Nous occupons fortement les ap
proches de la ville, et nous pouvons repousser un retour offensif.
« L’état intérieur de la France est entièrement satisfaisant. L’ordre le plus complet règne à Lyon, à Marseille, à Perpignan, à Saint-Etienne. »
Une seconde dépêche, en date du 16, confirme ces heureuses nouvelles et annonce qu’outre les 200,000 hommes qui sont en-ligne sur la Loire,
nous aurons au 1er décembre une nouvelle armée de 100,000 hommes parfaitement organisée, avec une réserve de 20ff000 hommes mobilisés.
Cette attitude des départements nous permet donc de compter sérieusement sur uile offensive eflicace de la part des nouvelles armées de la pro
vince. Sans préciser le chiffre des forces qui les composent, on sait aujourd’hui que ces armées forment autour de nos envahisseurs un vaste réseau de résistance. Sur la Loire, l’armée com
mandée par le général d’Aurelies de Paladines est appuyée par l’armée de l’Ouest, commandée par M. de Kératry. Dans le Nord, l’armée com
mandée par le général Bourbaki a pour auxiliaire le corps dirigé dans la Normandie par M. Estancelin. Au Sud et à l’Est, les armées de Lyon, de la Franche-Comté et des Vosges présentent également une consistance de jour en jour plus rassu
rante. La province est donc loin de s’abandonner, comme on le disait, aux idées de fédéralisme et de décentralisation. L’unité française se retrouve et s’affirme. La proclamation du général Bourbaki,
publiée au nom de la République française, est adressée aux citoyens, aux gardes nationaux, aux soldats et aux gardes mobiles. Nous revenons donc, ainsi que nous l’avons dit bien souvent, à la situation de 1792, et à cette époque la France n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui.
Lesidées de résistance, fortifiéesparl’attitudedes départements, n’ont pu que s’enraciner également dans-l’esprit de la population de Paris. Les compagnies de guerre de la garde nationale son t or
ganisées, et l’on n’attend plus que la livraison complète des canons commandés à l’industrie privée pour entrer en campagne.
On sait que le gouvernement avait fait une première commande de 300 canons se chargeant par la culasse. Sur ces 300, il en a été livré 200,
et, cette semaine, les 100 autres seront prêts à mettre en batterie.
Mais à ce chiffre de 300 pièces, il convient d’a jouter les 300 qui proviennent de la transformation des obusiers do. 12 en pièces de 7. Cette transformation est complètement achevée. G’es-t donc
bien, en réalité, de 600 pièces et non de 300 que notre artillerie sera renforcée. Ajoutons que les expériences de ces nouveaux canons ont donné, de l’avis de tous les hommes compétents, les résultats les plus satisfaisants.
L’armée et la lutte, telles sont les seules préoccupations du moment. Aussi l’opinion a-t-elle été péniblêment surprise d’apprendre que des officiers
de la garde mobile de Paris, de garde aux avantpostes, avaient eu des relations avec les officiers des lignes prussiennes. Le général Trochu a flé
tri énergiquement cette conduite. Son ordre du jour, en date du 19 novembre, se termine ainsi ;
« Ma sévérité s’exercera par tous les moyens pour ramener dans le devoir ceux qui s’en seront écartés; mais j’ai le ferme espoir que je n’aurai plus l’occasion de sévir, et que mon appel au pa
triotisme et à l’honneur des officiers, sous-officiers et soldats du corps d’armée sera entendu. »
En dehors de la question de guerre, question dominante aujourd’hui , nous n’avons à si
gnaler que l’avis, pour le moins sévère, que le ministre des finances vient d’adresser aux porteurs de certificats du dernier emprunt. Voici cet avis :
« Le ministère des finances rappelle à ceux des porteurs de certificats qui n’ont pas encore libéré le terme d’octobre que, à défaut de payement dans le délai d’un mois, le montant du certificat de
vient exigible en totalité, et qu’en outre le porteur du certificat encourt la déchéance de son droit. »
Nous n’hésitons pas à déclarer que la mesure sera unanimement blâmée, comme injuste pour les intéressés et comme préjudiciable au crédit de l’État. Ce n’est pas en ce moment que nous devons songer à porter atteinte au crédit du pays.
