Les préparatifs militaires de l’Angleterre.
Les derniers événements qui viennent de s’accomplir sur la frontière afghane ont encore ajouté à la gravité d’une situation, déjà trop
tendue... La. guerre semble imminente entre l Angleterre et la Russie. Aussi, de part et d’autre, arme-t-on avec la plus grande acti
vité, et le vice-roi des Indes, qui a reçu carte blanche du gouvernement anglais, prend-il toutes ses mesures pour être prêt au premier moment.
Quetta. — C’est le général sir Donald Stewart qui commande les forces anglaises dans l’Inde, qu’il concentre ac
tuellement à Quetta. Ce poste frontière est situé au milieu de la région montagneuse à Khélat, dans le Bélouchistan,
entre le Scinde et Candahar. A la suite d’un traité conclu il y a quelques années avec le Khan de Khélat, Quetta est devenu le quartier général d’une division de l’armée des Indes. La ville est entourée d’une muraille de terre percée de deux portes, l’une au sud, l’autre à l’est. Elle est domi
née par un fort, et constitue la clef de la route de l’Inde à l’Afghanistan.
Quetta servit de base d’opérations au corps anglais qui occupa Candahar pendant la campagne de 1878 à 1880. Son altitude est d’environ 1,800 mètres au-dessus du ni
veau dè la mer; elle est à 225 kilomètres de Candahar et à 645 kilomètres d’Hérat.
La pesé de Bolan. — Deux routes seulement accèdent à Quetta : l’une qui passe par les défilés de Bolan, l’autre,
moins directe, mais plus facile, qui contourne le versant septentrional du massif montagneux de Takatu et qui, lon
geant la vallée de Piskin, vient aboutir, par le défilé de Gwaza, à la plaine de Candahar. Un chemin de fer est en construction sur ce dernier parcours, mais il ne sera ter
miné que dans dix-huit mois et, en attendant, les transports s’effectuent par le défilé de Bolan, avec des difficultés et des lenteurs dont notre gravure donne une idée. Bien qu’améliorée dans ces derniers temps, la route présente des sinuo
sités et des pentes très fortes ; en plusieurs points, elle traverse à gué le torrent de Bolan, dont les crues subites
sont pour les, convois un danger continuel. Sur quelques points, on aiju jéjablir un chemin de fer portatif, mais les accidents ductfreâin ont obligé à en interrompre la construction.
LES FETES DE BRUXELLES
En 1880, Bruxelles fêtait le cinquantenaire de l’indépendancelâe la Belgique : Bruxelles vient de fêter aujourd’hui le; ctm^uàntenaire du roi des Belges. En 1885, comme en 1880,Des ovations chaleureuses n’ont point manqué et Léopold IL peut à bon droit se montrer heureux et fier des té
moignages; -vraiménQsincères, d’estime et d’affection que le peuple de Bèjgiqu.e lüi prodigue, en toute occasion, avec une unanimifé.qûi jeiLdoit doubler le prix à ses yeux.
Cette fois, ces manifestations de li^alisme Sflipruntaient à la solution heureuse de la « question du Congo » à la toute .-récente création de ce nouvel état «libre » raént Léo
pold Il est le véritable créateur et dont iPyâ ètré le7Souverain, un caractère particulier : la Belgique a saisi l’occasion de l’anniversaire de son « premier citoyen » pour témoi
gner au promoteur de l’Association Internationale Africaine,
dé cette œuvre grandiose et généreuse, dont les conséquences peuvent être si fécondes pour elle, pour son développe
ment commercial, pour sa prospérité luture, les sentiments de reconnaissance qui l’animent. Ces sentiments ont été ex
primés avec d’autant plus de force qu’ils avaient mis plus de temps, plus de lenteur calculée à se faire jour : le Belge a horreur des aventures, surtout des aventures lointaines. On n’a pas perdu, en Belgique — et pour cause - le sou
venir de l’expédition du Mexique et la politique coloniale,
par suite des événements récents, y est moins que jamais en honneur. Aussi a-t-il fallu des déclarations répétées du
roi Léopold et des explications très catégoriques sur le rôle qu’en toute éventualité elle pourrait être appelée à jouer au Congo, pour que la Belgique s’abandonnât à la con
fiance qu’en réalité l’œuvre africaine justifie et aux légi
times espoirs que cette œuvre fait aujourd’hui concevoir à ses esprits pratiques de clairvoyants.
