Ils n’ont pas le droit de les vendre, do les faire j abattre, ni même de les déplacer.
Par une décision du 24 novembre, la saisie de 1,700 vaches laitières a été ordonnée.
Ce chiffre est ainsi composé :
Vaches déclarées après le délai prescrit. 954 Vaches dpnt l’alimentation n’était pas
suffisamment assurée.............................. 416 Vaches n’ayant jamais été déclarées... 350
Total.................... 1.720
Aux termes de l’arrêté du 8 novembre, tous ces animaux seraient non-seulement sous le coup de la réquisition, mais sous le coup de la confiscation.
Par conséquent, en les payant comme animaux de boucherie, l’administration est loin d’user de rigueur,
Après cette saisie, il restera dans Paris 4,217 vaches laitières déclarées.
La disette de lait n’est donc pas à redouter.
RÉQUISITION DES HUILES DE PÉTROLE.
Par décret du gouvernement, réquisition est faite de toutes les huiles de pétrole épurées exis
tant dans les magasins publics et privés de Paris et de la banlieue, que ces huiles aient été ou n’aient pas été l’objet de déclarations antérieures.
Les huiles acquises par la Ville ne pourront être payées à un prix inférieur à la mercuriale des quinze premiers jours de septembre.
RECENSEMENT DES CHEVAUX, ANES ET MULETS.
Il a été fait, dans la journée du 29 novembre, un recensement général de tous les chevaux, ânes et mulets existant à Paris et dans la banlieue.
A partir du 1er décembre, il ne peut être vendu ni cheval, ni âne, ni mulet, sans que le vendeur en ait fait au préalable notification à la mairie dans laquelle l’animal a été recensé.
Tout animal non déclaré devient la propriété de
l’État.
LE THEATRE PENDANT LE SIÉGE
M. Morel, en racontant son voyage aventureux à travers les lignes ennemies, rapporte une de ses conversations avec un officier prussien : l’officier, qui regardait à l’horizon l’immense ville comme les barbares sondaient du regard Rome devant laquelle s’arrêtait leur course, demandait à M. Morel s’il était vrai que Paris allât encore au théâtre. Pourquoi pas? Si Paris, insatiable de spectacles, insouciant des maux du pays, indiffé
rent à ses propres misères se fût jeté dans les plaisirs d’autrefois, n’ayant d’autre mobile que les distractions, je comprendrais qu’on l’accusât d’é
goïsme et de futilité. Mais un autre sentiment le conseillait, un sentiment noble et élevé : sa passion de générosité, son esprit de charité le rame
naient vers les salles de théâtre momentanément abandonnées, et qui se rouvraient à l’appel du patriotisme et de la bienfaisance.
Tout un peuple d’artistes, de musiciens, de figurants, de machinistes, d’ouvriers, vit du théâ
tre : ce n’est pas à cette population inoccupée que le siège imposait le’moins de privations et de mi
sères : dans le malheur commun, il était bon de venir à leur secours, de répondre à leur appel ; il faut le dire : ce n’est pas leur situation person
nelle qui les préoccupa dès l’abord : ils s’offrirent pour une œuvre plus grande, pour la défense de la patrie. Plus d’un canon a été fondu grâce à la recette d’un concert ou d’une représentation dra
matique. Toul, Strasbourg, Ghâteaudun n’ont pas inspiré une admiration stérile; des souscriptions ont été ouvertes par les théâtres pour venir en aide à tant de désastres; de toutes parts, les théâ
tres ont versé dans les ambulances l’argent des spectateurs accourus, non à ces plaisirs, mais à ces grandes manifestations de la sympathie publi
que. En quoi donc Paris a t-il manqué à sa dignité, et qui donc peut le blâmer de revenir aux jouissances de son esprit et de son intelligence, quand il les agrandit encore par le sentiment du devoir qu’il accomplit et du bien qu’il fait?
