Une nouvelle éruption du Vésuve s’est déclarée dans la soirée du 2 mai. Tout à coup trois bouches se sont ouvertes au-dessous du cratère principal, tout près de la station supé
rieure du chemin de fer funiculaire et la lave s’en est échappée en abondance, s’écoulant dans la direction de Torre del Greco et de Torre Annunciata. Le 4, elle avait atteint les territoires cultivés situés au-dessus de ces deux villes et entre elles. Là, elles se sont arrêtées et l’éruption s’est beaucoup amoindrie. Espérons qu’elle ne reprendra pas une force nouvelle et cessera bien
tôt tout à fait. Le croquis inférieur, dans notre dessin de la première page, représente les trois bouches ouvertes audessous du cratère du volcan. Le petit montre les habi
tants des villages fuyant, éperdus,devant la lave qui s’avance menaçante. Enfin celui du haut est une vue du chemin de fer funiculaire. Ce chemin a été fait en 1880. Il commence au pied du grand cône jusqu’où a été prolongée la route carrossable de Resina, et s’élève sur un plan incliné de 50 degrés jusqu’à son sommet. Il a neuf cents mètres de longueur. Une machine fixe établie à la gare de départ fait mouvoir deux câbles en acier remorquant deux wagons,
l’un montant, l’autre descendant, dans lesquels se pratique l’ascension qui se fait en quelques minutes, tandis qu’autrefois l’escalade du grand cône demandait une heure, une heure de marche sur un lit de cendres qui cédait sous les pieds ou sur un lit de scories qui les déchirait.
M. ET MADAME ALPHONSE DAUDET
Le retentissant succès que vient d’obtenir Y Artésienne sur la scène de l’Odéon donne une actualité particulière au dessin que nous publions d’après un tableau de M. Louis Montégut qui figura au Salon de 1883 et qui représente M. Alphonse Daudet dans son cabinet de travail, ayant à ses côtés sa charmante femme à laquelle il lit sa dernière œuvre. L’intimité de ce foyer familial visité par la gloire est prise là sur le vif, dans sa suave éloquence.
Le maître lit de sa voix caressante et chaude ; celle qu’il a appelée sa collaboratrice écoute, attentive et recueillie. Ils nous apparaissent bien là tels qu’ils sont, tous deux ;
saisissante est la ressemblance ; le peintre a saisi avec un rare bonheur la physionomie de ses modèles et de leur intérieur.
M. Alphonse Daudet est dans la force de l’âge, à cette heure de sa vie où, fort des œuvres passées qui ont fait sa renommée, il peut rêver d’œuvres futures, originales, per
sonnelles, et qu’il présentera au public avec l’autorité du talent qui s’impose. C’est le plus beau moment d’une car
rière d’homme de lettres, que celle où tout ce qui tombe de sa plume est impatiemment attendu par le public, couvert d’or par les éditeurs, publié sous toutes les formes, traduit dans toutes les langues, et où se manifeste ainsi la puissance de cette royauté littéraire plus enviable que toutes les autres.
Ce qu’elle peut, cette puissance, la reprise de Y Artésienne vient de le prouver. La pièce fut jouée pour la première fois au Vaudeville en 1872, il y a treize ans. Le frère de l’auteur, M. Ernest Daudet, dans son curieux livre intitulé : Mon frère et moi a écrit à ce sujet : « Alphonse Daudet a vêtu cette idylle tragique des plus brillantes parures; il
en a caressé les périodes avec amour comme les stances d’une pastorale ; dans un décor de Provence, il a fait résonner tout le clavier de la passion ; du jour où il a com
mencé cette œuvre, il a eu la fièvre; les perles les plus fines de son écrin, il les avait répandues à profusion dans dans chaque phrase; il a écrit des pages qu’on ne peut lire sans qu’une poignante émotion vous étreigne l’âme. »
Et cependant l’œuvre ne réussit pas.
Mais, treize ans après, elle est reprise. On n’y a rien changé, rien, absolument rien; ce que disaient les personnages, ils le disent de même ; la partition de Bizet qui enca
dre magnifiquement la belle prose d’Alphonse Daudet chantait alors tout ce qu’elle chante aujourd’hui ; et après l’échec de 1872, voici qu’en 1885, le succès s’affirme spontané, éclatant, incontesté.
Que s’est-il donc passé depuis?
Oh ! rien ou presque rien. Seulement, dans l’intervalle, Alphonse Daudet a enfanté quelques superbes œuvres; elles l’ont consacré maître, et maintenant ce n’est plus le public qui s’impose à lui, mais lui qui s’impose au public.
L’ASIE CENTRALE. -— DES MONTAGNES AUX VALLEES
D’après un tableau de M. Vereschagin.
