Il fait bien chaud, il fait bien calme, il fait bien sec; et la politique est tout juste comme le temps.
La paix est faite avec la Chine. C’est
bien la paix, cette fois, et les signatures sont données. Mais, franchement, pour faire cette paix-là, ce n’était pas la peine de se battre pendant quatorze mois, de dépenser cent cinquante millions,
de faire tuer dix mille hommes et de faire mourir à la peine l’amiral Courbet.
Car cette paix qu’on vient de signer nous donne tout juste ce que nous donnait le traité de Tien-Tsin et trois millions de moins que ne nous accordaient les offres faites par la Chine avant notre débarquement à Ké-Lung. Yoilà ce qu’il nous en coûte pour avoir été un peu trop pressés à Bac-Lé et pour avoir manqué de sang-froid et de mesure dans les négociations qui ont suivi. « Ces choses-là se paient » disait M. Ferry à la Chambre. Eh ! bien, ce qui se paie le plus cher, ce sont encore les fautes des ministres et l’aveuglement des Chambres. Nous venons d’en faire l’épreuve.
La mort de l’amiral Courbet, plus encore que la paix avec la Chine, provoque ces réflexions médiocrement flatteuses pour M. Ferry. Même, du premier coup, peut-être est-on allé plus loin que la juste mesure.
Dans les couloirs de la Chambre ce n’a été qu’un cri lorsqu’on a appris la nouvelle : « L’amira! est mort ? Ah 1 c’est bien M. Ferry qui l a tué! »
Sans doute, il y a quelque chose de vrai là-dedans; mais c’est pousser un peu loin la sévérité. Le fait est que l’amiral Courbet, fatigué par une campagne pénible — ces mers de Chine sont si dures! — avait de
mandé son rappel après le bombardement de Fou- Théou. L’expédition de Formose, pour plus d’une bonne raison, ne lui plaisait pas. Le climat malsain, la mer sournoise, les ports mauvais, les côtes sans abri,
les défenses de l’ennemi redoutables, tout à Formose l’inquiétait. L’insuffisance de ses forces le condamnait à des échecs d’avance prévus et les dépêches qui lui commandaient — pour des besoins parlementaires — des victoires à jour fixe achevaient de rendre meurtrière une campagne que ses difficultés naturelles rendaient déjà si pénible.
Toutefois, il a un ennemi qui pourrait bien lui jouer quelque mauvais tour: c’est son manque de décision.
Yoilà deux ou trois fois déjà que, par des hésitations malencontreuses, il annule l’effet de ses succès. A pro
pos des funérailles de Yic or Hugo, s’il eût lui-même pris l’initiative de proposer le Panthéon, il se fut acquis auprès des masses une popularité dont il aura peine à ressaisir l’occasion. Dans nos relations exté
rieures, après s’être bien tenu — non sans succès — dans l’affaire du Bosphore, il vient de fléchir plus qu’il ne faudrait dans l’affaire de Tunis. Cela ne lui fait pa , quant à présent, grand tort, mais c’est de mauvais augure pour les difficultés à venir.
Quand je vous disais que cette affaire de Tunis ferait quelque bruit, je ne pensais pas que l’explosion dût en être aussi immédiate. Or, depuis quelques jours, les journaux en sont pleins. On s’accorde généralement à reconnaître que tout ne va pas pour le mieux dans no
tre royaume barbaresque. Les autorités françaises y sont en plein conflit, un conflit à quatre, un conflit croisé — comme un quadrille de lanciers — et la Tu
nisie goûte — sans grand plaisir, à ce qu’il semble — les douceurs de l’anarchie. M. le ministre-résident Cambon est en guerre avec M. le général commandant le corps d’occupation, M. Boulanger, lequel n’èst pas en paix avec la justice, représentée parle président du
tribunal, M. Pontois, lequel, à son tour, est en parfait désaccord avec M. le ministre-résident. D’ailleurs le bey, Si-Ali, se fâche qu’on le tienne en tutelle par trop serrée, et l héritier présomptif, Taïeb—Bey, sé
questré comme un simple prévenu, réclame vainement la permission de venir en France. Dès qu’il prend un fiacre pour faire un tour de promenade, M. Cambon met l’embargo sur les paquebots qui partent de la Goulette. On le « réconcilie » sans qu’il le sache avec le bey son frère, avec qui, d’ailleurs, il n’était pas le moins du monde brouillé, et on lui supprime, sans autre forme de procès, ses revenus et son traitement. De sorte qu’un de ces jours, on verra dans les rues de Tunis l’héritier présomptif du trône faire le portefaix pour avoir à déjeuner. C’est drôle comme un conte des Mille et une nuits. Mais c’est vraiment trop de fantaisie pour le sérieux du gouvernement français.
