qui les croquent... Mais ils ne s’arrêtent guère, les bambins; ils ont déjà entendu les violons et les fourmis leur travaillent les jambes. Tant pis pour les dessina
teurs, si les croquis ne sont pas complets. On grimpe, on grimpe.
Nous voilà au sommet du grand escalier. Bon, mais ici l’embarras commence. Deux plaisirs différents se disputent, s’arrachent notre petit monde. D’un côté,
le foyer avec deux théâtres de guignols ; de l’autre la salle où l’on danse. Les amateurs d’art dramatique se précipitent sur les guignols, où les premiers bancs sont pris d’assaut. Et en voilà pour un bon quart d’heure d’attention soutenue,coupée çà et là par des rires perlés, des petits cris de joie, des éclats de gaieté débordante.
Dans la salle de bal, on ne s’amuse sans doute pas plus, mais on s’agite davantage. Le personnel du corps de ballet de l’Opéra (côté des hommes) entre autres quelques jeunes gens costumés en polichinelle, con
duisent les danses, organisent les rondes, mènent à bonne fin le galop tradititionnel pendant que l’orchestre, dirigé par Arban, « opérant lui-même » exé
cute des airs de circonstance : A mon beau château,
tire-lire, lire; — Qui est-ce qui frappe ici si tard, Compagnons de la Marjolaine, — et beaucoup d’autres de même farine.
Les parents ont envahi les loges et, de là, assistent aux ébats de cette belle jeunesse. Les petits, lès tout petits, maudisssant leur exiguité qui les attache au
rivage, admirent de loin ces joyeux trémoussements auxquels ils ne peuvent prendre part, à leur grand regret. Mais, si leurs jambes sont privées, leurs yeux du moins s’en donnent à bouche que veux-tu ; les paupières écarquillées, les lèvres bien ouvertes, ils dévo
rent du regard, qui sur les genoux du papa, qui à califouichon sur le velours, les jeux de leurs aînés qu’ils se proposent de suivre très prochainement dans la carrière.
Danser altère beaucoup. Voir danser altère presque autant. Rien de bien étonnant, par conséquent, à ce que nos jeunes chorégraphes amateurs se retrouvent au buffet. D’ailleurs comme la glace est depuis long
temps rompue, on peut, sans déchoir, partager un sorbet. Les distances sociales ont disparu comme par enchantement. Une marquise vêtue d’un nuage de satin et de dentelles se laisse très familièrement prendre le bras par un ramoneur à qui elle adresse son plus gracieux sourire. Un mousquetaire à l’air conquérant chatouille le menton à une innocente laitière, et une fée qui a compromis son aigrette est tutoyée sans façon par un berger dont, provisoirement, la houlette est égarée.
C’est pourquoi, sans doute, nous voyons un jeune grenadier en bonnet de police excentrique offrir impu
nément du vrai champagne, dans une vraie coupe, à une vraie madame Polichinelle, qui ressemble à un vrai biscuit de Sèvres (pâte tendre) et qui joue de l’éventail comme une vraie coquette de trente ans.
Que de connaissances ébauchées de la sorte, et pour longtemps peut-être ! Et de connaissances pour le bon motif,s’il vous plaît. Vous verrez que, dans quel
que dix-huit ans d’ici, cela finira par de beaux et bons mariages. En attendant, on flirte, on parle pantins, poupées, pensions, bobonnes, le diable et son train.
Ceux que le bruit gêne et qui ont horreur de la toule trouvent, les petits malins, le moyen de s’isoler dans ce bâtiment regorgeant de monde.
Dans un coin, derrière un pan de rideau, on voit s’organiser de petits tête-à-tête, aussi mystérieux qu’innocents. Tel est le cas de cet incroyable de six ans et d’une fillette du même âge à peu près, que nous voyons retirés du monde, semblables à des er
mites dans le désert, et causant tranquillement de leurs petites affaires, comme chez eux, sous la grande cheminée du foyer, au milieu du va et vient et du tapage, sans plus s’inquiéter des milliers de personnes qui les entourent que si elles n’existaient pas.
