LES ENFANTS A L’OPERA


montait le mieux avec les yeux, les cheveux et le teint de Mlle Jaja ? Quel travestissement pouvait bien con
venir à l’allure décidée, à la pétulance de M. Momo ? Mettrait-on Mlle Jaja en Chinoise, en marquise-Pompadour, ou en simple fleur des champs? Habillerait-on Momo en mousquetaire, en cuirassier, en incroyable ou en papillon volage. Autant de graves questions,
qui, pas plus que l’équilibre européen, ne sauraient se résoudre en cinq minutes et qu’il faut débattre longtemps avant de les voir s’éclaircir.
Quant aux bébés, il va sans dire qu’ils n’ont guère de préférences, les chers mignons. Ou plutôt, si, ils préfèrent tout, eux ; c’est bien simple. Mlle Jaja, qui a déjà des idées personnelles en matière de toilette,
ce palais de la musique et de la danse tout ce monde en miniature qui, évidemment, y mettait le pied pour la première fois; MM. Ritt et Gailhard ont eu là, une idée des plus heureuses.
Mais c’est une idée qui a fait travailler bien des têtes. Dès l’annonce du bal du Mardi-Gras,
ç’a été un branle-bas général qui a recommencé un peu plus fort lorsque l’on a su que le bal du Mardi-Gras aurait une seconde édition à la Mi- Carême.
Dame ! écoutez donc, il fallait choisir un costume, et le choix d’un costume, c’est toute une
affaire. Monsieur et Madame ont passé bien des soirées à en discuter, au coin du feu, sous la lampe familiale.Quelle était la couleur qui s’har
les essaye sur sa poupée. M. Momo voudrait avoir à la fois le panache du soldat, la batte d’Arlequin, la
blouse de Pierrot, les deux bosses de polichinelle ; et un tas d’autres choses avec.
Enfin, après bien des tâtonnements, des hésitations, des réflexions, on s’est décidé. Mais, comme on s’est décidé presque au dernier moment, tout le monde a dû plus ou moins mettre la main à la pâte. Pendant que Madame cousait, cousait, cousait, Monsieur courait, courait, courait, fourrageant dans les merceries, dévalisant les maga
sins de nouveautés, toujours à la recherche d’un coupon de soie, d’un ruban, d’un enjolivement quelconque.
un peu intimidés et sur les bras de leurs parents, cette zone d’admirateurs empressés et bruyants.
A l’intérieur, l’aspect du grand escalier est vraiment féerique. Bergères Watteau, Colombines, marquises, dan
seuses, pierrettes, pierrots, mousquetaires, incroyables, polichinelles de toutes couleurs, soldats de toutes armes, etc., etc., une variété innombrable d’etc.... grimpent à qui mieux mieux, sous l’œil et le erayon des dessinateurs
Puis, à force de coudre et de courir, on a terminé ou à peu près. Legrand jour est arrivé. Mlle Jaja et M. Momo ont endossé leur costume respectif. Ils se trouvent char
mants, et, tout naturellement, les parents et les amis sont de cet avis. On part, on descend, on est parti, et, comme il fait beau, on se garde bien de prendre une voiture. Les enfants marchent devant, se tenant par la main. Papas et mamans viennent ensuite, triomphants.
La foule, massée devant l’Opéra, n’est pas chiche d’applaudissements. Un tout petit passage en zigzags, afin qu’on puisse les voir plus longtemps, est réservé aux bébés qui traversent, les uns souriants et d’un pas décidé, les autres
Comme les jours, les meetings se suivent et ne se ressemblent guère. Après le fameux meeting des anarchistes, — où, du reste, les anar
chistes étaient, fort heureusement, ce qui manquait le plus, — voici que la place de l’Opéra, le Mardi-Gras et la Mi- Carême, a vu un meeting d’un nouveau genre :
celui des grands enfants assistant en foule à l’entrée des petits hommes au bal travesti.
C’est la première année que l’Académie nationale
offre ce divertissement à nos bébés, mais ce ne sera certes point la dernière.
L’innovation a obtenu un succès complet. Trop de succès, pourrait-on dire, car le jour du Mardi- Gras, l’affluence était si considérable que la salle de bal, telle qu’elle était disposée, ne pouvait suffire à contenir les mignonnes danseuses et leurs gentils cavaliers.
Au bal suivant, on a remédié à cet inconvénient, en prolongeant la salle jusque sur la scène et en établissant un second orchestre dans les couloirs.
Ouvrir aux enfants, pour un jour, toutes
grandes, les portes de l’Opéra ; accueillir dans