citions démesurées en nature et en argent, non plus que sur cette espèce de marchandage mili
taire qui consiste à imposer les contribuables au •delà de toutes leurs ressources. Nous laissons l’Europe juger à quel point ces excès furent coupa
bles; mais on ne s’est pas contenté d’écraser ainsi les -villes et les villages, on a fait main-basse sur la propriété privée des citoyens.
Après avoir vu leur domicile envahi, après avoir subi les plus dures exigences, les familles ont dû
livrer leur argenterie et leurs bijoux. Tout ce qui ôtait précieux a été saisi par l’ennemi et entassé dans ses sacs et ses chariots. Des effets d’habille
ment enlevés dans les maisons et dérobés chez les marchands, des objets de toute sorte, des pendules, des montres ont été trouvées sur les prison
niers tombés entre nos mains. On s’est fait livrer et l’on a pris au besoin aux particuliers de l’ar
gent. Tel propriétaire arrêté dans son château a été condamné à payer une rançon personnelle de
80,000 francs ; tel autre s’est vu dérober les châles, les fourrures, les dentelles, les robes de soie de sa
femme. Partout les caves ont été vidées, les vins empaquetés,chargés sur des voitures et emportés
ailleurs, et, pour punir une ville de l’acte d’un citoyen coupable uniquement de s’être levé contre les envahisseurs, des officiers supérieurs ont or
donné le pillage et l’incendie, abusant pour cette exécution sauvage de l’implacable discipline im
posée à leurs troupes. Toute maison où un franc tireur a été abrité et nourri est incendiée. Voilà pour la propriété!
La vie humaine n’a pas été respectée davantage. Alors que la nation entière est appelée aux armes,
on a fusillé impitoyablement, non-seulement des paysans soulevés contre l’étranger, mais encore des soldats pourvus de commissions et revêtus d’uniformes légalisés. On a condamné à mort ceux qui tentaient de franchir les lignes prussiennes, même pour leurs affaires privées. L’intimi
dation est devenue un moyen de guerre. On a voulu frapper de terreur les populations et para
lyser en elles tout élan patriotique. Et c’est ce calcul qui a conduit les états-majors prussiens à un procédé unique dans l’histoire, le bombarde
ment des villes ouvertes. Le fait de lancer sur une ville des projectiles explosibles et incendiaires n’est considéré comme légitime que dans des cir
constances extrêmes et strictement déterminées.
Mais dans ces cas mêmes, il était d’un usage constant d’avertir les habitants, et jamais l’idée
n’était entrée jusqu’à présent dans aucun esprit que cet épouvantable moyen de guerre pût être employé d’une manière préventive. Incendier les maisons, massacrer de loin les vieillards et les
femmes, attaquer pour ainsi dire les défenseurs dans l’existence de leurs familles, les atteindre clans les sentiments les plus profonds de l humanité pour qu’ils viennent ensuite s’abaisser de
vant le vainqueur et solliciter les humiliations de la nation ennemie, c’est un raffinement de violence calculée qui touche à la torture.
On a été plus loin cependant, et se prévalant par un sophisme sans nom de ces cruautés mêmes, on s’en fait une arme. On a osé prétendre que
toute ville qui se défend est une place de guerre et que, puisqu’on la bombarde, on a ensuite le droit de la traiter en forteresse prise d’assaut. On V met le feu après avoir inondé de pétrole les portes et les boiseries des maisons. Si on a épar
gné le pillage, on n’en exploite pas moins contre la cité la guerre qu’elle doit payer en se laissant rançonner à merci. Et même, lorsqu’une ville ouverte ne se défend pas, on a pratiqué le système du bombardement sans explication préalable, et avoué que c’était le moyen de la traiter comme si elle s’était défendue et qu’elle eût été prise d’as
saut. Il ne restait plus, pour compléter ce code barbare, qu’à rétablir la pratique, des otages. La Prusse l’a fait. Elle a établi partout un système de responsabilités indirectes qui, parmi tant de faits iniques, restera comme le trait le plus caractéristique de sa conduite à notre égard.
