qu’il s’appelle Caro ou Robin, Wirehow ou Pasteur, — la science, en un mot, et la science ou la philosophie résistant aux colères de groupes bruyants, hostiles. En atten
dant qu’on l applaudisse de nouveau, on le lira et le silence imposé à l’orateur assure une vogue et un succès con
sidérables au prochain livre de l’écrivain qui, après laparole, va se servir de:>a plume que, du moins, on ne peut briser.
OLIVIER PAIN
Les rares nouvelles parvenues du camp du Mahdi ont fait connaître que le conseiller principal du chef du Soudan révolté contre les Anglo-Egyptiens, serait un Fran
çais, Olivier Pain, que son amitié avec Henri Rochefort, sa condamnation à la déportation à la suite de la défaite de la Commune et sa légendaire évasion de la Nouvelle-Calé
donie, ont rendu quelque peu célèbre. Depuis son retour en Europe, Olivier Pain a habité la Suisse, a servi, durant la guerre turco-russe, de correspondant à divers journaux français et, pour cela, a séjourné au camp d’Osman Pacha.
Pris par les Russes, après la chute de Plewna, il fut jugé et condamné à mort comme étant sorti de son rôle de cor
respondant neutre pour faire le coup de feu contre les adversaires des Turcs. Le gouvernement Suisse réclama Olivier Pain comme sujet naturalisé suisse et Alexandre II
eut la magnanimité de penser que l’odeur de la poudre avait pu entraîner le journaliste et il fit grâce pleine et entière. Les terribles mésaventures d’Olivier Pain n’ont pas eu grande action sur son esprit résolu et amoureux de l’inconnu. En 1883, il s’embarquait à destination de l’Egypte avec l’intention de se rendre au Soudan pour envoyer des correspondances aux journaux. Que s’est-il passé depuis? On ne le sait qu’en partie. Ce qui semble certain et ce qui
découle des faits connus, c’est qu’Olivier Pain a su gagner la confiance du Mahdi, qu’il lui a donné des conseils dont la réussite ont encore accru son influence et que, pour cou
ronner une carrière aussi mouvementée, notre compatriote
s’est fait musulman Ajoutons que les Anglais, meilleurs juges que nous du rôle joué par Olivier Pain dans l’insur
rection soudanienne, ont laissé voir que si notre compatriote tombait entre leurs mains, ils ne seraient pas aussi magnanimes que le tsar Alexandre II. P. L.
DUPUY DE LOME
M. Dupuy de Lôme, qui vient de mourir à l’âge de 69 ans, se placera, dans l’histoire de la marine française, à côté de Forfait et de Sané, avant lui, les plus célèbres constructeurs de navire de guerre. M. Dupuy de Lôme est,
en effet, le premier qui, en Europe, osa construire un navire de haut bord, à hélice et de grande vitesse. Quand, en 1854, le Napoléon, vaisseau à vapeur de 90 canons, don
nant la remorque au vaisseau amiral français, la Ville de Paris, portant cent canons, entra dans les Dardanelles, contre vent et marée, et alors que les autres navires, an
glais et français, s’épuisaient en efforts inutiles dans le même but, ce fut une acclamation générale. On vit, du premier coup d’œil, qu’une nouvelle flotte à vapeur allait supplanter l’ancienne Hotte à voiles.
Si le succès du Napoléon, œuvre deM. Dupuy de Lôme, marqua une grande date dans l’histoire de l’art naval, la construction des trois batteries Hottantes, la Dévastation,
la Lave et la Tonnante, en marqua une seconde. Ces trois navires, ayant leurs bordages couverts d’une cuirasse de fer de dix centimètres d’épaisseur, purent s’approcher très près du fort de Kinburn et le ruiner, ce que n’auraient pu faire les navires en bois.
Le succès foudroyant des batteries Hottantes conduisit M. Dupuy de Lôme à faire accepter ses plans d’un navire de haute mer, de marche sûre et rapide comme le Napo
léon, à peu près invulnérable comme les batteries flottantes, et, en 1859, parut la Gloire, grande frégate cuirassée de bout en bout, munie d’un puissant propulseur et d’une ar
tillerie formidable. La construction de la Gloire marqua le début de ces flottes cuirassées, que possèdent aujourd’hui toutes les puissances maritimes.
Rappelons aussi que M. Dupuy de Lôme essaya, à la fin de la guerre contre l’Allemagne, d’appliquer à un na
vire aérien les règles de conduite de la navigation océa
nienne, et que les indications données par lui n’ont pas été inutiles à ceux qui l’ont suivi dans la même voie.
