Baie offrent d’excellents mouillages, et le pays environnant, riche et fertile, fournit la majeure partie des approvisionnements nécessaires à l’armée navale.
L’ingénieur Blondel donna le plan du second port océanien. Les travaux commencèrent au mois de mai 1666, sous la direction de Colbirt de Terron, alors intendant général de la province. Six mois après, des chantiers étaient fondés ou construits, des habitations édifiées, une ville peuplée, et la flotte du duc de Beaufort, grau 1 maître de la marine, venait désarmer dans le NOuvel arsenal.
_ B.ondel n’avait tracé que l’ébauclie d’un port de construction et d’expédition, et jeté à la hâte, sans prendre le soin de les coordonner, les établissements dont on avait le plus pressant besoin. En effet, sur une étendue de d«ux mille deux cents mètres, le long de la rive droite de la Charente, on peut remarquer encore trois grandes divisions.
L i première, au sud, en partant da i’avant-garde, comprenait le magasin général, les grandes forges, et quelques au
tres ateliers. Elle était séparée de la ville par le chenal de la Cloche, sur lequel s’élevait une porte d’entrée, qui a été démolie au commencement du sièle.
Dans la seconde partie se trouvaient l’ancien château seigneurial, devenu la résidence du commandant et des ingé
nieurs de la marine ; puis une partie de la Maison du roi, où logeait l’intendant général; venaient ensuite la corderie et le magasin des colonies, à l’arrière-garde.
La troisième, tout à fait isolée des deux autres par le chenal du port marchand, composait le chantier de la Vieille- Forme, chantier qui doit son existence au rocher dans lequel a été creuse le bassin de raloub. Eu face s’élevaient deux édifices contemporains : le bel établissement des subsistances et le vieil hôpital, aujourd’hui la caserne Joinville.
Le port de ffochefort, tout imparfait qu il était alors, contribua, par ses armements, aux glorieux succèsde NOtre marine sousde grand roi. Aussi cet arsenal donna-t-il de i’ornbrage aux ennemis de la France. Le4 juillet 1674, soixante-quinze bâtiments de guerre, commandés par 1 amiral Tromp, essayèrent vainement de le détruire. Dix ans après cet événe
ment, peu s’en fallut qu’on ne portât l’arsenal maritime à la fosse du Vergeroux, près de l embouchure du fleuve.
Tel qu’il existe aujourd’hui, le troisième port du royaume offre uu coup d’œil assez pittoresque. De l’arrière à l’avantgarde, ia Giiareate décrit un arc dont la courbure est peu sensible. G ;tte ligne de deux, mille mètres de développement est garnie de treize pontons d’amarrage flanqués de navires de diverses grandeurs ; d’une machine à mater flottante, dont les agrès se mêlent, dans la perspective, à ceux des bateaux de servitude , à ceux de quelques bâtiments armés et du vaisseau amiral, aux cheminées et aux mâts des élégants paquebots à vapeur. Puis, d’instant en instant, le taôh-au s’anime et varie par le mouvement simultané des caboteurs du corn tierce qm se croisent pour échanger les eaux-devie, les vins, les denrées de la Haute-Charente, contre les bois Ju Njrd, les ters et les houilles de l’Angleterre.
Les quais, spacieux, parsemés de piles de bois, coupés par des clunaux, bordés d’appontements, de grues, sont ombragés et accidentés pir de belles plantations. Des cales de con
struction, à toitures fixes ou mobiles, s’élèvent de distance en distance, portant sur leurs plans inclinés les coques de vaisseaux, frégates, corvettes légères, qui n’attendent plus que quelques bordages pour glisser dans le fleuve, au bruit des houras de la foule curieuse. Ici, le superbe moulin scieur de long, à ia taille élancée, ceint d une élégante galerie; là, le moulin dragueur, aux formes baiaves, séparés l’un de l’autre par le double bassin de carénage fermé d’un bateauporie, entouré de caNOns-bornes réunis par des chaînes;
plus loin, le parc aux ancres, les parcs aux projectiles et aux bouches à feu; enfin, la barrière de l’arrière-garde.
