leurs flanqués par leurs voisins. Dans d’autres, les terrassements sont autrement disposés. Les
terres s’élèvent au-dessus du parapet ordinaire, et ces monticules sont à leur tour munis de parapets et armés d’artillerie. On a ainsi sous les yeux une sorte de petit bastion hissé sur grand bastion in
férieur; on y trouve, en effet, des faces ayant vue sur la campagne et des flancs qui flanquent les fossés voisins, des terrassements portent le nom de cavaliers.
Mentionnons encore pour mémoire une disposition spéciale à quelques fronts et surtout aux courtines. Le parapet ne porte pas directement sur le mur d’escarpe; entre lui et le mur règne un couloir désigné sous le nomde chemin deronde.
Les défenseurs peuvent l’utiliser pour surveiller le pied même de l’escarpe.
Il ne suffit pas d’enfermer la place dans une enceinte infranchissable, il faut bien se ménager lesmoyens de faire des sorties et de laisser pénétrer les secours. Quand on a construit les fortifications, on s’est astreint à placer les brèches correspon
dantes aux portes dans les courtines. Le mal est là plus facile à réparer qu’ailleurs. Et, en effet, pour rétablir la continuité de l’enceinte, à l’ap
proche de l’ennemi, il a suffi de déblayer le fossé obstrué par la chaussée et de débarrasser l’escarpe enterrée.
Puis, on a élevé l’escarpe, qui s’arrêtait au niveau du sol, jusqu’à la hauteur des escarpes voisines, et comme elle n’était destinée à être ren
forcée par aucun terrassement, on l’a percée de meurtrières avec banquette d’infanterie, et on a réservé dans le mur un double passage indispen
sable pour les sorties et les rentrées, avec pontlevis.
Le pont-levis est formé d’un plancher mobile autour d’un axe horizontal. Suivant qu’il est relevé ou abaissé, les communications avec l’extérieur sont interrompues ou rétablies.
Il est cLair que l’élévation de l’escarpe non protégée à l’intérieur par des terres n’eût pas placé les défenseurs dans des conditions de sûreté bien grandes. Quelques coups de canon dans la mu
raille et la maçonnerie s’écroulait sur l’infanterie. C’est pourquoi chaque porte a été défendue con
tre l’artillerie par un ouvrage d’une efficacité certaine, que nous ne croyons pas devoir décrire.
Grâce à ces dispositions, l’ennemi ne peut canonner la porte, et il est partout exposé directement à notre feu. Les surprises resteraient ineffi
caces. En effet, le parapet est d’abord palissadé;
la route à travers les terrassements est fermée par une solide barrière, et tout le terrassement est muni de défenses accessoires, dispositifs que nous décrirons bientôt et qui rendent l’escalade à peu près impossible sous les balles et la mitraille des défenseurs.
L’ennemi, par suite d’une négligence impardonnable des postes ou à la suite d’un stratagème quelconque, parviendrait-il à franchir le redan, qu’il ne serait pas pour cela beaucoup plus avancé;
il se trouverait seul exposé au feu croisé des flancs .voisins, tandis que les défenseurs seraient en sûreté dans le fossé.
Le pont-levis n’aurait-il pu être levé à temps, que derrière la muraille se trouveraient encore des obstacles redoutables pour arrêter l’ennemi, que refouleraient bien vite nos troupes débou
chant par les rues militaires voisines, en lui infli
geant des pertes énormes. L’artillerie ennemie ne saurait en effet agir dans ces conditions sous peine de mitrailler ses propres soldats, qui se trouvent au contraire placés pendant toute l’action sous notre feu direct, à quelques dizaines de mètres de distance.
On le voit, nous sommes bien enfermés, et encore nous nous gardons bien d’indiquer lesmoyens irrésistibles qu’on pourrait employer à la dernière extrémité pour empêcher toute tentative trop au
dacieuse. On peut regarder Paris, mais on n’y touche pas. Ceci peut passer à l’état d’axiome.
