C’est contre eux principalement que se pratique la chasse aux filets.
Le filet est un engin trop connu pour qu’il soif nécessaire d’en donner la description; NOus dirons seulement qu’on l’emploie sous deux systèmes différents : le système hori
zontal, c’est le plus commun, la règle générale, et le système vertical qui n’est guère qu’une exception.
Le premier est destine à prendre les oiseaux au repos : deux filets, placés des deux côtés d’un sol préparéà cet tffet, ramassés et masqués autant que possible, sont ramenés sur le sol qu’ils recouvrent par un mouvement de bascule que leur impriment les cordes dont l’extrémité vient aboutir a la main du chasseur. L’action de détendre le filet se dit tirasser.
Les filets verticaux sont destinés à prendre les oiseaux à la volée. Ce sont des barrières agressives, si NOus pouvons employer cette expression ; il y en a deux espèces : Iaparatière et l’iragNOn, que NOus aurons occasion de faire connaître plus tard.
La chasse aux filets est fort répandue dans tout le midi de la France, entre les Pyrénées et la Garonne surtout. Elle a généralement lieu en automne, lorsque les NOuvelles couvées se rendent du NOrd au midi. Quelques-uns en font une spé
culation assez lucrative ; tous y cherchent le plaisir et s’y li
vrent avec une ardeur qui dégénère souvent en passion, et fait abandonner à des hommes, quelquefois sérieux du reste, leurs familles, leurs affaires, leurs habitudes et jusqu’aux besoins si impérieux de la NOurriture et du sommeil.
Pour réussir, cette chasse exige trois conditions principales : un bon poste, de bons appeaux et un habile chasseur.
11 faut un bon poste, parce que les oiseaux ne passant et ne s’arrêtant qu’en certains lieux que l’usage fait connaître, il serait inutile de les attendre ailleurs.
Il faut de bons appeaux. On désigne sous ce NOm les oiseaux captifs dont la présence, les manœuvres ou le chant déterminent les oiseaux voyageurs à s’arrêter. Les plus im
portants sont ceux fixés à une bascule que le chasseur fait jouer en la tirant par une ficelle. La secousse que les appeaux éprouvent leur fait perdre l’équilibre, et, pour le retrouver, ils sont obligés de déployer leurs ailes et de voler aussi haut que le permet le lien qui les retient. C’est le plus puissant des moyens que puisse employer le chasseur. La bascule se compose d’une planche ou d’une simple baguette à laquelle l’appeau est attaché par un corset. Ce vêtement, dont le but n’est pas de redresser la taille de ces pauvres bêtes, consiste en deux morceaux de ficelle réunis au milieu par un nœud de façon à former une croix ; ce nœud se pose sur le dos à la naissance du cou : deux des bouts passent sous les ailes par derrière, les deux autres viennent les rejoindre en passant par devant, et un gros nœud les réunit tous quatre sous le ventre ; de cette manière l’appeau se trouve enchaîné sans perdre la faculté de mouvoir ses jambes et ses ailes. Il y a toujours sur le sol deux appeaux à bascule ; dans la chasse aux palombes on en place aussi sur les arbres voisins. On met encore sur le sol d’autres appeaux fixés à la terre et qui n’ont aucune manœuvre à exécuter, mais seulement à paraître et chanter. Les chasseurs négligents les attachent quel
quefois par la patte ou les ailes : ces méthodes vicieuses
ont pour résultat de donner aux appeaux une position forcée plus propre à effrayer les oiseaux qu’à les attirer, et de leur faire subir des tortures qui se terminent par la mort ou la liberté acquise au prix de quelques bouts d’ailes. Pour les petites espèces on a des cages contenant quarante ou soixante appeaux dont le rôle est de chanter et d’arrêier par ce moyen les oiseaux voyageurs, en même temps que d’avertir le chas
seur de leur approche. Enfin, dans la chasse aux palombes on emploie des poulets, appeaux tout à fait libres, à partie mouvement des ailes retenues par un lien invisible. Souvent, soit défaut de talent, soit ennui de la captivité, ces pau
vres bêtes refusent de jouer le rôle qu’on leur impose. Aussi un bon appeau est-il sans prix.
Il faut enfin un habile chasseur. Les moyens étant basés sur les habitudes et les instincts de chaque espèce ont né
cessité de curieuses études de mœurs. Un bon chasseur doit en posséder la connûssance parfaite, et pouvoir, sans le secours du sifflet, imiter léchant de l’oiseau au point que ce
lui-ci n’éprouve aucune défiance. A la simple inspection de l’atmosphère il sait dès le matin si le passage sera considé
rable, quelles seront les espèces, à quelle hauteur s’élèvera leur vol, enfin, à peu de chose près, quel sera le résultat de ses efforts. 11 est d’ailleurs des chasses et des circonstan
ces plus difficiles les unes que les autres, et, dans certaines, un chasseur maladroit n’obtiendrait aucun résultat.