Une large chaussée eu pavés de granit, parallèle au cours du fleuve, sépare les bâtiments hydrauliques des édifices de l’Arsenal placés au second plan. L’atelier aux artifices, dont l Illustration (1) a fait connaître la catastrophe, et l’ancien atelier de la mâture, avec ses massifs contreforts, ses fenê
tres en plein cintre et sa toiture ardoisée, se font remarquer d abord. Viennent ensuite le NOuvel atelier des petites for
ges, dont la charpente est en fer; le magasin général, avec sa longuelile de mansardes surannées, ses cours entourées de bâtiments, ses belles salles garnies de marchandises. Par derrière est le bagne, dont le personnel de neuf cents forçats est logé dans deux anciens magasins aux futailles, entre une cour spacieuse et de vastes jardins potagers, qu’envahissent les empilements de bois, au NOrd est l’entrée de l’atelier de la sculpture, avec sa jolie façade -couronnée d’un fronton aérien, qui correspond à la salle des modèles, ouest renfermée une belle collection en miniature des objets d’art du maté
riel naval. Puis, çà et là, des ateliers, des hangars pour abriter les bois, une belie halle de travail, où est établie ia menuiserie; l’atelier des tours aux métaux, où fonction
nent, mues par ia vapeur, tant d’ingénieuses machines. En avant est le vieux et NOir atelier des grandes forges, masqué par le pavillon du génie maritime, jolie construction ornée d’arcades, entourée de gazon et d’arbres touffus. De l’autre côté du chenal de la Cloche s’élève la direction du port, monument d’un style sévère, dont les larges balcons repo
sent sur des colonnes pestum. En face, un beau massif de marronniers répand sur le quai la fraîcheur et l’ombrage. Plus loin, l’ancien châ eau seigneurial se montre flanqué de ses tourelles féodales, vieilles de huit siècles passés. Ce fut
le dernier séjour des intendants de l’armée navale, créés et détruits par la restauration.
Les bureaux du commissariat occupent cette résidence, naguère si somptueuse. Le beau portique d’entrée de l’ar
senal, orné de sculptures, garni de grilles formées de lances aux fers dorés, précédé d’une double colonnade latérale, fait un contraste imposant avec les murailles grises de l’antique maNOir. Ici s’élèvent les élégants pavillons de la presse
(1) Volume IX, page 357.
hydraulique, destinée à l’épreuve des câbles-chaînes ; là, l’ancienne église paroissiale transformée en magasin, sur
montée d’un clocher sans flèche, où se trouve établi un mât télégraphe avec la cabane du guetteur. Plus loin, la belle galerie vitrée de l’hôtel de la préfecture maritime, qui reçut Napoléon à l’apogée et au déclin de sa puissance : en 1808, en 18I3 ! La restauration y envoya ses princes : le duc, puis la duchesse d’Angoulême, puis l’aventureuse duchesse de Berry. Cet hôtel, avec son parc d’épais massifs et de bosquets pleins de fraîcheur, fut la première habitation des inten
dants généraux de l’ancien régime. Louis XiV en traça les limites, avec l’ongle de son pouce, sur le p an qui lui était présenté. Au bas de la terrasse du parc, longé par une cour spacieuse, plantée de deux rangs d’ormeaux, vient le vaste atelier de la corderie, composé de trois pavillons dans le style de Mansard. C’est le plus ancien édifice de l’arsenal. Enfin, ia direction d’artillerie, bel établissement moderne, élevé sur les ruines de l’ancien magasin des colonies, forme les limites de l’arrière-garde.
Au delà du chenal du port marchand, dans un redan au NOrd de la ville, sur une étendue de deux cents mètres, on voit le chantier de la Vieille-Forme. Quelques ateliers,
une poudrière, des hangars, deux cales de construction et le bassin de radoub composent cette annexe du grand arsenal.
Dans l’intérieur de la ville, la marine possède plusieurs établissements, tels que l’ancienne fonderie de caNOns, le tribunal maritime, des casernes, etc. Extra-muros s’élève le magnifique hôpital qui n’a de rival en Europe que celui de Plymouth. En face de l’entrée est le cours d’Ablois, belle avenue plantée de quatre rangées d’ormes.
III.
LORIENT.
Le port de Lorient est situé au fond d’une baie qui s’appelait autrefois le port du Blavet, du NOm d’une petite ville fortifiée qui en défend l’entrée et qui se NOmme aujourd’hui Port-Louis.
A l’époq ne de l’envahisse nentdes Gaules par Jules-César, le poit du Blavet fut I un de ceux que les Vénètes défendi
rent. contre les vaisseaux de D. Brutus. Les autres ports de la côte, depuis Concarneau jusqu’à la Loire, ainsi que ceux de Belle-Isle, offrirent des abris à la flotte romaine, qui livra la terrible bataille que les Vénètes perdirent dans les eaux de Quiberon.
Lors de la première croisade, en 1096, le duc de Bretagne, Alain Fergeat, s’embarqua au port du Blavet avec ses barons et chevaliers pour se rendre en terre sainte. Sous Jean V, faillirai Perhoët sortit du port du Blavet pour aller livrer b itaille à la flotte anglaise, dont il prit quarante vaisseaux et tua deux mille hommes.
