Il mit sur son cou très blanc un rapide bais
DESSIN D’EMILE BAYARD
PAR GEORGES OHNET
(Suite.)
Le maire de la Neuville n’est-il pas votre client comme moi ? dit malicieusement M. de Clairefont.
— Oh ! c’est bien différent, monsieur
le marquis, s’écria Malézeau dont les yeux papillotèrent derrière ses lunettes d’or ; avec M. Car
vajan j’ai des relations d’affaires, monsieur le marquis,
mais avec vous, monsieur le marquis, et votre aimable famille, monsieur le marquis, oh ! les liens du plus respectueux dévouement...
-— Enfin, Malézeau, vous dînez chez le maire? interrompit vivement Robert avec un sourire narquois...
— Rarement, monsieur le comte, le plus rarement possible! dit le notaire, qui parut être au supplice...
Vous savez ce que sont les villes de province, monsieur le comte? Un officier ministériel est tenu à beau
coup de ménagements, monsieur le comte, sous peine de ne pouvoir exercer sa profession, monsieur le comte. Les temps sont durs... M. Carvajan fait beau
coup d’affaires, monsieur le comte... C’est une grosse ressource pour une étude comme la mienne... Mais aucune intimité, entre lui et moi, croyez-le bien!...
— Allons! ne faites pas le jésuite, Malézeau ! s’é cria avec brusquerie la tante Isabelle, dont la lèvre moustachue se plissa dédaigneusement... Vous a-t-on jamais reproché vos accointances avec le personnage? Sommes-nous gens à exciter qui que ce soit contre lui? Avons-nous jamais riposté à ses mauvais procédés autrement que par le dédain ?
— Ce n’est peut-être pas, Mademoiselle, ce qui a été fait de mieux, Mademoiselle, murmura le notaire,
en jetant autour de lui un regard inquiet... Un peu de résistance aurait pu lui donner à réfléchir, Mademoi
selle. Vous lui avez laissé la tâche trop facile... Il ne laut jamais dédaigner son ennemi...
— Voudriez-vous qu’on fit à un tel croquant l’honneur de compter avec lui ? reprit avec fougue la tante de Saint-Maurice. Il faut un régime absurde, comme celui que nous subissons, pour que de pa
reilles espèces puissent compter... Voilà ce Carvajan
qui est maire, à présent !... Autrefois, on n’en aurait même pas voulu comme garde champêtre... Quant à son fils...
— Oh ! son fils, Mademoiselle, dit le notaire... son
DESSIN D’EMILE BAYARD
LA GRANDE MARNIÈRE
PAR GEORGES OHNET
(Suite.)
Le maire de la Neuville n’est-il pas votre client comme moi ? dit malicieusement M. de Clairefont.
— Oh ! c’est bien différent, monsieur
le marquis, s’écria Malézeau dont les yeux papillotèrent derrière ses lunettes d’or ; avec M. Car
vajan j’ai des relations d’affaires, monsieur le marquis,
mais avec vous, monsieur le marquis, et votre aimable famille, monsieur le marquis, oh ! les liens du plus respectueux dévouement...
-— Enfin, Malézeau, vous dînez chez le maire? interrompit vivement Robert avec un sourire narquois...
— Rarement, monsieur le comte, le plus rarement possible! dit le notaire, qui parut être au supplice...
Vous savez ce que sont les villes de province, monsieur le comte? Un officier ministériel est tenu à beau
coup de ménagements, monsieur le comte, sous peine de ne pouvoir exercer sa profession, monsieur le comte. Les temps sont durs... M. Carvajan fait beau
coup d’affaires, monsieur le comte... C’est une grosse ressource pour une étude comme la mienne... Mais aucune intimité, entre lui et moi, croyez-le bien!...
— Allons! ne faites pas le jésuite, Malézeau ! s’é cria avec brusquerie la tante Isabelle, dont la lèvre moustachue se plissa dédaigneusement... Vous a-t-on jamais reproché vos accointances avec le personnage? Sommes-nous gens à exciter qui que ce soit contre lui? Avons-nous jamais riposté à ses mauvais procédés autrement que par le dédain ?
— Ce n’est peut-être pas, Mademoiselle, ce qui a été fait de mieux, Mademoiselle, murmura le notaire,
en jetant autour de lui un regard inquiet... Un peu de résistance aurait pu lui donner à réfléchir, Mademoi
selle. Vous lui avez laissé la tâche trop facile... Il ne laut jamais dédaigner son ennemi...
— Voudriez-vous qu’on fit à un tel croquant l’honneur de compter avec lui ? reprit avec fougue la tante de Saint-Maurice. Il faut un régime absurde, comme celui que nous subissons, pour que de pa
reilles espèces puissent compter... Voilà ce Carvajan
qui est maire, à présent !... Autrefois, on n’en aurait même pas voulu comme garde champêtre... Quant à son fils...
— Oh ! son fils, Mademoiselle, dit le notaire... son