Paris, — ne pouvait fournir qu’une nouvelle preuve qu’à Paris on cherchait les prétextes pour refuser à. la France des élections, mais non pas une occasion de les faire sans empêchement.
D’après le désir que j’exprimai d’essayer encore, avant la continuation des hostilités, de s’entendre sur d’autres bases, M. Thiers eut, le 5 de ce mois,
aux avant-postes, un nouvel entretien avec les membres du gouvernement de Paris, pour leur proposer un court armistice sur la base du statu
quo, ou la simple convocation des électeurs, sans armistice conclu par une convention, — auquel cas je pouvais promettre que nous accorderions
toute liberté et toute facilité compatibles avec la sûreté militaire.
M. Thiers ne m’a point donné de détails sur son dernier entretien avec MM. Favre et Trochu;
il n’a pu me communiquer, comme résultat de cette conférence, l’instruction qu’il avait reçue de rompre les négociations et de quitter Versailles,
puisqu’un armistice avec ravitaillement de Paris ne pouvait être obtenu.
„ H est reparti pour Tours, le 7 au matin.
De cours des négociations n’a fait que me. convaincre d’une chose, c’est que les membres du gouvernement actuel en France, dès leur avène
ment au pouvoir, n’ont pas voulu sérieusement laisser l’opinion du peuple français s’exprimer par la libre élection d’une représentation natio
nale, — qu’ils avaient tout aussi peu l’intention d’arriver à conclure un armistice, êt qu’ils n’ont posé une condition dont l’inadmissibilité ne pou
vait être mise en doute par eux, que pour ne pas répondre par un refus aux puissances neutres, dont ils espèrent l’appui.
Je vous prie de vouloir bien vous exprimer conformément au contenu de cette dépêche, dont vous êtes autorisé à donner lecture.
________ De Bismabk.
CIRCULAIRE DE M. JULES FAVRE
Le document suivant a été adressé à tous les agents de la France à l’étranger par M. Jules Favre, vice-président du Gouvernement de la dé
fense nationale, ministre des affaires étrangères :
« Monsieur, vous avez eu certainement connaissance de la circulaire par laquelle M. le comte de Bismark explique le refus opposé par la Prusse aux conditions de ravitaillement proportionnel que comportait naturellement la proposition d’armistice émanée des puissances neutres. ‘Ce document rend une rectification d’autant plus néces
saire que, par une préoccupation très-conforme d’ailleurs à toute sa politique antérieure, le représentant de la Prusse y a négligé des faits importants, dont l’omission ne pourrait manquer d’induire l’opinion publique en erreur.
« En lisant son travail, on doit croire que M. Thiers a demandé, au nom du Gouvernement de la défense nationale, l’ouverture d’une négociation,- et que la Prusse Ta acceptée par un sentiment d’é
gard pour le caractère personnel de notre envoyé et par le désir d’arriver, s’il était possible, à une conciliation. Le chancelier de la Confédération du Nord paraît oublier, et il est indispensable de rappeler, que la proposition d’armistice sur la
quelle M. Thiers est venu conférer, appartient aux puissances neutres, et que Tune d’elles a bien voulu faire auprès de la Prusse la démarche qui a donné à notre négociateur l’occasion d’entrer en pourparlers.
« Ce bon office n’était point un fait isolé. Dès le 20 octobre, lord Granville adressait à lord Loftus
une dépêche communiquée au cabinet de Berlin et dans laquelle il exposait, avec une grande au
torité, les raisons d’intérêt européen qui devaient amener la cessation de la guerre.
« Parlant de la continuation du siège et de l’é
ventualité de la prise de Paris, le chef du E’oreign- Office disait :
« Il n’est pas déraisonnable de mettre dans la « balance les avantages et les désavantages qui « accompagneront un tel fait; et ces désavantages « touchent tellement aux sentiments de l’huma
« nité, que le Gouvernemen t de la Reine se croit « obligé de les signaler au Roi et à ses ministres.