Pour garantir la sûreté de ses transports et la tranquillité de ses campements, elle a imaginé de punir toute atteinte portée à ses soldats ou à ses
convois par l’emprisonnement, l’exil, ou même la mort d’un des notables du pays. L’honorabilité de ces hommes est devenue un danger pour eux. Ils ont à répondre sur leur fortune et sur leur vie d’actes qu’ils ne pouvaient ni prévenir ni ré
primer, et qui d’ailleurs, n’étaient que l’exercice légitime du droit de défense. Elle a emmené qua
rante otages parmi les habitants notables des villes de Dijon, Gray et Vesoul, sous prétexte que nous ne mettons pas en liberté 40 capitaines de navires faits prisonniers selon les lois de la guerre.
Mais ces mesures, de quelques bruîatités qu’elles fussent accompagnées dans l’application, laissaient au moins intacte la dignité de ceux qui avaient à les subir. Il devait être donné à la Prusse de joindre l’outrage à l’oppression. On a exigé de malheureux paysans entraînés par force, retenus sous menaces de mort, de travailler à fortifier les
ouvrages ennemis et à agir contre les défenseurs de leur propre pays. On a vu des magistrats,
dont l’âge aurait inspiré le respect aux cœurs les plus endurcis, exposés sur les machines des che
mins de fer, à toutes les rigueurs de la mauvaise saison et aux insultes des soldats.
Les sanctuaires, les églises ont été profanés et matériellement souillés. Les prêtres ont ôté frap
pés, les femmes maltraitées, heureuses encore lorsqu’elles n’ont pas eu à subir de plus cruels traitements.
Il semble qu’à cette limite il ne reste plus dans c-e qu’on appelait jusqu’ici du plus beau nom, le
droit des gens, aucun article qui n’ait été violé outrageusement par la Prusse. Les actes ont-ils jamais à ce point démenti les paroles?
Tels sont les faits. La responsabilité en pèse tout entière sur le gouvernement prussien. Rien ne les a provoqués et aucun d’eux ne porte la marque de ces violences désordonnées auxquelles cèdent parfois les années en campagne. Il faut qu’on le sache bien, ils sont le résultat d’un sys
tème réfléchi dont les états-majors ont poursuivi l’application avec une rigueur scientifique. Ges arrestations arbitraires ont été décrétées au quar
tier général, ces cruautés résolues comme un moyen d’intimidation, ces réquisitions étudiées d’avance, ces incendies allumés froidement avec des ingrédients chimiques soigneusement appor
tés, ces bombardements contre des habitants inoffensifs ordonnés. Tout a donc été voulu et prémédité. C’est le caractère propre aux horreurs qui font de cette guerre la honte de notre siècle.
La Prusse a non-seulement méconnu les lois les plus sacrées de l’humanité, elle a manqué à ses engagements personnels. Elle s’honorait de mener un peuple en armes à une guerre natio
nale. Elle prenait le monde civilisé à témoin de son bon droit ! Elle conduit maintenant à une
guerre d’extermination ses troupes transformées en hordes de pillards ; elle n’a profité de la civi
lisation moderne que pour perfectionner l’art de la destruction. Et comme conséquence de cette campagne, elle annonce à l’Europe l’anéantisse
ment de Paris, de ses monuments, de ses trésors et la vaste curée à laquelle elle a convié l’Allemagne.
Voilà, monsieur, ce que je désire que vous sachiez. Nous ne parlons ici qu’à la suite d’enquêtes irrécusables ; s’il faut produire des exemples, ils ne nous manqueront pas, et vous en pourrez ju
ger par les documents joints à cette circulaire.
Vous entretiendrez de ces faits les membres du gouvernement auprès duquel vous êtes accrédité.
Ges appréciations ne sont pas destinées à eux seuls et vous pourrez les présenter librement à tous. Il est utile qu’au moment où s’accomplissent de pareils actes chacun puisse prendre la respon
sabilité de sa conduite, aussi bien les gouverne
ments qui doivent agir que les peuples qui doivent signaler ces faits à l’indignation de leurs gouvernements.
