des travaux publies a prié le roi de déclarer l’Exposition ouverte.
A un signal donné par Léopold II, la vie s’est communiquée à ce prodigieux assemblage de tous les mécanismes perfectionnés que le génie humain met au service des in
dustries modernes. C’est une féerie qui défie la plume et
le pinceau. On n’a rien vu nulle part de comparable à re quadrilatère de 20,000 mètres carrés où triomphent la mécanique, la vapeur et l’électricité.
Après avoir parcouru diverses sections, complimenté le comité exécutif et tous les collaborateurs de cette grande et belle œuvre, le roi est allé inaugurer l’Exposition internationale des Beaux-Arts.
LA « BOMBE » AVISO-TORPILLEUR FRANÇAIS
D’après la nouvelle classification adoptée dans la marine française en vertu d’une circulaire récente du ministre de la marine, les bateaux-torpilleurs sont divisés en plusieurs catégories, savoir :
i° Les croiseurs-torpilleurs qui ont un déplacement de 1240 à 1260 tonneaux;
2° Les avisos-torpilleurs, de 320 à 380 tonneaux;
3Ü Les torpilleurs de haute mer, de 50 tonneaux et audessus;
40 Les torpilleurs garde-côtes qui eux-mêmes sont divisés en deux classes, ceux de la première classe ayant 50 tonneaux de déplacement au maximum, ceux de la seconde 25 tonneaux.
Enfin on pourrait comprendre dans une cinquième catégorie les torpilleurs vedettes qui ont moins de 25 tonneaux et qui, malgré leur petite taille ou plutôt à raison de leur petite taille, peuvent rendre de grands services pour la défense des côtes.
La Bombe qui vient d’être lancée au Havre et dont nous donnons aujourd’hui le « portrait » fait partie delà seconde catégorie, celle des avisos-torpilleurs. Elle a été construite
au Havre par la Société des Forges et Chantiers, qui vient également d’exécuter pour le gouvernement ottoman deux torpilleurs qui peuvent à la fois lancer et porter des torpilles et qui sont réellement remarquables.
Huit avisos-torpilleurs, analogues à la Bombe, figurent dès à présent sur les états officiels. Ce sont :1a Couleuvrine,
la Dague, la Dragonne, la Flèche, la Lance, la Salve et la Sainte-Barbe. Mais sur les huit, la Bombe seule est achevée et mise à l’eau.
Elle mesure 60 mètres de longueur de bout en bout, 6 m. 60 à la plus grande largeur et a un tirant d’eau de 1 m. 80 à l’arrière. Elle est construite complètement en acier et étudiée dans toutes ses parties pour arriver au minimum de poids de coque, tout en réunissant des condi
tions de résistance suffisantes pour la navigation en haute mer.
Les avisos-torpilleurs du type Bombe, sont mûs par deux machines agissant chacune sur une hélice et développant 1800 chevaux de torce totale; la vitesse doit être de 18 nœuds environ. Ils sont gréés en trois-mâts à pible avec voiles en pointe. Ils réunissent tous les derniers perfection
nements pour la manœuvre des torpilles, possèdent des appareils pour la lumière électrique, etc...
La Bombe a été lancée toute mâtée, avec machine et chaudières en place.
LE CONFLIT ANGLO-RUSSE
Les préparatifs militaires de l’Angleterre.
Comme nous le disions dans notre numéro du 18 avril, l’armée anglaise a pu établir sur quelques points de la passe de Bolan un chemin de fer portatif. Ce chemin de fer est
du système Decauville, formé d’échelles en petitsrailsd’acier qui se posent et déposent instantanément avec la plus grande facilité. Cet ingénieux chemin defer, dont on a fait des appli
cations considérables pour les travaux du canal de Panama et pour le transport de la canne à sucre en Australie et à Java, est devenu le moyen de transport indispensable de toutes les guerres et sert en ce montent au Tonkin et à Madagascar pour l’armée française ; il est également em
ployé dans la mer Rouge par l’armée italienne. Lorsque le gouvernement russe a commencé la guerre du Turkestan en 1882, il a acheté cent verstes c’est-à-dire cent six kilo
mètres de chemins de fer Decauville, que le général Skobeleff employa avec un très grand succès pour transporter l’eau potable et toutes les provisions de son armée. Ce
chemin de fer était déplacé à mesure que l’armée marchait en avant et lorsque, tout récemment, les Russes se rappro
chèrent de l’Afghanistan, le petit chemin de fer Decauville parut aux avants-postes afghans et fut signalé à l’armée anglaise par les officiers qui suivaient les opérations des Afghans. Les Anglais voulurent posséder un matériel pa
reil à celui des Russes et la commande en fut donnée à M. Decauville par le gouvernement anglais qui spécifia que les voies devaient être du même type que celles four
nies aux Russes, de façon probablement à pouvoir utiliser les tronçons de voie que les combats pourraient faire tomber en leur pouvoir. Il y avait dans cette dernière installa
tion un problème assez difficile à résoudre : tout le maté
riel, devait voyager à dos d’éléphant pendant quatre à cinq semaines et on voulait employer une locomotive. M. De
cauville a fait construire cette dernière en deux pièces dont la plus grosse ne pesait que 1,800 kilos, charge maximum que peut porter un éléphant.
