lors avait été modéré, devint fort vif. Les gardes nationaux y ont répondu par un tir très-nourri, en s’avançant toujours dans le plus grand ordre et avec la plus grande fermeté.
« Nous avons dépassé la barricade d’environ 500 mètres ; à quelques pas des maisons situées à droite delà route, lecommandant Massionareçu une bles
sure à la jambe. J’ai fait appeler immédiatement le docteur Pillon, aide-major au 72e bataillon; en
même temps, sur les ordres du commandant Massion, je fis cesser le feu, et je ralliai mes deux lignes de tirailleurs derrière la barricade.
« Dans cette reconnaissance, quatre hommes de la 4e compagnie ont été blessés ; ce sont : le capo
ral Lefranc, blessure au bras (blessure légère) ; le garde Pain, blessure grave à la jambe; le garde Noisan, blessure légère à la jambe ; le garde Geslain, blessure légère à la main.
« M. le docteur Martin, chirurgien-major du bataillon, est allé relever ces blessés sous le feu cie l’ennemi.
« Les compagnies de marche du 72e bataillon, qui voyaient le feu pour la première fois, ont sou
tenu l’action avec un sang-froid et une énergie remarquables. La reconnaissance, commencée à une heure, s’est terminée à quatre heures, et, pendant deux heures, l’ennemi, retranché der
rière des barricades et dans des maisons, n’a cessé de tirer avec précision et vivacité.
« Je suis heureux de dire que tout le monde, officiers, sous-officiers et gardes, a fait son devoir, et que les compagnies de marche du 72e bataillon ont répondu à la bonne opinion que l’au
torité militaire avait d’elles. Elles se sont montrées dignes d’occuper, pour leurs débuts, les postes qui leur sont confiés.
« Je dois signaler cependant, d’une manière toute particulière, la belle conduite du sous-lieutmiant Richard, qui a emporté un blessé sur son dos, et du caporal-clairon Maillet, qui s’est porté
avec beaucoup d’élan au secours du commandant Massion. J’ajouterai les noms du caporal Béraet et des gardes Parde et Béraet fils, ainsi que du clairon Leloup, qui ont fait preuve d’une grande vigueur.
« Veuillez agreer, etc.
« Le chef du 72e bataillon,
« De Brancion. Noisy-le-Sec, le 24 novembre 1870.
LE REMPART DE PASSY
Si l’on examine un plan de Paris, on voit que ta ligne des remparts affecte une forme sensible
ment ovale ou circulaire, dont le centre serait placé entre le Louvre et l’Hôtel-de-Ville.
Les rayons que l’on peut mener de ce centre aux différents points de l’enceinte divisent la surface circulaire occupée par Paris en un certain nombre de tranches, qu’en géométrie on nomme secteurs.
Ce nom est aussi celui que l’on a choisi poulies divisions militaires actuelles de l’enceinte, qui a été ainsi partagée en neuf secteurs, dont le premier part de Bercy.
Voici du reste le nom des neuf secteurs, en suivant leur numéro d’ordre : Bercy, Belleville, la Villette, Montmartre, les Ternes, Passy, Vaugirard, Montparnasse, les Gobelins.
Les secteurs 1 et 2 sont respectivement commandés par les généraux Baroilhet etCaliier; les secteurs 3 à 9, par les amiraux Gosnier, du Quilio, P. de Langle, de Montaignac, Méquet, de Challié.
C’est du sixième secteur, ou plus familièrement du rempart de Passy, commandé par l’amiral de Langle, que je voudrais dire ici quelques mots. Qui a vu le rempart de Passy, il y a trois mois,
et qui le revoit aujourd’hui ne le reconnaît guère.
Il y a trois mois, il n’y avait, de la porte Dauphine, où commence le sixième secteur, à celle de Billancourt, où il finit, presque aucun travail exécuté, et pour ainsi dire aucun canon installé; pt c’était là le point faible de Paris!
Les Prussiens, dans les nombreuses brochures que depuis dix ans ils ont écrites sur l’attaque de Paris, et dans les leçons qu’ils ont données dans leurs écoles militaires, n’ont-ils pas annoncé,
avec une superbe toute gasconne, que c’est par là qu’ils comptaient entrer dans nos murs, presque sans coup férir.
Grâces leur soient rendues ! si le premier jour, ce jour néfaste du 19 septembre, où pour la première fois leurs armées ont paru sur nos hau
teurs, ils auraient pu en effet nous surprendre,
surtout à Passy, à Auteuil, au Point-du-Jour, il n’en est plus de même aujourd’hui, et ces lieux sont maintenant si bien fortifiés, qu’on peut dire qu’ils sont en quelque sorte imprenables.
Plus de 150 canons, dont quelques-uns à trèslongue portée (8 kilomètres), canons de marine qui se chargent par la culasse, sont partout installés. Ce sont eux qui, les premiers, dès le 13 oc
tobre, ont envoyé leurs salutations aux soldats du roi Guillaume, qui n’ont pas encore répondu.
Toutes les mesures de précaution ont été prises autour des bastions et le long des courtines. Partout des abris ont été élevés, pour mettre à cou
vert des boulets et des obus ennemis les braves défenseurs de nos remparts.
Les parapets sont partout munis de sacs à terre disposés en créneaux, d’où partiront les feux de mousqueterie. Les poudrières, les casernes, les chemins de ronde, les magasins, les ambulances,
les barricades, sont partout en état : en un mot, la toilette du rempart est finie, et l’ennemi peut maintenant venir; il trouvera à qui parler.