Et puis, les porteurs de certificats pourraient rappeler au ministère des finances que le Gouver
nement a suspendu les exigibilités de payement des effets de commerce et des loyers, e.t lui faire observer que les exigibilités dépendent les unes des autres, et que cette menace de déchéance au
rait pu être remplacée par un appel à la bonne volonté et au patriotisme des capitalistes. La dé
chéance est de trop, en équité et même en droit,
puisqu’on a, d’autre part, jugé à propos délaisser dormir la loi.
Nous publions ci-après deux circulaires, ayant trait à la mission de M. Thiers, et relatives à l’armistice. — On y verra, d’une part, à quelles prétendues causes M. de Bismark impute la rup
ture des négociations, et comment, de son côté,
M. Jules Favre , notre ministre des affaires étrangères, réfute les imputations du chancelier fédéral. Aug. Marc.
DOCUMENTS DIPLOMATIQUES
La circulaire suivante, insérée au Moniteur officiel (prussien) de Seine-et-Oise, a été adressée par M. de Bismark aux représentants de la Prusse à l’étranger -.
Versailles, le 8 novembre 1870.
Il est à votre connaissance que M. Thiers avait exprimé le désir de pouvoir se rendre, pour négo
cier, au quartier général, après qu’il se serait mis en communication avec les différents membres du gouvernement de la défense nationale à Tours et à Paris. Sur l’ordre de Sa Majesté le Roi, je me suis déclaré prêt à avoir cet entretien, et M. Thiers a obtenu de se rendre d’abord, le 30 du mois dernier, à Paris, d’où il est revenu, le 31, au quartier général.
Le fait qu’un homme d’Etat de l’importance de M. Thiers, et ayant son expérience des affaires,
eût accepté les pleins pouvoirs du gouvernement parisien me faisait espérer que des propositions nous seraient faites dont l’acceptation nous fût possible et aidât au rétablissement de la paix. J’accueillis M. Thiers avec les égards et la déférence auxquels sa personnalité éminente, abstrac
tion faite même de nos relations antérieures, lui donnait pleinement le droit de prétendre.
M. Thiers déclara que la France, suivant le désir des puissances neutres, était prête à conclure un armistice,
Sa Majesté le roi, en présence de cette déclaration, avait à considérer qu’un armistice entraîne nécessairement pour l’Allemagne tous les dés
avantages qui résultent d’une prolongation de la campagne pour une armée dont l’entretien repose sur des centres de ressources fort éloignés.
En outre, avec l’armistice, nous prenions l’obligation de faire rester stationnaires dans les positions qu’elles auraient eues au jour de la signa
ture, les masses de troupes allemandes rendues disponibles par la capitulation de Metz, et de re
noncer ainsi à occuper de nouvelles portions du territoire ennemi, dont nous pouvons actuelle
ment nous rendre maîtres sans coup férir, ou du moins en n’ayant à vaincre qu’une résistance peu sérieuse.
Les armées allemandes n’ont pas à attendre dans les prochaines semaines un accroissement essen
tiel de leurs forces; au contraire, la France, grâce à l’armistice, se serait assuré la possibilité de développer ses propres ressources, de compléter l’or
ganisation des troupes déjà en formation, et, — si les hostilités devaient recommencer à l’expira
tion de l’armistice, — de nous opposer des corps de troupes capables de résistance, qui aujourd’hui encore n’existent pas.
Malgré ces considérations, le désir de faire le premier pas pour la paix prévalut chez S. M: le Roi, et je fus autorisé à aller immédiatement au
devantdecequesouhaitaitM. Thiers, en consentant un armistice de 25, ou même, comme il le désira plus tard, de 28 jours, sur le pied du statu quo militaire pur et simple, — à partir du jour de la signature.
Je lui proposai : qu’une ligne de démarcation, à tracer, arrêtât la situation des troupes alleman
des et françaises, telle que, de part et d’autre, elle serait au jour de la signature; que durant quatre semaines les hostilités restassent suspendues; que, pendant ce temps, fût élue et constituée une re
présentation nationale. Pour les Français, — de cette suspension d’armes il ne devait résulter mi
litairement, pendant la durée de l’armistice, que l’obligation de renoncer à de faibles sorties, tou
jours malheureuses, et à un gaspillage inutile et incompréhensible des munitions d’artillerie par le tir des forts.
Relativement aux élections en Alsace, je pus déclarer que nous n’insisterions sur aucune stipu
lation qui dût, avant la conclusion de la paix, mettre en question que les départements alle
mands fissent partie de la France, — et que nous ne demanderions pas compte à un de leurs habi
tants de ce qu’il eût figuré, comme représentant de ses compatriotes, dans une assemblée nationale française.
