LE CONFLIT ANGLO RUSSE DANS L’ASIE CENTRALE
Un choc entre l’Angleterre et la Russie dans l’Asie centrale semble inévitable et prochain. Qui ne le verrait n’aurait pas observé avec quelle patiente ténacité, profitant de toutes les circonstances favorables, la Russie, en ces vingt dernières années, s’est avancée d’étape en étape, à travers le Turkestan, de la mer Caspienne jusqu’à l’Inde,
aux portes de laquelle elle frappe en ce moment. Non pas qu’elle songe peut-être à franchir tout de suite le seuil de la première, Hérat, mais elle voudrait l’ouvrir, et l Angleterre ne peut le permettre, ce qui se comprend. De là l’intensité de la crise actuelle.
La difficulté gît dans une question de frontières entre l’Afghanistan, dans sa partie nord-ouest, et le Turkestan, ou plutôt la Russie, maîtresse du pays.
Depuis l’occupation de Merv, dont nous avons longuement parlé l’année dernière, les Russes ont encore fait du chemin dans la direction d’Hérat. Ils ont occupé Saracks, puis, plus au sud, Pul-i-Khatun, sur la rivière Héri-Rud, qui, après avoir passé au-dessous d’Hérat, dans la direction de l’est à l’ouest, remonte au nord et sépare, jusqu’à la hauteur de Saraks, l’Afghanistan de la Perse. Enfin, descen
dant plus au sud encore, ils ont atteint la passe de Zulfikar,
dont ils se sont emparés. D’autre part, sur la rivière Murghab, ils ont occupé Youletan, Sary-Yazi et Pul-i-Kisti, placé au confluent des rivières Murghab et Kouchk. En der
nier lieu, ils se sont avancés jusqu’à Akrobat, localité qui
se trouve à peu près au centre de la région séparant les deux bassins de l’Héri-Rud et du Murghab, et un peu audessous de Zulfikar, d’une part, et de Pendjeb, de l’autre.
L’oasis de Pendjeb est située à la pointe de l’angle formé par les rivières de Kouchk et du Murghab, et dontle sommet est au confluent de ces rivières, à Pul-i-Kisti. Cette oasis est occupée par les Afghans. De Pendjeb, avant-poste russe composé d’un campement de Turkomans, la distance n’est que de quelques kilomètres. « Ils se touchent », a dit lord Fitz-Maurice, répondant au baron de Worms qui lui demandait la distance séparant les deux avant-postes. C’est ce qui fait l’imminence du péril.
D’après ce qui précède, on devine quelles doivent être les prétentions russes relativement à la délimitation de la fron
tière dont il s’agit. Bien que la carte de leur état-major la place à 45 milles (73 kilomètres) seulement d’Hérat, ils con
sentent à la reporter de 35 milles (57 kil.) plus au nord,
c’est-à-dire à 80 milles (128 kil.) d’Hérat. Elle partirait du confluent des rivières Djam et Héri-Rud, au-dessous de la passe de Zulfikar, et traverserait la région qui sépare le bassin de l’Héri-Rud de celui du Murghab, en passant au sud d’Akrobat et de l’oasis de Pendjeb, de l’autre côté de laquelle elle irait rejoindre la partie non contestée de la frontière afghane. La proposition en a été portée l’année dernière à Londres par un des commissaires russes de la commission de délimitation qui se rendait dans cette ville, tandis que le général Lumsden et les membres de la com
mission anglaise l’attendaient, lui et la commission russe, aux environs d’Hérat, où il les attendent encore.
Mais la proposition Lessar n’avait pas grand’chance d’être acceptée. Les Anglais n’entendent laisser entre les mains des Russes ni la passe de Zulfikar, ni Akrobat, ni l’oasis et la passe de Pendjeb. Ils veulent faire rentrer dans la posses
sion des Afghans et Pul-i-Katun, et Pul-i-Kisti et Sary- Yazi. Selon^eux, la frontière russo-afghane devrait être fixée,
semble-t-il, à 200 milles (370 kil.) d’Hérat, en un point partant de la frontière russo-persane et passant au-dessous de Saraks, qui n’est pas disputée aux Russes, non plus que Youletan.