Certes, c’est une page bien courte que celle qui appartient au théâtre, dans cette grande histoire de Paris assiégé; une note tout au plus, mais elle mérite d’être conservée.
Après le désastre de Sedan, Paris, stupéfait, indigné et atteint au plus profond de son âme, se voila de deuil; les portes du théâtre se fermèrent; on songea peu de temps après à l’utilité qu’il y aurait à les rouvrir ; le spectacle était, en somme, le moyen le plus efficace offert aux sous
criptions patriotiques. L’Opéra commença des premiers par des concerts. Il prit à son réper
toire le cœur même de ses chefs-d’œuvre, Alceste, La Huguenots, Moïse, Guillaume Tell, Herculanum, et il les exécuta. Hélas ! ce n’était plus la salle que nous avons connue, toute resplendissante des toilettes et des élégances parisiennes !
Mais elle avait aussi son caractère : à l’orchestre, dans les loges de galerie, dans les avantscènes du Jockey-Club et de l ancienne cour, partout l’uniforme. Les gardes nationaux et les mo
biles meublaient du haut en bas l’immense théâtre. Quelques étrangères, restées fidèles à Pf.-is, occupaient encore leurs loges louées à l’année. Sauf quelques habitués de l’orchestre, le public, la population ordinaire de l’Opéra, a pres
que toute émigré. On n’échange plus, de voisin à voisin, le nom des belles spectatrices, et les loges ne s’ouvrent plus au milieu de la représentation pour laisser entrer quelques personnalités trop
célèbres de l’ancien monde. On n’en écoute que mieux. Devant, sur la rampe de feu, les comparses, hommes et femmes, sont assis sur des bancs échelonnés en amphithéâtre. L’aspect est triste de cette masse en habits de ville, interprétant des scènes dramatiques qui exigent impérieusement le costume. Il est bien autrement discordant, cet Arnold en habit noir, ce Guillaume en cravate blanche et en pantalon, qui excitent au soulève
ment contre Gessler tout un peuple helvétique vêtu comme vous et moi. Le grand-prêtre d’Al
ceste, habillé en parfait notaire, n’était pas celui que Gluck avait rêvé. Mais que voulez-vous ? Nous
sommes au concert et non à une représentation théâtrale. C’est une audition, non un spectacle.
Le Théâtre-Français, qui ne s’est pas épargné danscette œuvre de bienfaisance, a eu, lui, moins à souffrir. Peu lui importe le costume, du moins aux pièces de Molière ; la comédie de Molière,
c’est la comédie humaine ; elle ne se confine pas dans un pays, elle ne s’arrête pas à une date, elle vit dans le présent, comme dans le passé, comme elle vivra dans l’avenir. Le dix-huitième siècle jouait le Misanthrope en habit pailleté et en per
ruque poudrée : Alceste était toujours aussi vrai que sous ses rubans verts, ses canons et sa perru
que à la Louis XIV : il l’est toujours sous l’habit noir et sous le paletot, et de quelque façon que vous habilliez Gélimène, vous la trouverez touj ours de votre époque. Curieuses représentations que celles des comédies de Molière avec nos habits d’aujourd’hui !