« Le souvenir amer des trois derniers mois peut « être un jour effacé par le temps et par le senti« ment de la bravoure de l’ennemi sur les champs « de bataille.
« Mais il y a des degrés dans l’amertume, et la « probabilité d’une guerre nouvelle et irrécon« ciliable sera considérablement augmentée si
« toute une génération de Français a devant les « yeux le spectacle de la destruction d’une capi« taie, accompagnée de la mort de personnes sans « armes, de la destruction de trésors d’art et de « science, de souvenirs historiques d’un prix ines« timable, impossibles à remplacer.
« Une telle catastrophe sera terrible pour la « France et dangereuse pour la paix future de « l’Europe ; en même temps, elle ne sera, comme « le Gouvernement de la; Reine le croit, à per« sonne plus pénible qu’à l’Allemagne et à ses « princes. Le Gouvernement français a décliné « les négociations de paix depuis l’entrevue de « M. de Bismark et de M. Jules Favre; mais le « Gouvernement de la Reine a pris sur lui d’in« sister auprès du Gouvernement provisoire pour « qu’il consente à un armistice qui pourrait abou
ti tir à ,1a convocation d’une Assemblée consti« tuante et au rétablissement de la paix.
« Le Gouvernement de la Reine n’a pas omis de « faire sentir à Paris la nécessité de faire toutes « les concessions compatibles dans la situation « actuelle avec l’honneur de la France. Le gou
« vernement de la Reine ne se croit pas autorisé « à l’affirmer, mais il ne peut pas croire que les « représentations faites par lui resteront sans effet. « Pendant cette guerre, deux causes morales ont
« à un degré incalculable, servi l’immense puis« sance matérielle des Allemands : ils ont com
« battu pour repousser l’invasion étrangère et « affirmer le droit d’une grande nation à se consti« tuer de la manière la plus propre à développer « ses aptitudes.
« La gloire de leurs efforts sera rehaussée si « l’histoire peut dire que le roi a épuisé tous les « moyens pour rétablir la paix, et que les condi
« fions de paix étaient justes, modérées, en har« monie avec la politique et les sentiments de « de notre époque. »
« Au moment où le ministre anglais tenait ce langage à la Prusse, son ambassadeur insistait à Tours sur les mêmes coûsidérations, sans jamais mettre en doute que l’armistice ne dût être néces
sairement accompagné de ravitaillement/ll m’est permis d’ajouter que, sur ce point, qui a été le
seul objet du débat, l’opinion du chancelier de la Confédération du Nord ne pouvait être différente, puisqu’il avait eu connaissance de la mission offi
cieuse du général Burnside, auquel il avait parlé d’un armistice sans ravitaillement que le Gouvernement de la défense nationale n’avait pu accepter.
« C’était donc dans les termes du droit commun, c’est-à-dire avec un ravitaillement proportionnel à la durée, que l’Angleterre conseillait l’armistice; c’est aussi dans ces termes qu’il fut compris par les autres puissances, et directement proposé à la Prusse par une correspondance et des télégram
mes auxquels elle adhéra. Dans sa conférence avec les membres du Gouvernement, le 30 octobre,
M. Thiers n’admettait pas que cette condition pût être contestée en principe; seulement, il avait Tordre, auquel il s’est certainement conformé, de ne point être rigoureux pour son application.
« Aussi est-ce par erreur que le chancelier de la Confédération du Nord affirme qu’il aurait dé
claré « ne pouvoir accepter un armistice que si » Ton y comprenait la faculté, pour Paris, de « s’approvisionner sur une grande échelle. » Cette assertion est inexacte.
« Les chiffres d’une consommation journalière et modérée avaient été minutieusement arrêtés par le ministre du commerce, et seuls ils servaient de base à notre réclamation, strictement limitée au nombre de jours de l’armistice. En cela, nous
étions d’accord avec l’usage et l’équité, avec l’intention des puissances neutres, et, nous le croyions,
avec le consentement de la Prusse elle-même. Peut-être n’eût-elle pas songé à le retirer sans la reddition de Metz et sans la funeste journée du 31 octobre, accueillie par elle avec une satisfaction mal dissimulée.