L’enceinte sera à peine reconnue de ceux qui l’ont visitée avant la guerre : outre les travaux accessoires, on a recoupé et roidi les talus et multiplié les casemates comme par enchantement; on
a réellement, en un mois, accompli un-véritabletour de force. Quelques mots, à ce propos, sur l’armement des remparts.
Nous avons entendu souvent plus d’une personne étrangère aux questions militaires émettre
le regret de ne pas voir toute l’enceinte garnie de grosses pièces de riiâririe. Les canons de moindre dimension leur semblent presque insuffisants, il
y a là un préjugé à détruire. On se trompe du tout au tout sur le rôle de l’artillerie.
Il faut qu’on sache bien que l’on emploie, pour la défense d’une place, des pièces d’artillerie de tout calibre, depuis les plus grosses pièces jusqu’aux plus légères. Le choix est déterminé d’a­
vance par l’emplacement même que chaque pièce est appelée à occuper.
Nous avons à notre disposition des pièces de 24 rayé, du calibre de 15 centimètres, lançant à 6 ki
lomètres des obus de 25 kilogrammes; nous avons des pièces de marine de 16, 19, 24 centimètres
lançant des masses éuormes à 8 kilomètres; à quoi bon se servir de ces canons quand la portée doit être restreinte? Leur emploi, très-utile pour tirer sur un ennemi éloigné, pour mettre le désordre dans des ouvrages, etc., est inutile, quand aux grandes portées il ne convient pas d’ajouter de grands effets destructeurs. D’ailleurs, les pièces énormes se manœuvrent lentement et consom
ment beaucoup de poudre. Les petites pièces, plus maniables, tirent vite, sans épuiser les approvisionnements, sans exiger un nombreux person
nel, et doivent être exclusivement employées quand il s’agit d’arrêter des colonnes d’attaque et de défendre l’approche des fossés par des volées de mitraille.
Aussi sur les flancs trouvera-t-on des pièces légères garnisant les embrasures et suffisantes pour mitrailler le fossé d’un bastion à son voisin; au contraire, partout où l’horizon s’étend sur les faces planant sur la campagne, a-t-on placé avec raison les pièces rayées de gros calibre, tirant à barbette par dessus le parapet et montées à 2 mètres environ au-dessus du sol sur affût de place. Le tir à barbette met ln canonnier à découvert, ce qui n’a pas lieu avec l’embrasure, mais il per
met de battre dans des directions très-variées, avantage que ne donne pas le tir à travers une ouverture restreinte.
llst-il besoin de dire que pour faire les embrasures on n’a pas seulement taillé des ouvertures dans les parapets, mais que le travail a été conso
lidé par des gabions, des fascines, des sacs de terre ?
Les gabions, grands paniers d’osier sans fond, sont placés debout sur le sol et remplis de terre; des gabions rangés côte à côte forment vite d’ex
cellents parapets. Les fascines et les saucissons sont des fagots cylindriques d’une longueur de 2 mètres, d’un diamètre de üin22, formés de gaulettes de 2 centimètres et réunis par quatre liants;
on s’en sert beaucoup pour consolider les talus trop roides; ils sont dans leur plus grande largeur à l’épreuve de la balle.
Les sacs à terre constituent un des accessoires les plus utiles que l’on puisse mettre à la disposi
tion des troupes. Les sacs remplis de terre ont une longueur de 30 centimètres et un diamètre de 22 centimètres. Une balle ne traverse pas un sac dans sa longueur, ni deux sacs juxtaposés et pris dans leur épaisseur.
Le sac de terre est l’assise primitive de toute fortification rapide. On improvise avec ces matériaux toute espèce d’abri.
La banquette d’infanterie laisse le fusilier avec la tête et les épaules exposées aux coups de l’ennemi. Les sacs de terre font disparaître le danger.
En disposant un sac sur la plongée de chaque côté de la position qu’occupera l’arme, on met les épaules du tireur à l’abri ; en plaçant par dessus et en travers un nouveau sac, on masque la tête. On forme ainsi les créneaux par lesquels tirent sur les remparts, avec une sécurité relative trèsgrande, tes soldats d’infanterie.