Je fus étonné lorsque le négociateur français rejeta ces propositions, qui étaient tout à l’avan
tage de la France, et déclara ne pouvoir accepter un armistice que si l’on y comprenait la faculté pour Paris de s’approvisionner sur une grande échelle. Je lui répondis que cette faculté contien
drait une concession militaire excédant à tel point le statu quo et toute exigence raisonnable, que je devais lui demander s’il était en situation de m’offrir un équivalent, et lequel?
M. Thiers répondit qu’il n’avait pas pouvoir de faire aucune contre-proposition militaire, et qu’il devait poser la condition du ravitaillement de Pa
ris, sans pouvoir, offrir en compensation rien autre chose que le bon vouloir du gouvernement parisien pour mettre à même la nation française d’é
lire une représentation d’où vraisemblablement sortirait une autorité avec laquelle il nous serait possible de négocier la paix.
Dans cette situation, j’eus à soumettre au roi et à ses conseillers militaires le résultat de nos négociations.
Sa Majesté le roi fut justement surpris de demandes militaires si excessives, et déçu dans ce qu’il avait attendu des négociations avec M. Thiers
L incroyable exigence d’après laquelle nous au
rions dû renoncer au fruit de tous les efforts faits depuis deux mois, à tous les avantages acquis par nous, et remettre les choses au point où elles étaient lorsque nous commençâmes à investi;’
Texte: Revue politique de la semaine. — Documents [diplomatiques. — Défense de Paris: l’atelier de fabrication des affûts de canons à la gare de Lyon et l’atelier de fabrication des ballonsposte à la gare d’Orléans. — Aux environs de Paris. — Les Châti
ments. — Lettre d’un mobile breton — Courrier de Paris. — Les papiers des Tuileries (suite). —Les Cantines municipales.
Gravures : Siège de Paris: la redoute prussienne de Brimborion, vue prise à la barricade du pont de Sèvres. — L’atelier de fa
brication des affûts de canon à la gare de Lyon. — L’atelier de fabrication des ballons-poste à la gare d’Orléans. — Pano
rama des hauteurs occupées par l’ennemi, de Montmorency à Maisons-Lafflte. — Cantine municipale de la rue Saint-Sauveur, 2° arrondissement. — Rébus.
Après la victoire d’Orléans, une dépêche de M. Gambetta, en date du 13 novembre, au Gou
vernement de la défense nationale, est venue fort heureusement dissiper le nuage qui couvrait pour Paris la situation des départements. Voici ce do’ cument, qui a produit à Paris l’impression la plus favorable :
« Nous vous avons annoncé notre mouvement offensif sur Orléans, qui a été repris après deux jours de marche, pendant lesquels deux gros combats ont été livrés, à Baccon et à Goulmiers, où nous avons fait 2,500 prisonniers, tout compte fait, et où nos troupes ont fait preuve du plus vigoureux élan. Nous occupons fortement les ap
proches de la ville, et nous pouvons repousser un retour offensif.
« L’état intérieur de la France est entièrement satisfaisant. L’ordre le plus complet règne à Lyon, à Marseille, à Perpignan, à Saint-Etienne. »
Une seconde dépêche, en date du 16, confirme ces heureuses nouvelles et annonce qu’outre les 200,000 hommes qui sont en-ligne sur la Loire,
nous aurons au 1er décembre une nouvelle armée de 100,000 hommes parfaitement organisée, avec une réserve de 20ff000 hommes mobilisés.
Cette attitude des départements nous permet donc de compter sérieusement sur uile offensive eflicace de la part des nouvelles armées de la pro
vince. Sans préciser le chiffre des forces qui les composent, on sait aujourd’hui que ces armées forment autour de nos envahisseurs un vaste réseau de résistance. Sur la Loire, l’armée com
mandée par le général d’Aurelies de Paladines est appuyée par l’armée de l’Ouest, commandée par M. de Kératry. Dans le Nord, l’armée com
mandée par le général Bourbaki a pour auxiliaire le corps dirigé dans la Normandie par M. Estancelin. Au Sud et à l’Est, les armées de Lyon, de la Franche-Comté et des Vosges présentent également une consistance de jour en jour plus rassu
rante. La province est donc loin de s’abandonner, comme on le disait, aux idées de fédéralisme et de décentralisation. L’unité française se retrouve et s’affirme. La proclamation du général Bourbaki,
publiée au nom de la République française, est adressée aux citoyens, aux gardes nationaux, aux soldats et aux gardes mobiles. Nous revenons donc, ainsi que nous l’avons dit bien souvent, à la situation de 1792, et à cette époque la France n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui.