Les espèces voyageuses sont NOmbreuses ; les plus grandes sont imprenables, même au fusil; leur sauvagerie est extrême, et la puissance de leurs ailes leur permet de voler trop haut et de s’arrêter trop rarement pour qu’on puisse espérer de les atteindre; aussi n’est-ce que par hasard que l’on parvient à se rendre maître de quelqu’un de ces oi
seaux égarés. Les grues, les cigognes et les cygnes n’offrent d’ailleurs qu’un mets peu propre à tenter l’avidité du chas
seur. De toutes les espèces auxquelles on tend le filet, la plus importante est celle des pigeons sauvages ; on en distingue deux variétés : le ramier et la palombe; cette dernière, beaucoup plus grosse, est celle que l’on voit apprivoisée dans le jardin des Tuileries.
La palombe est l’objet d’une chasse fort importante dans les gorges des Pyrénées. Le dessin de M. Longa représen e celle qui se fait à l’entrée de la vallée de Campan, près de Bagnères.
Entre ces hautes montagnes qui dominent la ville, à l’entrée de la gorge, s’étend un éNOrme filet vertical du genre de ceux connus sous le NOm depantières. Il suffit, pour le faire relomber, de lâcher certaines cordes qui le retien
nent en passant sur des poulies. Les chasseurs, moulés sur des trépieds en bois tellement élevés qu’ils dominent les ar
bres, sont rangés sur la ligne que les palombes doivent suivre. Lorsque le vol passe à sa portée, le premier chasseur lance à plusieurs reprises un engin représentant un épervier
aux ailes déployées, qu’il retire à lui au moyen de la corde qui le retient pour le lancer de NOuveau. Chacun des chas
seurs suivants en fait autant, à mesure que le vol avance, et pousse de grands cris qui retentissent jusque dans la ville. Effrayées par la vue de ces ennemis et, par les cris qu’elles entendent, les palombes abaissent continuellement leur vol, et finissent par se précipiter au fond du défilé. Là les attend la pantière, qui, au moment donné, glisse sur les poulies et les recouvre de son ampleur.
Cette chasse est très-productive ; aussi est-ce la spéculation, et NOn un but d’agrément qui la fait entreprendre.
Il n’en est point ainsi de celle qui se fait dans la plaine, dans les landes particulièrement ; cetfe dernière réunit sou
vent l’utilité au plaisir. Comme elle n’a pas lieu à la même époque, le même chasseur peut entreprendre l’une après l’autre.
Là, le système est tout à fait différent. On choisit un poste élevé, un plateau dominant les alentours et couvert de bois touffus, de chênes surtout. Les palombes sont très-friandes de glands, dont elles avalent des quantités prodigieuses. Une clairière praliquée dans la direction du NOrd, d’où elles viennent, les attire vers le poste choisi et permet de les aper
cevoir à l’avance. Une cabane, ordinairement très-vaste et recouverte de feuillages, sert d’abri au chasseur. A celle des extrémités de la cabane qui regarde l’orient s’étend un sol, sur lequel sont fixés de lourds filets masqués par une guir
lande débranchés de pin. Sur ce sol, et au faîte des arbres les plus élevés, sont placés des appeaux à bascule, que le chasseur fait jouer au moyen de ficelles. Pour empêcher ces pauvres bêtes de se livrer à des écarts qui pourraient com
promettre le succès de la chasse, on les prive de la vue en leur crevant les yeux, ou en attachant leurs paupières avec des épingles.
Dès qu’un vol apparaît, le chasseur s’efforce, par le jeu des appeaux placés sur les arbres, de lui faire faire une sta
tion à côté d eux. Ce premier succès obtenu, etceri’est pas facile, les appeaux du sol doivent seuls jouer. C’est ici que
l’intérêt se fait jour et que le drame commence. Le chasseur rassemble tous ses moyens et commande l’attention. Les hommes observent, les femmes s’efforcent de se taire, car il est défendu de parler ; mais on peut, en revanche, siffler à volonté : la palombe, qui n’a jamais vu d’autre lustre que celui qui, sous la voûte des cieux,
.........................se balance
Comme une lampe de vermeil,
ne redoute pas ce bruit strident dont seraient si fort émues les colombes mieux apprivoisées de la tampe.