Invités à évacuer les positions occupées par eux, les Russes ont répondu par un refus. Ils ne veulent pas se lais
ser rejeter sur le nez la porte qu’ils viennent d’entr’ouvrir,
et que les Anglais prétendent absolument fermer. De là la tension de la situation en ces dernières semaines. Un accord vient d’intervenir d après lequel chacun garderases positions jusqu’à ce que la Commission ait prononcé. C’est reculer la difficulté, mais ce n’est pas la résoudre. Les décisions de la Commission seront-elles acceptées d’avance par les parties intéressées ? Non, sans doute, et il est probable qu’au mois de mai la situation se représentera aussi menaçante qu au
jourd’hui. Ce serait donc la guerre? Et cependant, dans l’état actuel de l’Europe, vu le dessous des cartes, combien toutes les puissances seraient sages de ménager leurs forces, afin de pouvoir s’opposer en temps utile à l’accomplissement de certains projets redoutables pour la liberté et l’é
quilibre de l’ancien monde, que leur épuisement réciproque ne rendra que trop facile !
Terminons par quelques mots d’explications sur les trois gravures que nous donnons avec nos deux petites cartes.
Maruchak est une place située sur la rive droite du Murghab, à la distance de 28 milles (51 kil.) de Merv, à peu près à la hauteur de Saraks. Sa possession n’est pas contestée à l’Afghanistan, sur la ligne frontière du quel elle se trouve. C’était autrefois une ville grande et prospère;
elle est aujourd’hui en ruines. Une muraide de terre et de briques brûlées par le soleil l’entoure. Au-dessus de ses murs, 0:1 aperçoit ce qu’il reste de son ancienne citadelle. Néanmoins on l’a mise autant qu’on a pu tout récemment en état de défense. Le campement dont nous dori o;is une
vue au-dessous de celle de Maruchak, est celui de la commission anglaise de délimitation de la frontière qui y sé
journa quelque temps. Il était établi non loin de la ville.
Au premier plan, quelques tentes Turkomanes du Khanat de Koundouz sur lequel les Afghans ont étendu leur domination.
Notre troisième gravure représente la ville d’Hérat, dominée par sa ouissante citadelle. C’est la capitale du Kha
nat d’Hérat, dépendance nouvelle de l’Afghanistan, en réalité de l’Angleterre. Elle renferme une population d’environ cent mille habitants. La situation d’Hérat est des plus
CARTE DU TERRITOIRE CONTESTÉ DE LA
FRONTIÈRE RUSSO-AFGHANE
importantes, tant au point de vue commercial qu’au point de vue militaire. C’est le centre du commerce de l’Inde avec l’Asie occidentale et la base d’opérations de toutes les expéditions dirigées de temps immémorial contre la grande presqu’île indoustane. Voilà pourquoi les Russes veulent y entrer et pourquoi les Anglais ne veulent pas qu’ils y entrent.
UNE VISITE PROLONGÉE
Le beau temps, que le temps d’autrefois! Comme tout y était riche, somptueux, galonné, enrubanné! Quel perpétuel prétexte à de charmants tableaux, que tous ces cos
tumes où la soie, le velours se mariaient à l’envi! Et que seraient devenus nos peintres modernes, s’ils n’avaient eu à représenter que nos modes froides et étriquées!
Voyez-vous l’idée qu’a traduite M. Eugène Girardet, formulée avec des modèles contemporains, la voiture noire ou d’un vert olive attendant à une porte, le cocher et le valet de pied tristes et blêmes dans leurs livrées tombantes! Nos pères, eux, avaient le goût du brillant et de l’éclat : dans l’ornementation légère et délicate d’une chaise à por
teurs ils trouvaient le moyen de faire preuve de recherche, d’affirmer leur personnalité.