Nous avons voulu reproduire dans notre gravure cet épisode du conflit anglo-russe, qui est un succès très réel pour notre industrie nationale, car les ateliers de M. De
cauville sont à Pefit-Bourg, c’est-à-dire en France, et à une heure de Paris. Ils sont même fort intéressants à visiter, d’autant plus que leur création est si récente, que peu de personnes se doutent de l importance qu’ils ont prise en si
peu d’années. Ces ateliers occupent huit hectares au bord de la Seine, avec raccordement à la Compagnie P.-L.-M.
La principale halle, qui aura 160 mètres de façade sur 160 mètres de profondeur, soit 25,000 mètres carrés, est construite aux trois quarts et a actuellement 18,000 mètres, c’est-à-dire près de 2 hectares d’une seule pièce. Cet ate
lier est une sorte de machine gigantesque à faire les petits chemins de fer. Les matières entrent par les deux bouts (d’un côté les rails et aciers plats pour les voies ; de l’autre, les tôles et fers profilés pour construire les wagons), et les produits fabriqués sortent par le milieu, chargés par deux ponts roulants à vapeur dans les wagons de la Compagnie P.-L.-M. C’est au mois de juillet 1884 que les ateliers de Petit-Bourg ont atteint leur maximum de développement, avec un millier d’ouvriers et 350 machines-outils qui rem
placent la main-d’œuvre de plus de 3.000 ouvriers. Il y a entre autres quatre machines à peindre qui font le travail de
60 peintres. La production mensuelle est de 3,000 vagonaets et 150 kilomètres de voie.
Le développement rapide des ateliers Decauville a rendu nécessaire la création d’un village entier pour loger les ou
vriers, ou plutôt d’une petite ville car on y trouve même un théâtre. Des maisons confortables entourées de jardins sont louées aux ouvriers mariés à raison de 6, 8, 10 et 1 2 francs par mois avec des diminutions proportionnelles au
nombre d’enfants et au nombre d’années de séjour, de telle sorte qu’au bout d’un certain temps, le locataire ne paie plus aucun loyer jusqu’à sa mort, même si par suite de la vieillesse il devient impropre au travail et, à ce moment, la caisse de retraite de la Société de secours mutuels lui assure une petite rente. La boulangerie fournit tou
jours le pain au dessous de son prix de revient. La caisse d’épargne de l’établissement assure un taux rémunérateur à l’ouvrier qui veut économiser. Le comité des récompen
ses donne des primes aux ouvriers ou contre-maîtres qui trouvent des perfectionnements dans l’outillage.
Nous aurions encore beaucoup à dire sur les installations ouvrières de Petit-Bourg dans lesquelles domine un sentiment philanthropique très développé, mais nous nous proposons d’y revenir ultérieurement en en donnant une des
cription très détaillée, car elles peuvent être citées comme un modèle dans ce genre.


LA SUCCESSION CHARVET


(Suite.)
Des secrets ? Pourquoi aurais-je des secrets ?
— C’est tout naturel. A votre âge ! — St j’en avais, je les dirais !
— Même à moi ? fit Henriette.
Elles arrivaient devant le perron et Mme Herblay fermait son ombrelle.
— Surtout à vous, répondit la jeune fille avec son beau regard éclairé de franchise.
— Alors vous m’aimez un peu, ma chère Gilberte ?
— Beaucoup, madame. Beaucoup pour moi et beaucoup pour mon oncle !
— Et vous avez raison, dit Mme Herblay. Vous savez qu’il faut que je m’occupe toujours de quelque chose... Eh! bien, je voudrais... après avoir fait du commandant un député... faire de sa nièce,qui est une charmante jeune fille, une femme très aimée et très heureuse !
— Moi? s’écria Gilberte, devenue toute rouge.
— Oui, vous... vous... Je me suis mis en tête de vous marier !
— Me marier ?
Elles étaient entrées dans le grand salon, bien clos, frais et reposant, où la lumière n’arrivait que tamisée par un grand store de soie paille à l’italienne sur lequel l’ombre mourante des arbres du dehors découpait comme une guipure; et MmeHerblay avait fait asseoir Gil berte devant elle, heureuse de se mêler au petit roman de cette jeune fille comme elle prenait plaisir à pâtisser ou à broder de l’histoire locale et delà politique de clocher de ses fines mains actives.