Signalons au passage un petit avocat qui certes n’est pas sans causes, car il est accompagné par une petite maman des plus charmantes et par un heureux papa qui fait maints envieux parmi les célibataires et même parmi les autres.
Et enfin, un petit abbé galant, à jabot de dentelles, tout de violet costumé, d’une désinvolture à faire croire qu’il est venu au monde comme ça. Le dit petit abbé, qui compte au moins quatre printemps à lui tout seul, remorque par la main une « Folie » mi
nuscule qui possède une belle pièce de trois ans et demi et qui agite ses grelots comme une personne naturelle.
Notre confrère Trois-Etoiles surveille de près ce petit groupe, tout-à-fait sympathique. Nous lui demandons :
— Est-Ge à vous ces deux bébés?
— Le petit abbé,oui, nous répond-il, mais la Folie, connais pas... C’est une amie de monsieur mon fils.
D’ailleurs pourquoi dites-vous bébés ? Il n’y a plus de bébés, mon cher; il n’y a même plus d’enfants. Voyez plutôt le mien : quatre ans à peine, et il fait déjà des folies !
Pour couronner l’œuvre, une tombola monstre, — le seul monstre de la journée, — avec 2.500 jouets assortis. A tout numéro l’on gagne. Aussi y a-t-il presse et bousculade. Tout le monde attrape ... au moins une entorse ou une courbature.
En résumé, succès, succès sur toute la ligne. Donc, un chaleureux bravo, bien mérité, pour MM. Ritt et Gailhard, directeurs de l’Opéra, à qui l’on ne sau
rait reprocher, sans injustice, de n’avoir pas mis très largement en pratique la fameuse devise :
Place aux jeunes !
Henri Second.
LE CANAL DE PANAMA
La drague américaine. — Cette drague travaille dans le canal et déverse ses déblais sur la rive au moyen d’un couloir d’environ 40 mètres formé de tubes en tôle et supporté par une bigue au moyen de haubans.
Les godets ont une contenance de plus d’un mètre cube. Le rendement de cet appareil devrait être considérable ; mais sa construction en bois et la faiblesse relative de ses organes ne lui permettent pas d’attaquer les terrains durs. L’entreprise à laquelle appartient cette drague, en pos
sède deux autres sur les chantiers de l’isthme et en fait construire 12 analogues aux Etats-Unis. Ce matériel con
sidérable doit enlever 30 millions de mètres cubes dans les terrains draguables de la vallée du Chagres.
Colon. — La drague marine. — La drague marine de Colon a été construite en Ecosse chez M. Lobnitz. Ses formes marines et la machine d’hélice dont elle est pour
vue lui ont permis de se rendre sous vapeur à Colon en traversant l’Atlantique comme un véritable steamer.
Ses dimensions principales sont: 51 m. 80 de longueur, 7 m. 90 de largeur et 3 m. 65 de creux. Les deux machines actionnant l’une la chaîne à godets, l’autre le pro
pulseur à hélice, sont de la force de 250 chevaux. Les godets ont une capacité de 400 litres et peuvent draguer jusqu’à une profondeur de Il mètres au-dessous du plan d’eau.
La drague marine est surtout remarquable par sa puissance et par la résistance de ses organes qui lui permettent d’atta
quer sans avarie les terrains les plus durs, tels que les bancs de madrépores qui constituent le fond de la baie de Colon à l’embouchure du canal. Grâce à sa machine d’hélice, il lui est possible aussi de travailler en mer sans craindre le mauvais temps ; elle a, en effet, à sa disposition, le moyen de se réfugier dans le port si la mer devient trop mauvaise.
Les autres dragues sont au contraire de simples chalands qu’on ne peut mener d’un point à un autre qu’en les remorquant à l’aide d’un bateau à vapeur.
Vue prise du terre plein. — Le terre-plein de Christophe Colomb est une vaste surface, autrefois marécageuse,
située sur le rivage de l’île Manzanillo, au Sud de la ville de Colon. Cette surface est surélevée au moyen de rem
blais que des trains de terrassements viennent y déverser. Dès qu’une partie est terminée, on l’utilise pour la construction de magasins, d’ateliers ou d’habitations.
