journée a été bonne et que le but qu’on se proposait est atteint.




Aussi le public, indigné, brûle-t-il avec colère la Liberté, qui interprète comme des insuccès, dans trois ou quatre malencontreux articles, les résultats de la journée.




A onze heures du soir, l’ennemi en masses puissantes descend des hauteurs d’Argenteuil, pour s’emparer de la prequ’lle de Gennevilliers. Mais l’accueil qui lui est fait ne lui permet pas de prendre pied.




Paris est plein d’espoir.




Mercredi 30. — Quelle lutte et quels efforts !




Toute la nuit, sur toute la ligne de la défense, les détonations n’ont pas cessé.




Ce matin, les coups se multiplient et font tressaillir les âmes. Tout Paris est sur pied. Dans les rues, sur les places, sur les quais, sur les ponts,




les groupes se massent pour essayer d’apprendre quelques nouvelles.




Soudain, vers trois heures, un rapport officiel vient annoncer l’occupation de Montmesly.




— Montmesly? dit le public. Qu’est-ce que Montmesly ? Cette position, que les Prussiens ont fortifiée depuis longtemps, domine Choisy-le-Roi, comme le Mont-Valérien domine Paris.




Tout va bien.




Jeudi 1er décembre. — Un rapport du gouverneur annonce que la situation est bonne et que le général Ducrot a été admirable.




La division du général Susbielle n’a pu se maintenir à Montmesly.




Partout ailleurs, l’armée a passé la nuit sur le lieu de l’action, qui continue aujourd’hui.




Les soldats sont pleins d’élan. Le gros de l’affaire est à Cœuilly et à Villièrs-sur-Marne. Mais la ligne de bataille embrasse tout le sud-est et représente le plus grand effort que nous ayons encore tenté contre nos envahisseurs.




Nous l’avons dit en commençant, c’est la grande semaine. Elle a bien commencé. Puisse-t-elle finir par la victoire !


Henri Vigne.


Paris était un camp. Aujourd’hui Paris est un volcan qui vomit, de tous côtés, la flamme, les halles, la mitraille et les bombes!




L’émotion est à son comble. La population n’a plus qu une âme pour se réjouir ou s’attrister, à cette palpitation suprême de la patrie.




Je dis la patrie; car le pays, qui connaît notre gigantesque effort, combat sans doute de son côté, et tout en écoutant les bruits de la bataille de Paris, nous prêtons l’oreille pour entendre le canon de nos armées de la province.




Les départements..




Debout!... C’est le mot qui résume les nouvelles qui nous arrivent des départements, et qui ravive à Paris les cœurs ! Trahie par ses chefs, abîmée de douleur, écrasée sous le poids d’un million d’envahisseurs, la France s’est un instant perdue dans la tempête. Mais cette minute de stupeur une fois passée, la France se retrouve pour crier: Face à l’ennemi!. .. Et les informations qui se




succèdent ne permettent plus de se méprendre sur l’esprit qui enflamme les populations.




A force de rappeler 1792, nous finirons par nous clever à sa hauteur, et 1870 pourrait bien 11e pas être incligfie de cette grande date.




Au mois de thermidor an n, la République française, volcan toujours en feu, voulut savoir exactement le nombre des soldats qu’elle avait en ligne. Elle avait créé, comme 011 sait, quatorze armées : l’armée du Nord, l’armée des Ardennes, l’armée de Sambre-et-Meuse, l’armée de la Mo




selle, l’armée du Rhin, l’armée des Alpes, l’armée d’Italie, l’armée des Pyrénées-Orientales, l’armée des Pyrénées-Occidentales, l’armée de l’Ouest, !.’qrn}éedes côtes de Brest, l’armée de Cherbourg,




l armée de Paris, et l’armée de réserve. Ces quatorze armées, déduction faite des malades, donnaient à la Convention sept cent cinquante mille soldats.




Nous n’avons pas encore quatorze armées, mais nous avons déjà l’armée de Paris, l’armée de la Loire, l’armée de l’Ouest, l’armée de la Norman




die, l’armée du Nord, l’armée des Vosges, l’armée de l’Est, l’armée de Lyon et l’armée du Midi. Ces huit armées nous donnent dès aujourd’hui un effectif qui approche de celui des armées de la Convention.




Le but à atteindre, le voici. Il nous a été naïvement exposé par un uhlan en tournée de réquisi




tion. Pendant la marche de l’armée victorieuse les soldats prussiens, qui s’attendaient à la paix,




n’envisageaient qu’avec appréhension la nouvelle campagne qui s’ouvrait devant eux.




Un jour, une avant-garde de ces terribles uhlans entre dans une grande ferme pour réclamer des fourrages. Les cavaliers entrent et commencent par se faire servir du vin.




Un des cavaliers, accoudé sur la table, ne trinquait pas avec ses camarades. Silencieux et rê




veur, il traçait machinalement, avec la pointe d’un couteau, des figures sur la table. Ces figures se ressemblaient toutes. C’était un grand cercle, avec un gros point au milieu.




— Que diable fais-tu donc là? lui dit enfin l’un de ses compagnons.




— Rien! reprit négligemment le uhlan. Je cherchais à nous représenter, nous et les Français.




— Et comment? Avec des ronds?




— Oui, voici. Les Prussiens sont au milieu, et les Français sont tout autour ! Position dangereuse.




Faire que les Prussiens soient refoulés dans un centre, et que les Français fassent autour d’eux un cercle, voilà donc le but à atteindre !




Les juges de Berlin.