Nous avons déjà plusieurs fois parlé du Turkestan et des mœurs de ses habitants. Sur les neuf ou dix millions d’habitants de cette vaste contrée, une bonne partie vit sous la tente. Nous avons esquissé leurs habitudes guerrières et farouches. Mais les Turkomans ne sont pas seulement guerriers, ils sont aussi pasteur.,, et la nécessité de subvenir à la nourriture de leur nombreux troupeaux
les oblige à émigrer, quand viennent les chaleurs. Cette émigration est, chaque année, l’occasion d’une fête très pittoresque et très animée. Dans le campement, c’est un mouvement inaccoutumé, de bruyantes allées et venues, des cris, des appels, des chansons. La tribu, prête à quitter
la montagne pour descendre dans les vallées où croît une herbe abondante et règne la fraîcheur, dispose tout à cette
intention. Les troupeaux sont rassemblés, les bêtes de somme chargées, les chevaux couverts de leur harnache
ment plus ou moins riche, suivant la fortune de leur propriétaire, et les émigrants eux-mêmes, loin de renfermer dans les sacs leurs habits de cérémonie, comme nous ren
fermons les nôtres dans des malles au moment de partir en voyage, s’en parent au contraire et l’on se met en route gaiment pour cet exode qui durera jusqu’à la fin de la belle saison. Une vraie fête comme vous voyez, et c’est cette fête qui fait le sujet du tableau de M. Vereschagin.
salon de 1885
Choix de paysages.
1. Ch. Gosselin, le Grand-Berneval (Seine-Inférieure).
2. C. Bernier, Le petit bois. 3. P. E. Frère, Un Bivouac.
4. H. Saintin, Gelée blanche, (Côtes de Bretagne). 5 . P. Dieterle, Falaises, sous Criquebeuf.
6. F. Montenard, Embarquement de troupes à bord
d’un transport de guerre, rade de Toulon. 7. L. P. Sauvaige, Temps de Pluie.
8. A. Beauvais, Aux champs, en octobre (Berry). 9. E. Grandsire, Soleil couchant ;—Anvers. 10. T. Abraham, Château de Montmuran. Il. Stengelin, Dunes, en Hollande.
12. L. Boudot, Les prés du Vieux Château (Doubs).
LE TORPILLEUR N° 68
Tout Paris a voulu voir le torpilleur 68 qui a séjourné 48 heures au pont de la Concorde. La foule ne s’est pas lassée un instant de contempler ce mystérieux bateau, de formes étranges, qui cache dans ses flancs, avec une puis
sance de propulsion énorme, ce nouvel engin de guerre, la torpille-poisson, qui chemine entre deux eaux, peut faire brèche dans un grand bâtiment et l’anéantir en quelques secondes.
Le 68 est classé parmi les torpilleurs de ire classe. C’est un bateau capable de tenir la mer, puisque quatre de ses similaires font actuellement campagne dans la Méditerranée avec notre escadre cuirassée, mais il ne faudrait pas croire que ces frêles coques soient faites pour faire croisière, elles sont destinées surtout à la défense des côtes.
Extérieurement le torpilleur ressemble beaucoup à un immense cachalot; peint en gris perle, il laisse voir audessus de l’eau sa coque d’acier surmontée du blockhaus en tôle légère qui sert d’abri au capitaine et à l’homme de barre; deux cheminées, une grande manche à air, le com
pas de route, et le pavillon national qui flotte à la poupe. Pas de mâture.
Ses dimensions sont les suivantes : longueur 33 mètres, largeur 3m28, profondeur de carène 2mÔ2. Sa calaison arrière est de im95 et son déplacement de 49 tonnes. Sa ma
chine, placée au centre du navire, est du système compound à deux cylindres, ceux-ci alimentés de vapeur par une chaudière locomotive de 320 chevaux. Le bateau est divisé en dix compartiments étanches par des cloisons en acier multipliées autant que les besoins du service l’ont permis.
La visite du navire à l’intérieur est des plus instructives. On est forcé, pour aller d’un compartiment à l’autre, de remonter chaque fois sur le pont et de se servir d’échelles en fer verticales qui sont loin d’être commodes. A l’avant-,
les deux tubes lance-torpilles ne montrent que les orifices par lesquels les deux torpilles prennent leur essor, cellesci gisent sous les caissons de l’équipage ; elles sont là, bien
astiquées, luisantes, tout en acier, présentant leur pointe à l’avant, prêtes à être hissées à leur poste de combat. Une cartouche de 300 grammes de poudre sertàleur donner la pre
mière impulsion, nous disons la première impulsion, parce que la torpille porte elle-même son mécanisme de marche, machine très compliquée, qui lui permet de franchir, avec une grande précision, une distance de trois à quatre cents mètres. Le poste des marins, exigu, ménagé dans les formes, est limité par le blockhaus; au delà, en allant vers l’arrière, de com
partiment en compartiment, la chaudière, la machine, la chambre du capitaine, le poste des sous-officiers, et une soute d’approvisionnements.
C’est tout le bateau. En marche et à la mer, pas un seul des treize hommes d’équipage n’est sur le pont, le bateau
à toute vitesse fait 37 kilomètres à l’heure, poussé par une force invisible.
Le torpilleur 68 est, comme on le voit, un lance-torpilles. Au combat, il se jetterait sur l’ennemi à toute vapeur, et à 300 mètres, pointant sur son adversaire, il déchargerait son engin de destruction, projectile animé de sa vie propre et portant à l’avant une charge de 25 kilos de fulmi-coton comprimé.