L’exécution de ce travail exigera environ 350,000 mètres cubes de remblais. Comme sur place on ne trouvait que des déblais composés de vases ou de madrépores vi
vants, on va prendre la terre à de petites collines situées à 1200 mètres de l’île.
La ligne extrême du terre-plein, du côté de la mer, sera bordée de blocs artificiels qui formeront le quai du port futur du canal.
L’avancement du terre-plein permet dès aujourd’hui d’en utiliser la plus grande partie pour les manutentions des marchandises et les appareils de toute sorte qui arrivent chaque jour dans l’isthme pour les besoins des travaux.
LE COMMANDANT DOMINÉ
L’héroïque défenseur de Tuyen-Quan est âgé de 37 ans. Sorti de Saint-Cyr en 1866, il part pour l’Afrique où il participe avec le 2e zouaves à l’expédition du général de Wimpffen.
A Aïn-Chair, une balle lui traverse le biceps du bras droit, et, après un simple pansement, il retourne sur le champ de bataille. Cité à l’ordre du jour, il est décoré. C’était le plus jeune légionnaire de l’armée française.
En 1870, devant Orléans, il reçoit une blessure qui l’o blige à entrer à l’ambulance. Les chirurgiens veulent lui faire l’amputation du bras droit, mais il refuse, préférant mourir que de voir sa carrière brisée. Après la guerre, sa plaie s’étant rouverte, une opération est décidée. Elle réussit complètement grâce à toute la science des docteurs Richet et Bompard.
Capitaine en 1873 au 2e zouaves, il passe les années 1877 et 1878 à l’école de guerre, est envoyé ensuite au 8e corps, puis à Alger.
A la fin de 18 8 3, il part, sur sa demande, pour le Tonkin avec le 2e bataillon d’Afrique et, au mois de juillet 1884, devient chef de bataillon.
Le ministre de la guerre, en présence de la magnifique
défense de Tuyen-Quan vient de le nommer lieutenantcolonel. Ce brillant avancement était bien dû à un officier dont la bravoure n’a d’égal que la modestie.
R. de B.
LE LIEUTENANT DUBOC
Il commandait le second canot à vapeur porte-torpilles dans l’affaire de la rade de Sheipoo et parvint, malgré un feu d’artillerie et de mousqueterie meurtrier, à placer des torpilles sur les flancs des navires de guerre chinois mouillés dans la rade et à les couler.
C’est en récompense de ce brillant fait d’armes que M. Duboc a reçu la croix d’officier de la Légion d’honneur.
Né le 8 juillet 1852 à Barentin (Seine-Inférieure) il fit ses études au collège de Dieppe, entra en 1869 à l’Ecole navale, devint aspirant de ire classe trois ans après, ensei
gne de vaisseau le 27 avril 1875 et lieutenant de vaisseau au mois de février 1883.
M. Duboc, on le voit, est tout jeune. Il compte 15 ans de services dont 12 à la mer et une blessure.
Il prit part sur la Cordelière à la campagne du Gabon (1873) et, sur le Loiret, à celle de la côte occidentale d’A frique.
En 1877, il sortait officier-torpilleur de l’Ecole de Boyardville, puis, profitant d’un congé, il partait pour Panama, chargé d’une mission par M. de Lesseps.
Il alla ensuite en Islande, à la Nouvelle-Calédonie, en Cochinchine, enfin au Tonkin, où il fut blessé dans la malheureuse sortie d’Hanoï qui coûta la vie au regretté commandant Rivière.
Depuis cette époque, le lieutenant Duboc a assisté à bord du Château-Renaud et à bord de la Triomphante aux combats de la rivière du Min et au débarquement de Tam-Sui.
La distinction dont il vient d’être l’objet est donc bien méritée et nous comprenons le sentiment de juste fierté auquel a obéi le conseil municipal de Dieppe en décidant qu’une plaque de marbre rappellait à ses concitoyens le trait d’héroïsme du lieutenant Duboc. R. de B.
(Suite.)
Où vas-tu ? lui dit son père en l’arrêtant à la porte du bal. Rappelle-toi ce que tu disais à l’instant. Veux- tu avoir l’air de fuir?