P. Laijr.
M. DU SOMMERARD
M. du Sommerard, qui vient de mourir, avait succédé à son père, Alexandre du Sommerard, le célèbre antiquaire fondateur du Musée de Cluny, et c’est à son initiative que sont dus les accroissements successifs de ce Musée spécial, si précieux aujourd’hui pour 1 étude des monuments et des pièces du moyen âge et de la Renaissance.
Attaché, vers 1846, à la commission des monuments historiques, il a fait partie du jury des beaux-arts à l’Expo
sition universelle de 1855, et s’est successivement occupé des expositions françaises et étrangères venues à :a suite..
M. E. du Sommerard était grand-officier de la Légioitd’Honneur depuis 1873. Le 24 janvier 1863, il avait été promu officier et le 30 juin 1867, commandeur.
M. du Sommerard avait beaucoup travaillé à la grande publication des Arts au moyen âge, laissée inachevée par son père.
Il était âgé de soixante-sept ans.
L’EXPÉDITION DU SOUDAN
Les gravures que nous publions sous cette légende se rapportent à la marche du corps expéditionnaire anglais au Soudan. Pour la carte, nous renvoyons le lecteur à l’article
que nous publions un peu plus loin, page 111. Cette marche a été très lente et très pénible, à cause des impedimenta qui embarrassaient le corps expéditionnaire. Des milliers de chameaux le suivaient portant les provisions et les bagages. Un de nos dessins représente le passage’ d’un défilé sur la route de Dongola, route très escarpée, d’où bêtes et gens n’ont pu sortir qu’au prix des plus grands elforts. Il y avait aussi à compter avec les difficultés de la navigation sur le Nil, que le corps expéditionnaire remontait au moyen de
chaloupes démontables, construites exprès à Plymouth et à Woolwich,et expédiées deces villes en Egypte.Dans un de nos dessins on voit des troupes, montées sur ces chaloupes et arrivant à Wadi-Halfa (la vallée des roseauxj, ville cons
truite sur la rive droite du Nil. C’est en amont de cette ville que l’on rencontre la seconde cataracte, haute de sept
à huit pieds. Le fleuve en cet endroit présente un aspect très inattendu et d’une singulière mélancolie, avec ses ca
naux et les îlots innombrables que forment ses eaux fécondes en entourant ces terres qu’aucun arbre Il’ombrage. Il y avait enfin pour retarder la marche de l’armée, surtout à partir de Dongola, les alertes continuelles causées par l’apparition soudaine et la non moins soudaine disparition d’un parti ennemi qui, de près ou de loin, no cessait d’observer ses mouvements.
Notre dernier dessin est une vue à vol d’oiseau de la ville de Khartoum. Cette ville, création de Méhémet-Ali, qui avait rêvé d’en faire l Alexandrie de l’Afrique centrale, Yemporium du Haut-Nil, s’élève sur la rive gauche du Nil Bleu à son confluent avec le Nil Blanc. A droite, le Nil Bleu et l’île Tuti, le Nil Blanc au fond. Au delà de ce der
nier, on aperçoit Omderman, village fortifié, tombé au pou
voir du Mahdi depuis quelques mois C’est M. Olivier Pain qui, dit-on, très en faveur auprès du nouveau prophète, a
fait élever les retranchements du camp que l’on voit près du village. La ville de Khartoum est entourée de murailles bastionnées. Le Nil Blanc la couvre d’un côté, le Nil Bleu
de l’autre. De ce côté-ci s’élève sur le fleuve et en face de l’île Tuti le palais du gouvernement qu’habitait le général Gordon; au-dessous, toujours sur le fleuve, se trouvent les casernes, et près ue celles-ci, l’hôpital.
LE CONCOURS AGRICOLE DE PARIS
Les chemins de fer Decauville.
Dans la section des machines agricoles, nous remarquons l’exposition considérable des chemins de fer Decauville, qui s’étendent sur 300 mètres de longueur, en bordure du cours la Reine. Ce nouveau moyen de transport est trop connu pour que nous en fassions la description à nos lecteurs. Il y a là une collection très complète de wagonnets, tous plus ingénieux les uns que les autres, depuis le petit wagonnet pour la vendange et le wagonnet un peu plus grand pour les terrassements, jusqu’aux grands wagons pour le service des armées en campagne et pour le transport des voyageurs. Une démonstration très amusante en est faite devant le pu
blic, auquel une jolie petite locomotive à vapeur fait faire en deux minutes une excursion dans d’élégants wagonnets.