Il faut savoir gré à l’artiste d’aimer ce qui fut le luxe d’autrefois et de s’appliquer à nous le rendre, jusque dans ces épisodes familiers dont l’ensemble constitue la vie et les mœurs d’une époque.
LE COMMANDANT RAVEL
M. Ravel fait partie de l’état-major général delà division navale du Tonkin.
L’amiral Courbet l’a choisi pour aide de camp. C’est dire la confiance que lui inspire cet officier de grand sang-froid, de grande résolution et de grand courage.
Originaire de Toulon où il fit de bonnes études, M. Ravel entra au service en 1863, fut nommé aspirant de Ier classe
le 2 octobre 1866 et passa enseigne de vaisseau deux ans plus tard.
Le 24 février 1877, il devenait lieutenant de vaisseau. Par décret du Président de la République en date du
20 février dernier, rendu sur la proposition du ministre de la marine, M. Ravel a été promu capitaine de frégate.
Voilà, certes, un grade bien acquis.
Dans la nuit du 15 février, il eut pour mission de piloter deux canots porte-torpilles, ceux-là mêmes qui coulèrent en rade de Sheipoo deux navires de guerre chinois : la fré
gate Yu-Quen, de 26 canons et 600 hommes et la corvette Tching-King, de 7 canons et 150 hommes.
Trois autres croiseurs chinois rie durent leur salut qu’à une brume des plus épaisses qui leur permit d’échapper à la poursuite des navires de notre flotte.
L’attaque dirigée par les deux embarcations du Bayard, sous les ordres du lieutenant Ravel, eut lieu à 4 heures du matin, dans une obscurité profonde.
Grâce au courage et au merveilleux sang-froid déployés par cet officier, l’équipage ne perdit qu’un seul homme, fait inouï, car on sait que le petit effectjf chargé de pareilles expéditions en revient rarement et est pour ainsi dire sacrifié d’avance
Le commandant Ravel s’était déjà particulièrement distingué aux affaires de Thuan-an et de Sontay.
Il n’a que 38 ans. R. de B. l’expédition de chine a kelung
Décembre 1884.
La vue que je vous adresse du port de Kelung, prise du mouillage, permet d’embrasser d’un coup d’œil toutes les positions occupées par nos troupes au commencement de décembre.
Elles sont cantonnées dans des redoutes retranchées qui, par leur situation élevée et toute spéciale sur l’arête extérieure de hautes assises calcaires taillée à pic par une remarquable dislocation géologique, forment une chaîne de po
sitions militaires excellentes. Le morne Saint-Clément n’a pas moins de 410 mètres de hauteur et les deux positions dont nous venons de parler, enlevées seulement le 13 novembre, dépassent 600 mètres.
Comme on le voit, cet horizon est rassurant mais assez restreint; les mines de charbon situées sur la droite de la gravure, à quatre milles environ de la zone occupée, restent au pouvoir de l’ennemi.
Le 1600 hommes de troupes de la marine qui gardent ces positions sont strictement suffisants pour faire face aux tracasseries journalières, voire parfois aux assauts déterminés d’une troupe assurément peu redoutable, mais courageuse, bien armée et joignant à cela la connaissance parfaite de ce terrain difficile.
Quinze bâtiments de guerre concourent au blocus de Formose et leur mission est des plus rudes au milieu des bourrasques continuelles qui, d’octobre à avril, signalent la mousson de N. E. dans ces parages. Ils empêchent les ren
forts attendus de Chine d’arriver par les divers ports de l’île aux soldats réguliers massés entre Kelung et Tam-Sui et dont on évalue le nombre à 10 ou 15 mille. On sait d’ailleurs que les indigènes formosiens ont pour les francs Chinois fort peu de sympathie. Il n’y a donc pas à craindre de voir ceux-ci se recruter sur place.