Recevez, etc.
Pour je ministre des affaires étrangères, Le délégué,
CHAUDORDY.
Deuxième acte du drame.
Après l’affaire deVilliers, voici, à l’heure où j’é cris ces lignes, l’affaire nouvelle si impatiem
ment attendue et qui tient, comme la première,
tout Paris sur pied. La première s’est livrée le 2 décembre ; la seconde commence le 21 du même mois. Dix-neuf jours d’intervalle! On voit qu’il faut du temps pour préparer les grandes batailles ; mais on voit, en même temps, que, nos chefs ne veulent rien livrer à l’aventure.
En présence de ce suprême effort, l’observateur qui essaie de tâter le pouls de Paris assiégé est obligé de confesser que le moral de la population est excellent. Paris est calme, Paris est résolu, Paris est confiant.
Et ces bonnes dispositions se manifestent également en province. Sur l’armée de la Loire se lève une nouvelle étoile, celle du général Chanzy. Puisse-t-elle ne pas se perdre, comme tant d’autres, dans les nébuleuses!
Un jour, M. Gambetta reçoit à Tours un télégramme de Belgique qui lui disait: — «Tous avez besoin d’un chef, jeune, actif, intelligent, sa
chant la guerre. Vous trouverez votre homme dans le général Chanzy, qui commande une subdivision en Algérie. »
Le télégramme était signé Mac-Mahon.
A l’instant même, M. Gambetta télégraphie et appelle d’urgence à Tours le général Chanzy. Le nouveau chef prend le commandement de l’armée de la Loire, et, pour son début, il résiste pendant douze jours aux vieilles troupes du prince Frédéric-Charles ; il l’empêche deux fois de passer la Loire, et il se dérobe enfin à ce famepx mou
vement tournant, qui est maintenant connu comme la manœuvre finale de toute opération de l’armée prussienne.
C’est un beau début pour le général, qu’on peut maintenant appeler le commandant de l’armée de l’Ouest.
A Paris, le commandement n’a jamais été discuté, et les Prussiens eux-mêmes ont rendu hom
mage au mérite de ce courageux triumvirat qui s’appelle Trochu, Vinoy, Ducrot.
Cette reprise est regardée comme décisive, et chacun a bon espoir. On se dit qu’à Villiers, l’ar
mée,aurait pu franchir la ligne prussienne. Si l’on s’est arrêté, c’est parce que l’on n’a pas voulu sortir dans des conditions qu’un jour de retard avait rendues défavorables.
Aujourd’hui l’armée s’est fortifiée par l’équipement de cent huit bataillons de guerre de la garde nationale, et ce renfort donnera sans doute à notre attaque un choc irrésistible : cette espérance met la sérénité sur tous les visages.
Lundi, 19 décembre. — Fermeture des portes. Chacun s’écrie, à cette lecture : — Je sais ce que cela veut dire.
Mardi. — Mouvement extraordinaire de troupes, infanterie, cavalerie, artillerie. Les passants se
montrent du doigt les nouveaux canons, luisant comme des lingots d’or. Ce va-et-vient de troupes fait courir une émotion dans tout Paris. C’est le prélude de Faction.
Mercredi. — Tonte la nuit on a entendu le canon, et toute la nuit aussi le clairon et le tambour ont appelé la garde nationale sous les armes.
Le général Trochu est parti, à minuit, pour prendre le commandement de l’armée. Le gé
néral Clément Thomas prend part à l’affaire à la tête de cent huit bataillons de guerre de la garde nationale.
Chose étrange ! on entend moins le canon qu’aux journées d’Avron, de Champigny et de Milliers. La bataille est trop loin. Mais soyez sûr que le canon sera de la fête. Le général Trochu n’en manque pas dans son armée !
