GORDON-PACHA
Nous avons déjà parlé plus d’une fois du général Gordon. Nous l’avons fait notamment lorsqu’il a été envoyé à Khartoum par le gouvernement britannique, à la suite de l’insur
rection du Soudan. Cet Anglais, qui commanda en chef une armée chinoise et dompta la révolte des Taïpings, qui gouverna ensuite le Soudan égyptien au nom du Khédive Ismaïl, auquel il doit le titre de pacha, sera certainement dans la suite des temps un personnage légen
daire. L’imagination des peuples ne peut manquer de broder sur la vie aventureuse de cet homme qui a toute l’envergure d’un héros. L’année qu’il vient de passer à Khar
toum, où il était allé volontairement s’enfermer au milieu
d’un cercle d’ennemis, n’aura pas pour peu contribué à sa renommée. On lui a prêté les plus grands exploits, on lui a fait essuyer les plus grands désastres, on l’a dit prisonnier, mainte fois on l’a cru mort.
Le mort se porte mieux que jamais, et c’est lui qui, aujourd’hui, vient au secours de ses libérateurs, en envoyant à leur rencontre, sur le Nil, quatre des bateaux à vapeur de la flottille qu’il a su conserver avec lui, à Khartoum. Le commandant de ces quatre bateaux était porteur d’un petit billet destiné au général Stewart et ainsi conçu : « Tout va bien à Khartoum : je puis tenir des années. Gordon. 29 décembre 1884 »
C’est le colonel Wilson qui a reçu ce billet, le général Stewart ayant été grièvement blessé dans le combat du 19 janvier, près de Métammeh, combat qui a permis la jonction de la colonne anglaise avec les forces de Gordon.
Il avait déjà battu une première fois, non sans peine, les rebelles, une semaine auparavant, à Abouklea.
LE CANAL DE PANAMA
Dans notre prochain numéro, nous commencerons la publication d’une étude d ensemble sur les travaux du Canal de Panama.
Nous donnons aujourd’hui quatre des gravures qui se rapportent à ces travaux.
Carte du Canal de Panama. — L’isthme de Panama est situé dans les Etats-Unis de Colombie (Amérique du Sud), dont le territoire s’étend depuis le Brésil jusqu’à la Répu
blique de Costa-Rica (Amérique Centrale). Il est dirigé du Sud-Ouest au Nord-Est et se trouve partagé en deux versants par la chaîne de la Cordillère.
Les altitudes des montagnes de l’isthme ne sont pas bien considérables ; dans la région du canal, les sommets les plus élevés ne dépassent guère 300 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le col de la.Culebra, point où le che
min de fer traverse la ligne de partage des eaux, est à la cote de 101 m, 66; il n’est distant que de 15 kilomètres de la ville de Panama.
Le versant de l’Atlantique, par son étendue et aussi en raison de la plus grande abondance des pluies qui y tom
bent, donne naissance à plusieurs rivières qui aboutissent toutes au Rio-Chagres. Sur le versant du Pacifique, le fleuve le plus important est le Rio-Grande qui prend sa source dans la Cordillère et qui se jette dans la mer près de Panama, dans la baie de La Boca. Le tracé du canal suit en partie ces deux cours d’eau. Il commence à Colon,
dans la baie de Limon, sur l’Océan Atlantique, et aboutit dans l’estuaire du Rio-Grande, près de Panama, sur l’Océan Pacifique, se dirigeant sensiblement du Nord- Ouest au Sud-Est. Sa longueur est de 73 kilomètres.
La région traversée par le canal se divise en trois parties principales : la vallée de Chagres, celle du Rio-Grande, et entre les deux, la région de la Grande Tranchée, qui est la
partie montagneuse. Les travaux ont commencé presque à la fois dans ces trois parties.
Vue de l’hôpital de la compagnie à Panama. — C’est la ville de Panama qui a été choisie comme résidence par l’administration de la Compagnie du canal; elle jouissait, en effet, d’une réputation de salubrité relative et offrait aux arrivants les ressources indispensables,tandis que Colon est entouré de marécages très insalubres. Du reste, le climat est généralement malsain dans l’isthme, la fièvre paludéenne règne sur toute la contrée; il s’y déclare même quelquefois des cas de fièvre jaune. La température s’élève rarement au-dessus de 350, mais pendant la nuit elle ne descend presque jamais au-dessous de 20°. A cette chaleur constante,
s’ajoute une grande humidité, et les effets de ces conditions climatériques se font rapidement sentir sur l’organisme et le moral desEuropéens; c’est un élément dépressif qui porte à la mollesse et à l’anémie. Le remède est surtout dans une
bonne hygiène; mais malgré toutes les précautions, la fièvre frappe des coups nombreux et chaque jour le service médical recueille une assez grande quantité de malades.
La ville de Panama ne disposant pas d’hôpitaux suffisants, la Compagnie a construit un vaste établissement, au lieu dit Huerta de Galla, sur les flancs du cerro Ancon qui domine la ville et la rade de Panama. L’altitude moyenne de cet emplacement est d’environ 50 mètres au-dessus du niveau de la mer, à un kilomètre seulement du rivage.
