aimé de tous, et ami de tous, et ce n’est pas le plus mince éloge que l’on puisse faire d’un chef. Il a la hain-e invétérée du Prussien, n’a jamais désespéré un moment du salut de la patrie, et demande que cette grande lutte ne finisse que le jour où nous aurons .chassé l’Allemand jusqu’au delà du Rhin. « Il y en aura pour ceux qui en veulent, et pour ceux qui n’en veulent pas, » dit-il souvent en par
lant de cette guerre, qu’il prévoit longue, mais glorieuse à la fin pour nos armes.
L. Simonin. (Le capitaine Bérard.)
SITUATION GÉNÉRALE.
Union de Paris et des départements pour résister à outrance, accroissement de nos forces mili
taires, amélioration sensible dans l’état de nos ressources militaires ; tels sont les traits caractéristiques de la situation.
Et en effet, l’impression générale produite par les dépêches de M. Gambetta peut être regardée comme favorable. Ni l’occupation de Rouen, ni l’abandon d’Orléans, ni le retrait de la délégation à Bordeaux, ni l’évacuation d’Amiens, n’ont fait perdre de vue lè côté véritablement rassurant des nouvelles apportées par les dépêchés.
Ce côté, que tout le monde a saisi, est celui-ci : Il y a une armée des départements, une armée qui manœuvre, qui combat, qui ne se laisse pas détruire, qui se replie pour asseoir ses positions,
qui sait abandonner Orléans à temps pour ne pas faire d’Orléans un autre Sedan, qui maintient la seule importante armée d’opération des Prussiens, l’armée du prince Frédéric-Charles, et qui anni
hile ainsi en partie les avantages que l’ennemi comptait tirer de son dernier succès.
Pour nous, nous savons que les départements résistent, et cela nous suffit. Cette résistance peut n’avoir pas été aussi heureuse que nous l’aurions désiré ; nos armées de province ont pu évacuer Orléans, comme nous avons repassé la Marne, mais soyons-en bien convaincus, notre situation
est meilleure aujourd’hui qu’elle l’était il y a deux mois. Pendant deux mois nous avons lutté avec une organisation incomplète, presque nulle; chaque jour maintenant nous assure d’une orga
nisation meilleure. Le plus difficile effort a été fait. Nous en recueillerons bientôt les fruits.
Cette amélioration frappe les esprits les plus enclins à la prudence et à la réserve. Le Journal de Paris, le Journal des Débats et le Temps recon
naissent que le mouvement de la résistance est général aujourd’hui dans toutes les parties de la France, et que cet élan, en condamnant les Prus
siens à nous vaincre partout et toujours, les place dans une position véritablement critique, car le jour des revers ne peut manquer d’arriver.
M. Guizot lui-même, dans une lettre écrite dernièrement, confesse que notre pays a certainement en lui-même des forces matérielles et mo
tance est aujourd’hui pour nous le seul moyen d’arriver à une paix tolérable et un peu durable.
« La fermeté admirable de Paris, dit-il, a déjà beaucoup agi sur l’esprit des Prussiens, chefs et peuple. Iis reconnaissent la difficulté de leur en
treprise. Faites en province tout ce qui pourra venir en aide à Paris. Notre salut est là. »
Paris a repris l’offensive, et chacun attend avec confiance le résultat de la grande attaque qui va s’engager pour joindre les efforts de notre armée à ceux des armées de la province. Cette grande sortie se fait dans les conditions les plus heureuses. Tout épouvantail de guerre civile a disparu;
l’union la plus complète nous montre le même patriotisme dans tous les rangs. Ce sont là, nous devons le dire, des gages de succès, et la popula
ion n’a jamais montré plus d’assurance.
Trois ombres légères à ce tableau. Le général Clément Thomas a dissous trois bataillons de la garde nationale de Paris : le bataillon des tirail
leurs de Belleville, parce qu’il s’est mal comporté devant l’ennemi, le 147e, parce qu’il a refusé de se rendre à l’appel, sous prétexte que le supplément
de solde de 75 centimes n’avait pas été payé aux femmes des absents, et enfin le 200e, parce que
le chef de bataillon et la moitié de ses hommes sont arrivés, pris de boisson, aux avant-postes.
Quelques journaux ont cru devoir critiquer la publicité donnée par le général Clément Tho
mas à ce dernier fait. Mais ce qu’on ne pourra que louer hautement, c’est la résolution bien arrêtée chez le général en chef de la garde nationale d’arriver, par une discipline vigilante et ri
goureuse, à constituer par les compagnies de guerre de la garde nationale une armée irrépro
chable, comme tenue au bivouac, et comme attitude devant l’ennemi. Les événements qui vont se dérouler sous nos yeux prouveront que ce ne sont là que de rares exceptions dans la grande armée de la garde nationale parisienne.