Rassurée maintenant, éclairée et instruite comme elle eût dû l’être depuis longtemps à ce sujet, la Belgique se prépare à profiter de l’heureuse fortune qu’elle doit à l’initiative, aux sacrifices de son souverain, et c’est d’un élan très franc, dégagée de toute arrière-pensée, qu’elle a fêté celui-ci ces jours derniers.
Le clou des fêtes de Bruxelles a été la revue de l’armée et delà garde civique qui aeu lieu le jeudi 9avril et dontnotre dessin représente un épisode : le roi sortant du palais avec ses
gendres l’archiduc Rodolphe d! Autriche et le prince Philippe de Saxe, entouré d’un nombreux et brillant état-major. Les
fêtes militaires sont toujours et partout des spectacles de great attraction pour les masses : aussi la foule était-elle immense pour assister à celle-ci, en dépit d’un temps, affreux —
une pluie froide et continue —qui a nui, comme on peut le penser, au défilé des troupes, à la pompe et à l’éclat de ce genre d’exhibitions qui réclament tout spécialement la bonne volonté du ciel bleu et le concours du soleil. Les deux grands succès du défilé sont allés tout droit, d’une part au jeune prince Baudouin — l’héritier présomptif de Léopold II — passant à son rang dans le peloton de l’Ecole militaire, dont il suit les cours, et, d’autre part, aux « en
fants de troupe » de l’Ecole rêgimen aire dont l’allure correcte et martiale a fait sensation. Succès aussi pour le
nouvel uniforme, sévère et pratique, de la garde civique qui est aujourd’hui équipée, en Belgique, de manière telle que bien des troupes régulières pourraient s’en montrer jalouses.
Après la revue il y a eu grand dîner au Palais et, le soir, spectacle gala au théâtre de la Monnaie,l’Opéra bruxellois,
oû l’on a joué Sigurd non pas devant un « parterre » mais devant un premier rang de loges de princes, de p incesses, de diplomates et de grands personnages dont les chamar
rures et les diamants étincelaient à la rampe. Le lendemain il y a eu « garden-party » au château royal de Laeken.
Plus de deux mille invitations avaient été lancées auxquelles ou a généralement répondu avec l’empressement qu’on devine.
Le dimanche soir a eu lieu l’illumination de la Grand’ Place et la visite du roi à l’Hôtel de Ville qui devaient se faire le jeudi, mais que lemauvaistempsavait fait remettre et auxquelles n’ont pu assister les gendres du roi, ni leurs gra
cieuses jeunes femmes, l’archiduchesse et la princesse Louise, qui avaient été obligés — par les événements politiques, dit-on — de reprendre le chemin, les uns de l’Autriche et les autres.de l’Allemagne.
Les ovations populaires à l’adresse du roi et de la reine n’en oht-.’pasfété moins chaudes et, des solennités qui ont eu lieu en son honneur, le roi Léopold aura surtout apprécié cette fête émihémmèht.populaire, qui a jeté sur son passage une foule enthousiaste l’acclamant tout d’une voix.
Georges du Bosch.
M. BOURÉE, EX-AMBASSADEUR EN CHINE
Les nouvelles négociations pacifiques avec la Chine, ont naturellement ramené l’attention sur M. Bourée, qui, des. lel début du conflit tonkinois, avait préparé, entre la France et le Céleste-Empire, le traité auquel son nom est resté Ratta
ché. Quelques uns se disent aujourd’hui que, malgré les anathèmes des politiques dont il contrariait les calculs, ce
traité nous aurait au moins épargné les pénibles épreuves d’une expédition dont, en fin de compte, nous n’aurons pas retiré beaucoup plus de gloire et de profit.
M. Bourée qui, le premier, avait trouvé le vice-roi Li-Hung-Chang accessible à une transaction pacifique,n’était ni un étranger, ni un nouveau-venu dans la diplomatie. Il y avait fait toute sa carrière, dont voici les étapes.