En avant et autour des portes sont disposés des chevaux de frise, des piquets, des trous à loups,
en un mot, cette série d’obstacles qui rappellent les anciens procédés de défense et donnent le
moyen de faire à l’ennemi ce qu’on nomme si bien une guerre de chicanes.
Les mines, les torpilles n’ont pas été oubliées, non plus que les feux électriques, qui permettent de signaler l’ennemi, la nuit, à plus de deux kilomètres.
Eaut-il parler aussi des observatoires, des sémaphores, où des signaux convenus mettent jour et nuit le secteur en communication avec tous les forts et la place de Paris, et où des lunettes marines et astronomiques, manœuvrées par d’infati
gables guetteurs, découvrent au loin tous les mouvements des Prussiens?
Que dire de plus? que le sixième secteur est pourvu d’un ballon captif, installé sur la place du marché d’Auteuil, et au moyen duquel on peut s’élever sûrement jusqu’à 300 mètres d’altitude, et de là sonder tout l’horizon.
Le long de la Seine, au Point-du-Jour, en aval du pont du chemin de fer d’Auteuil, stationne une partie de notre flottille militaire, des canonnières, des batteries flottantes, au nombre desquelles la fameuse canonnière Farcy, en ce moment mouillée à Billancourt.
N’avais-je pas raison de dire en commençant que cette partie des remparts parisiens, naguère la plus faible, est maintenant devenue la plus forte? A ceux qui en pourraient encore douter je conseillerais de jeter un coup d’œil sur notre dessin, qui représente le bastion 63, un des plus in
téressants du sixième secteur. La vue est prise de l’angle formé par le parapet du rempart et le haut talus du bastion, en regardant dans la direction du viaduc d’Auteuil. C’est un ensemble de travaux à la fois très-pittoresques et très-menaçants.
L’état-major du sixième secteur est campé au château de la Muette, dont les arbres séculaires ont abrité jadis le Régent, Louis XY et Marie-An
toinette. Tout le monde vit en bonne harmonie dans ce séjour naguère si pacifique, aujourd’hui animé et bruyant, et si je ne craignais de blesser la modestie du brave amiral de Langle, si je pou
vais oublier moi-même que j’ai l’honneur de faire partie du sixième secteur, je dirais qu’il est, à bien des égards, le secteur modèle. Qu’il me suffise d’avoir montré au lecteur qu’au point de vue de la défense il justifie ce nom, que peut-être demain il aura à justifier aussi devant l’ennemi lui-même.
L. Simonin (Le capitaine Bérard).
LES HABILLEMENTS DE GARDES NATIONAUX
MOBILES ET CORPS FRANCS
Un correspondant, dont les informations ont toujours été prises aux sources les plps certaines,
a transmis hier au Journal des Débats, sur la part que l’administration de la guerre a prise à l’ha
billement et à l’équipement de l’armée qui s’est formée à Paris depuis le mois de juillet derniers des renseignements dont nous enregistrons, le résultats en chiffres sommaires.
Le nombre total des effets de toute nature qu’un seul des établissements de la guerre, le magasin central d’habillement de Paris, a mis (du lor juil
let 1870 au 17 novembre suivant) à la disposition du ministère de l’intérieur, de la ville de Paris,
des gardes nationales sédentaire et mobile et des corps francs, ne s’élève pas à moins de 2 millions 140,000, en chiffres ronds.
Dans ce nombre, le ministre de l’intérieur est compris pour 500,000 effets; la ville de Paris, pour
50.000 ; la garde nationale sédentaire, pour 150,000; la garde nationale mobile, pour 1 million 292.000 ; enfin les corps francs, pour 125,000.
Il serait oiseux de donner le détail de tous les effets distribués ; nous devons nous borner aux chiffres principaux. Il a été délivré :
344.000 effets d’habillement en drap. 100.000 ceintures de flanelle.
457.000 effets de grand équipement en cuir. 58.000 havresacs.
177,000 paires de souliers.
136.000 paires de guêtres, de toile ou de cuir. 111.000 chemises.
166.000 effets de campement. 2,375 grandes tentes. 160.000 tentes-abris. 145.000 couvertures.
Ces chiffres ne se rapportent qu’aux distributions faites à Paris. Us permettent d’apprécier ce que l’administration de la guerre, tout en habil
lant ou rhabillant l’armée de Paris, a pu fournir en quatre mois au ministère de l’intérieur, qui recevait d’une main ce qu’il distribuait de l’autre.
ACTES DU GOUVERNEMENT
GARDE NATIONALE.
Vu la loi du 12 août 1870, dont l’article 5 a ouvert aux départements de la guerre et de l’in
térieur un crédit provisoire de 50,000,000 fr., pour pourvoir aux dépenses occasionnées par l’organi
sation des gardes nationales en France, il est ouvert aux ministères de l’intérieur et de la guerre sur le budget extraordinaire de l’exercice 1870 un nouveau supplément de crédit s’élevant à la somme de vingt millions, pour faire face aux dépenses des gardes nationales de France.
MONT-DE-PIÉTÉ.
Un crédit de sept cent mille francs (700,000 fr.) est ouvert au ministère des finances pour la somme à rembourser parle Trésor à l administration du Mont-de-Piété.
caisse d’épargne.
Le sdéposants qui ont demandé des remboursements en espèces et qui ont à leur compte une pro
vision suffisante, ont été admis, depuis le 18 de ce mois, à faire une nouvelle demande de remboursement en espèces de 50 francs,
réquisitions.
Tous les bestiaux sont atteints par la réquisition; les vaches laitières que les particuliers ont été autorisés à conserver n’en sont pas moins réquisitionnées.
Les détenteurs sont devenus de simples gardiens, tenus de représenter les animaux à eux confiés.