Jeudi. — La première journée est considérée comme excellente. Vienne à Paris ou dans les départements une grande victoire, et la France est sauvée .., Henri Cozic.
taire qui consiste à imposer les contribuables au •delà de toutes leurs ressources. Nous laissons l’Europe juger à quel point ces excès furent coupa
bles; mais on ne s’est pas contenté d’écraser ainsi les -villes et les villages, on a fait main-basse sur la propriété privée des citoyens.
Après avoir vu leur domicile envahi, après avoir subi les plus dures exigences, les familles ont dû
livrer leur argenterie et leurs bijoux. Tout ce qui ôtait précieux a été saisi par l’ennemi et entassé dans ses sacs et ses chariots. Des effets d’habille
ment enlevés dans les maisons et dérobés chez les marchands, des objets de toute sorte, des pendules, des montres ont été trouvées sur les prison
niers tombés entre nos mains. On s’est fait livrer et l’on a pris au besoin aux particuliers de l’ar
gent. Tel propriétaire arrêté dans son château a été condamné à payer une rançon personnelle de
80,000 francs ; tel autre s’est vu dérober les châles, les fourrures, les dentelles, les robes de soie de sa
femme. Partout les caves ont été vidées, les vins empaquetés,chargés sur des voitures et emportés
ailleurs, et, pour punir une ville de l’acte d’un citoyen coupable uniquement de s’être levé contre les envahisseurs, des officiers supérieurs ont or
donné le pillage et l’incendie, abusant pour cette exécution sauvage de l’implacable discipline im
posée à leurs troupes. Toute maison où un franc tireur a été abrité et nourri est incendiée. Voilà pour la propriété!
La vie humaine n’a pas été respectée davantage. Alors que la nation entière est appelée aux armes,
on a fusillé impitoyablement, non-seulement des paysans soulevés contre l’étranger, mais encore des soldats pourvus de commissions et revêtus d’uniformes légalisés. On a condamné à mort ceux qui tentaient de franchir les lignes prussiennes, même pour leurs affaires privées. L’intimi
dation est devenue un moyen de guerre. On a voulu frapper de terreur les populations et para
lyser en elles tout élan patriotique. Et c’est ce calcul qui a conduit les états-majors prussiens à un procédé unique dans l’histoire, le bombarde
ment des villes ouvertes. Le fait de lancer sur une ville des projectiles explosibles et incendiaires n’est considéré comme légitime que dans des cir
constances extrêmes et strictement déterminées.
Mais dans ces cas mêmes, il était d’un usage constant d’avertir les habitants, et jamais l’idée
n’était entrée jusqu’à présent dans aucun esprit que cet épouvantable moyen de guerre pût être employé d’une manière préventive. Incendier les maisons, massacrer de loin les vieillards et les
femmes, attaquer pour ainsi dire les défenseurs dans l’existence de leurs familles, les atteindre clans les sentiments les plus profonds de l humanité pour qu’ils viennent ensuite s’abaisser de
vant le vainqueur et solliciter les humiliations de la nation ennemie, c’est un raffinement de violence calculée qui touche à la torture.
On a été plus loin cependant, et se prévalant par un sophisme sans nom de ces cruautés mêmes, on s’en fait une arme. On a osé prétendre que
toute ville qui se défend est une place de guerre et que, puisqu’on la bombarde, on a ensuite le droit de la traiter en forteresse prise d’assaut. On V met le feu après avoir inondé de pétrole les portes et les boiseries des maisons. Si on a épar
gné le pillage, on n’en exploite pas moins contre la cité la guerre qu’elle doit payer en se laissant rançonner à merci. Et même, lorsqu’une ville ouverte ne se défend pas, on a pratiqué le système du bombardement sans explication préalable, et avoué que c’était le moyen de la traiter comme si elle s’était défendue et qu’elle eût été prise d’as
saut. Il ne restait plus, pour compléter ce code barbare, qu’à rétablir la pratique, des otages. La Prusse l’a fait. Elle a établi partout un système de responsabilités indirectes qui, parmi tant de faits iniques, restera comme le trait le plus caractéristique de sa conduite à notre égard.