Les nouveaux torpilleurs que l’on construit aujourd’hui sont à la fois des lance-torpilles et des porte-torpilles, c’està-dire qu’ils pourraient agir comme les torpilleurs qui ont combattu à Fou-Tchéou, en prenant leurs adversaires corps à corps, ce que ne peut faire le 68, et combattre à distance comme le ferait ce petit bâtiment.
Le torpilleur 68 est commandé par M. le lieutenant de vaisseau Martel. Il n’est pas venu à Paris uniquement pour se montrer aux Parisiens. Il procède à une expérience inté
ressante, ce lle de faire passer les bateaux de ce type de la Manche à la Méditerranée par les voies navigables inté
rieures, afin d’éviter le passage dangereux par le golfe de Gascogne et le détroit de Gibraltar. Le 68 va donc couper la France du Nord au Sud, pour reprendre la mer à l’embouchure du Rhône et rallier l’escadrille de la défense mobile à Toulon.
Son voyage s’est effectué jusqu’à présent dans de bonnes conditions, mais de Cherbourg au Havre, il a été si furieu
sement secoué par une grosse mer du travers que tout l’équipage a été en butte à ce malaise particulier qu’on éprouve sur les torpilleurs par mauvais temps et qui, en réalité, n’est qu’une variété du mal de mer.
LA GRANDE TEINTURERIE THUILLIER ET VIRARD
A Darnétal, près de Rouen.
Dans notre numéro du 18 avril, nous avons publié plusieurs vues intérieures des ateliers de la Grande Teinturerie Thuillier et Virard, à Darnétal, près de Rouen ; cel e que nous donnons aujourd’hui en représente la Blanchisserie, dont notre gravure nous dispense de décrire le mouvement et l’admirable agencement.
Depuis 1820 k maison Thuillier et Virard s’est distinguée par les soins, le fini, et les perfectionnements, qu’elle a successivement apportés dans son travail.
Elle a pris le premier rang dans son industrie :
i° Par la teinture des robes de soies au tendeur Kar, qui lui permet d’obtenir les nuances les plus fines, et un uni parfait (elle le doit aussi en partie à la rivière sur laquelle les usines sont bâties, eau très propice pour la teinture).
20 Par son nouveau système d assouplissage donnant à la robe de soie teinte le brillant, la fraîcheur et le moelleux des soieries neuves.
3° Par son nouveau procédé pour le nettoyage à sec, par la Darnetaline, des toilettes de soirées, et des costumes hommes et dames sans les découdre, seul procédé n’alté
rant pas les couleurs, et ne déformant pas (exclusif à la maison).
40 Par sa teinture de châles en réserve, soit cachemires des Indes, ou français.
50 Par la transformation des nuances des ameublements défraîchis, les plus beaux et frais dessins imitant à s’y mé
prendre les plus riches brodés de Lyon, son impression imitant les tapisseries des Gobelins, et styles persans pour tentures.
La réputation de cette maison n’est plus à faire, elle est consacrée par une longue existence, et par l’extension toujours croissante de ses relations non seulement en France, mais aussi à l’étranger et notamment en Belgique, Hollande, Angleterre, Espagne, Italie et en Russie.
Fournisseurs brevetés de S. M. la reine de Hollande.
Cinq médailles aux expositions. Brevetés en France et à l’Etranger.
Le principe de la maison : faire bien, bon marché. Tout envoi de 25 fr. est expédié franco de port.
Pour les renseignements et les demandes d’échantillons, s’adresser aux usines à Darnétal (Seine-Inférieure).
NOTES ET IMPRESSIONS
L’injustice est une mère qui n’est jamais stérile et qui produit des enfants dignes d’elle.
A. Thiers.
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Dans tous les arts il s’agit bien moins, au début, de faire mieux que les autres que de faire autrement, pourvu que
cet autrement soit non pas une prétention, mais un don de nature.
Sainte-Beuve.
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L’expérience a montré que les comédiens 11e s’administrent bien que par eux-mêmes : c’est la seule république du monde où la puissance soit mal exercée par un chef,
Etienne.
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Les nations sans traditions sont des arbres sans racines.
O. Gréard.
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On loue certaines gens d’être « fils de leurs œuvres ». Il me semblerait plus naturel de les complimenter d’en être les pères.
Alcide Dusolier, *
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On est toujours tenté de croire que ce qu’on voit pour la première fois est nouveau.
Jules Troubat.
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Les liens qui unissent les enfants aux parents se dénouent, ceux qui unissent les parents aux enfants se brisent.
G. Droz,
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La noblesse des pensées vient de Dieu; celle des manières s’acquiert par l’exemple et se fixe par l’hérédité.
Anatole France.
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Voulez-vous me faire dire du mal de mon meilleur ami, dites-m’en trop de bien.
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Les esprits étroits sont naturellement entêtés; une idée nouvelle a autant de peine à y entrer, qu’une ancienne à en sortir.
C.-M. Vautour
LA NOUVELLE ERUPTION DU VÉSUVE
NOS GRAVURES