M. de Bismark en appelle aux juges de Berlin pour juger M. de Raynal, qui a osé donner de ses nouvelles àsafamille. Il en appelle à eux également pour juger les aéronautes assez hardis pour traverser en ballon les lignes prussiennes. En ap




pellera-t-il là aussi pour juger les misérables qui se vantant de ne jamais s’attaquer aux civils, ont tué ou blessé, le 17 novembre, vingt fourrageurs dans la plaine de Bondy?




On dirait que la Prusse s’étudie à rendre encore plus atroce le fléau de la guerre. Jamais ce droit, qui n’est que le droit de tuer, n’avait subi plus d’entorses. Il sera prouvé que les soldats prus




siens ont employé des balles explosibles; qu’ils




ont dévalisé des maisons particulières pour en expédier les meubles en Allemagne; il sera prouvé que sous prétexte de réquisition, ils ont pris argent, linge, literies, denrées et fourrages, ne laissant à leurs pauvres victimes que le vêtement qui les couvrait; il sera prouvé qu’ils ont, sans raison, pillé, violé, incendié, fusillé; il sera prouvé qu’ils ont rejeté souvent dans les flammes à coups de fusil, comme à Bazeilles, les malheureux paysans dont ils brûlaient les fermes !




Ah! le jugement que M. Louis Blanc a porté sur les Prussiens est profondément vrai : — « Les Prussiens ressemblent à des Mohicans qui sortiraient de l’École polytechnique. »




Et par dessus ces campagnes désolées, par dessus ces entassements de ruines, devant ces spectacles d’horreurs, la voix des Etats-Unis, par l’inter




médiaire de M. Bancroft, ministre de Washington à Berlin, vient nous crier que la Prusse est en train de rajeunir l’Europe! Mensonge ! Le vieux monde de la conscience, de la justice, de l’honneur et du droit, l’antique fondement de la civilisation, l’axe de la destinée humaine se disloque et se brise,




et c’est à la France, c’est au soldat de Dieu à se montrer debout, si nous ne voulons pas reculer de dix siècles!




J1 n’y a jamais qu’un argument à invoquer contre ce peuple, la force ! Les francs-tireurs des




Ardennes ont opposé fusillacje à fusillade et le roi j de Prusse s’est rendu,




Voulez-vous un autre exemple? En 1866, le représentant des Etats-Unis à Francfort, M. Murphy, fut appelé par M. de Manteuffel. qui le pré




vint qu’il ne pouvait empêcher l’exécution du règlement en vertu duquel il lui imposait à lui et à ses compatriotes des soldats prussiens à loger.




A cette parole, M. Murphy se couvre et répond: — Donnez vos ordres, monsieur le général, je donnerai les miens à la flotte américaine qui est dans la Baltique.




Et le consul se retira fièrement.




Les Américains résidant à Francfort n’eurent aucun soldat prussien à loger!


Henri Cozic.


LES TROIS PROCLAMATIONS DU 28 NOVEMBRE




Les proclamations suivantes ont été adressées à la population et à l’armée de Paris :




« Citoyens de Paris,




« Soldats de la garde nationale et de l’armée,




« La politique d’envahissement et de conquête entend achever son œuvre. Elle introduit en Eu




rope et prétend fonder en France le droit de la force. L’Europe peut subir cet outrage en silence, mais la France veut combattre, et nos frères nous appellent au dehors pour la lutte suprême.




« Après tant de sang versé, le sang va couler de nouveau. Que la responsabilité en retombe sur ceux dont la détestable ambition foule aux pieds les lois de la civilisation moderne et de la justice!




Mettant notre confiance en Dieu, marchons en avant pour la patrie.




« Général Trochu.




« Soldats de la 2e armée de Paris !




« Le moment est venu de rompre le cercle de fer qui nous enserre depuis trop longtemps et menace de nous étouffer dans un lente et doulou




reuse agonie ! A vous est dévolu l’honneur de




tenter cette grande entreprise : vous vous en montrerez dignes, j’en ai la certitude.




« Sans doute, nos débuts seront difficiles; nous aurons à surmonter de sérieux obstacles ; il faut les envisager avec calme et résolution, sans exagération comme sans faiblesse.




» La vérité, la voici : dès nos premiers pas, touchant nos avant-postes, nous trouverons d’impla




cables ennemis, rendus audacieux et confiants par de trop nombreux succès. Il y aura donc là à faire un vigoureux effort, mais il n’est pas audessus de vos forces : pour préparer votre action,




la prévoyance de celui qui nous commande en chef a accumulé plus de 400 bouches à feu, dont deux tiers au moins du plus gros calibre; aucun obstacle matériel ne saurait y résister, et, pour vous élancer dans cette trouée, vous serez pins de 150,000, tous bien armés, bien équipés, abondamment pourvus de munitions, et, j’en ai l’espoir, tous animés d’une ardeur irrésistible.




« Vainqueurs dans cette première période delà lutte, votre succès est assuré, car l’ennemi a en




voyé sur les bords de la Loire ses plus nombreux et ses meilleurs soldats ; les efforts héroïques et heureux de nos frères les y retiennent.




« Courage donc et confiance ! Songez que, dans cette lutte suprême, nous combattrons pour notre honneur, pour notre liberté, pour le salut de




notre chère et malheureuse patrie, et, si ce mobile n’est pas suffisant pour enflammer vos cœurs, pensez à vos champs dévastés, à vos familles ruinées, à vos sœurs, à vos femmes, à vos mères désolées !




« Puisse cette pensée vous faire partager la soif de vengeance, la sourde rage qui m’animent et vous inspirer le mépris du danger !




« Pour moi, j’y suis bien résolu, j en fais le serment devant vous, devant la nation tout entière : je ne rentrerai dans Paris que mort ou victorieux; vous pourrez me voir tomber, mais, vous ne me verrez pas reculer. Alors, ne vous, arrêtez pas, mais vengez-moi,