graphiques lort estimés, il vint passer une année à l’école spéciale des torpilleurs à Boyardville. Pourvu de son bre
vet d’oificier torpilleur, il consacra sur le vaisseau-école le Souverain, le même laps de temps aux études de balistique et obtint son brevet d’officier canonnier. Il prit en
suite une part très active aux campagnes de Tabarca, Sfax et Gabès, au retour desquelles il entra comme officier astronome à l’Observatoire de marine de -Montsouris.
Il en sortit en 1883, pour partir au Tonkin où nous le retrouvons à bord du Bayard. Chargé au moisd’août 1883 de faire sauter les portes du fort de Thuan-an, il entra le premier dans la forteresse. Il prit part également au bombardement de Fou-Tchéou commanda à Formose les compagnies de débarquement et s’empara des forts du Sud.
Nommé capitaine de frégate le 13 octobre 1884, il commandait en second le vaisseau amiral le Bayard lorsqu’il fit la périlleuse expédition de Sheï-poo.
LE LIEUTENANT COLONEL HERBINGER
Nos lecteurs savent qu’à la suite de sa blessure, le général de Négrier a remis le commandement de la brigade au lieutenant-colonel Herbinger.
Il était difficile de confier en de meilleures mains le soin de diriger la retraite, opération toujours difficile et périlleuse.
Fils unique d’un officier supérieur, il est né à Strasbourg en décembre 1838. Sorti de Saint-Cyr en 1861, avec le numéro 1 de sa promotion, il choisit le 95e régi
ment de ligne, où son père avait été chef de bataillon, et parlit pour le Mexique où il obtint le grade de lieutenant. Il s’y fit remarquer par ses travaux topographiques.
Capitaine en 1869, et toujours au 95e de ligne, alors sous les ordres du colonel duc d’Auwers:edt, il prit part en 1870 aux batailles livrées sous Metz et notamment à Noisseville où il se distingua
Nommé chet de bataillon en 1876, et depuis longtemps particulièrement apprécié par le général Lewal, il fut chargé par lui en 1878 de faire, ou plutôt de créer le cours de tactique militaire à l’Ecole supérieure de guerre. Joignant la théorie à la pratique, il fit avec un réel talent pendant deux années sur le terrain de manœuvres, à Châlons, son cours dont les expériences furent très remarquées en haut lieu.
Appelé par le général Clinchant au commandement du 26° bataillon de chasseurs à pied, il montra, comme toujours, pendant .les manœuvres du 6e corps, des qualités militaires tout à fait supérieures.
Enfin, l’année dernière il fut promu au grade de lieutenant-colonel, demanda et obtint de partir pour le Tonkin.
Ayant reçu deux blessures, il porte en plein visage la cicatrice de l’une d’elles. Il est officier de la Légion d’honneur depuis 1881.
Le lieutenant-colonel Herbinger est un des officiers les plus distingués de l’armée française. C’est le vrai type mi
litaire dans toute l’acception du mot, doué d’une grande énergie, sachant, notamment, inspirer une confiance sans bornes à ses troupes et les enlever à l’occasion. Il a, du reste, de qui tenir, puisqu’il est, par sa mère, descendant de la famille de Jeanne d’Arc.
Louis Caffarena.
LE NOUVEL HÔTEL DES POSTES DE PARIS
Le gros œuvre du nouvel Hôtel des Postes est complètement terminé, et les aménagements intérieurs sont déjà fort avancés; dans quelques mois tous les services pourront quitter les baraquements provisoires de la place du Car
rousel pour venir essuyer les plâtres de leur nouveau palais.
Notre gravure icprésente la façade sur la rue Etienne- Marcel, à l angle de la rue du Louvre. L’édifice a la forme d’un trapèze, délimité par les rues Jean-Jacques-Rousseau, Gutcmberg, Etienne-Marcel et la rue du Louvre prolongée.
La surface couverte n’est que de 7.860 mètres carrés. Le prix élevé du terrain dans ce quartier de Paris a dû faire restreindre le plus possible l’emplacement qui, à lui seul,
représente déjà plus de 20 millions de francs, sans compter les nombreux travaux de voierie nécessités par cette construction.
La situation est bien choisie; cet emplacement est au milieu d’un des centres les plus commerçants de Paris, à 400 mètres à peine de la place de la Bourse et à 3 kilo
mètres en moyenne de la gare de Lyon, de la gare d’Orléans, du Champ de Mars et du Parc Monceaux.
Il ne faut pas considérer seulement la forme extérieure de l’édifice ; il faut surtout tenir compte aussi des exigences multiples auxquelles il a fallu pourvoir avant tout. Les dis
positions monumentales sont en rapport avec sa destination ;
011 y remarque une grande régularité de lignes, beaucoup de sobriété dans les détails d’ornementation et un heureux emploi de la pierre et du fer.