« Le chancelier de la Confédération du Nord insiste sur les inconvénients auxquels l’armistice exposait l’armée assiégeante. Mais il ne tient pas compte de ceux, bien autrement graves, du nonravitaillement pour la ville assiégée. Ces incon
vénients sont tels qu’ils rendaient dérisoire la convocation d’une Assemblé réduite forcément à l’impuissance à l’heure de ses délibérations, et condamnée par la plus dure des nécessités à subir la loi du vainqueur. L’armistice sans ravitail
lement, pour faire statuer au bout d’un mois sur la paix ou sur la guerre, n’était donc ni équitable ni sérieux; il n’était, pour nous, qu’une déception ou un péril.
« J’en dis autant de la convocation d’une Assemblée sans armistice. S’il avait cru une pareille combinaison compatible avec la défense, le Gou
vernement l’aurait adoptée avec joie. La Prusse peut lui reprocher « de n’avoir pas voulu laisser « l’opinion du peuple français s’exprimer libre« ment par l’élection d’une représentation natio« nale. »
« Le besoin de diviser et d’affaiblir la résistance du pays explique suffisamment cette accusation.
Mais quel homme de bonne foi voudra l’admettre? qui ne sent l’immense intérêt qu’ont les membres du Gouvernement à écarter la terrible responsa
bilité que les événements et le vote de Paris font peser sur leur tête? Us ont constamment cherché, avec le désir ardent de réussir, les moyens les plus efficaces d’amener la convocation d’une as
semblée qui était et qui est encore , leur vœu le plus cher:
« C’est dans ce but que j’abordai M. le comte de Bismark à Ferrières. Je laisse à la conscience publique le soin de juger de quel côté ont été les obstacles, et si le Gouvernement doit être dénoncé au blâme de l’Europe pour n’avoir pas voulu placer les députés de la France sous le canon d’un fort livré à l’armée prussienne.
« Une Convocation sans armistice nous aurait, il est vrai, épargné cette humiliation, mais elle nous en aurait encore réservé de cruelles. Les élections auraient été livrées au caprice de l’ennemi, aux hasards de la guerre, à des impossibilités maté
rielles énervant notre action militaire et ruinant a l’avance l’autorité morale des mandataires du pays.
« Et cependant, nous sentions si énergiquement le besoin de nous effacer devant les représentants réguliers de la France que nous eussions bravé ces difficultés inextricables, si en descendant au fond de nos consciences nous n’y avions trouvé
impérieux, inflexible, supérieur à tout intérêt personnel, ce grand et suprême devoir de l’hon
neur à sauvegarder et de la défense à maintenir intacte.
« Nous avons maudit et condamné cette guerre
quand des désastres inouïs dans l’histoire ont mis en poussière ses criminels instigateurs, nous avons invoqué pour la faire cesser, les lois de l’humanité, les droits des peuples, la nécessité d’assurer le repos de l’Europe, offrant d’y concourir par de justes sacrifices. On a voulu nous im
poser ceux que nous ne pouvions accepter; et la Prusse a continué la lutte, non pour défendre son territoire, mais pour conquérir le nôtre.
« Elle a porté dans plusieurs de nos départements le ravage et la mort ; elle investit depuis plus de deux mois notre capitale qu’elle menace de bom
bardement et de famine; c’est pour couronner ce système scientifique de violence qu elle nous con
vie à réunir une Assemblée élue en partie dans
ses camps, et appelée à discuter paisiblement quand gronde le canon de la bataille !