Cette exposition est bien faite pour donner une idée de l’importance que les ateliers du Petit-Bourg ont prise de
puis deux ans. Une seule salle des nouveaux ateliers couvre 18,000 mètres, c’est à dire près -de deux hectares! Et de l’avis de tous les ingénieurs, M. Decauville possède aujour
d’hui les plus grands ateliers du monde entier pour les che
mins de 1er portatifs, il occupe un millier d’ouvriers et peut
livrer chaque ..mois trois mille wagons et cent cinquante kilomètres de voie. Tous les pays étrangers sont aujourd’hui
tributaires de M. Decauville, qui exporte plus des.trois quarts de sa fabrication et qui a même réussi à trouver des débouchés considérables dans les colonies anglaises et en
Angleterre, et c’est là une preuve non contestable de sa supériorité dans cette spécialité. A l’Exposition de Calcutta, c’est le chemin de fer Decauville qui a obtenu le premier prix des chemins de fer portatifs en battant six concurrents.
Cet ingénieux petit chemin de fer, qui a été imaginé pour les usages agricoles, est devenu aujourd hui l’auxi
liaire indispensable de toutes les guerres. L’armée russe en a employé 100 kilomètres dans la guerre du Turkestan, et, détail bien remarquable, que nous avons appris aujourd’hui, les généraux Annenkoff et Skobeleff ont témoigné, après la guerre, leur satisfaction au constructeur français en lui faisant rembourser une amende de 12.000 francs qu’il avait
encourue pour retard dans la livraison. Il faut dire que les délais de livraison avaient été effroyablement courts
Dans la guerre de Tunisie, soixante-dix kilomètres ont été établis entre Sousse et Kairouan, et les télégrammes des journaux nous apprennent qu’en ce moment le chemin de fer Decauville rend les plus grands services à l armée française au Tonkin et à Madagascar, et à l’armée anglaise dans l’Afghanistan. Dans cette dernière installation, il y avait à résoudre un problème assez difficile : tout le maté
riel devait voyager à dos d’éléphant pendant quatre à cinq semaines et on voulait employer une locomotive. M. Decau
ville l’a fait construire en deux pièces, dont la plus grosse ne pesait que dix-huit cents kilos, qui est le maximum de charge que peut porter un éléphant. O11 peut donc dire que les chemins de fer Decauville triomphent de tous les obstacles. G. d’A.
LA COLLECTION DAVILLIER
La magnifique collection dont l’exposition va s’ouvrir dans une des salles du musée du Louvre, est trop connue pour que nous ayons à en retracer longuement l’histoire : ceux de 110s lecteurs qui désireraient des détails circons
tanciés sur sa formation et sur les principaux morceaux
dont elle se compose, n’auront qu’à consulter l’intéressante notice consacrée au baron DaviHier par M. Paul Eudel et
le très complet article publié par M. Courajod dans la Galette des Beaux-arts du mois de septembre 1883; nous avons sous les yeux ces deux documents auxquels nous empruntons les renseignements qui suivent.
Le baron Charles Davillier était né à Rouen le 27 mai 1823 : petit-fils d’un gouverneur de la Banque de France, il sentit de bonne heure qu’il n’avait pas en lui l’étoile d’un homme d’affaires et ne tarda pas à se livrer exclusivement à ses goûts artistiques; connaisseur délicat, il ne voulut pas se bornera la simple curiosité, et eut l’ambition d’écrire des pages utiles sur les diverses questions qu’il possédait si
complètement. C’est ainsi qu’au cours de ses incessants voyages, il trouva le moyen de publier tour à tour des mémoires pleins de faits et d’observation et des ouvrages considérables où l érudition devient de l’histoire. Nous en rappellerons seulement quelques uns, Y Histoire des faïences hispano-mauresques à reflets métalliques, où il définit, pour la première fois et si justement, les origines et les carac
tères de la majolique espagnole, Y Histoire des fa ences et porcelaines de Moustiers, Marseille et autres fabriques méridionales, les Origines de la porcelaine en Europe, son dernier travail, paru en 1882, puis une foule de plaquettes sur les sujets les plus variés, des études sur 1 histoire de la tapisserie, nombre de travaux importants sur l’Espagne,
entr’autres, les Arts décoratifs en Espagne et les Recherches sur l’orfèvrerie en Espagne.