Pour garantir la sûreté de ses transports et la tranquillité de ses campements, elle a imaginé de punir toute atteinte portée à ses soldats ou à ses
convois par l’emprisonnement, l’exil, ou même la mort d’un des notables du pays. L’honorabilité de ces hommes est devenue un danger pour eux. Ils ont à répondre sur leur fortune et sur leur vie d’actes qu’ils ne pouvaient ni prévenir ni ré
primer, et qui d’ailleurs, n’étaient que l’exercice légitime du droit de défense. Elle a emmené qua
rante otages parmi les habitants notables des villes de Dijon, Gray et Vesoul, sous prétexte que nous ne mettons pas en liberté 40 capitaines de navires faits prisonniers selon les lois de la guerre.
Mais ces mesures, de quelques bruîatités qu’elles fussent accompagnées dans l’application, laissaient au moins intacte la dignité de ceux qui avaient à les subir. Il devait être donné à la Prusse de joindre l’outrage à l’oppression. On a exigé de malheureux paysans entraînés par force, retenus sous menaces de mort, de travailler à fortifier les
ouvrages ennemis et à agir contre les défenseurs de leur propre pays. On a vu des magistrats,
dont l’âge aurait inspiré le respect aux cœurs les plus endurcis, exposés sur les machines des che
mins de fer, à toutes les rigueurs de la mauvaise saison et aux insultes des soldats.
Les sanctuaires, les églises ont été profanés et matériellement souillés. Les prêtres ont ôté frap
pés, les femmes maltraitées, heureuses encore lorsqu’elles n’ont pas eu à subir de plus cruels traitements.
Il semble qu’à cette limite il ne reste plus dans c-e qu’on appelait jusqu’ici du plus beau nom, le
droit des gens, aucun article qui n’ait été violé outrageusement par la Prusse. Les actes ont-ils jamais à ce point démenti les paroles?
Tels sont les faits. La responsabilité en pèse tout entière sur le gouvernement prussien. Rien ne les a provoqués et aucun d’eux ne porte la marque de ces violences désordonnées auxquelles cèdent parfois les années en campagne. Il faut qu’on le sache bien, ils sont le résultat d’un sys
tème réfléchi dont les états-majors ont poursuivi l’application avec une rigueur scientifique. Ges arrestations arbitraires ont été décrétées au quar
tier général, ces cruautés résolues comme un moyen d’intimidation, ces réquisitions étudiées d’avance, ces incendies allumés froidement avec des ingrédients chimiques soigneusement appor
tés, ces bombardements contre des habitants inoffensifs ordonnés. Tout a donc été voulu et prémédité. C’est le caractère propre aux horreurs qui font de cette guerre la honte de notre siècle.
La Prusse a non-seulement méconnu les lois les plus sacrées de l’humanité, elle a manqué à ses engagements personnels. Elle s’honorait de mener un peuple en armes à une guerre natio
nale. Elle prenait le monde civilisé à témoin de son bon droit ! Elle conduit maintenant à une
guerre d’extermination ses troupes transformées en hordes de pillards ; elle n’a profité de la civi
lisation moderne que pour perfectionner l’art de la destruction. Et comme conséquence de cette campagne, elle annonce à l’Europe l’anéantisse
ment de Paris, de ses monuments, de ses trésors et la vaste curée à laquelle elle a convié l’Allemagne.
Voilà, monsieur, ce que je désire que vous sachiez. Nous ne parlons ici qu’à la suite d’enquêtes irrécusables ; s’il faut produire des exemples, ils ne nous manqueront pas, et vous en pourrez ju
ger par les documents joints à cette circulaire.
Vous entretiendrez de ces faits les membres du gouvernement auprès duquel vous êtes accrédité.
Ges appréciations ne sont pas destinées à eux seuls et vous pourrez les présenter librement à tous. Il est utile qu’au moment où s’accomplissent de pareils actes chacun puisse prendre la respon
sabilité de sa conduite, aussi bien les gouverne
ments qui doivent agir que les peuples qui doivent signaler ces faits à l’indignation de leurs gouvernements.