—- Ah ! que m’importe ! s’écria le jeune homme en continuant à marcher du côté de l’obscurité, comme s’il eût voulu y cacher son désespoir.
— Ne veux-tu pas te venger ? reprit Carvajan en arrivant sur la route. Dis un mot, et je mets tous ceux qui t’ont bravé à ta merci... — Jamais !
— Que prétends-tu donc faire ?
— M’éloigner. Quitter pour toujours, cette fois, ce pays où je ne trouve que des soucis et des amer
tumes... M’en aller loin des luttes, des débats, des embûches, des perfidies... Oublier tout, jusqu’au nom que vous m’avez rendu si lourd à porter...
— Pascal !
— Mon père, vous avez semé la haine... Il ne laut donc pas que je m’étonne si on nous insulte et si on nous menace... Mais je ne pourrais pas vivre ainsi. Je préfère partir...
— On dira que tu as eu peur... — Soit !
— Alors tu veux m’abandonner ?
— Vous n’avez pas besoin de moi, mon père : vous l’avez bien prouvé...
— C’est donc moi qui m’attacherai à toi, dit Carvajan en passant son bras sous celui de son fils... Tu veux rentrer... rentrons, et demain, quand tu seras plus calme, nous causerons...
Et, tournant le dos à la fête, les deux hommes se dirigèrent vers la Neuville.
Dans la salle de danse, l’émotion causée par l’intervention de Mlle de Clairefont n’était pas encore calmée. La tante de Saint-Maurice, d’abord pétrifiée, avait fini par reprendre ses esprits et, la figure fulgurante :
— Ah! çà, mais qu’est-ce que tout cela signifie ? gronda-t-elle... Deviens-tu folle, ma fille? Tu fais des politesses à ce jeune « maltôtier », quand il méritait une bonne leçon pour son impertinence...
— Non ! tante, non, c’est nous qui avons eu tous les torts... Il fallait ne pas venir ici, où nous savions que nous n’avions rien que de mauvais à attendre... Il fallait surtout ne pas provoquer ce jeune homme...
— Mais tu n’as donc pas vu le vieux sacripant de
teurs, si les croquis ne sont pas complets. On grimpe, on grimpe.
Nous voilà au sommet du grand escalier. Bon, mais ici l’embarras commence. Deux plaisirs différents se disputent, s’arrachent notre petit monde. D’un côté,
le foyer avec deux théâtres de guignols ; de l’autre la salle où l’on danse. Les amateurs d’art dramatique se précipitent sur les guignols, où les premiers bancs sont pris d’assaut. Et en voilà pour un bon quart d’heure d’attention soutenue,coupée çà et là par des rires perlés, des petits cris de joie, des éclats de gaieté débordante.
Dans la salle de bal, on ne s’amuse sans doute pas plus, mais on s’agite davantage. Le personnel du corps de ballet de l’Opéra (côté des hommes) entre autres quelques jeunes gens costumés en polichinelle, con
duisent les danses, organisent les rondes, mènent à bonne fin le galop tradititionnel pendant que l’orchestre, dirigé par Arban, « opérant lui-même » exé
cute des airs de circonstance : A mon beau château,
tire-lire, lire; — Qui est-ce qui frappe ici si tard, Compagnons de la Marjolaine, — et beaucoup d’autres de même farine.
Les parents ont envahi les loges et, de là, assistent aux ébats de cette belle jeunesse. Les petits, lès tout petits, maudisssant leur exiguité qui les attache au
rivage, admirent de loin ces joyeux trémoussements auxquels ils ne peuvent prendre part, à leur grand regret. Mais, si leurs jambes sont privées, leurs yeux du moins s’en donnent à bouche que veux-tu ; les paupières écarquillées, les lèvres bien ouvertes, ils dévo
rent du regard, qui sur les genoux du papa, qui à califouichon sur le velours, les jeux de leurs aînés qu’ils se proposent de suivre très prochainement dans la carrière.