L’architecte du monument est M. Guadet, ancien prix de Rome et professeur à l’Ecole des Reaux-Arts. Ses efforts ont eu principalement pour objet d’augmenter les surfaces disponibles, en multipliant les étages, en construisant audessus des cours et en supprimant le plus possible les murs de refend. La surface de terrain de 786 > mètres a pu
être ainsi portée à plus de deux hectares, au mentation qui a été cncoie accrue au moyen de combinaisons spéciales dont nous parlerons lorsque nous étudierons la question de l aménagement intérieur et du fonctionnement des divers services dans le nouvel hôtel des Postes. T.


LA GRANDE MARNIÈRE


(Suite.)
Se soumettant au caprice du vieillard, Antoinette prit une lampe, et tous deux montèrent au premier étage de la tour.
Dans la vaste salle dont la voûte ogi
vale est soutenue par des piliers de pierre à fines nervures, le marquis s’était aménagé à la fois une bibliothèque, un cabinet et un laboratoire. Tout le côté donnant sur le parc était garni de rayons sur lesquels les livres s’étageaient, innombrables et poudreux ; un escalier mobile, roulant le long de la mu
raille mettait le savant à même de prendre l’ouvrage dont il avait besoin. Un admirable bureau, encombré de dossiers, était placé devant la large fenêtre cintrée ornée de vitraux, et, près d’un pilier, une table à dessiner se dressait, chargée de plans et d’épures, sur des tréteaux à vis. Un tapis épais couvrait les dalles de granit dans toute cette partie de la tour meublée
confortablement de fauteuils profonds propres à la méditation et, disait Robert, au sommeil.
L’autre côté, donnant sur la cour d’honneur, était réservé au laboratoire. Un immense fourneau de bri
ques, à large manteau, au-dessus duquel se voyait un soufflet terminé par une chaîne, semblable à celui d’une forge, avait reçu l’adjonction d’un petit four en fonte, surmonté d’un tuyau qui se perdait dans la grande cheminée. C’était le fameux brûleur du marquis. Sur les tables, des cornues, des fioles innombra
bles, et, dans un coin, auprès d’une vasque de pierre, dans laquelle l eau coulait à volonté, un serpentin au cou de cuivre en zigzag. Dans ce pandémonium, où avaient pris naissance toutes les idées funestes qui, en trente ans, avaient consommé la ruine de la maison, le marquis se trouvait complètement heureux.
Il poussa un soupir de satisfaction en s’étendant dans son grand fauteuil et regarda sa fille avec plus de tendresse.
— Il y avait quelque temps, ma chérie, que tu n’étais venue ici, dit-il... Tu vois, j’ai là bien des des
sins qui réclament tes soins... Puisque nous sommes,
pour quelques jours, en garçons, tu devrais t’installer avec moi... Tu verras comme nous passerons de bonnes journées !...
Et le vieil enfant souriait, uniquement préoccupé de son idée fixe.
— Oui, mon père... dit Antoinette du bout des lèvres.
Alors le marquis enchanté s’élança vers son brûleur, tira les caisses roulantes pleines de charbon qui o.cupaient tout le dessous du fourneau, et com
mença, à grand renfort de copeaux et de papier, à allumer lui-même son appareil. Il avait retroussé ses manches jusqu’aux coudes et se salissait épouvanta
blement. Il y eut bientôt dans le laboratoire une fumée telle qu’il fallut ouvrir les fenêtres. Et, moitié parlant, moitié toussant, à demi asphyxié, l’inventeur expliquait. Il allait de l appareil, qu’il déclarait défec
tueux, aux dessins nombreux sur lesquels il l’avait rectifié...
— Vois-tu, ma fille... les copeaux mouillés brûlent maintenant : c’était la mise en train qui était dif
ficile... Le tirage est insuffisant, mais, avec une cheminée d’usine, ça irait tout seul... Des copeaux mouillés!... Hein? Et quelle chaleur! Toute la valeur de l’invention est là... En Amérique, dans les plan
tations, ils pourront chauffer avec des détritus de cannes à sucre! Qu’en dis-tu?
Antoinette ne disait rien. Attirée parla lumière, une énorme chauve-souris était entrée dans le laboratoire et, toute noire, ses ailes étendues, avec un vol sinistre, elle tournoyait. Par deux fois l’horrible bête, dans sa
course capricieuse, effleura la jeune fille, qui fascinée ne pouvait la quitter des yeux. Il lui semblait la voir grandir peu à peu et s’étendre, resserrant les cercles qu’elle traçait. Sa tête, devenue énorme, avait des regards de feu, et un rictus diabolique qui rappe
lait le visage de Carvajan. Elle passa encore une fois, les griffes étendues, avec un sifflement horrible, comme un vampire, et, terrifiée, Antoinette se dit : Si elle me touche, c’est que nous n’avons plus rien à espérer et que nous sommes irrémédiablement perdus.