Ce résumé succinct des publications de M. Davillier dit l’histoire de sa collection, constituée au hasard de ses courses et de ses découvertes, installée pour son agrément et celui
de ses visiteurs dans l’hospitalière demeure de la rue Pigalle où il aimait à recevoir ses amis ; M. Courajod a dé
crit avec beaucoup de vérité ce « cabinet, qui, dans son charmant pêle-mêle, ressemblait à un laboratoire scientifi
que beaucoup plus qu’à une galerie d’apparat. Aucun objet
Il’avait de place fixe, consacrée, inévitable. La constante mobilité des pièces permettait tous les rapprochements. Eparses sur les tables, elles provoquaient l’examen des
doigts et de l’esprit. O11 ne traversait pas la galerie sans apprendre quelque chose, et, à chaque pas, l’admiration forçait le visiteur surpris à s’arrêter. Hommage flatteur, que, dans trop de collections, les œuvres d’art 11e méritent pas toujours par elles-mêmes, mais qu’elles doivent surtout à la place qu’elles occupent dans une disposition habilement combinée et à une certaine mise en vedette qui affiche leurs prétentions et les désigne fatalement au regard ! »
Le Ier mars 1883, le baron Davillier mourait, laissant sa collection au Louvre, ses livres et manuscrits à la Biblio
thèque nationale, ses faïences, porcelaines et verreries anciennes au musée de la manufacture de Sèvres : le testa
ment est daté du 10 janvier 1871 ! Enfermé dans Paris, le baron Davillier songeait à la France !
C’est donc sa collection tout entière que nous allons pouvoir retrouver au Louvre, et dont nous reproduisons quelques uns des plus remarquables morceaux. M. Louis
Gonse, qui a été admis à la visiter avant qu’elle fût ouverte au public, a rendu hommage, dans un des derniers numé
ros de la Chronique des Arts et de la Curiosité, « au tact parfait avec lequel MM. Courajod et Molinier se sont acquittés de la tâche, toujours délicate, de mettre en va
leur, par des groupements heureux, une collection qui se compose des objets les plus variés; où les bronzes coudoient les ivoires, où les orfèvreries jouent avec les médailles,
où les verres se mêlent aux faïences, les marbre aux terres cuites, les meubles aux tapisseries. »
L’effet d’ensemble, ajoute-t-il, satisfera les plus exigeants; ceux mêmes qui sont avant tout sensibles aux accords des sons jouiront du merveilleux éclat qui en relève, sans tapage trop vif, l’aspect pittoresque. I.e goût qu’a déployé en cette circonstance l’administration du Louvre la rend sans excuse, lorsqu’elle s’abandonne à des distributions aussi peu réjouis
santes pour l’œil que le sont certaines salles du Musée.
C’est par le; contrastes qu’un metteur en scène habile fait valoir ses premiers rôles ; c’est par des associations ingé
nieuses de formes et de couleurs qu’un amateur fait briller les perles de soi écrin artistique. Le promeneur inexpéri
menté qui visitera la collection Davillier sera conduit tout droit aux œuvres maîtresses ; son regard ira, sans qu’on le guide, à l’admirable tapisserie du Couronnement cle la Vierge, àl’Arion de Riccio, au Persée, aux grands bassins
hispano-mauresques, au bas-relief en bois de Y Adoration, des Mages, aux coupes des Médicis et à tous ces morceaux précieux qu’il est inutile de rappeler. Voyez, par exemple, cette vitrine centrale, où une belle Vierge en ivoire du xive siècle enlève ses contours mordorés au milieu des chatoiements d’émeraude des verreries espagnoles, ou bien encore celle où les bronzes italiens servent de robuste repoussoir à ces merveilleux émaux italiens à fond de lapis qui sont une des gloires de la collection.
Une réflexion nous attriste : n’est-il pas pénible, après avoir admiré toutes ces merveilles, de songer que leur réunion n’est que momentanée, qu’elles vont ensuite être dispersées dans les diverses salles du Musée, que quelques unes mêmes doivent quitter le Louvre pour aller à Sèvres? Mme la baronne Davillier, quia si généreusement abandonné
tous ses droits en faveur du Louvre, eût souhaité de voir prendre moins à la lettre le testament de son mari. N’oublions pas que le musée de Sèvres est purement technologi
que, et qu’à ce titre, il suffirait de lui remettre un certain, nombre de types des différentes fabrications. E11 somme, il
appartient au ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts de départager les prétentions rivales des divers chefs de services placés sous ses ordres : en conservant au Louvre la plus grande partie de la collection, M. Fallières est certain de prendre une décision qui aura le double avantage de répondre à la logique, aux préférences du public et au désir si respectable de Mme Davillier.
dant qu’on l applaudisse de nouveau, on le lira et le silence imposé à l’orateur assure une vogue et un succès con
sidérables au prochain livre de l’écrivain qui, après laparole, va se servir de:>a plume que, du moins, on ne peut briser.