Le cerro Ancon est une colline très boisée, aux pentes très abruptes, ce qui a nécessité des travaux de terrassements considérables. Les différentes constructions, au nom
bre de près de cinquante, occupent une superficie de 8 à 9 hectares. Leur prix total, sans compter les terrassements, a dû dépasser 1 million.
L’ensemble des bâtiments forme sept groupes distincts. Les salles des malades, séparées les unes des autres, ne comprennent chacune que 24 lits.
L’hôpital est placé sous le patronage effectit de monseigneur Paul, évêque de Panama, et le service y est fait par les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul.
Un excavateur dans ta section d’Emperador. La section d’Emperador est comprise dans la région de la Grande T ranchée, c’est-à-dire dans la partie montagneuse de l’isthme.
Elle s’étend de la petite chute de l’Obispo jusqu’au pied du col de la Culebra. Le travail consiste à enlever une tranche de terrain d’environ 6 mètres d’épaisseur au-dessous du plan moyen de la vallée de l’Obispo.
Cette section a été la première attaquée sur le parcours du canal. Les travaux effectifs du percement y ont été inau
gurés le 21 janvier 1882, et depuis lors ils y ont suivi une marche rationnelle et continue.
Le village d’Emperador est situé sur une colline, à une quarantaine de mètres a .-dessus de la vallée; il comprend 50 à 60 constructions en bois gracieusement étagées. Les ateliers et les magasins sont installés dans la partie basse.
Notre gravure représente un excavateur en chantier dans la plaine del Lirio (en amont d’Emperador). L’excavateur est une sorte de drague montée sur un wagon. Une chaîne sans fin porte des godets qui se remplissent de terre en attaquant le talus de la tranchée à creuser. Arrivé à la partie supérieure de l’appareil, le godet s’ouvre automati
quement par le fond et se vide dans un couloir incliné qui amène les déblais dans des wagons placés sur une voie parallèle à celle de l’excavateur.
L’appareil représenté sur notre gravure a été construit par MM. Weyher et Richemond, à Pantin (Seine). Il tra
vaille en fouille, c’est-à-dire qu’il a sa voie en dehors de la tranchée et que ses godets excavent le sol au-dessous du niveau de cette voie.
La chaîne dragueuse est mise en mouvement par une machine de la force de 22 chevaux. Elle se compose de 22 éléments, dont chacun comprend 1 godet, 4 maillons mâles, 8 maillons femelles, etc.
La capacité des godets est de 75 litres environ.
La chaîne est soutenue par une élinde en tôle et cornières, articulée à la partie supérieure.
L’excavateur en fonctionnement se déplace lui-mème sur sa voie au moyen d’une petite machine à vapeur qui com
mande les roues du truc sur lequel il est monté. La vitesse de translation est d’environ 2 mètres par minute.
On peut également disposer cet excavateur de manière à le faire fonctionner en décapement. Dans ce cas, l’appareil est établi au pied de la butte de terrain à déraser.
Ile de Taboga. — Cet île est située dans la baie de Panama, à 15 kilomètres environ de cette ville. Elle est assez élevée, dans son ensemble, au-dessus du niveau de la mer, et son terrain est très boisé. Malgré sa superficie relative
ment peu considérable, elle possède plusieurs sources d’eau douce. Cette île jouit d’une grande réputation de salubrité.
Notre gravure représente une vue de l’ancien village de Taboga, sur le rivage. La Compagnie du Canal y avait construit un petit sanitorium pour les convalescents. Ce bâtiment provisoire va être remplacé par un édifice beaucoup mieux aménagé, qui est actuellement en construction.
Le bateau à vapeur qui fait le service entre Panama et Taboga, met de deux à trois heures pour la traversée.
LA CHASSE A L’HOMME EN SIBÉRIE
Dans notre numéro du 17 janvier, à propos de notre gravure un Convoi d’or en Sibérie, nous avons parlé des bagnes russes et en particulier du bagne de Kara. Les for
çats, nous l’avons dit, sont employés aux travaux des mines. Beaucoup parviennent à s’évader, aidés par leurs co-détenus. Le forçat fuit soit la nuit par escalade, soit lorsqu’il fait la corvée du bois, et gagne les forêts voi
sines, où il rejoint les autres forçats évadés. De là, quelques uns tentent, à travers les déserts sibériens, de quitter le pays. Le moujik revient dans son village, où il est bientôt repris. Le condamné politique se réfugié à l’étranger. Mais tous ne réussissent pas dans leur entreprise.