Né le 16 août 1838, Frédéric-Albert Bourée venait à peine d’achever son droit quand il entra dans le service. Attaché à l’ambassade d’Athènes, en septembre 1860,puis au cabinet, en mars 1864, il fut chargé desfonctions de deuxième
secrétaire à Constantinople, en 1867. Il avait été rappelé auprès du cabinet, comme rédacteur adjoint, le 14 avril 1870,
lorsqu’il fut choisi, entre la révolution du 4 septembre et l’investissement de Paris, pour faire partie de la délégation
du gouvernement de la défense nationale^qui se transporta à Tours, puis à Bordeaux; il fut l’auxiliâifê des négocia
tions tentées inutilement auprès.jdes puissances spectatrices de l’écrasement de la F rance 1: R®acteurà.;la direction po
litique depuis le 26 juin 1870, ippassà, comme sôus-directeur, à la direction des affaires d’Amérique, lé 31 décem
bre 1875 et fut promu officier de la Légion d’honneur le 30 juillet 1878. Il avait été fait chevalier le Il août 1879. Enfin, le 23 janvier 1880, il fut nommé envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire en Chine.
M. Bourée, qui a les qualités de l’homme du monde nécessaires à l’ambassadeur, avait pris rapidement, à Pékin, une position personnelle favorable aux intérêts internationaux dont il était chargé. Egalement accueilli par les di
verses légations européennes, par le Tsong-li-Yamen, il avait le malheur commun à tous nos diplomates français qui ne font que passer à Pékin, celui de n’avoir pu acquérir une connaissance directe et approfondie des mœurs et des idées de l’Extrême-Orient. Il le regrettait et, au lieu de voir dans un poste si lointain un titre à une ambassade européenne, il ambitionnait d’y faire, selon le système des Anglais, une longue et utile carrière, lorsque les revirements de la politique font emporté, en attendant peut-être qu’ils le ramènent. G. V.
LA FÊTE DE L’HÔTEL DE VILLE
Cette fête de la charité et du patriotisme, a eu lieu le samedi Il avril, à l’Hôtel de Ville. Elle avait été organisée au bénéfice de nos pauvres. Les derniers événements de la guerre avec la Chine suggérèrent l’idée de partager les bénéfiçes de cette fête avec l’œuvre des blessés du Tonkin.
Le succès a, du reste, été tel, que la recette pourra être partagée sans inconvénient. Il y en a bien pour deux.
Le Conseil municipal avait mis l’Hôtel de Ville à la disposition des organisateurs de la fête, et il avait pris à sa charge la presque totalité des frais matériels. Avec un pa
reil monument comme cadre et des collaborateurs comme M. Alphand, directeur des Travaux de Paris, et ses lieutenants, on ne pouvait manquer de faire merveille.
Le succès pécuniaire de la fête a égalé, au moins, son
succès artistique. Près de quinze mille billets, à vingt francs, ont été placés. D’autre part, le lendemain dimanche et le surlendemain lundi, les visiteurs ayant été admis, moyen
nant un droit d’entrée de cinquante centimes, à parcourir et à admirer les salons, tels qu’on les avait disposés pour la fête, on a réalisé, de cette façon, une recette supplémen
taire qui a dépassé vingt mille francs. Soit au total, trois cent mille francs au moins que les blessés du Tonkin partageront avec les pauvres de Paris.
Cet heureux résultat constaté, nous ne. nous attarderons pas dans une longue description des merveilles de la fête que notre double page de dessins rappellera suffisamment à ceux qui les ont admirées et dont elle donnera une idée à ceux qui ne les ont pas vues.
