POLITIQUE EXTÉRIEURE
LES QUATRE PUISSANCES
Au point de vue de la politique étrangère, nous .devons constater que tous les journaux français et étrangers, reçus à Paris, sont d’accord pour admettre que les quatre puissances neutres ont conti
nué, en dehors du gouvernement de la France, les négociations qui ont pour but d’arriver non-seule
ment à un armistice, mais encore, ainsi que nous l’avons dit, à la conclusion de la paix.
Le point de départ de l’action des neutres se trouverait dans un document diplomatique fran
çais non encore livré à la publicité, mais qui n’en
existerait pas moins dans nos archives. Dans le courant d’une correspondance diplomatique enga


gée entre le cabinet des Tuileries et le Foreign


Office pendant les mois qui précédèrent la guerre avec la Prusse, le gouvernement français eut oc
casion de déclarer que si cette guerre éclatait et que la chance des armes le favorisât, il ne récla
merait aucune extension de territoire, mais seule
ment la fondation d’un Etat neutre composé des provinces appartenant, sur la rive gauche du Rhin, à la Prusse et à la Bavière.
Le gouvernement britannique, très-éveillé au sujet des ambitieuses visées que l’on supposait à la France relativement à la ligne du Rhin, prit acte de la déclaration, et s’empressa d’en faire part au cabinet de Saint-Pétersbourg. Cette déclaration aurait été la première base de l’entente à établir entre les puissances neutres.
La sollicitude des souverains aurait eu surtout pour point d’observation : les appétits de la Prusse d’une part, les vues et les espérances de la France de l’autre; et celle de leurs cabinets respectifs
eut pour objectif la ferme résolution de conjurer des éventualités menaçantes pour la paix de l’Europe entière.
Il aurait été arrêté que, spectatrices des événements qui allaient se produire, les quatre grandes puissances auraient à s’entendre plus tard sur le moment qu’elles jugeraient opportun pour arrêter l’effusion du sang et proposer aux parties belligérantes, soit une médiation, soit une interven
tion ; en vue de hâter le rétablissement de la paix, mais eue, dans tous les cas, il ne pourrait être
question, nous le répétons, au profit de la puissance victorieuse, que d’une indemnité pécuniaire; — que si les parties belligérantes pou
vaient s’entendre à l’amiable sur ce chiffre, ce se
rait au mieux, et que, dans le cas contraire, la médiation s’en chargerait.
Tel serait l’objet des négociations qui se poursuivent, en dehors de nous, entre la Prusse et les quatre puissances. Il n’échappera à personne que tout ce qui précède prend un caractère de vraisemblance, et nous dirons même de vérité.
C’est surtout en politique que l’on peut dire que l’intérêt est la mesure des actions. Or il est impossible de ne pas reconnaître que cette en
tente de l’Europe serait fondée tout à la fois sur son intérêt véritable et sur le respect du principe des nationalités, le seul que reconnaisse aujour
d’hui le droit public européen. Que l’Europe laisse sans contrepoids se fonder le pangermanisme, et demain l’équilibre européen n’existe plus !
On sait que M. de Bismark vient d’annoncer qu’il ferait juger par un conseil de guerre les aéronautes pris avec les ballons que l’armée prussienne a capturés.
LA PRUSSE.
Il en sera donc des voyageurs en ballon comme des francs-tireurs; ils n’auront d’autre perspec
tive qu’une exécution sommaire. Espérons que nous trouverons le moyen, comme les francstireurs des Vosges, de faire entendre raison au roi Guillaume. Un voyageur en ballon, dit le Standard, n’est pas un espion. Il ne va pas se jeter dans les lignes ennemies. Une ville assiégée est exactement dans la situation d’un port bloqué. Or,
l’équipage et les officiers d’un navire qui briseraient un blocus ne sont soumis à aucune pénalité. S’ils sont neutres, ils peuvent s’en aller librement; s’ils sont ennemis, ils deviennent prisonniers de guerre.
La même règle est manifestement applicable aux navigateurs aériens. Ils peuvent sans doute, par leur conduite personnelle, se rendre passibles de la loi martiale; mais, en tant que voyageurs en ballon, ils sont exactement dans la position des briseurs de blocus. Cela est si clair que, jusqu’à ce qu’on affirme le contraire, nous refuserons d’attribuer aux Prussiens l’intention de trai
ter en criminels des Français qui auraient fait à travers les airs ce que, très-notoirement, ils ont le droit de faire à travers les eaux.
L’ouverture du parlement de la Confédération de l’Allemagne du Nord nous revèle, une fois de plus, par un document officiel, les dispositions et les vues politiques de la Prusse. Le discours royal, prononcé devant le Reichstag par M. Delbruck,
ministre d’Etat, met surtout en relief les points suivants :
1° Le refus qu’au dire de M. de Bismark le Gouvernement français aurait toujours opposé aux tentatives de pacification mises en avant par la Prusse victorieuse.
2° L’impossibilité où se trouve la France de continuer une lutte qui use les forces du pays dans des combats sans espoir.
3° La nécessité pour la Prusse et pour l’Allemagne de reconstituer leurs frontières en reven
diquant des garanties proportionnées à la grandeur des sacrifices qu’elles ont faits.
4° L’obligation pour les Etats confédérés de créer les voies et moyens qui permettent aux alliés de mener à bonne fin leur entreprise
5° L’inévitable conséquence de cette guerre qui doit réunir les États du Sud au faisceau de la Confédération de l’Allemagne du Nord.
On voit que ce sont toujours les mêmes sophismes et les mêmes calomnies. Nous n’avons pas voulu faire la paix? dit M. de Bismark. Le rap
port de M. Thiers, que nous publions plus loin,
fait justice de ces odieuses décimations. Nous ne pouvons plus lutter? proclame encore le chance
lier de l’Allemagne du Nord. La bataille de Coulmiers et celle de Villiers-sur-Marne lui ont répondu. Au sujet de l’Alsace et de la Lorraine, nous douvons dire que la Prusse ne les possède pas encore.
Quant à l’Allemagne du Sud, la politique de M. de Bismark est loin d’y faire de grands progrès. Les victoires morales de la Prusse au sud du Mein se réduisent à la conquête de deux petits pays, qui lui étaient déjà acquis, l’un par un entraînement de famille, l’autre par une dure nécessité, bien avant que la guerre éclatât. Quant aux Bavarois
et aux Wurtembergeois, « malgré le sentiment de communauté inspire par des dangers communs et des victoires gagnées en commun, » ils préten
dent -obtenir, pour prix do leur coopération
armée, la sauvegarde de leur autonomie. La Prusse a trop prouvé à l’Allemagne qu’elle n’a- vait en vue que sa toute-puissance.
LA QUESTION D’ORIENT.
Une circulaire du prince Gortschakoff datée de Tsarskoé-Selo, le 31 octobre, vient de dénoncer, au milieu des complications présentes, le traité de Paris du 30 mars 1856. Se fondant sur des violations peu importantes, des clauses de ce traité,
le chancelier de Russie ne peut admettre de jure que des traités violés dans plusieurs de leurs clauses générales et essentielles puissent rester en vigueur dans d’autres clauses qui affectent directement les intérêts de son empire.
Il ajoute que la Russie ne peut admettre non plus de facto qu’elle puisse se reposer pour sa sû
reté sur une fiction qui n’a point supporté l’é­