Danser altère beaucoup. Voir danser altère presque autant. Rien de bien étonnant, par conséquent, à ce que nos jeunes chorégraphes amateurs se retrouvent au buffet. D’ailleurs comme la glace est depuis long
temps rompue, on peut, sans déchoir, partager un sorbet. Les distances sociales ont disparu comme par enchantement. Une marquise vêtue d’un nuage de satin et de dentelles se laisse très familièrement prendre le bras par un ramoneur à qui elle adresse son plus gracieux sourire. Un mousquetaire à l’air conquérant chatouille le menton à une innocente laitière, et une fée qui a compromis son aigrette est tutoyée sans façon par un berger dont, provisoirement, la houlette est égarée.
C’est pourquoi, sans doute, nous voyons un jeune grenadier en bonnet de police excentrique offrir impu
nément du vrai champagne, dans une vraie coupe, à une vraie madame Polichinelle, qui ressemble à un vrai biscuit de Sèvres (pâte tendre) et qui joue de l’éventail comme une vraie coquette de trente ans.
Que de connaissances ébauchées de la sorte, et pour longtemps peut-être ! Et de connaissances pour le bon motif,s’il vous plaît. Vous verrez que, dans quel
que dix-huit ans d’ici, cela finira par de beaux et bons mariages. En attendant, on flirte, on parle pantins, poupées, pensions, bobonnes, le diable et son train.
Ceux que le bruit gêne et qui ont horreur de la toule trouvent, les petits malins, le moyen de s’isoler dans ce bâtiment regorgeant de monde.
Dans un coin, derrière un pan de rideau, on voit s’organiser de petits tête-à-tête, aussi mystérieux qu’innocents. Tel est le cas de cet incroyable de six ans et d’une fillette du même âge à peu près, que nous voyons retirés du monde, semblables à des er
mites dans le désert, et causant tranquillement de leurs petites affaires, comme chez eux, sous la grande cheminée du foyer, au milieu du va et vient et du tapage, sans plus s’inquiéter des milliers de personnes qui les entourent que si elles n’existaient pas.
Signalons au passage un petit avocat qui certes n’est pas sans causes, car il est accompagné par une petite maman des plus charmantes et par un heureux papa qui fait maints envieux parmi les célibataires et même parmi les autres.
Et enfin, un petit abbé galant, à jabot de dentelles, tout de violet costumé, d’une désinvolture à faire croire qu’il est venu au monde comme ça. Le dit petit abbé, qui compte au moins quatre printemps à lui tout seul, remorque par la main une « Folie » mi
nuscule qui possède une belle pièce de trois ans et demi et qui agite ses grelots comme une personne naturelle.
Notre confrère Trois-Etoiles surveille de près ce petit groupe, tout-à-fait sympathique. Nous lui demandons :
— Est-Ge à vous ces deux bébés?
— Le petit abbé,oui, nous répond-il, mais la Folie, connais pas... C’est une amie de monsieur mon fils.
D’ailleurs pourquoi dites-vous bébés ? Il n’y a plus de bébés, mon cher; il n’y a même plus d’enfants. Voyez plutôt le mien : quatre ans à peine, et il fait déjà des folies !
Pour couronner l’œuvre, une tombola monstre, — le seul monstre de la journée, — avec 2.500 jouets assortis. A tout numéro l’on gagne. Aussi y a-t-il presse et bousculade. Tout le monde attrape ... au moins une entorse ou une courbature.
En résumé, succès, succès sur toute la ligne. Donc, un chaleureux bravo, bien mérité, pour MM. Ritt et Gailhard, directeurs de l’Opéra, à qui l’on ne sau
rait reprocher, sans injustice, de n’avoir pas mis très largement en pratique la fameuse devise :
Place aux jeunes !
Henri Second.
LE CANAL DE PANAMA
La drague américaine. — Cette drague travaille dans le canal et déverse ses déblais sur la rive au moyen d’un couloir d’environ 40 mètres formé de tubes en tôle et supporté par une bigue au moyen de haubans.
Les godets ont une contenance de plus d’un mètre cube. Le rendement de cet appareil devrait être considérable ; mais sa construction en bois et la faiblesse relative de ses organes ne lui permettent pas d’attaquer les terrains durs. L’entreprise à laquelle appartient cette drague, en pos
sède deux autres sur les chantiers de l’isthme et en fait construire 12 analogues aux Etats-Unis. Ce matériel con
sidérable doit enlever 30 millions de mètres cubes dans les terrains draguables de la vallée du Chagres.
