rope que le pays est encore de taille à lutter contre la Prusse et â reconquérir son indépen
dance. Espérons donc que la force ne prévaudra pas contre le droit.
Au point de vue de la politique, comme au point de vue de la guerre, l’opinion est unanime, à Paris comme dans les départements, pour recon
naître que la situation s’est considérablement améliorée. Les journaux allemands eux-mêmes,
en constatant l’énergie de la résistance nouvelle qu’ils rencontrent, reconnaissent implicitement cette vitalité renaissante d’un pays qu’ils croyaient perdu.
Si nous nous tournons du côté du Gouvernement, nous sommes amenés à reconnaître plus d’unité dans l’impulsion donnée au pays, plus d’ensemble dans les efforts de la province, plus d’autorité dans les mesures prises par le pouvoir. Les detix journaux les plus considérables de l’opi
nion libérale en France, le Journal des Débats et le Temps, s’accordent pour me ttre en lumière, presque dans les mêmes termes, ces conditions meilleures qui peuvent consolider en France l’institution de
la République, La lutte que soutient le pays, dit le Journal des Débats, n’est possible qu avec un î é- gime largement démocratique, et si nous connais
sions un pré tendant assez insensé pour revendiquer l héritage laissé par l’Empire, nous nous empresserions de le détourner d’une telle chimère.
De son côté, le Temps déclare que non-seulement la République peut seule résister à la crise actuelle, et en supporter et liquider toutes les con
séquences quelconques, mais qu’elle survivraàl’é- preuve, précisément parce qu’elle l’aura traversée.
Non-seulement personne ne saurait être en état ou en disposition de lui disputer la responsabilité et le fardeau que la fatalité même lui impose, mais la conscience publique se soulèverait infailliblement contre tout prétendu sauveur qui vou
drait recueillir l’héritage après coup. Jamais en France, à aucun moment, la République n’a eu plus qu’aujourd’hui ses destinées entre les mains.
Au point de vue militaire, cette amélioration se traduisant par des chiffres et des armées en mar
che, est encore plus sensible. La situation, d’anor
male qu’elle était — Paris sans armée de secours — redevient régulière et rentre dans le cas prévu par les auteurs des fortifications : Paris, point d’appui des armées nationales. Nous avons de plus cet avantage que, croyant n’avoir à compter que sur nous-mêmes, nous avons, pendant ces deux mois, créé une armée d’opération dans nos murs; au lieu d’une qui était nécessaire, nous en aurons deux, peut-être trois.
Au sujet de ces armées, nous n’avons à enregistrer aucun nouveau document officiel depuis la dernière dépêche de M. Gambetta. Toutefois, les nombreuses informations qui sont parvenues à Paris nous permettent de mentionner un certain nombre de faits importants.
La ville de Belfort a été bombardée par les troupes du général de Werdei’, et Sclilestadta été obligée de capituler.
A la suite de notre succès d’Orléans, le prince Frédéric-Charles, qui se dirigeait sur Lyon, est revenu précipitamment porter secours au corps d’armée du général Von der Thann, et la Gazette de Cologne annonce que le prince est sur les talons du général d’Aurelles.
Ce brusque mouvement du prince Frédéric- Charles montre mieux que tous les commentaires l’importance de notre première victoire et la solidité que présente notre armée de la Loire. Cette force, d’après tous les télégrammes reçus à Paris, s’accroit de jour en jour par suite des nouvelles levées et des mesures de guerre prises par la délégation de Tours.
Ainsi le Times nous annonce qu’un décret officiel du 3 ordonne que chaque département de France fournira à ses frais, dans le délai de deux mois, une batterie d’artillerie pour chaque 100,000 âmes de population.
Ces batteries seront complètement équipées
hommes et matériel; les premières devront être fournies dans le courant du premier mois. On
voit que l’armement de nos corps d’armée se poursuit avec énergie et sur la plus grande échelle.
Du côté de la Prusse, nous avons à constater également un certain nombre d’actes et de faits intéressants.
Les victoires de nos ennemis ont produit dans la politique du gouvernement de Berlin les revi
rements que chacun pouvait prévoir. Le pouvoir personnel s’alïirme plus effrontément que jamais,
vis-à-vis du peuple prussien et vis-à-vis de ses alliés.
A Berlin, le vénérable M. Jacoby, qui a toujours eu le courage de défendre, après comme avant la première campagne, les idées d’une politique de paix et de modération, a été arrêté et mis en pri
son. La Zukunft, le seul organe républicain en Prusse, a été supprimée. Une autre mesure vient également de supprimer la Volks-Zeitung l’organe des associations ouvrières, qui ont pris, comme chacun sait, sous l’habile direction de MM. Schluze- Delitzsch et Virchow, un développehient si consi
dérable dans toute l’Allemagne. Persécution des idées démocratiques et des associations ouvrières,
voilà donc pour la Prusse et pour l’Allemagne, le premier résultat de la guerre. C’était prévu.
Quant à l’unité de l’Allemagne, c’est une autre affaire. Les délégués des Etats de la Bavière, du Mecklembourg. et du grand-duché de Bade, qui s’étaient réunis à Versailles pour discuter l’entrée des États alliés dans la Confédération du Nord, n’ont pu s’entendre, et la commission vient de se séparer sans avoir pu formuler un projet.
Encore un échec pour M. de Bismark !
Mais l’événement capital qui domine toute la politique extérieure est sans contredit le mani
feste du prince GortschakofF, qui dénonce le traité de 1856. Est-ce la question d’Orient qui se rouvre ? L’Europe conrprendra-t-eile enfin qu’en laissant toute liberté à la Prusse, elle compromettait son équilibre et sa sécurité?