La Comédie-FrançaF a ne s’en est pas tenue aux chefs-d’œuvre du mai’ ; e des maîtres. Ellea joué, en costume cette fois, e’ e Legs, et le Mariage de Figaro,
etsongiandrépertcme dramatique. Du talent de ses interprètes, je n’ai rien à vous dire; ils vous sont connus ; des comédiens de l’Empereur aux comé
grande : mais je touche ici à des mots qui ont soulevé de grands débats entre MM. Got et Goquelin. Un coup de pistolet au milieu de la ca
nonnade de tous nos forts : M. Coquelin avait raiso n, mais là, vrai, M. Got n’avait pas tort. Il lui semblait qu’il y avait là comme une question de convenance, de la part des artistes de la Comédie-Française, à ne pas se faire les interprètes
des Châtiments de Victor Hugo : mais le poète l’a emporté, et son œuvre vengeresse règne sur toute la ligne : Victor Hugo, ce souverain poétique de la République, est partout. Il n’est plus de bonnes fêtes Littéraires sans les Châtiments-, à la Porte- Saint-Martin, dans les théâtres des boulevards, dans les conférences, dans les matinées littéraires,
à l’Opéra, toujours les Châtiments. Le maître s’est emparé en vainqueur du Théâtre-Français : on y joue Hernaniet son cinquième acte aux deux morts par le poison, Lucrèce Borgia et son festin : les noces de Cana de l’empoisonnement. Et après tout ce bruit, tout ce vacarme, nous écoutions l’autre jour, l’oreille collée à un montant de la coulisse, le premier acte à Esther, si pur, si simple, si touchant, et que M110 Favart dit à merveille. D’un art à l’autre, quelle différence ! Lequel aimez-vous mieux ?... Moi aussi.
Chose étrange! pendant que la grande voix du poète dans l’exil lance ses terribles imprécations et devance l’histoire, une nouvelle génération de poètes, inspirée par les malheurs du moment, dit
les émotions du jour sur une corde plus maniérée que sincère. C’est M. Manuel, avec ses vers aux pigeons voyageurs, ses récits émus; c’est M. Coppée, avec sa Lettre d un mobile. Toute cette poésie ne me touche guère, je l’avoue. On dirait des pa
ges découpées dans le Conscrit de 1813, d’Erckmann-Chatrian : cela manque d’originalité, et je préfère de beaucoup les Cuirassiers de Rcichsclioffen, de M. Émile Bergerat. M. Coquelin s’est tait l’interprète, avec toute l’autorité de son talent,
des pièces que je viens de citer. Le goût est à ces morceaux détachés, comme, pendant la Révolu
tion de 1792, aux bergeries et aux églogues; nous avons aussi les Berquins de la sentimentalité patriotique.
Je ne puis enregistrer ici les nombreuses conférences de toute sorte auxquelles les hommes de talent ont apporté l’attrait de leur parole. Je le regrette. Quand l’esprit sert une bonne action, il a une double valeur : ceci soit â l’adresse de M. Legouvé et de notre confrère Glaretie, entre autres; mais je ne puis oublier une soirée chez M. Arsène Houssaye, soirée donnée au bénéfice des ambulances de la presse. Le programme, ré
digé de la façon la plus humoristique et la plus piquante, offrait les attractions les plus séduisantes. Du moins, a-t-il tenu ses promesses? Parfai
tement, et qui mieux est, ses espérances, car la soirée a produit plus de six mille francs.
M. Savigny.
PRISE DE LA FOURCHE DE CHAMPIGNY
La prise de Champigny, que nous représentons par les deux dessins de cette page, forme en quel
que sorte la première étape de la campagne qui vient de s’ouvrir sous les murs de Paris. L’occupation de ce poste montre par quelle lutte opiniâ
tre ont été tour à tour attaqués et défendus chacun des points fortifiés par les Prussiens.
Depuis le 11 octobre dernier, la position de Champigny n’a cessé d’être l’objectif des forces que nous avions au delà de Vincennes. Les batteries de la Faisanderie et de la redoute de Join
ville ont fait, à différentes reprises, tomber une pluie de bombes sur les postes défendus par l’en
nemi. Les maisons où s’abritaient les Prussiens, les bâtiments qui servaient à leurs approvisionnements ont été successivement l’objet de vives attaques et de longues canonnades.
Le bombardement a été des plus violents, surtout le 25 octobre, Iel2etle21 novembre, où l’en
nemi a été définitivement chassé de cette position importante.
La plupart des reconnaissances et des attaques dirigées contre. Champigny ont été exécutées par la compagnie des tirailleurs parisiens, commandée
par le capitaine Lavigne, qui a mérité plusieurs fois les honneurs de l’ordre du jour. C’est la compagnie des tirailleurs parisiens qui servit de
VACHES LAITIÈRES.