Un seul bâtiment a jusqu’ici tenté de forcer le blocus : c’est la Feï-ho, canonnière chinoise appartenant à la direction des douanes. Capturée aussitôt elle a reçu un capi
taine et un équipage français et concourt au service de l’escadre.
F.-S.—On sait que toutes les positions occupées par les Chinois autour de Kelung leur ont été brillamment enlevées la semaine dernière.
MORT DU SOUS-LIEUTENANT BOSSANT
La semaine dernière, l’église de Saint-Philippc-du-Roule était trop petite pour contenir la foule d’amis et les officiers de toutes armes qui assistaient au service funèbre du souslieutenant Léon Bossant, tué le 12 février devant Lang-Son, aux côtés du général Brière de l’Isle dont il était l’officier d’ordonnance. Dans l’assistance on remarquait beaucoup d’amiraux et de généraux. Les ministres de la guerre et de la marine s’étaient eux-mêmes fait représenter par des aidesde-camp. Le deuil était conduit par le général Bossant, de l’infanterie de marine, et par son second fils actuellement à l’Ecole de la Flèche. Ce jeune officier d’infanterie de marine qui meurt à 23 ans, sortait de Saint-Maixent et se trouvait seulement depuis six mois au Tonkin. La douleur de la famille faisait peine à voir. Puissent les témoignages de sympathie qui ne lui ont pas manqué en cette circonstance, adoucir ses chagrins ! G. B.
l’attente
Tableau de M. Butin.
La mer monte et dans une heure il y aura assez d’eau dans la passe pour que les barques de pêche puissent ren
trer au port. Les femmes se sont rassemblées sur le point de la grève d’où l’on découvre le mieux l’horizon et, depuis un instant, elles ont vu les premières voiles se dessiner sur
NOS GRAVURES
CARTE DE L’AFGHANISTAN ET DU TURKESTAN
MONTRANT L’EMPLACEMENT DES TERRITOIRES CONTESTÉS
Un choc entre l’Angleterre et la Russie dans l’Asie centrale semble inévitable et prochain. Qui ne le verrait n’aurait pas observé avec quelle patiente ténacité, profitant de toutes les circonstances favorables, la Russie, en ces vingt dernières années, s’est avancée d’étape en étape, à travers le Turkestan, de la mer Caspienne jusqu’à l’Inde,
aux portes de laquelle elle frappe en ce moment. Non pas qu’elle songe peut-être à franchir tout de suite le seuil de la première, Hérat, mais elle voudrait l’ouvrir, et l Angleterre ne peut le permettre, ce qui se comprend. De là l’intensité de la crise actuelle.
La difficulté gît dans une question de frontières entre l’Afghanistan, dans sa partie nord-ouest, et le Turkestan, ou plutôt la Russie, maîtresse du pays.
Depuis l’occupation de Merv, dont nous avons longuement parlé l’année dernière, les Russes ont encore fait du chemin dans la direction d’Hérat. Ils ont occupé Saracks, puis, plus au sud, Pul-i-Khatun, sur la rivière Héri-Rud, qui, après avoir passé au-dessous d’Hérat, dans la direction de l’est à l’ouest, remonte au nord et sépare, jusqu’à la hauteur de Saraks, l’Afghanistan de la Perse. Enfin, descen
dant plus au sud encore, ils ont atteint la passe de Zulfikar,
dont ils se sont emparés. D’autre part, sur la rivière Murghab, ils ont occupé Youletan, Sary-Yazi et Pul-i-Kisti, placé au confluent des rivières Murghab et Kouchk. En der
nier lieu, ils se sont avancés jusqu’à Akrobat, localité qui
se trouve à peu près au centre de la région séparant les deux bassins de l’Héri-Rud et du Murghab, et un peu audessous de Zulfikar, d’une part, et de Pendjeb, de l’autre.