Lesidées de résistance, fortifiéesparl’attitudedes départements, n’ont pu que s’enraciner également dans-l’esprit de la population de Paris. Les compagnies de guerre de la garde nationale son t or
ganisées, et l’on n’attend plus que la livraison complète des canons commandés à l’industrie privée pour entrer en campagne.
On sait que le gouvernement avait fait une première commande de 300 canons se chargeant par la culasse. Sur ces 300, il en a été livré 200,
et, cette semaine, les 100 autres seront prêts à mettre en batterie.
Mais à ce chiffre de 300 pièces, il convient d’a jouter les 300 qui proviennent de la transformation des obusiers do. 12 en pièces de 7. Cette transformation est complètement achevée. G’es-t donc
bien, en réalité, de 600 pièces et non de 300 que notre artillerie sera renforcée. Ajoutons que les expériences de ces nouveaux canons ont donné, de l’avis de tous les hommes compétents, les résultats les plus satisfaisants.
L’armée et la lutte, telles sont les seules préoccupations du moment. Aussi l’opinion a-t-elle été péniblêment surprise d’apprendre que des officiers
de la garde mobile de Paris, de garde aux avantpostes, avaient eu des relations avec les officiers des lignes prussiennes. Le général Trochu a flé
tri énergiquement cette conduite. Son ordre du jour, en date du 19 novembre, se termine ainsi ;
« Ma sévérité s’exercera par tous les moyens pour ramener dans le devoir ceux qui s’en seront écartés; mais j’ai le ferme espoir que je n’aurai plus l’occasion de sévir, et que mon appel au pa
triotisme et à l’honneur des officiers, sous-officiers et soldats du corps d’armée sera entendu. »
En dehors de la question de guerre, question dominante aujourd’hui , nous n’avons à si
gnaler que l’avis, pour le moins sévère, que le ministre des finances vient d’adresser aux porteurs de certificats du dernier emprunt. Voici cet avis :
« Le ministère des finances rappelle à ceux des porteurs de certificats qui n’ont pas encore libéré le terme d’octobre que, à défaut de payement dans le délai d’un mois, le montant du certificat de
vient exigible en totalité, et qu’en outre le porteur du certificat encourt la déchéance de son droit. »
Nous n’hésitons pas à déclarer que la mesure sera unanimement blâmée, comme injuste pour les intéressés et comme préjudiciable au crédit de l’État. Ce n’est pas en ce moment que nous devons songer à porter atteinte au crédit du pays.
Et puis, les porteurs de certificats pourraient rappeler au ministère des finances que le Gouver
nement a suspendu les exigibilités de payement des effets de commerce et des loyers, e.t lui faire observer que les exigibilités dépendent les unes des autres, et que cette menace de déchéance au
rait pu être remplacée par un appel à la bonne volonté et au patriotisme des capitalistes. La dé
chéance est de trop, en équité et même en droit,
puisqu’on a, d’autre part, jugé à propos délaisser dormir la loi.
Nous publions ci-après deux circulaires, ayant trait à la mission de M. Thiers, et relatives à l’armistice. — On y verra, d’une part, à quelles prétendues causes M. de Bismark impute la rup
ture des négociations, et comment, de son côté,
M. Jules Favre , notre ministre des affaires étrangères, réfute les imputations du chancelier fédéral. Aug. Marc.
DOCUMENTS DIPLOMATIQUES
La circulaire suivante, insérée au Moniteur officiel (prussien) de Seine-et-Oise, a été adressée par M. de Bismark aux représentants de la Prusse à l’étranger -.
Versailles, le 8 novembre 1870.
Il est à votre connaissance que M. Thiers avait exprimé le désir de pouvoir se rendre, pour négo
cier, au quartier général, après qu’il se serait mis en communication avec les différents membres du gouvernement de la défense nationale à Tours et à Paris. Sur l’ordre de Sa Majesté le Roi, je me suis déclaré prêt à avoir cet entretien, et M. Thiers a obtenu de se rendre d’abord, le 30 du mois dernier, à Paris, d’où il est revenu, le 31, au quartier général.