Une rougeur lui monta au visage, elle saisit le long
tisonnier que son père venait de poser, et, au moment où la bête hideuse sUvançait menaçante, à la volée
elle frappa : Brisée par la tige de fer, la chauve-souris tomba sur la grille du brûleur, et, Antoinette avec une joyeuse surprise, la vit disparaître dans les flammes.
Elle respira plus librement ; elle pensa : Je suis indigne de me laisser abattre. Il faut lutter, vaincre, si c’est possible... en tout cas se défendre... Est-ce pos
sible que des gens comme nous soient si bas, qu’ils n’aient plus le moyen de se relever ?
Puis l’horreur de la situation s’imposa de nouveau à son esprit, et elle se reprit à désespérer. Son frère ! Qui sauverait le pauvre garçon accusé si bassement, et autour duquel s’étendait le réseau dangereux des calomnies ? Si elle pouvait essayer de faire face aux difficultés de leur situation financière, comment irait
elle au secours de ce sang de son sang ? Elle avait l’ignorance de la pureté. Les lois criminelles n’étaient point faites pour son innocence. Elles lui faisaient l’effet d’une monstrueuse énigme. Le péril qui menaçait Robert lui semblait formidable et incompréhensible.
Et la tristesse s’étendait en elle, sombre, profonde, ainsi qu’une nuit intérieure. Son père continuait à parler et elle ne l’écoutait pas. Les paroles du vieil
lard tombaient dans le vide, comme du robinet l’eau gouttant sonore et inutile dans la vasque de pierre. La pensée de la jeune fille revenait obsédante et désolante la préoccupation du salut de Robert, et du paiement de l’échéance prochaine.
Elle songea un moment à interrompre le marquis au milieu de ses amusements scientifiques, et à lui poser nettement la question d’argent qu’il fallait résoudre.
Au moment de parler, un dernier reste de pitié pour le vieil enfant qu’il fallait arracher à son aveugle sécu
rité arrêta les mots décisifs. Elle se tut, pensant : Il sera assez tôt demain, qu’il ait encore au moins cette soirée heureuse, et cette nuit tranquille. Et comme un vol de spectres nocturnes, les pensées sinistres recommencèrent à enserrer son esprit dans leur cercle douloureux.
A onze heures, le père et la fille quittèrent le laboratoire et descendirent dans leurs appartements. Le marquis, heureux d’avoir pu, pendant deux heures,
développer ses idées sans se préoccuper de savoir s’il avait seulement été entendu, embrassa Antoinette, et la quitta en lui disant :
— Je suis tout ragaillardi! Tu ne t’imagines pas comme ta présence me fait du bien... Quand je te vois au milieu de mes appareils, il me semble que tout ce que j’ai entrepris doit réussir... Tu reviendras, n’estce pas? Tu y as intérêt, sais-tu. . C’est la fortune !...
La fortune ! toujours le mot magique, le rêve de tout savant : la pierre philosophale découverte; l’or coulant d’un creuset ou jaillissant d’un appareil. Et l’inventeur, confiant et ravi, alla se coucher avec ce rayon dans la cervelle.
La nuit parut longue à Antoinette. Elle resta les yeux ouverts dans l’obscurité, écoutant l’ouragan qui se déchaînait au dehors et faisait trembler le château sur sa base. Ces souffles irrités passant et repassant,
ces violents tourbillons lui rappelaient la mer, et, dans la fièvre de son insomnie, il lui semblait être sur un navire battu par la tempête. Des hale nes furieuses grinçaient dans les mâts et dans les cordages, et la poussée croissante et décroissante de leur bruit tumul
tueux donnait à la jeune fille la sensation de la montée énorme et de la descente profonde des vagues.
Elle se trouvait au milieu d’une obscurité traversée seulement par de rouges éclairs, emportée sur un océan couleur d’encre. Elle était tout étourdie par le balancement horrible des flots, et souffrait cruellement. L’orage grandissait sans cesse, emplissant ses oreilles de sifflements stridents, et, dans le trouble de ses pensées, elle se figurait allant délivrer son Tère abandonné sur un étroit et stérile rocher.
Elle se tournait vers celui qui commandait le lan tastique vaisseau et, à la lueur de la foudre elle lui voyait le visage de Pascal. Il la regardait avec dou
ceur, comme pour lui dire : Tu sais bien que je t’adore; tu n’as qu’un mot à prononcer, qu’un signe à faire, et c’est moi-même qui te conduirai vers ton frère, qui assurerai son salut. Rien ne me coûtera pour te plaire. Tes larmes me désolent, je souffre de ton chagrin. Ne