L’oasis de Pendjeb est située à la pointe de l’angle formé par les rivières de Kouchk et du Murghab, et dontle sommet est au confluent de ces rivières, à Pul-i-Kisti. Cette oasis est occupée par les Afghans. De Pendjeb, avant-poste russe composé d’un campement de Turkomans, la distance n’est que de quelques kilomètres. « Ils se touchent », a dit lord Fitz-Maurice, répondant au baron de Worms qui lui demandait la distance séparant les deux avant-postes. C’est ce qui fait l’imminence du péril.
D’après ce qui précède, on devine quelles doivent être les prétentions russes relativement à la délimitation de la fron
tière dont il s’agit. Bien que la carte de leur état-major la place à 45 milles (73 kilomètres) seulement d’Hérat, ils con
sentent à la reporter de 35 milles (57 kil.) plus au nord,
c’est-à-dire à 80 milles (128 kil.) d’Hérat. Elle partirait du confluent des rivières Djam et Héri-Rud, au-dessous de la passe de Zulfikar, et traverserait la région qui sépare le bassin de l’Héri-Rud de celui du Murghab, en passant au sud d’Akrobat et de l’oasis de Pendjeb, de l’autre côté de laquelle elle irait rejoindre la partie non contestée de la frontière afghane. La proposition en a été portée l’année dernière à Londres par un des commissaires russes de la commission de délimitation qui se rendait dans cette ville, tandis que le général Lumsden et les membres de la com
mission anglaise l’attendaient, lui et la commission russe, aux environs d’Hérat, où il les attendent encore.
Mais la proposition Lessar n’avait pas grand’chance d’être acceptée. Les Anglais n’entendent laisser entre les mains des Russes ni la passe de Zulfikar, ni Akrobat, ni l’oasis et la passe de Pendjeb. Ils veulent faire rentrer dans la posses
sion des Afghans et Pul-i-Katun, et Pul-i-Kisti et Sary- Yazi. Selon^eux, la frontière russo-afghane devrait être fixée,
semble-t-il, à 200 milles (370 kil.) d’Hérat, en un point partant de la frontière russo-persane et passant au-dessous de Saraks, qui n’est pas disputée aux Russes, non plus que Youletan.
Invités à évacuer les positions occupées par eux, les Russes ont répondu par un refus. Ils ne veulent pas se lais
ser rejeter sur le nez la porte qu’ils viennent d’entr’ouvrir,
et que les Anglais prétendent absolument fermer. De là la tension de la situation en ces dernières semaines. Un accord vient d’intervenir d après lequel chacun garderases positions jusqu’à ce que la Commission ait prononcé. C’est reculer la difficulté, mais ce n’est pas la résoudre. Les décisions de la Commission seront-elles acceptées d’avance par les parties intéressées ? Non, sans doute, et il est probable qu’au mois de mai la situation se représentera aussi menaçante qu au
jourd’hui. Ce serait donc la guerre? Et cependant, dans l’état actuel de l’Europe, vu le dessous des cartes, combien toutes les puissances seraient sages de ménager leurs forces, afin de pouvoir s’opposer en temps utile à l’accomplissement de certains projets redoutables pour la liberté et l’é
quilibre de l’ancien monde, que leur épuisement réciproque ne rendra que trop facile !
Terminons par quelques mots d’explications sur les trois gravures que nous donnons avec nos deux petites cartes.
Maruchak est une place située sur la rive droite du Murghab, à la distance de 28 milles (51 kil.) de Merv, à peu près à la hauteur de Saraks. Sa possession n’est pas contestée à l’Afghanistan, sur la ligne frontière du quel elle se trouve. C’était autrefois une ville grande et prospère;
elle est aujourd’hui en ruines. Une muraide de terre et de briques brûlées par le soleil l’entoure. Au-dessus de ses murs, 0:1 aperçoit ce qu’il reste de son ancienne citadelle. Néanmoins on l’a mise autant qu’on a pu tout récemment en état de défense. Le campement dont nous dori o;is une
vue au-dessous de celle de Maruchak, est celui de la commission anglaise de délimitation de la frontière qui y sé
journa quelque temps. Il était établi non loin de la ville.