Le fait qu’un homme d’Etat de l’importance de M. Thiers, et ayant son expérience des affaires,
eût accepté les pleins pouvoirs du gouvernement parisien me faisait espérer que des propositions nous seraient faites dont l’acceptation nous fût possible et aidât au rétablissement de la paix. J’accueillis M. Thiers avec les égards et la déférence auxquels sa personnalité éminente, abstrac
tion faite même de nos relations antérieures, lui donnait pleinement le droit de prétendre.
M. Thiers déclara que la France, suivant le désir des puissances neutres, était prête à conclure un armistice,
Sa Majesté le roi, en présence de cette déclaration, avait à considérer qu’un armistice entraîne nécessairement pour l’Allemagne tous les dés
avantages qui résultent d’une prolongation de la campagne pour une armée dont l’entretien repose sur des centres de ressources fort éloignés.
En outre, avec l’armistice, nous prenions l’obligation de faire rester stationnaires dans les positions qu’elles auraient eues au jour de la signa
ture, les masses de troupes allemandes rendues disponibles par la capitulation de Metz, et de re
noncer ainsi à occuper de nouvelles portions du territoire ennemi, dont nous pouvons actuelle
ment nous rendre maîtres sans coup férir, ou du moins en n’ayant à vaincre qu’une résistance peu sérieuse.
Les armées allemandes n’ont pas à attendre dans les prochaines semaines un accroissement essen
tiel de leurs forces; au contraire, la France, grâce à l’armistice, se serait assuré la possibilité de développer ses propres ressources, de compléter l’or
ganisation des troupes déjà en formation, et, — si les hostilités devaient recommencer à l’expira
tion de l’armistice, — de nous opposer des corps de troupes capables de résistance, qui aujourd’hui encore n’existent pas.
Malgré ces considérations, le désir de faire le premier pas pour la paix prévalut chez S. M: le Roi, et je fus autorisé à aller immédiatement au
devantdecequesouhaitaitM. Thiers, en consentant un armistice de 25, ou même, comme il le désira plus tard, de 28 jours, sur le pied du statu quo militaire pur et simple, — à partir du jour de la signature.
Je lui proposai : qu’une ligne de démarcation, à tracer, arrêtât la situation des troupes alleman
des et françaises, telle que, de part et d’autre, elle serait au jour de la signature; que durant quatre semaines les hostilités restassent suspendues; que, pendant ce temps, fût élue et constituée une re
présentation nationale. Pour les Français, — de cette suspension d’armes il ne devait résulter mi
litairement, pendant la durée de l’armistice, que l’obligation de renoncer à de faibles sorties, tou
jours malheureuses, et à un gaspillage inutile et incompréhensible des munitions d’artillerie par le tir des forts.
Relativement aux élections en Alsace, je pus déclarer que nous n’insisterions sur aucune stipu
lation qui dût, avant la conclusion de la paix, mettre en question que les départements alle
mands fissent partie de la France, — et que nous ne demanderions pas compte à un de leurs habi
tants de ce qu’il eût figuré, comme représentant de ses compatriotes, dans une assemblée nationale française.
Je fus étonné lorsque le négociateur français rejeta ces propositions, qui étaient tout à l’avan
tage de la France, et déclara ne pouvoir accepter un armistice que si l’on y comprenait la faculté pour Paris de s’approvisionner sur une grande échelle. Je lui répondis que cette faculté contien
drait une concession militaire excédant à tel point le statu quo et toute exigence raisonnable, que je devais lui demander s’il était en situation de m’offrir un équivalent, et lequel?
M. Thiers répondit qu’il n’avait pas pouvoir de faire aucune contre-proposition militaire, et qu’il devait poser la condition du ravitaillement de Pa
ris, sans pouvoir, offrir en compensation rien autre chose que le bon vouloir du gouvernement parisien pour mettre à même la nation française d’é
lire une représentation d’où vraisemblablement sortirait une autorité avec laquelle il nous serait possible de négocier la paix.
Dans cette situation, j’eus à soumettre au roi et à ses conseillers militaires le résultat de nos négociations.
Sa Majesté le roi fut justement surpris de demandes militaires si excessives, et déçu dans ce qu’il avait attendu des négociations avec M. Thiers
L incroyable exigence d’après laquelle nous au
rions dû renoncer au fruit de tous les efforts faits depuis deux mois, à tous les avantages acquis par nous, et remettre les choses au point où elles étaient lorsque nous commençâmes à investi;’