LES RÉQUISITIONS.
A l’heure où Paris assiégé n’a plus, comme ressources principales de son alimentation, que les produits distribués par les municipalités, u nous sera bien permis de dire que le système des réqui
sitions, pratiqué à outrance par le Gouvernement de la défense nationale, est loin d’avoir produit fous les bons résultats que l’on en attendait.
Ce moyen de répartition des vivres pouvait avantageusement être appliqué pour les denrées de grande consommation, parce qu’il est, dans ce cas, tout à la fois le plus facile et le plus important pour l’économie et le bou emploi des ressources essentielles du siège. C’est ainsi que la farine, les bœufs, les chevaux, les mulets et les ânes ont été très-justement soumis au décret souverain des ré
quisitions. On a pu ainsi distribuer plus équi
tablement et ménager ces produits, qui sont en quelque sorte la base de l’alimentation.
Mais en allant plus loin, on est arrivé à supprimer, sans aucun avantage bien sérieux, les produits accessoires qui alimentaient encore le com
merce, et que la population pouvait trouver à sa disposition. La réquisition des pommes de terre
les a fait complètement disparaître. Il en a été de même pour le solde de viandes disponibles qui restait encore chez les marchands de comestibles. Même inconvénient encore pour le fromage. Vian
des, pommes de terre, fromage, tout s’est éclipsé, en laissant la population dans une situation cruel
le, puisqu’il n’y a plus, presque, de marché pour les produits alimentaires, et sans donner à l’administration les ressources surabondantes sur les
quelles elle comptait. On a poussé à l’extrême un système qui ne demande à être pratiqué qu’avec une extrême circonspection, et on a malheureuse
ment sacrifié presque complètement la liberté, à laquelle il fallait laisser aussi sa place dans le mouvement de l’alimentation parisienne.
Aug. Marc.
LES BATAILLES SOUS PARIS
La campagne ouverte le 30 novembre et le 2 décembre a repris ses opérations, mercredi 21 dé
cembre. Ce n’est pas une bataille qui va se livrer; c’est une grande campagne qui se poursuit contre les lignes prussiennes. C’est assez dire que nous devons attendre avec patience le résultat des opérations engagées.
Cette reprise de la campagne nous donne à son début de sérieux avantages. L attaque, qui embras
sait le vaste périmètre allant par le côté Nord de nos lignes, de Nogent au Mont-Valérien, a réussi sur presque tous les points.
Sur la droite, le général Vinoy s’est emparé de Neuilly-sur-Marne, Ville-Evrard et la Maison- Blanche. Au centre, le général Ducrot a occupé la ferme de Groslay et Drancy, et du côté du Mont
Valérien, le général Noël s’est emparé de l’île du Ghiard, en face de Chaton.
Cette première journée, à laquelle ont vaiilamment coopéré les bataillons mobilisés de la garde nationale, est de nature à nous inspirer confiance dans le résultat définitif P. P.
CIRCULAIRE DU DÉLÉGUÉ DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
La circulaire qu’on va lire a été adressée, par le représentant du ministre des affaires étrangères
Tours, M. de Chaudordy, à tous les agents diplomatiques de la France. Ce document est resté trois jours entre les mains du ministre; mais il a été très-long à déchiffrer, et même plusieurs groupes n’ont pu être complètement traduits ;
Tours, 29 novembre 1870.
Monsieur, depuis deux mois environ, l’Europe épouvantée ne peut comprendre la prolongation d’une guerre sans exemple et qui est devenue
aussi inutile que désastreuse. Les ruines qui en sont la conséquence s’étendent sur le monde en
tier, et l’on se demande à la fois quelle peut être la cause d’une telle lutte et quel en est le but.
Le 18 septembre dernier, M. Jules Favre, viceprésident du Gouvernement de la défense natio
nale et ministre des affaires étrangères, se rendit à Ferrières pour demander la paix au roi de Prusse. On sait la hauteur avec laquelle on s’en est expliqué avec lui. Les puissances neutres ayant fait comprendre depuis qu’un armistice militaire était le seul terrain sur lequel il fallait se placer pour arriver ensuite à une pacification, le comte de Bismark s’y montra d’abord favorable, et des pourparlers s’ouvrirent à Versailles. M. Thiers consentit à y aller pour négocier sur cette base. Vous avez appris quel refus déguise la Prusse lui a opposé! On doit reconnaître cependant que les plénipotentiaires français ne pouvaient être mieux choisis pour inspirer confiance au quartier géné
ral prussien et mettre fin à la triste et délicate mission dont ils avaient si noblement pris la res
ponsabilité. La sincérité de leur amour pour la paix n’était pas douteuse. M. de Bismark savait bien que leur parole avait pour garant le pays tout entier. L’un et l’autre pourtant ont été écar
tés, et le cours funeste de la guerre n’a pu être suspendu.