OLIVIER PAIN
Les rares nouvelles parvenues du camp du Mahdi ont fait connaître que le conseiller principal du chef du Soudan révolté contre les Anglo-Egyptiens, serait un Fran
çais, Olivier Pain, que son amitié avec Henri Rochefort, sa condamnation à la déportation à la suite de la défaite de la Commune et sa légendaire évasion de la Nouvelle-Calé
donie, ont rendu quelque peu célèbre. Depuis son retour en Europe, Olivier Pain a habité la Suisse, a servi, durant la guerre turco-russe, de correspondant à divers journaux français et, pour cela, a séjourné au camp d’Osman Pacha.
Pris par les Russes, après la chute de Plewna, il fut jugé et condamné à mort comme étant sorti de son rôle de cor
respondant neutre pour faire le coup de feu contre les adversaires des Turcs. Le gouvernement Suisse réclama Olivier Pain comme sujet naturalisé suisse et Alexandre II
eut la magnanimité de penser que l’odeur de la poudre avait pu entraîner le journaliste et il fit grâce pleine et entière. Les terribles mésaventures d’Olivier Pain n’ont pas eu grande action sur son esprit résolu et amoureux de l’inconnu. En 1883, il s’embarquait à destination de l’Egypte avec l’intention de se rendre au Soudan pour envoyer des correspondances aux journaux. Que s’est-il passé depuis? On ne le sait qu’en partie. Ce qui semble certain et ce qui
découle des faits connus, c’est qu’Olivier Pain a su gagner la confiance du Mahdi, qu’il lui a donné des conseils dont la réussite ont encore accru son influence et que, pour cou
ronner une carrière aussi mouvementée, notre compatriote
s’est fait musulman Ajoutons que les Anglais, meilleurs juges que nous du rôle joué par Olivier Pain dans l’insur
rection soudanienne, ont laissé voir que si notre compatriote tombait entre leurs mains, ils ne seraient pas aussi magnanimes que le tsar Alexandre II. P. L.
DUPUY DE LOME
M. Dupuy de Lôme, qui vient de mourir à l’âge de 69 ans, se placera, dans l’histoire de la marine française, à côté de Forfait et de Sané, avant lui, les plus célèbres constructeurs de navire de guerre. M. Dupuy de Lôme est,
en effet, le premier qui, en Europe, osa construire un navire de haut bord, à hélice et de grande vitesse. Quand, en 1854, le Napoléon, vaisseau à vapeur de 90 canons, don
nant la remorque au vaisseau amiral français, la Ville de Paris, portant cent canons, entra dans les Dardanelles, contre vent et marée, et alors que les autres navires, an
glais et français, s’épuisaient en efforts inutiles dans le même but, ce fut une acclamation générale. On vit, du premier coup d’œil, qu’une nouvelle flotte à vapeur allait supplanter l’ancienne Hotte à voiles.
Si le succès du Napoléon, œuvre deM. Dupuy de Lôme, marqua une grande date dans l’histoire de l’art naval, la construction des trois batteries Hottantes, la Dévastation,
la Lave et la Tonnante, en marqua une seconde. Ces trois navires, ayant leurs bordages couverts d’une cuirasse de fer de dix centimètres d’épaisseur, purent s’approcher très près du fort de Kinburn et le ruiner, ce que n’auraient pu faire les navires en bois.
Le succès foudroyant des batteries Hottantes conduisit M. Dupuy de Lôme à faire accepter ses plans d’un navire de haute mer, de marche sûre et rapide comme le Napo
léon, à peu près invulnérable comme les batteries flottantes, et, en 1859, parut la Gloire, grande frégate cuirassée de bout en bout, munie d’un puissant propulseur et d’une ar
tillerie formidable. La construction de la Gloire marqua le début de ces flottes cuirassées, que possèdent aujourd’hui toutes les puissances maritimes.
Rappelons aussi que M. Dupuy de Lôme essaya, à la fin de la guerre contre l’Allemagne, d’appliquer à un na
vire aérien les règles de conduite de la navigation océa
nienne, et que les indications données par lui n’ont pas été inutiles à ceux qui l’ont suivi dans la même voie.