Par une décision du 24 novembre, la saisie de 1,700 vaches laitières a été ordonnée.
Ce chiffre est ainsi composé :
Vaches déclarées après le délai prescrit. 954 Vaches dpnt l’alimentation n’était pas
suffisamment assurée.............................. 416 Vaches n’ayant jamais été déclarées... 350
Total.................... 1.720
Aux termes de l’arrêté du 8 novembre, tous ces animaux seraient non-seulement sous le coup de la réquisition, mais sous le coup de la confiscation.
Par conséquent, en les payant comme animaux de boucherie, l’administration est loin d’user de rigueur,
Après cette saisie, il restera dans Paris 4,217 vaches laitières déclarées.
La disette de lait n’est donc pas à redouter.
RÉQUISITION DES HUILES DE PÉTROLE.
Par décret du gouvernement, réquisition est faite de toutes les huiles de pétrole épurées exis
tant dans les magasins publics et privés de Paris et de la banlieue, que ces huiles aient été ou n’aient pas été l’objet de déclarations antérieures.
Les huiles acquises par la Ville ne pourront être payées à un prix inférieur à la mercuriale des quinze premiers jours de septembre.
RECENSEMENT DES CHEVAUX, ANES ET MULETS.
Il a été fait, dans la journée du 29 novembre, un recensement général de tous les chevaux, ânes et mulets existant à Paris et dans la banlieue.
A partir du 1er décembre, il ne peut être vendu ni cheval, ni âne, ni mulet, sans que le vendeur en ait fait au préalable notification à la mairie dans laquelle l’animal a été recensé.
Tout animal non déclaré devient la propriété de
l’État.
LE THEATRE PENDANT LE SIÉGE
M. Morel, en racontant son voyage aventureux à travers les lignes ennemies, rapporte une de ses conversations avec un officier prussien : l’officier, qui regardait à l’horizon l’immense ville comme les barbares sondaient du regard Rome devant laquelle s’arrêtait leur course, demandait à M. Morel s’il était vrai que Paris allât encore au théâtre. Pourquoi pas? Si Paris, insatiable de spectacles, insouciant des maux du pays, indiffé
rent à ses propres misères se fût jeté dans les plaisirs d’autrefois, n’ayant d’autre mobile que les distractions, je comprendrais qu’on l’accusât d’é
goïsme et de futilité. Mais un autre sentiment le conseillait, un sentiment noble et élevé : sa passion de générosité, son esprit de charité le rame
naient vers les salles de théâtre momentanément abandonnées, et qui se rouvraient à l’appel du patriotisme et de la bienfaisance.
Tout un peuple d’artistes, de musiciens, de figurants, de machinistes, d’ouvriers, vit du théâ
tre : ce n’est pas à cette population inoccupée que le siège imposait le’moins de privations et de mi
sères : dans le malheur commun, il était bon de venir à leur secours, de répondre à leur appel ; il faut le dire : ce n’est pas leur situation person
nelle qui les préoccupa dès l’abord : ils s’offrirent pour une œuvre plus grande, pour la défense de la patrie. Plus d’un canon a été fondu grâce à la recette d’un concert ou d’une représentation dra
matique. Toul, Strasbourg, Ghâteaudun n’ont pas inspiré une admiration stérile; des souscriptions ont été ouvertes par les théâtres pour venir en aide à tant de désastres; de toutes parts, les théâ
tres ont versé dans les ambulances l’argent des spectateurs accourus, non à ces plaisirs, mais à ces grandes manifestations de la sympathie publi
que. En quoi donc Paris a t-il manqué à sa dignité, et qui donc peut le blâmer de revenir aux jouissances de son esprit et de son intelligence, quand il les agrandit encore par le sentiment du devoir qu’il accomplit et du bien qu’il fait?
Certes, c’est une page bien courte que celle qui appartient au théâtre, dans cette grande histoire de Paris assiégé; une note tout au plus, mais elle mérite d’être conservée.