Que veut donc la Prusse ? Le souverain auquel il avait été annoncé qu’on faisait exclusivement la guerre est tombé et son gouvernement avec lui. Il ne reste aujourd’hui que des citoyens en armes,
ceux-là mêmes que le roi Guillaume déclarait ne vouloir pas attaquer, et un gouvernement où siè
gent des hommes qui tiennent à honneur de s’être opposés de toutes leurs forces à l’entreprise qui devait couvrir de ruines le sol de notre patrie.
Que faut-il croire? Serait-il vrai que nos ennemis veuillent réellement nous détruire ? La Prusse n’a plus maintenant devant elle que la France ; c’est donc à la France même, à la nation armée pour défendre son existence que la Prusse a dé
claré cette nouvelle guerre d’extermination,
qu’elle poursuit comme un défi jeté au monde contre la justice, le droit et la civilisation.
C’est au nom de ces trois grands principes modernes outrageusement violés contre nous que nous en appelons à la conscience de l’humanité, avec la confiance que, malgré tant de malheurs, notre devoir imprescriptible est de sauvegarder la mo
rale internationale, Est-il juste, en effet, quand le but d’une guerre est atteint, que Dieu vous a donné des succès inespérés, que vous avez détruit les armées de votre ennemi, que cet ennemi luimême est renversé, de continuer la guerre pour le seul résultat d’anéantir ou forcer à se rendre par le feu ou la faim une grande capitale toute pleine des richesses des arts, des sciences et de l’industrie ? Y a-t-il un droit quelconque qui per
mette à un peuple d’en détruire un autre et de vouloir l’effacer ? Prétendre à ce but ce n’est qu’un acte sauvage qui nous reporte à l’époque des in
vasions barbares. La civilisation n’est-elle pas mé
connue complètement lorsqu’on se couvrant des nécessités de la guerre on incendie, on ravage, on pille la propriété privée, avec les circonstances les plus cruelles? Il faut que ces actes soient connus : nous savons les conséquences de la victoire et les nécessités qu’entraînent d’aussi vastes opérations stratégiques. Nous n’insisterons pas sur ces réqui
lant de cette guerre, qu’il prévoit longue, mais glorieuse à la fin pour nos armes.
L. Simonin. (Le capitaine Bérard.)
SITUATION GÉNÉRALE.
Union de Paris et des départements pour résister à outrance, accroissement de nos forces mili
taires, amélioration sensible dans l’état de nos ressources militaires ; tels sont les traits caractéristiques de la situation.
Et en effet, l’impression générale produite par les dépêches de M. Gambetta peut être regardée comme favorable. Ni l’occupation de Rouen, ni l’abandon d’Orléans, ni le retrait de la délégation à Bordeaux, ni l’évacuation d’Amiens, n’ont fait perdre de vue lè côté véritablement rassurant des nouvelles apportées par les dépêchés.
Ce côté, que tout le monde a saisi, est celui-ci : Il y a une armée des départements, une armée qui manœuvre, qui combat, qui ne se laisse pas détruire, qui se replie pour asseoir ses positions,
qui sait abandonner Orléans à temps pour ne pas faire d’Orléans un autre Sedan, qui maintient la seule importante armée d’opération des Prussiens, l’armée du prince Frédéric-Charles, et qui anni
hile ainsi en partie les avantages que l’ennemi comptait tirer de son dernier succès.
Pour nous, nous savons que les départements résistent, et cela nous suffit. Cette résistance peut n’avoir pas été aussi heureuse que nous l’aurions désiré ; nos armées de province ont pu évacuer Orléans, comme nous avons repassé la Marne, mais soyons-en bien convaincus, notre situation
est meilleure aujourd’hui qu’elle l’était il y a deux mois. Pendant deux mois nous avons lutté avec une organisation incomplète, presque nulle; chaque jour maintenant nous assure d’une orga
nisation meilleure. Le plus difficile effort a été fait. Nous en recueillerons bientôt les fruits.
Cette amélioration frappe les esprits les plus enclins à la prudence et à la réserve. Le Journal de Paris, le Journal des Débats et le Temps recon
naissent que le mouvement de la résistance est général aujourd’hui dans toutes les parties de la France, et que cet élan, en condamnant les Prus
siens à nous vaincre partout et toujours, les place dans une position véritablement critique, car le jour des revers ne peut manquer d’arriver.