P. Laijr.
M. DU SOMMERARD
M. du Sommerard, qui vient de mourir, avait succédé à son père, Alexandre du Sommerard, le célèbre antiquaire fondateur du Musée de Cluny, et c’est à son initiative que sont dus les accroissements successifs de ce Musée spécial, si précieux aujourd’hui pour 1 étude des monuments et des pièces du moyen âge et de la Renaissance.
Attaché, vers 1846, à la commission des monuments historiques, il a fait partie du jury des beaux-arts à l’Expo
sition universelle de 1855, et s’est successivement occupé des expositions françaises et étrangères venues à :a suite..
M. E. du Sommerard était grand-officier de la Légioitd’Honneur depuis 1873. Le 24 janvier 1863, il avait été promu officier et le 30 juin 1867, commandeur.
M. du Sommerard avait beaucoup travaillé à la grande publication des Arts au moyen âge, laissée inachevée par son père.
Il était âgé de soixante-sept ans.
L’EXPÉDITION DU SOUDAN
Les gravures que nous publions sous cette légende se rapportent à la marche du corps expéditionnaire anglais au Soudan. Pour la carte, nous renvoyons le lecteur à l’article
que nous publions un peu plus loin, page 111. Cette marche a été très lente et très pénible, à cause des impedimenta qui embarrassaient le corps expéditionnaire. Des milliers de chameaux le suivaient portant les provisions et les bagages. Un de nos dessins représente le passage’ d’un défilé sur la route de Dongola, route très escarpée, d’où bêtes et gens n’ont pu sortir qu’au prix des plus grands elforts. Il y avait aussi à compter avec les difficultés de la navigation sur le Nil, que le corps expéditionnaire remontait au moyen de
chaloupes démontables, construites exprès à Plymouth et à Woolwich,et expédiées deces villes en Egypte.Dans un de nos dessins on voit des troupes, montées sur ces chaloupes et arrivant à Wadi-Halfa (la vallée des roseauxj, ville cons
truite sur la rive droite du Nil. C’est en amont de cette ville que l’on rencontre la seconde cataracte, haute de sept
à huit pieds. Le fleuve en cet endroit présente un aspect très inattendu et d’une singulière mélancolie, avec ses ca
naux et les îlots innombrables que forment ses eaux fécondes en entourant ces terres qu’aucun arbre Il’ombrage. Il y avait enfin pour retarder la marche de l’armée, surtout à partir de Dongola, les alertes continuelles causées par l’apparition soudaine et la non moins soudaine disparition d’un parti ennemi qui, de près ou de loin, no cessait d’observer ses mouvements.
Notre dernier dessin est une vue à vol d’oiseau de la ville de Khartoum. Cette ville, création de Méhémet-Ali, qui avait rêvé d’en faire l Alexandrie de l’Afrique centrale, Yemporium du Haut-Nil, s’élève sur la rive gauche du Nil Bleu à son confluent avec le Nil Blanc. A droite, le Nil Bleu et l’île Tuti, le Nil Blanc au fond. Au delà de ce der
nier, on aperçoit Omderman, village fortifié, tombé au pou
voir du Mahdi depuis quelques mois C’est M. Olivier Pain qui, dit-on, très en faveur auprès du nouveau prophète, a
fait élever les retranchements du camp que l’on voit près du village. La ville de Khartoum est entourée de murailles bastionnées. Le Nil Blanc la couvre d’un côté, le Nil Bleu
de l’autre. De ce côté-ci s’élève sur le fleuve et en face de l’île Tuti le palais du gouvernement qu’habitait le général Gordon; au-dessous, toujours sur le fleuve, se trouvent les casernes, et près ue celles-ci, l’hôpital.
LE CONCOURS AGRICOLE DE PARIS
Les chemins de fer Decauville.
Dans la section des machines agricoles, nous remarquons l’exposition considérable des chemins de fer Decauville, qui s’étendent sur 300 mètres de longueur, en bordure du cours la Reine. Ce nouveau moyen de transport est trop connu pour que nous en fassions la description à nos lecteurs. Il y a là une collection très complète de wagonnets, tous plus ingénieux les uns que les autres, depuis le petit wagonnet pour la vendange et le wagonnet un peu plus grand pour les terrassements, jusqu’aux grands wagons pour le service des armées en campagne et pour le transport des voyageurs. Une démonstration très amusante en est faite devant le pu
blic, auquel une jolie petite locomotive à vapeur fait faire en deux minutes une excursion dans d’élégants wagonnets.