Au premier plan, quelques tentes Turkomanes du Khanat de Koundouz sur lequel les Afghans ont étendu leur domination.
Notre troisième gravure représente la ville d’Hérat, dominée par sa ouissante citadelle. C’est la capitale du Kha
nat d’Hérat, dépendance nouvelle de l’Afghanistan, en réalité de l’Angleterre. Elle renferme une population d’environ cent mille habitants. La situation d’Hérat est des plus
CARTE DU TERRITOIRE CONTESTÉ DE LA
FRONTIÈRE RUSSO-AFGHANE
importantes, tant au point de vue commercial qu’au point de vue militaire. C’est le centre du commerce de l’Inde avec l’Asie occidentale et la base d’opérations de toutes les expéditions dirigées de temps immémorial contre la grande presqu’île indoustane. Voilà pourquoi les Russes veulent y entrer et pourquoi les Anglais ne veulent pas qu’ils y entrent.
UNE VISITE PROLONGÉE
Le beau temps, que le temps d’autrefois! Comme tout y était riche, somptueux, galonné, enrubanné! Quel perpétuel prétexte à de charmants tableaux, que tous ces cos
tumes où la soie, le velours se mariaient à l’envi! Et que seraient devenus nos peintres modernes, s’ils n’avaient eu à représenter que nos modes froides et étriquées!
Voyez-vous l’idée qu’a traduite M. Eugène Girardet, formulée avec des modèles contemporains, la voiture noire ou d’un vert olive attendant à une porte, le cocher et le valet de pied tristes et blêmes dans leurs livrées tombantes! Nos pères, eux, avaient le goût du brillant et de l’éclat : dans l’ornementation légère et délicate d’une chaise à por
teurs ils trouvaient le moyen de faire preuve de recherche, d’affirmer leur personnalité.
Il faut savoir gré à l’artiste d’aimer ce qui fut le luxe d’autrefois et de s’appliquer à nous le rendre, jusque dans ces épisodes familiers dont l’ensemble constitue la vie et les mœurs d’une époque.
LE COMMANDANT RAVEL
M. Ravel fait partie de l’état-major général delà division navale du Tonkin.
L’amiral Courbet l’a choisi pour aide de camp. C’est dire la confiance que lui inspire cet officier de grand sang-froid, de grande résolution et de grand courage.
Originaire de Toulon où il fit de bonnes études, M. Ravel entra au service en 1863, fut nommé aspirant de Ier classe
le 2 octobre 1866 et passa enseigne de vaisseau deux ans plus tard.
Le 24 février 1877, il devenait lieutenant de vaisseau. Par décret du Président de la République en date du
20 février dernier, rendu sur la proposition du ministre de la marine, M. Ravel a été promu capitaine de frégate.
Voilà, certes, un grade bien acquis.
Dans la nuit du 15 février, il eut pour mission de piloter deux canots porte-torpilles, ceux-là mêmes qui coulèrent en rade de Sheipoo deux navires de guerre chinois : la fré
gate Yu-Quen, de 26 canons et 600 hommes et la corvette Tching-King, de 7 canons et 150 hommes.
Trois autres croiseurs chinois rie durent leur salut qu’à une brume des plus épaisses qui leur permit d’échapper à la poursuite des navires de notre flotte.
L’attaque dirigée par les deux embarcations du Bayard, sous les ordres du lieutenant Ravel, eut lieu à 4 heures du matin, dans une obscurité profonde.
Grâce au courage et au merveilleux sang-froid déployés par cet officier, l’équipage ne perdit qu’un seul homme, fait inouï, car on sait que le petit effectjf chargé de pareilles expéditions en revient rarement et est pour ainsi dire sacrifié d’avance
Le commandant Ravel s’était déjà particulièrement distingué aux affaires de Thuan-an et de Sontay.