Recevez, etc.
Pour je ministre des affaires étrangères, Le délégué,
CHAUDORDY.
Deuxième acte du drame.
Après l’affaire deVilliers, voici, à l’heure où j’é cris ces lignes, l’affaire nouvelle si impatiem
ment attendue et qui tient, comme la première,
tout Paris sur pied. La première s’est livrée le 2 décembre ; la seconde commence le 21 du même mois. Dix-neuf jours d’intervalle! On voit qu’il faut du temps pour préparer les grandes batailles ; mais on voit, en même temps, que, nos chefs ne veulent rien livrer à l’aventure.
En présence de ce suprême effort, l’observateur qui essaie de tâter le pouls de Paris assiégé est obligé de confesser que le moral de la population est excellent. Paris est calme, Paris est résolu, Paris est confiant.
Et ces bonnes dispositions se manifestent également en province. Sur l’armée de la Loire se lève une nouvelle étoile, celle du général Chanzy. Puisse-t-elle ne pas se perdre, comme tant d’autres, dans les nébuleuses!
Un jour, M. Gambetta reçoit à Tours un télégramme de Belgique qui lui disait: — «Tous avez besoin d’un chef, jeune, actif, intelligent, sa
chant la guerre. Vous trouverez votre homme dans le général Chanzy, qui commande une subdivision en Algérie. »
Le télégramme était signé Mac-Mahon.
A l’instant même, M. Gambetta télégraphie et appelle d’urgence à Tours le général Chanzy. Le nouveau chef prend le commandement de l’armée de la Loire, et, pour son début, il résiste pendant douze jours aux vieilles troupes du prince Frédéric-Charles ; il l’empêche deux fois de passer la Loire, et il se dérobe enfin à ce famepx mou
vement tournant, qui est maintenant connu comme la manœuvre finale de toute opération de l’armée prussienne.
C’est un beau début pour le général, qu’on peut maintenant appeler le commandant de l’armée de l’Ouest.
A Paris, le commandement n’a jamais été discuté, et les Prussiens eux-mêmes ont rendu hom
mage au mérite de ce courageux triumvirat qui s’appelle Trochu, Vinoy, Ducrot.
Cette reprise est regardée comme décisive, et chacun a bon espoir. On se dit qu’à Villiers, l’ar
mée,aurait pu franchir la ligne prussienne. Si l’on s’est arrêté, c’est parce que l’on n’a pas voulu sortir dans des conditions qu’un jour de retard avait rendues défavorables.
Aujourd’hui l’armée s’est fortifiée par l’équipement de cent huit bataillons de guerre de la garde nationale, et ce renfort donnera sans doute à notre attaque un choc irrésistible : cette espérance met la sérénité sur tous les visages.
Lundi, 19 décembre. — Fermeture des portes. Chacun s’écrie, à cette lecture : — Je sais ce que cela veut dire.
Mardi. — Mouvement extraordinaire de troupes, infanterie, cavalerie, artillerie. Les passants se
montrent du doigt les nouveaux canons, luisant comme des lingots d’or. Ce va-et-vient de troupes fait courir une émotion dans tout Paris. C’est le prélude de Faction.
Mercredi. — Tonte la nuit on a entendu le canon, et toute la nuit aussi le clairon et le tambour ont appelé la garde nationale sous les armes.
Le général Trochu est parti, à minuit, pour prendre le commandement de l’armée. Le gé
néral Clément Thomas prend part à l’affaire à la tête de cent huit bataillons de guerre de la garde nationale.
Chose étrange ! on entend moins le canon qu’aux journées d’Avron, de Champigny et de Milliers. La bataille est trop loin. Mais soyez sûr que le canon sera de la fête. Le général Trochu n’en manque pas dans son armée !
Jeudi. — La première journée est considérée comme excellente. Vienne à Paris ou dans les départements une grande victoire, et la France est sauvée .., Henri Cozic.