preuve du temps, ni qu’elle puisse admettre que


sa sûreté puisse être mise en péril par le respect qu’elle aurait elle-même pour un traité en partie inexécuté par les autres. Confiant dans le senti
ment des puissances signataires du traité de 1856, aussi bien que dans la conscience de sa propre dignité, l’empereur de Russie ne peut plus se con
sidérer lui-même comme lié plus longtemps par
les stipulations d’un traité restreignant i’excrcice de ses droits souverains dans la mer Noire. Il se considère comme étant dans le droit et dans le devoir d’annoncer qu’il ne regardera pas plus longtemps comme valide la convention spéciale et additionnelle qui fixe le nombre et la dimension des vaisseaux de guerre que les deux puissances riveraines de la mer Noire pourront garder dans cette mer.
C’est un coup de foudre, ont répété tous les journaux, excepté les journaux de Berlin Remarquons, en effet, que la Russie n’en appelle pas aux puissances signataires du traité pour exami
ner dans un nouveau congrès les clauses et les violations du traité qu’elle voudrait remanier. Le gouvernement de Saint-Pétersbourg se borne à déclarer qu’il ne l’observera plus. Voilà où nous mène la maxime : la force prime le droit!
Dans sa vive réplique au prince Gortschakof, le comte de Granville relève sans doute tout ce qu’il y a d’exorbitant dans cette manière de compren
dre et d’interpréter le droit public européen. Et les journaux anglais ont crié à qui mieux mieux que c’était là la politique du lion de la fable, partageant les parts et trouvant le moyen de se les attribuer toutes ! Pour l’Angleterre la leçon est rude; mais il faut convenir qu’elle est méritée. Hier, l’Angleterre nous raillait dans notre chute. La voilà aujourd’hui plus atteinte que nous peutêtre par les exécuteurs du testament de Pierre-le- Grand, et ce n’est là que le premier fruit de la politique de rapine affichée par la Prusse. Il est plus que temps de faire triompher le droit.
LA ROYAUTÉ EN ESPAGNE.
Les Cortès d’Espagne ont voté pour une royauté, et le duc d’Aoste a été élu roi par 191 voix contre 120 voix qui ont été données soit à la République, soit au duc de Montpensier et à d’autres candidats.
Mais la solution que l’Espagne croyait avoir trouvée menace de lui échapper encore. Le gouver
nement italien, craignant que cette élection du duc d’Aoste au trône d’Espagne ne fasse surgir de gra
ves complications refuse, dit-on, son consentement au prince, et voilà les Cortès réduites à rouler de nouveau le rocher de Sisyphe de la monarchie.
Aug. Marc.
« Agréez, mon général, l’expression de la haute « considération avec laquelle j’ai l’honneur d’être « votre très-humble et très-obéissant serviteur.
« Le chef d’état-major,
« Comte De Moltke. » « Le Gouverneur a répondu :
Paris, ce 6 décembre 1870.
« Votre Excellence a pensé qu’il pourrait être « utile de m’informer que l’armée de la Loire a « été défaite près d’Orléans et que cette ville est « réoccupée par les troupes allemandes.
« J’ai l’honneur de vous accuser réception de « cette communication, que je ne crois pas devoir « faire vérifier par les moyens que Votre Excel« lencc m’indique.
« Agréez, mon général, l’expression de la haute « considération avec laquelle j’ai l’honneur d’être « votre très-humble et très-obéissant serviteur.


« Le gouverneur de Paris,


« Général Trochu. »
« Cette nouvelle qui nous vient par l’ennemi, en la supposant exacte, ne nous ôte pas le droit de compter sur le grand mouvement de la France accourant à notre secours. Elle ne change rien ni à nos résolutions ni à nos devoirs.
« Un seul mot les résume : Combattre ! Vive la France ! Vive la République !
Les membres du Gouvernement. Les ministres.
Les secrétaires.