La façade de l’Hôtel de Ville était splendidement illuminée, comme pour la fête nationale du quatorze juillet. Le
gaz, l’électricité, les feux de Bengale, les ballons lumineux dans les arbres du jardin, les mâts pavoisés sur la place,
rien n’y manquait. Aussi une foule innombrable, mais des plus calmes, se pressait-elle aux abords de l’édifice. Deux longues files de voiture, se prolongeant jusqu’au-delà des Tuileries, amènent les invités. Le public entre par la salle St-Jean, du côté de la caserne Lobau. La dite salle St-Jean
est transformée en vestiaire, où le service est d’ailleurs très rapidement et parfaitement fait. Avant de monter l’escalier d’honneur, jetons un regard sur le fameux bloc de glace naturelle, qui fond d’ailleurs avec une rapidité déplorable,
donnons un coup d’œil à la Cour Louis xiv, illuminée à giorno de lanternes vénitiennes, de serpentins, de feux de Bengale, ornée de statues, et, enfin, prêtons un instant l’oreille à l’excellente musique de la Garde Républicaine qui, non loin de la buvette, — ou drink hall, comme disent les reporters dans le mouvement, — joue « les meilleurs airs de son répertoire. »
L’escalier d’honneur, dont la riche architecture paraît fort goûtée du public, donne accès dans le salon de récep
tion et dans la grande galerie des fêtes, disposée pour le bal. Des gardes municipaux, en grande tenue, se tiennent immobiles, toutes les trois ou quatre marches de l’escalier, et contribuent puissamment à l’effet.
Un autre escalier, conduisant aux appartements du préfet, et auquel on accédait par la porte sud, était réservé à tous les personnages ayant un caractère officiel.Des statues, des fleurs en- profusion ornent cet escalier. Au bas, une statue équestre de Fremiet, perdue dans un fouillis de plantes exotiques, sert de torchère monumentale.
En haut, le. préfet de la Seine, le président du Conseil municipal, et plusieurs membres du Comité de la Presse, reçoivent les arrivants.
Les nombreux lots de la Tombola —et chaque billet d’entrée donnait droit à un numéro — sont exposés dans les salons attenant à la galerie des fêtes, où se tient Arban avec son orchestre. Aux deux extrémités de cette galerie, des fontaines avec des eaux jaillissantes, de l’effet le plus
décoratif. Un second orchestre, dirigé par Métra, est installé dans les salons de réception du préfet, où deux cheminées encore inachevées ont été décorées de la façon la plus originale et la plus heureuse, avec un grand luxe de candélabres, de statues et de fleurs.
À-fpactir de dix heures, le bal, dans tous les salons, était forrianimé. Les danseuses ne manquaient point, et les dansëurs sé montraient des plus empressés.
A deux heures du matin, le bal est suspendu un instant pour le tirage de la tombola. Cinq fillettes du corps de ballet de l’Opéra, costumées en Cérès, procèdent à cette délicate opération. Soixante numéros prédestinés, dont le
premier gagne un magnifique vase de Sèvres olfert par M. le président de la République, sortent successivement
de l’urne. Mais ceci n’est qu’une entrée de jeu, la tombola comprenant deux mille lots environ; le reste du tirage a été ajourné au lendemain et au surlendemain. Puis on recommence à danser.
Entre temps, on soupait,et fort bien, dans la bibliothèque — une bibliothèque dans le genre de celle que César de Bazan découvre chez Ruy-Blas, et où abondent les vins généreux. .
Après souper, on « cotillonnc » encore un peu, squ’à cinq heures du matin, et puis, les plus déterminés, enfin fa
tigués, se résignent à redemanderleur sortie de bal ou leur pardessus, et chacun s’en va coucher, enchanté d’une aussi belle soirée, qui, avant tout, est une bonne action.
H. S.
GUIGNOL
Tout s’en va, tout change, tout se renouvelle; « les dieux sont en train de mourir », comme disaient les anciens.
Car voici que Guignol lui-même se modernise et devient cosmopolite. Déjà, depuis quelque vingt ans, Paris l’avait emprunté à Lyon pour lui donner la place de Polichinelle viedli. Maintenant, même à Lyon, Guignol se laisse envahir par le « parisianisme » qui, toujours montant, nivelle la France et ramène, hélas ! toutes choses à un niveau qui n’est pas précisément le plus élevé.
Guignol, le vrai Guignol, est né lyonnais. Il date de la Révolution française. C’est en 1795 que le « père Mourguet » faisant, lui aussi, une révolution dans le royaume des marionnettes, substitua au Pulcinello italien le type essenliellemeut local de Guignol. Avec son sarreau de serge, son bonnet dé coton sans mèche et sa queue en « salsifis », Gui
gnol représentait le vrai type populaire du Lyonnais d’alors, du Lyonnais d’entre Rhône et Saône, du Lyonnais des
NOS GRAVURES
LE CONFLIT ANGLO-RUSSE