Cette exposition est bien faite pour donner une idée de l’importance que les ateliers du Petit-Bourg ont prise de
puis deux ans. Une seule salle des nouveaux ateliers couvre 18,000 mètres, c’est à dire près -de deux hectares! Et de l’avis de tous les ingénieurs, M. Decauville possède aujour
d’hui les plus grands ateliers du monde entier pour les che
mins de 1er portatifs, il occupe un millier d’ouvriers et peut
livrer chaque ..mois trois mille wagons et cent cinquante kilomètres de voie. Tous les pays étrangers sont aujourd’hui
tributaires de M. Decauville, qui exporte plus des.trois quarts de sa fabrication et qui a même réussi à trouver des débouchés considérables dans les colonies anglaises et en
Angleterre, et c’est là une preuve non contestable de sa supériorité dans cette spécialité. A l’Exposition de Calcutta, c’est le chemin de fer Decauville qui a obtenu le premier prix des chemins de fer portatifs en battant six concurrents.
Cet ingénieux petit chemin de fer, qui a été imaginé pour les usages agricoles, est devenu aujourd hui l’auxi
liaire indispensable de toutes les guerres. L’armée russe en a employé 100 kilomètres dans la guerre du Turkestan, et, détail bien remarquable, que nous avons appris aujourd’hui, les généraux Annenkoff et Skobeleff ont témoigné, après la guerre, leur satisfaction au constructeur français en lui faisant rembourser une amende de 12.000 francs qu’il avait
encourue pour retard dans la livraison. Il faut dire que les délais de livraison avaient été effroyablement courts
Dans la guerre de Tunisie, soixante-dix kilomètres ont été établis entre Sousse et Kairouan, et les télégrammes des journaux nous apprennent qu’en ce moment le chemin de fer Decauville rend les plus grands services à l armée française au Tonkin et à Madagascar, et à l’armée anglaise dans l’Afghanistan. Dans cette dernière installation, il y avait à résoudre un problème assez difficile : tout le maté
riel devait voyager à dos d’éléphant pendant quatre à cinq semaines et on voulait employer une locomotive. M. Decau
ville l’a fait construire en deux pièces, dont la plus grosse ne pesait que dix-huit cents kilos, qui est le maximum de charge que peut porter un éléphant. O11 peut donc dire que les chemins de fer Decauville triomphent de tous les obstacles. G. d’A.
LA COLLECTION DAVILLIER
La magnifique collection dont l’exposition va s’ouvrir dans une des salles du musée du Louvre, est trop connue pour que nous ayons à en retracer longuement l’histoire : ceux de 110s lecteurs qui désireraient des détails circons
tanciés sur sa formation et sur les principaux morceaux
dont elle se compose, n’auront qu’à consulter l’intéressante notice consacrée au baron DaviHier par M. Paul Eudel et
le très complet article publié par M. Courajod dans la Galette des Beaux-arts du mois de septembre 1883; nous avons sous les yeux ces deux documents auxquels nous empruntons les renseignements qui suivent.
Le baron Charles Davillier était né à Rouen le 27 mai 1823 : petit-fils d’un gouverneur de la Banque de France, il sentit de bonne heure qu’il n’avait pas en lui l’étoile d’un homme d’affaires et ne tarda pas à se livrer exclusivement à ses goûts artistiques; connaisseur délicat, il ne voulut pas se bornera la simple curiosité, et eut l’ambition d’écrire des pages utiles sur les diverses questions qu’il possédait si
complètement. C’est ainsi qu’au cours de ses incessants voyages, il trouva le moyen de publier tour à tour des mémoires pleins de faits et d’observation et des ouvrages considérables où l érudition devient de l’histoire. Nous en rappellerons seulement quelques uns, Y Histoire des faïences hispano-mauresques à reflets métalliques, où il définit, pour la première fois et si justement, les origines et les carac
tères de la majolique espagnole, Y Histoire des fa ences et porcelaines de Moustiers, Marseille et autres fabriques méridionales, les Origines de la porcelaine en Europe, son dernier travail, paru en 1882, puis une foule de plaquettes sur les sujets les plus variés, des études sur 1 histoire de la tapisserie, nombre de travaux importants sur l’Espagne,
entr’autres, les Arts décoratifs en Espagne et les Recherches sur l’orfèvrerie en Espagne.