AUG. Marc.
général Ducrot, afin d’avoir l’ordre de passer le fleuve. A quatre heures moins un quart, l’ordre étant arrivé, l’officier français s’embarque dans un canot conduit par deux rameurs avec le clairon tenant le drapeau parlementaire. P. P.
LA BATAILLE DE PARIS
C’est la grande semaine.
Le soixante-treizième jour du siège a commencé le premier acte du grand drame qui doit nous conduire à la délivrance, et dans cette crise su
prême, pas une journée, pas une heure, pas une minute ne s’est passée sans donner à Paris une commotion violente.
Bataillons, régiments, escadrons, batteries allant prendre leur poste de combat; — compagnies de guerre allant s’unir aux combattants de l’armée;
— tambours battant, la nuit, la générale et le rappel; — groupes accourant au coin des rues pour assister au défilé des défenseurs de la pa
trie; — foule anxieuse à la piste des bruits qui courent; — partout l’émotion et la conscience du choc terrible qui va s’engager.
Jamais, depuis le commencement de la guerre et du siège, le patriotisme n’a montré une attitude plus sincère, plus simple, plus énergique. Paris sait qu’il commence le grand duel de la force et du droit.
Racontons les faits.
Dimanche, 27 novembre. — Fermeture dos portes.
Départ des soldats pour les avant-postes.
Distribution de vivres pour l’entrée en campagne.
Préparatifs faits aux ambulances.
Dans tous les quartiers de Paris, une émotion indicible, une vive préoccupation de ce qui se passe, et disons-le, une ferme espérance du succès des opérations.
Lundi 28. — Canonnade incessante pendant la nuit.
Suspension du service des mouches, mises à la disposition des ambulances.
Toute la garde nationale est aux remparts.
Les compagnies restées en ville sont consignées. Paris est vide, morne, dépeuplé. Départ du général Trochu.
Toute l’armée est aux avant-postes, et, entre elle et nous, les portes sont fermées.
Dans Ta soirée, forts détachés, enceinte continue, redoutes, batteries et mortiers tonnent d’une manière épouvantable, et font à Paris une couronne de feu.
La presqu’île de Gennevilliers, entre Argenteuil et Bezons, lance une pluie de bombes.


C’est le commencement de l’action.


Mardi 29. — Paris n’a pu dormir. Le tonnerre de la canonnade l’a tenu toute la nuit en éveil.
En descendant dans la rue, chacun lit sur les murailles trois proclamations que nous publions plus loin.
Celle du général Ducrot enlève les cœurs. Au cri de cet ardent patriotisme, quel soldat ne sentirait pas doubler ses forces ?
Paris, qui connaît le vaillant général, lui a fait, le jour où il a traversé les boulevards pour se rendre à son commandement, une ovation enthousiaste. La gratitude du pays ne manquera jamais à ses fils, martyrs du devoir.
Toute la journée des bruits de victoire.
Et ils se sont vérifiés. Les deux positions de l’Hay et de la Gare-aux-Bœufs avaient été empor
tées, ici par la garde nationale et les marins, là par la mobile et la troupe.
Un incident imprévu a fait commander la retraite. Les quatre ponts de bateaux qui avaient été jetés pour le passage de l’armée du général.Du
crot ont été emportés par une crue subite de la Marne, et l’opération a dû être ajournée.
Mais la journée n’en est pas moins bonne, et le général Trocliu occupe le plateau d’Âvron, au delà du fort de Rosny.
Un rapport militaire annonce à Paris que la
UNE ENTREVUE DE PARLEMENTAIRES
AU PONT DE SÈVRES
Notre gravure fait connaître le lieu delà scène. Sur la rive gauche, au delà du pont, dans une maison blanche, est établi le premier poste prus
sien. A deux cents mètres environ, une autre maison blanche à deux étages, dans l’intérieur de la
quelle nous avons remarqué, par une des fenêtres ouvertes, la présence de troupes ennemies.
Tout à coup le clairon sonne du côté de l’ennemi, et en même temps de Brimborion on arbore un drapeau blanc de parlementaire. De notre côté, le clairon sonne également la cessation du feu ; au drapeau national qui fiotte sur notre poste, on substitue un drapeau blanc de parlementaire.
A peine le drapeau de parlementaire est arboré de part et d’autre, le parc de Saint-Cloud, si dé
sert, se couvre de soldats ennemis. A la lanterne de Diogène ils sont plus nombreux qu’ailleurs.
Un jeune lieutenant français avance sur l’autre rive, précédé aussi d’un clairon portant un dra
peau parlementaire. Un peu en avant de l’arche du pont qui a sauté, le groupe ennemi s’arrête. Un capitaine se détache du groupe et avance seul.
Il est jeune et blond, vêtu tout de noir, pantalon collant, veste courte comme nos officiers de hus
sards, avec des brandebourgs blancs. S’adressant à l’officier français, après les saluts d’usage, il s’exprime à haute voix en ces termes: « Monsieur,
j’ai ordre de vous remettre, de la part de mon gouvernement, un paquet de papiers. — Sont-ce des dépêches? demande l’officier français.., — Je n’en sais rien, monsieur, répond l officier bavarois. »
Après s’être de nouveau salués, les deux groupes se retirent du pont et se promènent sur la berge du fleuve, l’officier français sur la rive droite et Je groupe ennemi sur la rive gauche. Après avoir pris les ordres de l’officier français, un courrier se dirige par le bois de Boulogne au quartier du