Après le désastre de Sedan, Paris, stupéfait, indigné et atteint au plus profond de son âme, se voila de deuil; les portes du théâtre se fermèrent; on songea peu de temps après à l’utilité qu’il y aurait à les rouvrir ; le spectacle était, en somme, le moyen le plus efficace offert aux sous
criptions patriotiques. L’Opéra commença des premiers par des concerts. Il prit à son réper
toire le cœur même de ses chefs-d’œuvre, Alceste, La Huguenots, Moïse, Guillaume Tell, Herculanum, et il les exécuta. Hélas ! ce n’était plus la salle que nous avons connue, toute resplendissante des toilettes et des élégances parisiennes !
Mais elle avait aussi son caractère : à l’orchestre, dans les loges de galerie, dans les avantscènes du Jockey-Club et de l ancienne cour, partout l’uniforme. Les gardes nationaux et les mo
biles meublaient du haut en bas l’immense théâtre. Quelques étrangères, restées fidèles à Pf.-is, occupaient encore leurs loges louées à l’année. Sauf quelques habitués de l’orchestre, le public, la population ordinaire de l’Opéra, a pres
que toute émigré. On n’échange plus, de voisin à voisin, le nom des belles spectatrices, et les loges ne s’ouvrent plus au milieu de la représentation pour laisser entrer quelques personnalités trop
célèbres de l’ancien monde. On n’en écoute que mieux. Devant, sur la rampe de feu, les comparses, hommes et femmes, sont assis sur des bancs échelonnés en amphithéâtre. L’aspect est triste de cette masse en habits de ville, interprétant des scènes dramatiques qui exigent impérieusement le costume. Il est bien autrement discordant, cet Arnold en habit noir, ce Guillaume en cravate blanche et en pantalon, qui excitent au soulève
ment contre Gessler tout un peuple helvétique vêtu comme vous et moi. Le grand-prêtre d’Al
ceste, habillé en parfait notaire, n’était pas celui que Gluck avait rêvé. Mais que voulez-vous ? Nous
sommes au concert et non à une représentation théâtrale. C’est une audition, non un spectacle.
Le Théâtre-Français, qui ne s’est pas épargné danscette œuvre de bienfaisance, a eu, lui, moins à souffrir. Peu lui importe le costume, du moins aux pièces de Molière ; la comédie de Molière,
c’est la comédie humaine ; elle ne se confine pas dans un pays, elle ne s’arrête pas à une date, elle vit dans le présent, comme dans le passé, comme elle vivra dans l’avenir. Le dix-huitième siècle jouait le Misanthrope en habit pailleté et en per
ruque poudrée : Alceste était toujours aussi vrai que sous ses rubans verts, ses canons et sa perru
que à la Louis XIV : il l’est toujours sous l’habit noir et sous le paletot, et de quelque façon que vous habilliez Gélimène, vous la trouverez touj ours de votre époque. Curieuses représentations que celles des comédies de Molière avec nos habits d’aujourd’hui !