Ce résumé succinct des publications de M. Davillier dit l’histoire de sa collection, constituée au hasard de ses courses et de ses découvertes, installée pour son agrément et celui
de ses visiteurs dans l’hospitalière demeure de la rue Pigalle où il aimait à recevoir ses amis ; M. Courajod a dé
crit avec beaucoup de vérité ce « cabinet, qui, dans son charmant pêle-mêle, ressemblait à un laboratoire scientifi
que beaucoup plus qu’à une galerie d’apparat. Aucun objet
Il’avait de place fixe, consacrée, inévitable. La constante mobilité des pièces permettait tous les rapprochements. Eparses sur les tables, elles provoquaient l’examen des
doigts et de l’esprit. O11 ne traversait pas la galerie sans apprendre quelque chose, et, à chaque pas, l’admiration forçait le visiteur surpris à s’arrêter. Hommage flatteur, que, dans trop de collections, les œuvres d’art 11e méritent pas toujours par elles-mêmes, mais qu’elles doivent surtout à la place qu’elles occupent dans une disposition habilement combinée et à une certaine mise en vedette qui affiche leurs prétentions et les désigne fatalement au regard ! »
Le Ier mars 1883, le baron Davillier mourait, laissant sa collection au Louvre, ses livres et manuscrits à la Biblio
thèque nationale, ses faïences, porcelaines et verreries anciennes au musée de la manufacture de Sèvres : le testa
ment est daté du 10 janvier 1871 ! Enfermé dans Paris, le baron Davillier songeait à la France !
C’est donc sa collection tout entière que nous allons pouvoir retrouver au Louvre, et dont nous reproduisons quelques uns des plus remarquables morceaux. M. Louis
Gonse, qui a été admis à la visiter avant qu’elle fût ouverte au public, a rendu hommage, dans un des derniers numé
ros de la Chronique des Arts et de la Curiosité, « au tact parfait avec lequel MM. Courajod et Molinier se sont acquittés de la tâche, toujours délicate, de mettre en va
leur, par des groupements heureux, une collection qui se compose des objets les plus variés; où les bronzes coudoient les ivoires, où les orfèvreries jouent avec les médailles,
où les verres se mêlent aux faïences, les marbre aux terres cuites, les meubles aux tapisseries. »
L’effet d’ensemble, ajoute-t-il, satisfera les plus exigeants; ceux mêmes qui sont avant tout sensibles aux accords des sons jouiront du merveilleux éclat qui en relève, sans tapage trop vif, l’aspect pittoresque. I.e goût qu’a déployé en cette circonstance l’administration du Louvre la rend sans excuse, lorsqu’elle s’abandonne à des distributions aussi peu réjouis
santes pour l’œil que le sont certaines salles du Musée.
C’est par le; contrastes qu’un metteur en scène habile fait valoir ses premiers rôles ; c’est par des associations ingé
nieuses de formes et de couleurs qu’un amateur fait briller les perles de soi écrin artistique. Le promeneur inexpéri
menté qui visitera la collection Davillier sera conduit tout droit aux œuvres maîtresses ; son regard ira, sans qu’on le guide, à l’admirable tapisserie du Couronnement cle la Vierge, àl’Arion de Riccio, au Persée, aux grands bassins
hispano-mauresques, au bas-relief en bois de Y Adoration, des Mages, aux coupes des Médicis et à tous ces morceaux précieux qu’il est inutile de rappeler. Voyez, par exemple, cette vitrine centrale, où une belle Vierge en ivoire du xive siècle enlève ses contours mordorés au milieu des chatoiements d’émeraude des verreries espagnoles, ou bien encore celle où les bronzes italiens servent de robuste repoussoir à ces merveilleux émaux italiens à fond de lapis qui sont une des gloires de la collection.
Une réflexion nous attriste : n’est-il pas pénible, après avoir admiré toutes ces merveilles, de songer que leur réunion n’est que momentanée, qu’elles vont ensuite être dispersées dans les diverses salles du Musée, que quelques unes mêmes doivent quitter le Louvre pour aller à Sèvres? Mme la baronne Davillier, quia si généreusement abandonné
tous ses droits en faveur du Louvre, eût souhaité de voir prendre moins à la lettre le testament de son mari. N’oublions pas que le musée de Sèvres est purement technologi
que, et qu’à ce titre, il suffirait de lui remettre un certain, nombre de types des différentes fabrications. E11 somme, il
appartient au ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts de départager les prétentions rivales des divers chefs de services placés sous ses ordres : en conservant au Louvre la plus grande partie de la collection, M. Fallières est certain de prendre une décision qui aura le double avantage de répondre à la logique, aux préférences du public et au désir si respectable de Mme Davillier.