Il faut quelquefois des miracles de patience et de ruse pour vaincre l’obstination des palombes à demeurer sur les branches. Le dernier moyen qu’on emploie, en désespoir de cause pour ainsi dire, consisle à envoyer sur le sol lespowlels, appeaux libres en apparence, mais dont les ailes sont retenues par un lien invisible. Préparés par un long jeûne, ils dévorent les grains épars sur le sol avec la tranquillité et la feinte bonhomie de traîtres qu’ils sont. La séduction est bien puissante pour des colombes, et de plus forts peut-être succomberaient aux invitations des sentiments les plus éner
giques, l’amour et l’amitié, réunies aux aiguillons de la faim. Aussi les voit-on successivement descendre et venir, NOn pas sans défiance, fraterniser au milieu des embûches. On n’attend pas que le succès soit complet; des fusils sont pré
parés pour les retardataires demeurés sur les branches. Chacun prend le sien, et, au signal donné, filets et fusils partent à la fois.
Qui pourrait dépeindre la joie du chasseur lorsque sous les filets épandus se débattent de NOmbreuses pa ombes!
c’est une de ces jouissances qui sont n fusées aux profanes. Et à quel prix n’est-elle pas achetée! Un bon chasseur ne quitte sa cabane que pendant les heures indispensables au sommeil : durant un mois et plus, il se fait ermite, mange
peu, boit moins encore, et oublie le resle du monde. Et tout n’est pas roses dans le métier ! il y a les petites misères, le vent, la pluie et l’épervier ; et puis le chasseur a un cauchemar ; c’est l’amateur de la ville. Ces freluquets à la voix so­ NOre qui viennent par douzaines faire de sa cabane le théâ
tre de leurs ébats et de leurs repas champêtres; ces dames joyeuses et folles qui rient et causent, lorsqu’il serait plus à propos de roucouler, ou tout au moins de siffler, tout cela fait le désespoir du pauvre diable dont le bonheur tient à un éclat de rire ou un à mouvement hasardé. Cette chasse dure un mois et demi.
Malgré sa parenté manifeste avec la palombe, le ramier consent rarement à se laisser prendre avec elle; comme la tourterelle, que son inNOcence proverbiale ne parvient pas à dérober aux mains avides des hommes, on le chasse dans les champsctautres lieux découverts avec quelques appeaux sur le sol seulement. La tourterelle que l’on prend ainsi n est point celle que rend si belle son plumage café au lait, rehaus.-é d’un collier NOir, mais une espèce plus petite et d’un plumage grisâtre.
La panlière est quelquefois employée dans les landes pour chasser la bécasse; on la place dans les marais, que cet oi
seau aime à raser de ses ailes, à l’extrémité de clairières ménagées à cet effet au milieu des broussailles.
Pour la perdrix, on emploie des bourses placées dans les sillons des champs, et pour la caille, un filet, NOmmé ti
rasse, dont onia couvre avec le chien qui l’arrête. Ces chas
ses sont prohibées comme nuisibles à la reproduction de l’espèce.
Parmi les petits oiseaux, les ortolans sent sans contredit les plus recommandables. La (liasse se fait en avril ou à la fin de l été. La cabane et le sol offrent en petit la disposition générale de la chasse aux palombes ; on évite seulement, le voisinage des arbres. A T extrémité du solcpposée à celle qu’occupe la cabane, se dressent trois ou quatre arbres dé
pouillés de leur feuillage. Attirés par des appeaux disséminés au loin dans des cages, les oiseaux voyageurs ne man
quent guère de s’y arrêter. Dès ce moment, une bonne part de la besogne est faite; il suffit de faire jouer les app eaux à
bascule jusqu’à ce que le vol ait commencé à descendre; le chenevis fait le resle. Dans quelques localilés, on substitue au filet des cages d’attrape ; c’est plus facile et moins fati
gant, mais moins productif aussi. Les résultats immédiats de celte chasse ne sont pas aussi brillants que l’on pourrait
l’imaginer. En effet, cet oiseau si gras, si blar.c, cenecplus ultrà de la délicatesse sur une table bien servie, n’est, à l’é­
poque où on le chasse, qu’un pelit corps maigre et NOirâtre, dont la saveur ne saurait guère être comparée qu’à celle du moineau. C’est tout dire, et chacun sait qu’ils ne font pas leur NOurriture de cet amer volatile les heureux mortels,
..............................dont la santé fleurie
Semble d’ortolans seuls et de bisques NOurrie.
La nature est obligée d’invoquer le secours de l’art, et ce n’est qu’après lui avoir fait subir une longue captivité dans l’obscurité la plus complète, et avoir amplement fourni à son appétit, qu’on a soin d’aiguiser avec de l’oseille hachée, que Ton parvient à donner à l’ortolan cet embonpoint merveilleux qui en fait tout le mérite.
La chasse dite aux petits oiseaux emploie le même procédé. Les victimes les plus ordinaires en sont la liNOtte, le chardonneret, le verdier, le pinson et les serins sauvages. Toutes ces malheureuses petites bêtes, remarquables par leur plumage ou leur talent musical, n’offrent qu’un mets assez maigre et presque toujours amer. Ils n’en sont pas moins l’objet de la guerre la plus acharnée. Les vignes, les champs et les landes sont couverts de ces chasses, plus faciles que toutes les autres, et c’est là que trop souvent l’enfance, cet âge sans pitié, va se former l’esprit et le cœur.