Un siège;régulier serait certainement au-dessus des forces de l’ennemi. Nous n’aurons sans doute même pas à repousser une attaque directe sur
l’enceinte, carnos fortsfont bonne garde et l’heure dé la délivrance approche. Il n’est cependant pas superflu de dire, en quelques mots, en quoi pourrait consister l’attaque de vive force.
L’action débuterait par une lutte d’artillerie très-vive. L’ennemi tenterait de détruire l’artille
rie de la place, bombardant les embrasures et bouleversant les terres des parapets. Admettons; pour tout mettre au pire, que l’issue de la lutte nous soit défavorable. Les canons des fronts en
gagés ont été réduits au silence; des projectiles ont atteint le sommet de l’escarpe; il y a eu ébou lement des parapets dans le fossé.
L’ennemi lancera alors des colonnes d’assaut munies d’échelles pour franchir la muraille en
core debout et de fascines pour remblayer le fossé et arriver au sommet des brèches.
Pendant le bombardement du rempart, les défenseurs indispensables sont seuls restés à leur poste : canonniers, sentinelles, guetteurs, hommes de service pour le transport des muni
tions , des affûts de rechange, les hommes d’ambulance, etc. Les fusiliers se sont réfugiés dans les casemates. Il vient un moment où l’artil
lerie cesse de tonner; c’est la minute critique. Aussitôt peuvent paraître les colonnes d’attaque. L’insuccès de l’assaut tient à la rapidité avec laquelle les défenseurs, quittant leurs abris, repren
nent leur place de combat. Si le feu de l’assiégé est commandé à temps, l’ennemi, refoulé dans 1e fossé, subit des pertes considérâbles.
Au siège de Sébastopol, de l’avis des officiers, nous ne serions jamais entrés dans Malakoff si les Russes n’avaient trop tardé à sortir de leurs abris blindés. En 1864, les lignes du Danemark et les ouvrages de Düppel ont été forcés de même par les Prussiens. Il est bon d’avoir aujourd’hui ces exemples présents à la mémoire. Ajoutons, tou
tefois, que ni les remparts de Malakoff, ni ceux de Düppel n’avaient d’escarpe en maçonnerie.
L’artillerie légère rend dans ces circonstances de grands services; les canons des flancs sont ra
rement tous démontés; en tout cas, quelques piè
ces de campagne en réserve, embusquées sur les flancs, tireraient dans le fossé, décimant les assaillants, brisant les échelles et rejetant dans toutes les directions les fascines de l’ennemi.
C’est encore le cas de faire remarquer combien on a tort de se préoccuper si fort de la portée des fusils sur le rempart. Qu’importe la portée! Toute arme est bonne, même le fusil de chasse. La mousquetene n’a à exercer son action qu’à 30(1 mètres au maximum : la largeur de la zone de démolition pour les coups partis delà courtine ou de la face des bastions ; la longueur du fossé pour les coups partis des flancs. A ces distances, il suffit de viser son homme à la tête ou à la cein
ture; si la main est sûre et l’œil bon, c’est un ennemi de moins pour chaque coup de feu de plus.
Nous avons insisté sur ces détails de fortification et de défense, parce qu’ils sont fondamentaux et trouvent sans cesse leur application. Quand on
est familiarisé avec les premiers principes de la fortification permanente, il est bien facile d’en tirer vite parti pour )a fortification passagère; et plus nous irons, plus le rôle des ouvrages de campagne deviendra prépondérant.
Il ne faudra plus seulement définir, comme autrefois, la fortification : « l’art d’élever des retran
chements pour mettre une faible troupe en état de résister à des forces supérieures, » mais encore « l’art déplacer les troupes dansles meilleures conditions possibles d’offensive et de défensive. » — P.
(Journal officiel.)
LES DÉPARTEMENTS
Commençons par la dépêche de Gambetta, qui mérite de fixer l’attention de nos lecteurs.
Bourges, 14 décembre.
Gambetta à Jules havre et Trochu.
« Depuis quatre jours je suis à Bourges, occupé avec Bourbaki à réorganiser les trois corps, 15°, 18e, 20? de la première armée de la Loire, que les.