— Cela vous étonne que je vous parle de vous marier? Vous n’y songez donc jamais ?
— Non, dit Gilberte.
— A quoi pensez-vous alors ? A votre oncle ? — A mon oncle, précisément. — Tout le temps? — Toujours.
Henriette s’était mise à rire.
— Il est très gentil, votre oncle, il me plaît beaucoup. Mais enfin vous n’allez pas me faire croire que l’affection que vous lui portez et qu’il mérite puisse suffire à remplir le cœur d’une jeune fille... Ah! par
bleu!... vous vous troublez un peu!... Regardez-moi donc... Oui, regardez-moi!
Elle lui avait pris les mains, gentiment, et elle forçait, en l’appelant du regard, Gilberte à lever sur elle ses beaux yeux clairs...
— Voyons, chère enfant, ce n’est pas possible, vous aimez quelqu’un ?
— Personne, madame!
— Comment est-il, ce personne-là? Blond, brun, grand, petit ? Comment, voyons ?
Gilberte essayait de sourire et semblait embarrassée, ses mains toujours dans les mains d’Henriette et elle allait se tirer d’une situation et d’une question qui l’embar
rassaient en embrassant tout simplement Mme Herblay lorsqu’un domestique entra au salon, demandant si Madame était visible.
-— Cela dépend pour qui! dit Henriette.
Elle s’était retournée à demi, sa main droite gardant encore la main de Gilberte.
— C’est M. de Montbrun ! répondit le domestique. — Le père ?... Le marquis ? — Non, madame, le comte!
— Faites entrer! dit Mme Herblay. Elle ajouta, regardant Gilberte :
— Un légitimiste chez la citoyenne Herblay... cela ne vous étonne pas ?... C’est qu’il s’agit de charité et,
sur ce terrain-là, vous savez, plus de partis !... Mais qu’est-ce que vous avez donc, Gilberte, dit-elle en l’interrompant tout à coup. Vous êtes toute pâle?
— Moi ?
— Je vous assure... Et votre main... Oh! mais, vous avez quelque chose!
— Moi? Rien... je n’ai rien, madame!
— M. de Montbrun! annonçait le domestique et, avant de se retourner pour saluer son hôte, Mme Her
blay remarqua encore le trouble nouveau, très léger mais perceptible à l’œil d’une femme, qu’à ce nom éprouvait Gilberte et, vivement, avec un petit sourire à demi narquois, à demi caressant, elle dit gentiment à la jeune fille, devenue plus pâle encore :
— Ah ! bah ?
Puis elle salua le comte de Montbrun.
V
Un grand jeune homme en toilette de campagne, ganté et correct, avec un ruban rouge à la bouton
nière, s’inclinait devant les deux femmes, mais Hen
riette Herblay retrouva tout de suite sur la physionomie de Robert de Montbrun un peu du trouble qu’elle avait remarqué chez Gilberte. Les deux jeunes gens se connaissaient évidemment.
M. de Montbrun devait avoir atteint la trentaine, mais très mince, l’air fort jeune, avec une petite mous
tache blonde et un visage maigre un peu triste, on l’eût pris pour un homme de vingt-trois ou vingt-quatre ans. Ducasse évidemment eût, moralement et physi
quement, semblé son aîné. Lecomte, ganté et correct,
gardait cependant, en tous ses mouvements, un laisseraller où la bonne grâce et les allures de l’homme du monde s’alliaient à une certaine rectitude militaire.
On l’eut pris, dans ses vêtements de villégiature, pour un élégant officier de cavalerie en tenue bourgeoise.
Il s’était assis dans un fauteuil, en face de Mme Herblay, et Henriette, avant tout propos, se donnait le plaisir de présenter le comte à la jeune fille, et mali
cieusement feignait d’être étonnée de la réponse de M. de Montbrun :
— Oh! j’ai l’honneur de n’être pas un inconnu pour mademoiselle...
Le jeune homme s’informait même de la santé du commandant Verdier ; il avait la bonne fortune d’être resté de ses amis après avoir eu la chance de servir sous ses ordres, en 70.
— En 70? dit Mme Herblay. Vous étiez bien jeune, monsieur le comte ?
— J’avais dix-huit ans, madame. — Et quel grade ?
— Oh ! aucun grade alors ! Engagé volontaire, tout simplement.
Il sourit avec un peu de mélancolie en disant à Gilberte :
— Je serais pourtant ingrat envers votre oncle, mademoiselle, si j’oubliais que c’est lui qui m’a donné mes galons de sergent !... Je ne les ai pas portés longtemps.
— Vous les avez peut-être rendus après la paix, ne