Sénat. — Séance du g juin : Commencement de la discussion en première lecture de la loi sur les sociétés de secours mutuels. Discussion générale. Adoption de l’article Ier.
Séance du Il : Suite. — L’article 2, qui règle les conditions de formation imposées aux sociétés de secours mutuels est l’objet d’un long débat entre MM. Lenoël, Lacombe, de Marcère, deGavardie, Tolain, Griffe, Bérenger, auxquels MM. Léon Say, rapporteur, et Denormandie répondent au nom de la commission. M. Allain-Targé, ministre de l’in
térieur, intervient également. Le Sénat renvoie l’article à la commission et la suite de la délibération est ajournée.
Séance du 13 : Nouvelle discussion relative à l’article 2 du projet concernant les sociétés de secours mutuels. Cette discussion est tout aussi confuse que la première et le Sé
nat, de guerre lasse, renvoie la loi à la commission et la retire de l’ordre du jour. — Première délibération de la proposition de loi sur les nullités de mariage et les modi
fications au régime de la séparation de corps. L’article Ier est renvoyé à la commission.
Suède et Norvège. — Le royaume de Norvège, qui possède son ministère particulier, n’était cependant pas admis jusqu’ici à prendre sa part d’influence dans la direc
tion des affaires étrangères ; c’est le ministère suédois seul qui en était chargé. Cette inégalité de droits va cesser pro
bablement. Le roi Oscar II vient de charger les ministres de la justice des deux royaumes de préparer une loi addi
tionnelle à l’Acte d’union de 1815, d’après laquelle trois membres du cabinet norvégien participeraient dorénavant à toutes les délibérations relatives aux affaires extérieures.
Mais, d’après une disposition assez défectueuse de l’Acte d’union, la loi additionnelle adoptée et votée par les Chambres respectives des deux royaumes n’entrera pas immé
diatement en vigueur. En effet, en Suède et en Norvège,
toute modification constitutionnelle doit être votée par deux législatures successives. Par suite de cette disposition, le projet une fois adopté sera mis de côté, et quand les Cham
bres actuelles seront arrivées à l’expiration de leur mandat,
il sera soumis de rechef aux nouvelles Chambres. C’est alors seulement, après une deuxième adoption, que viendra
la sanction royale suivie de la promulgation de la nouvelle loi. Il s’écoulera ainsi environ quatre ans avant que la par
ticipation directe de la Norvège aux affaires extérieures devienne effective et légale.
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Turquie. — Crète. Grâce à l’influence et aux bons offices des consuls étrangers, l’effervescence de la population s’est calmée. Une entente est intervenue entre le gouverne
ment et les délégués chrétiens, et l’Assemblée a repris ses travaux.
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Nécrologie. — M. Houssard, ancien sénateur d’Indreet-Loire. Elu au corps législatif en 1867, comme candidat indépendant; réélu en 1869. Il fit partie du groupe des 116 et vota contre la guerre. En 1871, député à l Assemblée nationale, votant avec le centre gauche, il passa au centre droit après le 24 mai 1873. Elu sénateur en 1876; non réélu en 1879.
M. le général de Chabaud-Latour, sénateur inamovible, né en 1804. Sorti de l’Ecole polytechnique dans le génie en 1822; fut attaché aux travaux de fortifications de Paris; Officier d’ordonnance du duc d’Orléans en Algérie; député en 1837, il siégea jusqu’en 1848 dans les rangs de la majo
rité. Général de brigade en 1853, de division en 185 7; mis dans le cadre de réserve en 1869, il reprit du service au moment du siège et fut maintenu depuis 1871 dans le cadre d’activité sans limite d’âge. Membre de l’Assemblée natio
nale, représentant le Gard au centre droit, ministre de l’in
térieur en 1874, sénateur inamovible en 1877. Grand-croix de la Légion d’honneur.
Le vice-amiral Courbet. — Voir notre article Gravures.
Le prince Frédéric-Charles de Prusse. — Voir notre article Gravures.
du rapport de M. Mesureur sur la dénomination des voies publiques. Conformément aux observations de MM. Strauss et Gamard, le Conseil a repoussé par 42 voix contré 23, sur 65 votants, la proposition tendant à la révision des noms de rues et à la suppression des noms de saints et de saintes.
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Le Journal officiel vient de publier les chiffres du commerce extérieur de la France pendant les cinq premiers mois de l’année 188;. Ces chiffres, comparés à ceux de l’année 1884, indiquent une amélioration notable dans notre situa
tion commerciale. Le chiffre total des importations est de très peu inférieur à celui de l’année dernière. Mais il se décompose d’une façon toute différente. C’est ainsi que l’importation des matières premières a passé de 953,439,000 à 966,586,000, soit une augmentation de treize millions et que l’importation des produits fabriqués est descendue de
258,363,000 à 245,212,000 soit une diminution de treize millions, qui correspond exactement à l’augmentation cons
tatée sur l’entrée des matières premières. A l’exportation,
la différence totale, au bénéfice de 1885, est de quarante millions et demi. L’exportation des matières premières s’est élevée d’environ dix millions ; l’exportation des objets fa
briqués est en augmentation de 36,319,000 fr. C’est un résultat particulièrement heureux et il faut espérer que cette amélioration se soutiendra.