On fait une chasse analogue à l’alouette connue sous le NOm de cochevis. Seulement les filets sont plus grands, le sol dégarni d’arbres et les cages d’appeaux cachées dans la bruyère. Le cochevis a le vol très-bas, et se pose directe
ment sur le sol, après avoir tourNOyé quelques secondes audessus. La chasse en est fort productive.
L’alouette commune est beaucoup plus difficile; l’espèce acclimatée est absolument imprenable et à la fois indestruc
tible. La voyageuse se laisse prendre, mais au vol seulement. De grands et NOmbreux filets disposés à la suite les uns des autres s’abattent successivement au moment où passe un vol d’alouettes rasant la terre, en sorte que ce qui échappe à l’un vient, en partie du moins, se perdre sous le suivant. D’ordinaire, on aime mieux employer des milliers de lacets de crin plantés dans les sillons, au milieu desquels elle se traîne plutôt qu elle ne vole; car ce n’est qu’au temps des amours qu’elle s’élève verticalement dans les airs, en pous
sant ce petit cri aigu que Dubartas a décrit avec tant de complaisance et si peu de remords de l’hiatus :
La gentille alouette avec son tire-lire, Tire-lire a liré et tire liranlire.
La bergeronnette est l’objet d’une chasse amusante. Ce petit oiseau, ainsi appelé parce qu’il suit les troupeaux, dont on se sert au besoin pour l’attirer sous les filets, doit encore à la couleur grise de sa robe et au mouvement continuel de sa queue les NOms populaires de religieuse et de hochequeue.
Il hante les champs NOuvellement labourés, dans lesquels il trouve les vers dont il fait sa NOurriture. La chasse en est fort simple : de longs filets étendus le long d’un sol toujours fraîchement remué, et sur lequel des appeaux, attachés par un fil qui traverse leurs narines, paraissent tirer des vers de terre; point d’arbres, point de cabane; le chasseur est à découvert ou dans un trou; à 1’approche d’un vol, il lance des appeaux retenus seulement par un corset; oh tirasse avant qu’il ne soit entièrement posé, et il arrive, tant la ber
geronnette est peu méfiante, qu’on peut prendre un vol en plusieurs fois.
Le mûrier se prend au moyen de YiragNOn. Cet engin, qui doit son NOm à la finesse du lil dont il est composé, qui lui donne une ressemblance avec la toile de l’araignée, est com
posé de deux filets en soie verte, l’un à mailles assez larges pour laisser passer un merle, l’autre à mailles plus serrées, mais plus ample que le premier, auquel il se rattache en
divers points. On applique celui-ci conire l’une des extrémités d’une haie, que Ton bat par le bout opposé. Les mûriers font retraite jusqu’à l’autre extrémité. Quand on voit qu’ils ne peuvent plus reculer, on bat avec violence ; alors chaque
mûrier se précipite contre le filet, qu’il ne voit probablement pas à cause de sa couleur verte; il entraîne la partie flot
tante du filet à petites mailles qui s’étend devant lui, et la faisant passer dans Tune des mailles du second filet, se trouve pris dans une sorte de bourse, où il s’enferre si bien, qu’il est souvent difficile de l’en arracher.
NOtre sincérité NOus fait un devoir de l’avouer à la honte du genre humain, le même procédé est encore employé con
tre l’hôte le plus intéressant de NOs bois, le rossigNOl. C’est dans la pairie d’EUeviou et de Malibran que Ton ne rougit point de mettre en brochette le mélodieux chantre des buis
sons! En Provence, on le soumet préalablement au même régime que l’ortolan, auquel, assure-t-on, il ne cède en rien pour la saveur et la délicatesse.
Après avoir lancé Tanalhème sur une pareille profanation, il ne NOus resterait plus qu’à laisser tomber NOtre plume découragée, si NOus n’avions à réparer l omission commise en
vers un intéressant volatile ; NOus voulons parler du canard. Ce que NOus avons à en dire pourrait à la rigueur servir de
transition à la description de la pêche, car c’est avec desfilets de pêcheurs qu’on le prend sur les lagunes des landes.
A la Teste, sur le bassin d’Arcaclion, on lui tend des espèces de forts iragNOns, de deux cenls mèlres et plus de long, où il va s’empêtrer dans les temps de brouillard.
Enfin, à Julliac, on lui faisait jadis une chasse tout à fait pittoresque. Là se trouve un étang, dont l’une des extiémi
tés, se resserrant graduellement en forme d’entonNOir, finit par un étroit passage qui communique avec un petit réser