M. Guizot lui-même, dans une lettre écrite dernièrement, confesse que notre pays a certainement en lui-même des forces matérielles et mo
rales qui doivent suffire à la résistance, et la résis
tance est aujourd’hui pour nous le seul moyen d’arriver à une paix tolérable et un peu durable.
« La fermeté admirable de Paris, dit-il, a déjà beaucoup agi sur l’esprit des Prussiens, chefs et peuple. Iis reconnaissent la difficulté de leur en
treprise. Faites en province tout ce qui pourra venir en aide à Paris. Notre salut est là. »
PARIS.
Paris a repris l’offensive, et chacun attend avec confiance le résultat de la grande attaque qui va s’engager pour joindre les efforts de notre armée à ceux des armées de la province. Cette grande sortie se fait dans les conditions les plus heureuses. Tout épouvantail de guerre civile a disparu;
l’union la plus complète nous montre le même patriotisme dans tous les rangs. Ce sont là, nous devons le dire, des gages de succès, et la popula
ion n’a jamais montré plus d’assurance.
Trois ombres légères à ce tableau. Le général Clément Thomas a dissous trois bataillons de la garde nationale de Paris : le bataillon des tirail
leurs de Belleville, parce qu’il s’est mal comporté devant l’ennemi, le 147e, parce qu’il a refusé de se rendre à l’appel, sous prétexte que le supplément
de solde de 75 centimes n’avait pas été payé aux femmes des absents, et enfin le 200e, parce que
le chef de bataillon et la moitié de ses hommes sont arrivés, pris de boisson, aux avant-postes.
Quelques journaux ont cru devoir critiquer la publicité donnée par le général Clément Tho
mas à ce dernier fait. Mais ce qu’on ne pourra que louer hautement, c’est la résolution bien arrêtée chez le général en chef de la garde nationale d’arriver, par une discipline vigilante et ri
goureuse, à constituer par les compagnies de guerre de la garde nationale une armée irrépro
chable, comme tenue au bivouac, et comme attitude devant l’ennemi. Les événements qui vont se dérouler sous nos yeux prouveront que ce ne sont là que de rares exceptions dans la grande armée de la garde nationale parisienne.
LES RÉQUISITIONS.
A l’heure où Paris assiégé n’a plus, comme ressources principales de son alimentation, que les produits distribués par les municipalités, u nous sera bien permis de dire que le système des réqui
sitions, pratiqué à outrance par le Gouvernement de la défense nationale, est loin d’avoir produit fous les bons résultats que l’on en attendait.
Ce moyen de répartition des vivres pouvait avantageusement être appliqué pour les denrées de grande consommation, parce qu’il est, dans ce cas, tout à la fois le plus facile et le plus important pour l’économie et le bou emploi des ressources essentielles du siège. C’est ainsi que la farine, les bœufs, les chevaux, les mulets et les ânes ont été très-justement soumis au décret souverain des ré
quisitions. On a pu ainsi distribuer plus équi
tablement et ménager ces produits, qui sont en quelque sorte la base de l’alimentation.
Mais en allant plus loin, on est arrivé à supprimer, sans aucun avantage bien sérieux, les produits accessoires qui alimentaient encore le com
merce, et que la population pouvait trouver à sa disposition. La réquisition des pommes de terre
les a fait complètement disparaître. Il en a été de même pour le solde de viandes disponibles qui restait encore chez les marchands de comestibles. Même inconvénient encore pour le fromage. Vian
des, pommes de terre, fromage, tout s’est éclipsé, en laissant la population dans une situation cruel
le, puisqu’il n’y a plus, presque, de marché pour les produits alimentaires, et sans donner à l’administration les ressources surabondantes sur les
quelles elle comptait. On a poussé à l’extrême un système qui ne demande à être pratiqué qu’avec une extrême circonspection, et on a malheureuse
ment sacrifié presque complètement la liberté, à laquelle il fallait laisser aussi sa place dans le mouvement de l’alimentation parisienne.
Aug. Marc.
LES BATAILLES SOUS PARIS
La campagne ouverte le 30 novembre et le 2 décembre a repris ses opérations, mercredi 21 dé
cembre. Ce n’est pas une bataille qui va se livrer; c’est une grande campagne qui se poursuit contre les lignes prussiennes. C’est assez dire que nous devons attendre avec patience le résultat des opérations engagées.
Cette reprise de la campagne nous donne à son début de sérieux avantages. L attaque, qui embras
sait le vaste périmètre allant par le côté Nord de nos lignes, de Nogent au Mont-Valérien, a réussi sur presque tous les points.