« Le Gouvernement n’a pas cru une telle combinaison réalisable. Elle le condamnait à disconti
nuer la défense ; et discontinuer la défense sans armistice régulier, c’était y renoncer. Or, quel est le citoyen français qui né s’indigne pas à cet idée? le pays tout entier proteste contre elle. On lui dit
D’après le désir que j’exprimai d’essayer encore, avant la continuation des hostilités, de s’entendre sur d’autres bases, M. Thiers eut, le 5 de ce mois,
aux avant-postes, un nouvel entretien avec les membres du gouvernement de Paris, pour leur proposer un court armistice sur la base du statu
quo, ou la simple convocation des électeurs, sans armistice conclu par une convention, — auquel cas je pouvais promettre que nous accorderions
toute liberté et toute facilité compatibles avec la sûreté militaire.
M. Thiers ne m’a point donné de détails sur son dernier entretien avec MM. Favre et Trochu;
il n’a pu me communiquer, comme résultat de cette conférence, l’instruction qu’il avait reçue de rompre les négociations et de quitter Versailles,
puisqu’un armistice avec ravitaillement de Paris ne pouvait être obtenu.
„ H est reparti pour Tours, le 7 au matin.
De cours des négociations n’a fait que me. convaincre d’une chose, c’est que les membres du gouvernement actuel en France, dès leur avène
ment au pouvoir, n’ont pas voulu sérieusement laisser l’opinion du peuple français s’exprimer par la libre élection d’une représentation natio
nale, — qu’ils avaient tout aussi peu l’intention d’arriver à conclure un armistice, êt qu’ils n’ont posé une condition dont l’inadmissibilité ne pou
vait être mise en doute par eux, que pour ne pas répondre par un refus aux puissances neutres, dont ils espèrent l’appui.
Je vous prie de vouloir bien vous exprimer conformément au contenu de cette dépêche, dont vous êtes autorisé à donner lecture.
________ De Bismabk.
CIRCULAIRE DE M. JULES FAVRE
Le document suivant a été adressé à tous les agents de la France à l’étranger par M. Jules Favre, vice-président du Gouvernement de la dé
fense nationale, ministre des affaires étrangères :
« Monsieur, vous avez eu certainement connaissance de la circulaire par laquelle M. le comte de Bismark explique le refus opposé par la Prusse aux conditions de ravitaillement proportionnel que comportait naturellement la proposition d’armistice émanée des puissances neutres. ‘Ce document rend une rectification d’autant plus néces
saire que, par une préoccupation très-conforme d’ailleurs à toute sa politique antérieure, le représentant de la Prusse y a négligé des faits importants, dont l’omission ne pourrait manquer d’induire l’opinion publique en erreur.
« En lisant son travail, on doit croire que M. Thiers a demandé, au nom du Gouvernement de la défense nationale, l’ouverture d’une négociation,- et que la Prusse Ta acceptée par un sentiment d’é
gard pour le caractère personnel de notre envoyé et par le désir d’arriver, s’il était possible, à une conciliation. Le chancelier de la Confédération du Nord paraît oublier, et il est indispensable de rappeler, que la proposition d’armistice sur la
quelle M. Thiers est venu conférer, appartient aux puissances neutres, et que Tune d’elles a bien voulu faire auprès de la Prusse la démarche qui a donné à notre négociateur l’occasion d’entrer en pourparlers.
« Ce bon office n’était point un fait isolé. Dès le 20 octobre, lord Granville adressait à lord Loftus
une dépêche communiquée au cabinet de Berlin et dans laquelle il exposait, avec une grande au
torité, les raisons d’intérêt européen qui devaient amener la cessation de la guerre.
« Parlant de la continuation du siège et de l’é
ventualité de la prise de Paris, le chef du E’oreign- Office disait :
« Il n’est pas déraisonnable de mettre dans la « balance les avantages et les désavantages qui « accompagneront un tel fait; et ces désavantages « touchent tellement aux sentiments de l’huma
« nité, que le Gouvernemen t de la Reine se croit « obligé de les signaler au Roi et à ses ministres.