La Comédie-FrançaF a ne s’en est pas tenue aux chefs-d’œuvre du mai’ ; e des maîtres. Ellea joué, en costume cette fois, e’ e Legs, et le Mariage de Figaro,
etsongiandrépertcme dramatique. Du talent de ses interprètes, je n’ai rien à vous dire; ils vous sont connus ; des comédiens de l’Empereur aux comé
diens de la République, la différence n’est pas
grande : mais je touche ici à des mots qui ont soulevé de grands débats entre MM. Got et Goquelin. Un coup de pistolet au milieu de la ca
nonnade de tous nos forts : M. Coquelin avait raiso n, mais là, vrai, M. Got n’avait pas tort. Il lui semblait qu’il y avait là comme une question de convenance, de la part des artistes de la Comédie-Française, à ne pas se faire les interprètes
des Châtiments de Victor Hugo : mais le poète l’a emporté, et son œuvre vengeresse règne sur toute la ligne : Victor Hugo, ce souverain poétique de la République, est partout. Il n’est plus de bonnes fêtes Littéraires sans les Châtiments-, à la Porte- Saint-Martin, dans les théâtres des boulevards, dans les conférences, dans les matinées littéraires,
à l’Opéra, toujours les Châtiments. Le maître s’est emparé en vainqueur du Théâtre-Français : on y joue Hernaniet son cinquième acte aux deux morts par le poison, Lucrèce Borgia et son festin : les noces de Cana de l’empoisonnement. Et après tout ce bruit, tout ce vacarme, nous écoutions l’autre jour, l’oreille collée à un montant de la coulisse, le premier acte à Esther, si pur, si simple, si touchant, et que M110 Favart dit à merveille. D’un art à l’autre, quelle différence ! Lequel aimez-vous mieux ?... Moi aussi.
Chose étrange! pendant que la grande voix du poète dans l’exil lance ses terribles imprécations et devance l’histoire, une nouvelle génération de poètes, inspirée par les malheurs du moment, dit
les émotions du jour sur une corde plus maniérée que sincère. C’est M. Manuel, avec ses vers aux pigeons voyageurs, ses récits émus; c’est M. Coppée, avec sa Lettre d un mobile. Toute cette poésie ne me touche guère, je l’avoue. On dirait des pa
ges découpées dans le Conscrit de 1813, d’Erckmann-Chatrian : cela manque d’originalité, et je préfère de beaucoup les Cuirassiers de Rcichsclioffen, de M. Émile Bergerat. M. Coquelin s’est tait l’interprète, avec toute l’autorité de son talent,
des pièces que je viens de citer. Le goût est à ces morceaux détachés, comme, pendant la Révolu
tion de 1792, aux bergeries et aux églogues; nous avons aussi les Berquins de la sentimentalité patriotique.
Je ne puis enregistrer ici les nombreuses conférences de toute sorte auxquelles les hommes de talent ont apporté l’attrait de leur parole. Je le regrette. Quand l’esprit sert une bonne action, il a une double valeur : ceci soit â l’adresse de M. Legouvé et de notre confrère Glaretie, entre autres; mais je ne puis oublier une soirée chez M. Arsène Houssaye, soirée donnée au bénéfice des ambulances de la presse. Le programme, ré
digé de la façon la plus humoristique et la plus piquante, offrait les attractions les plus séduisantes. Du moins, a-t-il tenu ses promesses? Parfai
tement, et qui mieux est, ses espérances, car la soirée a produit plus de six mille francs.
M. Savigny.
PRISE DE LA FOURCHE DE CHAMPIGNY
La prise de Champigny, que nous représentons par les deux dessins de cette page, forme en quel
que sorte la première étape de la campagne qui vient de s’ouvrir sous les murs de Paris. L’occupation de ce poste montre par quelle lutte opiniâ
tre ont été tour à tour attaqués et défendus chacun des points fortifiés par les Prussiens.
Depuis le 11 octobre dernier, la position de Champigny n’a cessé d’être l’objectif des forces que nous avions au delà de Vincennes. Les batteries de la Faisanderie et de la redoute de Join
ville ont fait, à différentes reprises, tomber une pluie de bombes sur les postes défendus par l’en
nemi. Les maisons où s’abritaient les Prussiens, les bâtiments qui servaient à leurs approvisionnements ont été successivement l’objet de vives attaques et de longues canonnades.
Le bombardement a été des plus violents, surtout le 25 octobre, Iel2etle21 novembre, où l’en
nemi a été définitivement chassé de cette position importante.
La plupart des reconnaissances et des attaques dirigées contre. Champigny ont été exécutées par la compagnie des tirailleurs parisiens, commandée
par le capitaine Lavigne, qui a mérité plusieurs fois les honneurs de l’ordre du jour. C’est la compagnie des tirailleurs parisiens qui servit de