Colon. — La drague marine. — La drague marine de Colon a été construite en Ecosse chez M. Lobnitz. Ses formes marines et la machine d’hélice dont elle est pour
vue lui ont permis de se rendre sous vapeur à Colon en traversant l’Atlantique comme un véritable steamer.
Ses dimensions principales sont: 51 m. 80 de longueur, 7 m. 90 de largeur et 3 m. 65 de creux. Les deux machines actionnant l’une la chaîne à godets, l’autre le pro
pulseur à hélice, sont de la force de 250 chevaux. Les godets ont une capacité de 400 litres et peuvent draguer jusqu’à une profondeur de Il mètres au-dessous du plan d’eau.
La drague marine est surtout remarquable par sa puissance et par la résistance de ses organes qui lui permettent d’atta
quer sans avarie les terrains les plus durs, tels que les bancs de madrépores qui constituent le fond de la baie de Colon à l’embouchure du canal. Grâce à sa machine d’hélice, il lui est possible aussi de travailler en mer sans craindre le mauvais temps ; elle a, en effet, à sa disposition, le moyen de se réfugier dans le port si la mer devient trop mauvaise.
Les autres dragues sont au contraire de simples chalands qu’on ne peut mener d’un point à un autre qu’en les remorquant à l’aide d’un bateau à vapeur.
Vue prise du terre plein. — Le terre-plein de Christophe Colomb est une vaste surface, autrefois marécageuse,
située sur le rivage de l’île Manzanillo, au Sud de la ville de Colon. Cette surface est surélevée au moyen de rem
blais que des trains de terrassements viennent y déverser. Dès qu’une partie est terminée, on l’utilise pour la construction de magasins, d’ateliers ou d’habitations.
L’exécution de ce travail exigera environ 350,000 mètres cubes de remblais. Comme sur place on ne trouvait que des déblais composés de vases ou de madrépores vi
vants, on va prendre la terre à de petites collines situées à 1200 mètres de l’île.
La ligne extrême du terre-plein, du côté de la mer, sera bordée de blocs artificiels qui formeront le quai du port futur du canal.
L’avancement du terre-plein permet dès aujourd’hui d’en utiliser la plus grande partie pour les manutentions des marchandises et les appareils de toute sorte qui arrivent chaque jour dans l’isthme pour les besoins des travaux.
LE COMMANDANT DOMINÉ
L’héroïque défenseur de Tuyen-Quan est âgé de 37 ans. Sorti de Saint-Cyr en 1866, il part pour l’Afrique où il participe avec le 2e zouaves à l’expédition du général de Wimpffen.
A Aïn-Chair, une balle lui traverse le biceps du bras droit, et, après un simple pansement, il retourne sur le champ de bataille. Cité à l’ordre du jour, il est décoré. C’était le plus jeune légionnaire de l’armée française.
En 1870, devant Orléans, il reçoit une blessure qui l’o blige à entrer à l’ambulance. Les chirurgiens veulent lui faire l’amputation du bras droit, mais il refuse, préférant mourir que de voir sa carrière brisée. Après la guerre, sa plaie s’étant rouverte, une opération est décidée. Elle réussit complètement grâce à toute la science des docteurs Richet et Bompard.
Capitaine en 1873 au 2e zouaves, il passe les années 1877 et 1878 à l’école de guerre, est envoyé ensuite au 8e corps, puis à Alger.
A la fin de 18 8 3, il part, sur sa demande, pour le Tonkin avec le 2e bataillon d’Afrique et, au mois de juillet 1884, devient chef de bataillon.
Le ministre de la guerre, en présence de la magnifique
défense de Tuyen-Quan vient de le nommer lieutenantcolonel. Ce brillant avancement était bien dû à un officier dont la bravoure n’a d’égal que la modestie.