« Le souvenir amer des trois derniers mois peut « être un jour effacé par le temps et par le senti« ment de la bravoure de l’ennemi sur les champs « de bataille.
« Mais il y a des degrés dans l’amertume, et la « probabilité d’une guerre nouvelle et irrécon« ciliable sera considérablement augmentée si
« toute une génération de Français a devant les « yeux le spectacle de la destruction d’une capi« taie, accompagnée de la mort de personnes sans « armes, de la destruction de trésors d’art et de « science, de souvenirs historiques d’un prix ines« timable, impossibles à remplacer.
« Une telle catastrophe sera terrible pour la « France et dangereuse pour la paix future de « l’Europe ; en même temps, elle ne sera, comme « le Gouvernement de la; Reine le croit, à per« sonne plus pénible qu’à l’Allemagne et à ses « princes. Le Gouvernement français a décliné « les négociations de paix depuis l’entrevue de « M. de Bismark et de M. Jules Favre; mais le « Gouvernement de la Reine a pris sur lui d’in« sister auprès du Gouvernement provisoire pour « qu’il consente à un armistice qui pourrait abou
ti tir à ,1a convocation d’une Assemblée consti« tuante et au rétablissement de la paix.
« Le Gouvernement de la Reine n’a pas omis de « faire sentir à Paris la nécessité de faire toutes « les concessions compatibles dans la situation « actuelle avec l’honneur de la France. Le gou
« vernement de la Reine ne se croit pas autorisé « à l’affirmer, mais il ne peut pas croire que les « représentations faites par lui resteront sans effet. « Pendant cette guerre, deux causes morales ont
« à un degré incalculable, servi l’immense puis« sance matérielle des Allemands : ils ont com
« battu pour repousser l’invasion étrangère et « affirmer le droit d’une grande nation à se consti« tuer de la manière la plus propre à développer « ses aptitudes.
« La gloire de leurs efforts sera rehaussée si « l’histoire peut dire que le roi a épuisé tous les « moyens pour rétablir la paix, et que les condi
« fions de paix étaient justes, modérées, en har« monie avec la politique et les sentiments de « de notre époque. »
« Au moment où le ministre anglais tenait ce langage à la Prusse, son ambassadeur insistait à Tours sur les mêmes coûsidérations, sans jamais mettre en doute que l’armistice ne dût être néces
sairement accompagné de ravitaillement/ll m’est permis d’ajouter que, sur ce point, qui a été le
seul objet du débat, l’opinion du chancelier de la Confédération du Nord ne pouvait être différente, puisqu’il avait eu connaissance de la mission offi
cieuse du général Burnside, auquel il avait parlé d’un armistice sans ravitaillement que le Gouvernement de la défense nationale n’avait pu accepter.
« C’était donc dans les termes du droit commun, c’est-à-dire avec un ravitaillement proportionnel à la durée, que l’Angleterre conseillait l’armistice; c’est aussi dans ces termes qu’il fut compris par les autres puissances, et directement proposé à la Prusse par une correspondance et des télégram
mes auxquels elle adhéra. Dans sa conférence avec les membres du Gouvernement, le 30 octobre,
M. Thiers n’admettait pas que cette condition pût être contestée en principe; seulement, il avait Tordre, auquel il s’est certainement conformé, de ne point être rigoureux pour son application.
« Aussi est-ce par erreur que le chancelier de la Confédération du Nord affirme qu’il aurait dé
claré « ne pouvoir accepter un armistice que si » Ton y comprenait la faculté, pour Paris, de « s’approvisionner sur une grande échelle. » Cette assertion est inexacte.
« Les chiffres d’une consommation journalière et modérée avaient été minutieusement arrêtés par le ministre du commerce, et seuls ils servaient de base à notre réclamation, strictement limitée au nombre de jours de l’armistice. En cela, nous
étions d’accord avec l’usage et l’équité, avec l’intention des puissances neutres, et, nous le croyions,
avec le consentement de la Prusse elle-même. Peut-être n’eût-elle pas songé à le retirer sans la reddition de Metz et sans la funeste journée du 31 octobre, accueillie par elle avec une satisfaction mal dissimulée.