Le port du Blavet servit plus tard aux débarquements des Anglais, qui participaient aux querelles des princes bretons, particulièrement lors de la défense deHennebou parla duchesse de Montfort. Jusqu’au règne de Henri IV, ce port demeura en quelque sorte oublié.
Après la découverte de l’Amérique, le commerce maritime de la France commença à prendre un grand dévelop
pement. La marine militaire suivit le même progrès. En sorte que les navires marchands et les vaisseaux du roi venaient se réfugier dans le port du Blavet, les uns pour échap
per aux croiseurs anglais et hollandais, les autres pour fuir les terribles tempêtes du golfe de Gascogne.
Les compagnies des Indes et d’Oecident, dont le roi avait autorisé la formation en 1604, construisirent des hangars pour y déposer les cargaisons de leurs navires. Dès lors Louis XIII fit fortifier le fort du Blavet et la côte aux envi
rons. Par cette raison, la vile fortifiée n çut le NOm de Port- Louis. L’entrée de la baie était fermée le soir par une forte chaîne qui barrait le goulet dans toute sa largeur.
La compagnie des Indes qui venait d’être réformée par Louis XIV, voyant son commerce acquérir une importance toujours croissante, eut besoin de NOuveaux hangars. On choisit, pour les établir, le terrain d’une grande lande sur la rive droite du Scorff, à une lieue de Port-Louis, dans le fond de la baie. En 1689, la compagnie construisit, avec une certaine régularité parmi ces hangars, au milieu des genêts et des bruyères, un village pour les familles qu’elle employait à son service. Cette année-là, madame deSévigné, allant du Porl-Louis à Hennebon, eut. la curiosité de visiter Lorient; elle n’y vit que des magasins et des baraques.
La compagnie des Indes, malgré les dettes dont elle était grevée, menait une existence splendide. En 1714 , elle
sollicitait le reNOuvellement de son privilège et obtenait une prorogation de dix années. En 1717, des lettres-patentes l’autorisaient à faire l’acquisition des terrains sur lesquels étaient depuis longtemps déjà ses hangars et son village. Ou lui avait octroyé le privi.ége exclusif de la baie du Blavet et celui du retour obligé en ce lieu des navires du commerce arrivant dès Indes orientales. Leurs cargaisons devaient payer à la compagnie un droit de port et être vendues ensuite par les agents de celle-ci.
L’établissement éievé sur celte lande inculte est aujourd’hui la cité maritime connue sous le NOm de Lorient, du Breton Loc-Roc-Yan, c’est à-dire lieu du Rocher de Jean.
Le duc de Duras, président des syndics de la compagnie,
arrangea lui-même le NOm de la ville NOuvelle, pour le mettre en harmonie avec sa destination.
En 1728, la compagnie établit à Lorient sa place d’armes et son magarin général. C’est à partir de cette époque seulement que les actionnaires firent bâtir les quais, les chan
tiers de construction, les magasins d’entrepôt, les hôtels des douanes et des gouverneurs, les bureaux des fermiersgénéraux et des agents de la compagnie, des ateliers, des chapelles, des aqueducs, des casernes, un hôpital, des avenues, des places -, etc. En 1768, la compagnie avait à Lorient trente-cinq vaisseaux ou frégates et plusieurs bâtiments de neuf cents à quinze cents tonneaux, y compris
quelques frégates de combat. La compagnie avait ses cours des comptes, ses bureaux, ses matricules séparés de la marine royale; son corps d’officiers, tous fort instruits et fort distingués, ses lois réglementaires, ses uniformes, son pavillon, son sceau, ses armes.
Jaloux de tant de propriétés, les Anglais projetèrent de détruire Lorient. Le 26 avril 1746, ils débarquèrent un corps de six mille hommes, dans la baie de Pouldu, à deux lieues de ia ville, et la caNOnnèrent durant trois jours. Ef
frayés d’entendre battre la générale sur les remparts et dans les rues, les ennemis se rembarquèrent avec précipitation, abandonnant quatre caNOns et un mortier.
Après des pertes, des infidélités, des malheurs, voire même des trahisons dans l’Inde et en France, la compagnie se trouva ruinée. A cette époque, c’est-à-dire en 1769,1e matériel du port de Lorient fut évalué 12,763,117 livres tourNOis. Qu’on juge par là de ce qu’il pouvait valoir au temps de sa splendeur.
En 1770, la compagnie des Indes étant dissoute, le commerce fut déclaré libre, et l’intendant de la marine à Brest vint à Lorient prendre possession, pour le roi, du port, des vaisseaux et des magasins qui appartenaient à la compagnie.
En 1796, on y forma un bagne qui depuis a été consacré aux militaires condamnés pour insubordination.