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Grande-Bretagne. — La crise ministérielle. Le ministère Gladstone, mis en minorité dans une question de
finances, le 9 juin, a donné sa démission. On discutait en deuxième lecture le budget des recettes et, à ce propos, un amendement tendant à rejeter toute augmentation des droits sur les esprits et les bières, mais proposant une augmentation correspondante sur les vins.
Les ministres repoussaient l’amendement, et M. Gladstone avait posé la question de cabinet. 264 voix contre 252 ont adopté l’amendement. Les conservateurs l’ont emporté grâce aux parnellistes qui ont voté avec eux.
La reine a accepté la démission du ministre et a appelé le marquis de Salisbury à Balmoral, où elle se trouve en ce moment. Le marquis de Salisbury a accepté la mission de former le nouveau cabinet.
En tout cas, la mort de l’amiral Courbet a produit une impression très vive. La séance de la Chambre a été levée en signe de deuil et il est certain que des funérailles splendides seront faites à l’amiral.
Puis, il y a un résultat politique dont il faut bien tenir compte : c’est le discrédit immédiat qui en rejaillit sur M. Ferry.
Depuis trois semaines, les affaires de M. J. Ferry vont mal. La débâcle a commencé par la déroute de M. Lelièvre dans l’interpellation sur les désordres du
Père-Lachaise. Il est vrai que les ferrystes avaient bien fait tout ce qu’il fallait pour se mettre en mau
vaise posture. Dès l’avènement de M. Brisson, ils avaient montré leur dépit du pouvoir perdu, affiché la prétention de le reprendre presque tout de suite. C’é­
tait là une maladresse. En effet, tout ministère qui débute a droit à sa lune de miel. On lui fait nécessai
rement crédit pendant six semaines et, n’ayant pas encore commis de fautes, il n’est p3s « renversable » avant ce premier délai.
Donc la tentative de M. Lelièvre, imprudente par elle-même et rendue plus téméraire encore par l’insuffisance absolue de son auteur, fut une déroute complète.
Or, en politique et dans le monde parlementaire, le courage n’est point obligatoire et la prudence est re
commandée par l’égoïsme électoral. Aussi, dès que les cent cinquante « flottants » du centre virent la déroute des ferrystes, il leur vint un commencement de convictions radicales très marqué. L’échec de M. Lelièvre leur ouvrit les yeux sur les fautes de M. Ferry et la victoire de M. Brisson acheva de leur démontrer que le salut delà France était dans le portefeuille de M. Brisson.
Cette évolution naturelle, concordant avec la scission dont j’ai déjà parlé entre les gambettistes et le centre gauche, a définitivement consommé la dissolution de rex-maiorité ferrvste. Maintenant, le ministère actuel — sauf les grands imprévus — est absolu
ment assuré de faire les élections. Et s’il les réussit, il peut durer longtemps.
Chambre des députés. — Séances des 9 et Il juin : Suite de la discussion de la loi sur le recrutement. Dans la séance du Il, le contre-projet de M. Reille sur la section relative aux dispenses est repoussé, ainsi qu’un amendement de M. Freppel, tendant à exempter les séminaristes. — Au commencement de la même séance, M. de Soubeyran a adressé une question à M. de Freycinet, ministre des affaires étrangères, sur le décret du gouvernement égyptien, en
date du 12 avril dernier, lequel autorise un prélèvement de 5 % sur le coupon du 15 avril et sur les coupons ultérieurs. Sur les représentations des puissances, le gouverne
ment égyptien avait promis de rapporter ce décret; mais il n’en a rien fait. Après explications de M. de Freycinet, déclarées satisfaisantes par M. de Soubeyran, l’incident a été clos.
Séance du 13: Suite de la délibération sur le recrutement de l’armée. La Chambre repousse un amendement de M. Freppel relatif aux dispenses en faveur des instituteurs laïques et congréganistes et elle en adopte un de M. Reille aux termes duquel est dispensé du service militaire le frère puîné d’une famille dont l’aîné est impotent. L’ensemble de l’article 19 est adopté.
Séance du 15 : A l’ouvèrture de la séance, le ministre de la marine annonce la mort de l’amiral Courbet, et demande que la Chambre lève immédiatement la séance en signe de deuil. La question est mise aux voix et adoptée à l’unanimité.
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Conseil municipal de paris. — Dans sa séance du 12
juin, le Conseil municipal de Paris a discuté les conclusions
histoire de la semaine