« Le chancelier de la Confédération du Nord insiste sur les inconvénients auxquels l’armistice exposait l’armée assiégeante. Mais il ne tient pas compte de ceux, bien autrement graves, du nonravitaillement pour la ville assiégée. Ces incon
vénients sont tels qu’ils rendaient dérisoire la convocation d’une Assemblé réduite forcément à l’impuissance à l’heure de ses délibérations, et condamnée par la plus dure des nécessités à subir la loi du vainqueur. L’armistice sans ravitail
lement, pour faire statuer au bout d’un mois sur la paix ou sur la guerre, n’était donc ni équitable ni sérieux; il n’était, pour nous, qu’une déception ou un péril.
« J’en dis autant de la convocation d’une Assemblée sans armistice. S’il avait cru une pareille combinaison compatible avec la défense, le Gou
vernement l’aurait adoptée avec joie. La Prusse peut lui reprocher « de n’avoir pas voulu laisser « l’opinion du peuple français s’exprimer libre« ment par l’élection d’une représentation natio« nale. »
« Le besoin de diviser et d’affaiblir la résistance du pays explique suffisamment cette accusation.
Mais quel homme de bonne foi voudra l’admettre? qui ne sent l’immense intérêt qu’ont les membres du Gouvernement à écarter la terrible responsa
bilité que les événements et le vote de Paris font peser sur leur tête? Us ont constamment cherché, avec le désir ardent de réussir, les moyens les plus efficaces d’amener la convocation d’une as
semblée qui était et qui est encore , leur vœu le plus cher:
« C’est dans ce but que j’abordai M. le comte de Bismark à Ferrières. Je laisse à la conscience publique le soin de juger de quel côté ont été les obstacles, et si le Gouvernement doit être dénoncé au blâme de l’Europe pour n’avoir pas voulu placer les députés de la France sous le canon d’un fort livré à l’armée prussienne.
« Une Convocation sans armistice nous aurait, il est vrai, épargné cette humiliation, mais elle nous en aurait encore réservé de cruelles. Les élections auraient été livrées au caprice de l’ennemi, aux hasards de la guerre, à des impossibilités maté
rielles énervant notre action militaire et ruinant a l’avance l’autorité morale des mandataires du pays.
« Et cependant, nous sentions si énergiquement le besoin de nous effacer devant les représentants réguliers de la France que nous eussions bravé ces difficultés inextricables, si en descendant au fond de nos consciences nous n’y avions trouvé
impérieux, inflexible, supérieur à tout intérêt personnel, ce grand et suprême devoir de l’hon
neur à sauvegarder et de la défense à maintenir intacte.
« Nous avons maudit et condamné cette guerre
quand des désastres inouïs dans l’histoire ont mis en poussière ses criminels instigateurs, nous avons invoqué pour la faire cesser, les lois de l’humanité, les droits des peuples, la nécessité d’assurer le repos de l’Europe, offrant d’y concourir par de justes sacrifices. On a voulu nous im
poser ceux que nous ne pouvions accepter; et la Prusse a continué la lutte, non pour défendre son territoire, mais pour conquérir le nôtre.
« Elle a porté dans plusieurs de nos départements le ravage et la mort ; elle investit depuis plus de deux mois notre capitale qu’elle menace de bom
bardement et de famine; c’est pour couronner ce système scientifique de violence qu elle nous con
vie à réunir une Assemblée élue en partie dans
ses camps, et appelée à discuter paisiblement quand gronde le canon de la bataille !
« Le Gouvernement n’a pas cru une telle combinaison réalisable. Elle le condamnait à disconti
nuer la défense ; et discontinuer la défense sans armistice régulier, c’était y renoncer. Or, quel est le citoyen français qui né s’indigne pas à cet idée? le pays tout entier proteste contre elle. On lui dit