Sur la droite, le général Vinoy s’est emparé de Neuilly-sur-Marne, Ville-Evrard et la Maison- Blanche. Au centre, le général Ducrot a occupé la ferme de Groslay et Drancy, et du côté du Mont
Valérien, le général Noël s’est emparé de l’île du Ghiard, en face de Chaton.
Cette première journée, à laquelle ont vaiilamment coopéré les bataillons mobilisés de la garde nationale, est de nature à nous inspirer confiance dans le résultat définitif P. P.
CIRCULAIRE DU DÉLÉGUÉ DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
La circulaire qu’on va lire a été adressée, par le représentant du ministre des affaires étrangères
Tours, M. de Chaudordy, à tous les agents diplomatiques de la France. Ce document est resté trois jours entre les mains du ministre; mais il a été très-long à déchiffrer, et même plusieurs groupes n’ont pu être complètement traduits ;
Tours, 29 novembre 1870.
Monsieur, depuis deux mois environ, l’Europe épouvantée ne peut comprendre la prolongation d’une guerre sans exemple et qui est devenue
aussi inutile que désastreuse. Les ruines qui en sont la conséquence s’étendent sur le monde en
tier, et l’on se demande à la fois quelle peut être la cause d’une telle lutte et quel en est le but.
Le 18 septembre dernier, M. Jules Favre, viceprésident du Gouvernement de la défense natio
nale et ministre des affaires étrangères, se rendit à Ferrières pour demander la paix au roi de Prusse. On sait la hauteur avec laquelle on s’en est expliqué avec lui. Les puissances neutres ayant fait comprendre depuis qu’un armistice militaire était le seul terrain sur lequel il fallait se placer pour arriver ensuite à une pacification, le comte de Bismark s’y montra d’abord favorable, et des pourparlers s’ouvrirent à Versailles. M. Thiers consentit à y aller pour négocier sur cette base. Vous avez appris quel refus déguise la Prusse lui a opposé! On doit reconnaître cependant que les plénipotentiaires français ne pouvaient être mieux choisis pour inspirer confiance au quartier géné
ral prussien et mettre fin à la triste et délicate mission dont ils avaient si noblement pris la res
ponsabilité. La sincérité de leur amour pour la paix n’était pas douteuse. M. de Bismark savait bien que leur parole avait pour garant le pays tout entier. L’un et l’autre pourtant ont été écar
tés, et le cours funeste de la guerre n’a pu être suspendu.
Que veut donc la Prusse ? Le souverain auquel il avait été annoncé qu’on faisait exclusivement la guerre est tombé et son gouvernement avec lui. Il ne reste aujourd’hui que des citoyens en armes,
ceux-là mêmes que le roi Guillaume déclarait ne vouloir pas attaquer, et un gouvernement où siè
gent des hommes qui tiennent à honneur de s’être opposés de toutes leurs forces à l’entreprise qui devait couvrir de ruines le sol de notre patrie.
Que faut-il croire? Serait-il vrai que nos ennemis veuillent réellement nous détruire ? La Prusse n’a plus maintenant devant elle que la France ; c’est donc à la France même, à la nation armée pour défendre son existence que la Prusse a dé
claré cette nouvelle guerre d’extermination,
qu’elle poursuit comme un défi jeté au monde contre la justice, le droit et la civilisation.
C’est au nom de ces trois grands principes modernes outrageusement violés contre nous que nous en appelons à la conscience de l’humanité, avec la confiance que, malgré tant de malheurs, notre devoir imprescriptible est de sauvegarder la mo
rale internationale, Est-il juste, en effet, quand le but d’une guerre est atteint, que Dieu vous a donné des succès inespérés, que vous avez détruit les armées de votre ennemi, que cet ennemi luimême est renversé, de continuer la guerre pour le seul résultat d’anéantir ou forcer à se rendre par le feu ou la faim une grande capitale toute pleine des richesses des arts, des sciences et de l’industrie ? Y a-t-il un droit quelconque qui per
mette à un peuple d’en détruire un autre et de vouloir l’effacer ? Prétendre à ce but ce n’est qu’un acte sauvage qui nous reporte à l’époque des in
vasions barbares. La civilisation n’est-elle pas mé
connue complètement lorsqu’on se couvrant des nécessités de la guerre on incendie, on ravage, on pille la propriété privée, avec les circonstances les plus cruelles? Il faut que ces actes soient connus : nous savons les conséquences de la victoire et les nécessités qu’entraînent d’aussi vastes opérations stratégiques. Nous n’insisterons pas sur ces réqui