Beaucoup retombent entre les mains de leurs gardiens, car on leur donne la chasse, comme à un gibier, à l’aide de
chiens dressés à cet effet, tel que celui représenté dans notre gravure, animaux de grande taille, à longs poils, très fé
roces et très redoutables. Ils sont conduits par des soldats Kirgiss ou Tartares armés de carabines à longue portée. Les forêts sont battues avec soin par ces terribles chasseurs, et les fugitifs traqués de repaire en repaire, que le nez des chiens manque rarement d’éventer. Une fois à vue, ils sont perdus. Les chiens s’élancent à leur poursuite et ne les quittent plus qu’ils ne les aient atteints. Mais des chiens, on en vient à bout. Les évadés sont tous armés qui d’un cou
teau, qui d’une hache, et pour les arrêter on est obligé presque toujours de se servir de la carabine. Une balle a promptement raison d’eux, s’ils résistent. S’ils faiblissent
et se rendent, c’est le Knout. Le réglement administratif leur alloue deux cents coups de fouet, presque la mort
Mieux vaut encore une halle sous les grands arbres de la forêt.
LES ESCRIMEUSES VIENNOISES
La mode est à l’escrime ; les assauts publics deviennent plus nombreux chaque année, et semblent intéresser de plus en plus l’assistance féminine; la chronique cite même les noms de plusieurs dames qui ne se contenteraient pas du rôle de simples spectatrices, et qui cultiveraient, avec succès, dit-on, l’art illustré par la fille de Jean-Louis, Un maître d’armes bien connu à Vienne, M. Hartl, a eu l’idée de montrer à Paris que Vienne avait pris les devants dans ce sport d’un nouveau genre, et il vient de nous arriver avec huit de ses meilleures élèves, au début desquelles nous étions conviés l’autre soir.
C’est le Figaro qui avait organisé « en son hôtel » cette fête du fleuret : à neuf heures et demie, les jeunes Vien
noises faisaient leur entrée dans le grand hall du bas, au milieu de nos confrères de la presse parisienne et des principales notabilités de l’escrime, amateurs et professeurs.
Salut d’armes, tir au mur, leçon avec le maître, puis entre élèves, assaut à l’épée et à la dague, enfin, poule dont le prix était un bracelet offert par le Figaro, la séance
a été complète, rien n’a été négligé pour mettre en relief les qualités des charmantes escrimeuses.
Jupe tombant au genou, plastron bien ajusté sur la poitrine, le costume leur sied à ravir, et nous 11e partageons pas l’avis de ceux de nos voisins qui regrettaient la jupe et lui auraient préféré le maillot collant ; c’eût été transformer les combattantes en vrais jeunes garçons, et la nouveauté y
eût perdu tout son caractère; pourquoi, par exemple, ces talons, qui sont une gêne inutile et s’opposent aux moindres coups d’allonge?
C’est, il est vrai, toute la question de l’escrime féminine que nous posons dans ce seul point d’interrogation ; après avoir vu ces jeunes filles, dont plusieurs sont remarquable
ment découplées, et qui, toutes, sont évidemment aussi exercées et aussi entraînées qu’une femme peut l’être, il faut bien reconnaître que les coups d’allonge dépassent les moyens de la femme ; c’est dans la souplesse de la main, dans le doigté, c’est surtout dans la régularité de la tenue, dans la grâce des mouvements qu’elle doit chercher ses avantages.
A ces derniers points de vue, les héroïnes de la soirée du Figaro méritent de sérieux éloges ; sans doute, elles ont encore à gagner, et beaucoup, du côté des doigts; sans doute aussi elles marchent et rompent trop volontiers ; elles elles ont surtout le tort d’abuser des appels de pieds ; mais elles nous ont montré des ensembles très heureusement réglés, et dans la poule finale, plusieurs d’entre elles ont eu des parades très justes et des ripostes pleines d’à-propos. Un mérite qu’on ne saurait leur contester, c’est celui d’an
noncer franchement les moindres coups ; il y a chez elles une bonne foi qui va parfois jusqu’à l’exagération, mais qui serait d’un bon exemple pour certains de nos tireurs.
En somme, très agréable et très amusante soirée, organisée avec beaucoup de goût par notre confrère Robert Milton et toute la rédaction du Figaro ; mais c’est égal, si
joli qu’ait pu être le spectacle, le sexe laid n’en reste pas moins le sexe fort; l’escrime est un art qui exige trop d’adresse, trop de décision, et surtout trop de vigueur, pour ne pas rester l’apanage exclusif de l’homme; jamais l’épée ne sera l’arme de la femme. Qu’en ferait-elle, du reste, avec toutes celles qu’elle a déjà à son service ?
Jules Comte.
NOS GÉNÉRAUX
Sous ce titre, les éditeurs Berger-Levrault mettent en vente un beau volume in-8° de 500 pages, orné de char
mantes gravures et dù à la plume de notre sympathique confrère, M. H. Roger de Beauvoir.
Un des grands travers de l’esprit français consiste dans le manque absolu de mesure. Autant nous étions fiers de notre armée avant 1870, portés à la croire sans rivale, pleins d’une confiance aveugle dans ses chefs, autant, de
puis nos désastres, nous témoignons de défiance et d’injustes préventions à l’égard de ceux qui la commandent. C’est contre cette fâcheuse tendance qu’a voulu réagir l’auteur.
Pleins de mérite, mais aussi de modestiç, très appréciés
dans le monde militaire, même à l étranger, la plupart de
NOS GRAVURES