Eu égard à son importance relative, le port de Lorient est assurément le mieux pourvu en magasins, chantiers, ateliers
et édifices de toute espèce. La compagnie des Indes y avait élabli, sous ce rapport, une profusion dont profite aujourd’hui la marine de l’Etat.
Les projets d’agrandissement conçus jadis par la compagnie, et qu’elle n’avait pas eu le temps de poursuivre, ont été à peu près exécutés. En outre, on a tenu compte, dans les constructions NOuvelles, des progrès des sciences et des arts. C’est ainsi qu’un atelier de machinerie et une fonderie
qui peut couler des pièces de fortes dimensions, ont été créés au port de Lorient. A ces ateliers se sont groupés ceux qui emploient des machines et des tours, tel qïie la poube
lle, par exemple. On y voit aussi l’ingénieuse machine à tyesser les dunes de pavillons, la fonderie et P atelier d ajus
tage-, dans ia Prée-aux-Vases, un atelier de mâture; dans l’emplacement du Petit-Hôtel, un réservoir pour la distribution des eaux potables.
On remarque dans le port l’hôtel de la préfecture maritime la salle des ventes, le. parc d’artillerie, la machine à mater, la poulierie, les cales couvertes, la tour des signaux située sur une éminence au sud du port. Frappée trois fois par la foudre en 1731,1782 et 1784, cette tour s-rt aujour
d’hui de phare et d’observatoire. De ce point on découvre un admirable paNOrama. D un seul coup d’œil on embrasse le plan de l’arsenal, ses établissements, ses chantiers, ses vais
seaux et ses beaux jardins. La ville se déploie au delà, et l’on s’étonne de la régularité des rues spacieuses, des places et des cours. Le lazaret-est situé entre Lorient et le Port-Louis.
La gravure qui accompagne NOtre article présente l’ensemble du port militaire. A gauche est l’ancien bagne qui sert aujourd’hui de caserne aux équipages de ligne. Derrière cet édifice se trouve le port marchand. Au centre s’é­
lève la tour don! ou a parlé ci-dessus ; ensuite vient le grand
bâtiment qui contient des bureaux du commissariat et des magasins; à côté sont les anciens magasins de la compagnie des Indes ; en avant est la chapelle du port avec son petit clocher; puis enfin viennent à la dernière limite de l’arsenal, les cales couvertes.
Tel est le quatrième des grand:; ports militaires de France. On ne trouve à critiquer, pour la rade, que le peu de pro
fondeur delabaie, qui s’envase continuellement et ne peut déjà plus recevoir des vaisseaux de premier rang.
V. TÉNAC.
La Casdami Voir page 6.
II.
Deux mois environ s’étaient écoulés. Installé dans ses désagréables fonctions, André Lambert y déployait ce zèle, cette ardeur dont la jeunesse est prodigue, et que les vieil
lards utilisent en souriant. Bien décidé à faire son chemin, il réclamait comme un privilège toute mission un peu dange
reuse, et avait déjà mérité une place hoNOrable dans la haine des contrebandiers roussillonnais. Il savait fort bien ce qu’il risquait en les bravant ainsi; mais l’ennui profond dont il s’était senti atteint, dès les premiers jours de sa résidence au fond d’une province où rien ne lui rappelait sa joyeuse vie d’étudiant, lui rendait véritablement le courage assez facile.
Depuis sa première rencontre avec la Zingara dont NOus
avons esqubsé le portrait, ii l’avait revue plusieurs fois, tan-’ tôt sur les routes qu’il parcourait à cheval, tantôt au milieu de la foule que le marché de chaque quinzaine amenait à Céret. Jamais elle n’avait fait semblant de le reconnaître; ja
mais elle n’avait répondu au sourire méprisant qu’il lui avait décoché en manière de reproche; et certain jour où, plus bavard qu’à l’ordinaire, iliuidemandas! eilen’aurait pas, par hasard, des cigares à lui vendre, la bohémienne le toisa du regard sans lui répondre une seule parole. C’était le meilleur moyen de n’être pas reconnue au son de sa voix.
Lambert remarqua, du reste, qu’elle n’était pas à beaucoup près aussi active, aussi empressée d’offrir ses services
que la plupart de ses pareilles. Celles-ci se faufilaient par
tout, les jours de foire, colportant des amulettes, des foulards passés en fraude, du linge et des vêtements dont le bon marché surprenant taisait suspecter l’origine. Elle, au contraire
les yeux fixes, les lèvres béantes, errant au hasard dans là ville, ne semblait prendre aucun intérêt aux transactions tumultueuses dont elle était entourée. On eût dit qu’elle cher
chait toujours ou quelqu’un ou quelque chose ; et, soit qu’elle imposât par sa grande taille, par sa force apparente, soit qu’elle eût tous les droits d’une excentricité reconnue