Il n’a que 38 ans. R. de B. l’expédition de chine a kelung
Décembre 1884.
La vue que je vous adresse du port de Kelung, prise du mouillage, permet d’embrasser d’un coup d’œil toutes les positions occupées par nos troupes au commencement de décembre.
Elles sont cantonnées dans des redoutes retranchées qui, par leur situation élevée et toute spéciale sur l’arête extérieure de hautes assises calcaires taillée à pic par une remarquable dislocation géologique, forment une chaîne de po
sitions militaires excellentes. Le morne Saint-Clément n’a pas moins de 410 mètres de hauteur et les deux positions dont nous venons de parler, enlevées seulement le 13 novembre, dépassent 600 mètres.
Comme on le voit, cet horizon est rassurant mais assez restreint; les mines de charbon situées sur la droite de la gravure, à quatre milles environ de la zone occupée, restent au pouvoir de l’ennemi.
Le 1600 hommes de troupes de la marine qui gardent ces positions sont strictement suffisants pour faire face aux tracasseries journalières, voire parfois aux assauts déterminés d’une troupe assurément peu redoutable, mais courageuse, bien armée et joignant à cela la connaissance parfaite de ce terrain difficile.
Quinze bâtiments de guerre concourent au blocus de Formose et leur mission est des plus rudes au milieu des bourrasques continuelles qui, d’octobre à avril, signalent la mousson de N. E. dans ces parages. Ils empêchent les ren
forts attendus de Chine d’arriver par les divers ports de l’île aux soldats réguliers massés entre Kelung et Tam-Sui et dont on évalue le nombre à 10 ou 15 mille. On sait d’ailleurs que les indigènes formosiens ont pour les francs Chinois fort peu de sympathie. Il n’y a donc pas à craindre de voir ceux-ci se recruter sur place.
Un seul bâtiment a jusqu’ici tenté de forcer le blocus : c’est la Feï-ho, canonnière chinoise appartenant à la direction des douanes. Capturée aussitôt elle a reçu un capi
taine et un équipage français et concourt au service de l’escadre.
F.-S.—On sait que toutes les positions occupées par les Chinois autour de Kelung leur ont été brillamment enlevées la semaine dernière.
MORT DU SOUS-LIEUTENANT BOSSANT
La semaine dernière, l’église de Saint-Philippc-du-Roule était trop petite pour contenir la foule d’amis et les officiers de toutes armes qui assistaient au service funèbre du souslieutenant Léon Bossant, tué le 12 février devant Lang-Son, aux côtés du général Brière de l’Isle dont il était l’officier d’ordonnance. Dans l’assistance on remarquait beaucoup d’amiraux et de généraux. Les ministres de la guerre et de la marine s’étaient eux-mêmes fait représenter par des aidesde-camp. Le deuil était conduit par le général Bossant, de l’infanterie de marine, et par son second fils actuellement à l’Ecole de la Flèche. Ce jeune officier d’infanterie de marine qui meurt à 23 ans, sortait de Saint-Maixent et se trouvait seulement depuis six mois au Tonkin. La douleur de la famille faisait peine à voir. Puissent les témoignages de sympathie qui ne lui ont pas manqué en cette circonstance, adoucir ses chagrins ! G. B.
l’attente
Tableau de M. Butin.
La mer monte et dans une heure il y aura assez d’eau dans la passe pour que les barques de pêche puissent ren
trer au port. Les femmes se sont rassemblées sur le point de la grève d’où l’on découvre le mieux l’horizon et, depuis un instant, elles ont vu les premières voiles se dessiner sur
NOS GRAVURES
CARTE DE L’AFGHANISTAN ET DU TURKESTAN
MONTRANT L’EMPLACEMENT DES TERRITOIRES CONTESTÉS