R. de B.
LE LIEUTENANT DUBOC
Il commandait le second canot à vapeur porte-torpilles dans l’affaire de la rade de Sheipoo et parvint, malgré un feu d’artillerie et de mousqueterie meurtrier, à placer des torpilles sur les flancs des navires de guerre chinois mouillés dans la rade et à les couler.
C’est en récompense de ce brillant fait d’armes que M. Duboc a reçu la croix d’officier de la Légion d’honneur.
Né le 8 juillet 1852 à Barentin (Seine-Inférieure) il fit ses études au collège de Dieppe, entra en 1869 à l’Ecole navale, devint aspirant de ire classe trois ans après, ensei
gne de vaisseau le 27 avril 1875 et lieutenant de vaisseau au mois de février 1883.
M. Duboc, on le voit, est tout jeune. Il compte 15 ans de services dont 12 à la mer et une blessure.
Il prit part sur la Cordelière à la campagne du Gabon (1873) et, sur le Loiret, à celle de la côte occidentale d’A frique.
En 1877, il sortait officier-torpilleur de l’Ecole de Boyardville, puis, profitant d’un congé, il partait pour Panama, chargé d’une mission par M. de Lesseps.
Il alla ensuite en Islande, à la Nouvelle-Calédonie, en Cochinchine, enfin au Tonkin, où il fut blessé dans la malheureuse sortie d’Hanoï qui coûta la vie au regretté commandant Rivière.
Depuis cette époque, le lieutenant Duboc a assisté à bord du Château-Renaud et à bord de la Triomphante aux combats de la rivière du Min et au débarquement de Tam-Sui.
La distinction dont il vient d’être l’objet est donc bien méritée et nous comprenons le sentiment de juste fierté auquel a obéi le conseil municipal de Dieppe en décidant qu’une plaque de marbre rappellait à ses concitoyens le trait d’héroïsme du lieutenant Duboc. R. de B.
LA GRANDE MARNIÈRE
(Suite.)
Où vas-tu ? lui dit son père en l’arrêtant à la porte du bal. Rappelle-toi ce que tu disais à l’instant. Veux- tu avoir l’air de fuir?
—- Ah ! que m’importe ! s’écria le jeune homme en continuant à marcher du côté de l’obscurité, comme s’il eût voulu y cacher son désespoir.
— Ne veux-tu pas te venger ? reprit Carvajan en arrivant sur la route. Dis un mot, et je mets tous ceux qui t’ont bravé à ta merci... — Jamais !
— Que prétends-tu donc faire ?
— M’éloigner. Quitter pour toujours, cette fois, ce pays où je ne trouve que des soucis et des amer
tumes... M’en aller loin des luttes, des débats, des embûches, des perfidies... Oublier tout, jusqu’au nom que vous m’avez rendu si lourd à porter...
— Pascal !
— Mon père, vous avez semé la haine... Il ne laut donc pas que je m’étonne si on nous insulte et si on nous menace... Mais je ne pourrais pas vivre ainsi. Je préfère partir...
— On dira que tu as eu peur... — Soit !
— Alors tu veux m’abandonner ?
— Vous n’avez pas besoin de moi, mon père : vous l’avez bien prouvé...
— C’est donc moi qui m’attacherai à toi, dit Carvajan en passant son bras sous celui de son fils... Tu veux rentrer... rentrons, et demain, quand tu seras plus calme, nous causerons...
Et, tournant le dos à la fête, les deux hommes se dirigèrent vers la Neuville.
Dans la salle de danse, l’émotion causée par l’intervention de Mlle de Clairefont n’était pas encore calmée. La tante de Saint-Maurice, d’abord pétrifiée, avait fini par reprendre ses esprits et, la figure fulgurante :
— Ah! çà, mais qu’est-ce que tout cela signifie ? gronda-t-elle... Deviens-tu folle, ma fille? Tu fais des politesses à ce jeune « maltôtier », quand il méritait une bonne leçon pour son impertinence...
— Non ! tante, non, c’est nous qui avons eu tous les torts... Il fallait ne pas venir ici, où nous savions que nous n’avions rien que de mauvais à attendre... Il fallait surtout ne pas provoquer ce jeune homme...
— Mais tu n’as donc pas vu le vieux sacripant de