« Que c’est beau! Que c’est magnifique! » et murmurait tout bas : « Je meurs de lassitude! »
« L’empereur se promenait tous les jours avec lui dans les jardins de Finckenstein.
Le pauvre ambassadeur se
trouva un jour dans un grand embarras. Il manquait de hen
né, substance de couleur rouge dont il teignait habituellement ses ongles et la paume de ses mains, et il était aussi honteux de paraître devant l’empereur avec les mains blanches, qu’un
habitué de NOs salons le serait de s’y présenter sans gants.
La conversation roula un jour sur l’histoire d’Alexandre : l’ambassadeur dit que la véri
table histoire de ce prince se
trouvai t en Perse. D’après les indications qu’il donna, et les éclaircissements que fournit M. Jaubert,, l’empereur dut penser qu’elle pourrait faire partie de la collection des manuscrits de la bibliothèque im
périale. Il eut la curiosité de savoir ce qui en était. Un mémoire lui fut adressé en conséquence de Paris sur ce sujet. Mais ce mémoire ne contenait rien de NOuveau ni d’important.
«L’ambassadeur persan partit aussitôt après la signature du traité, pour retourner en Perse. Il fut suivi de près par le général Gardanne, aide de camp de l’empereur, qui fut accrédité en qualité d’ambassadeur auprès de la cour de Té
héran. D’habiles officiers fran
çais que l’empereur envoyait en Perse pour y servir d’instructeurs et d’auxiliaires fu
rent ad oints à la légation. Le général Gardanne alla à Téhéran avec l’espérance d’y retrou
ver un trésor que son grand-père y avait autrefois enfoui. Mais ses recherches furent vaines. »
L’ambassade dugénéral Gardanne n’eut pas les résultats qu’en espérait Napoléon. Dès que les Anglais avaient été instruits du départ de cette ambassade, ils s’étaientempressés d’envoyer au shah de Perse sir Harford Jones, avec de
riches présents. En approchant de Téhéran, l’ambassadeur anglais ht dire au shah qu’il n’entrerait dans la capitale que lorsque les Français l’auraient quittée. Grand fut alors l’embarras du shah. Il e- prouvait un vif désir de posséder les pré
sents des Anglais, et ie NOm seul de Na
poléon lui causait un
tel effroi, qu’il n’osait pas dire au général Gardanne de partir.
Sur ces entrefaites, un seigneur de sa cour qui avait beau
coup voyagé, Mirza- Aboul-Hassan-Khan, conseilla au géné
ral Gardanne de fein
dre de la colère, de se retirer à une jour
née de marche, et le shah, effrayé, « ne manquerait pas, lui disait-il, de le con
jurer de rentrer. »
Le général Gardanne suivit cet avis, mais on ne le rappela pas, et tandis qu’il sortait par une por
te, sir Harford Jones entrait par l’autre. Depuis cette épo
que , Mirza-Aboul - Hassan-Khan reçoit
25,000 fr. par an de la compagnie des Indes. Pour se ven
ger du tour que les Anglais avaient joué à son ambas
sadeur , Napoléon déclara la guerre à la Perse.
Malgré cette déclaration de guerre qui n’a pas été abrogée, la France a reNOué aveclaPerse des relations diplomatiques. Charles X avait fait NOtifier au shah son avènement au trône, et, dans ces dernières années, l’espèce d’ambassade de
Hussein-Khan a été suivie de celle de M. le comte de Sercey. « Quoique l’ambassade de M. de Sercey n’ait rien produit, dit M. Fontanier, elle n’était pas moins nécessaire pour régu
lariser NOs relations avec la Perse ; ce dont on aurait dû s’é tonner, c’est qu’on y eût songé si tard.... La mission de M. de Sercey, ajoute-t-il, quoi qu’elle n’eût qu’un but ap
Principaux serviteurs de l’ambassadeur de Perse.
parent de politesse, n’est pas moins la cause première des succès qu’ont obtenus les envoyés qui l’ont suivi et de l’ar
rangement que l’on vient de conclure afin que les Français soient, dans les Etats du shah, traités comme les sujets des
nations les plus favorisées. Elle n’inspira pas moins quelque dépit aux Anglais : ils en plaisantèrent, disant qu’elle avait été fort mal reçue. 11 est très-vrai que le chah, obsédé tan
tôt par les Russes, tantôt par les Anglais, s’écria quelque
fois les larmes aux yeux : « Mais laissez-NOus en paix :
NOus ne voulons ni de votre commerce ni de votre civilisa
tion ; si vous avez entre vous de l’inimitié et de la jalousie, allez vous disputer ailleurs, ne prenez pas mon pays pour champ de bataille, ne le rendez pas victime de vos querelles. » Comme l’ambassadeur français n avait de riva
lité avec personne, peut-être fut-ce la cause d’une bonne réception qui, comme on voit, a porté ses fruits. »
Enfin le shah de Perse vient d’envoyer au roi des Français un ambassadeur qui paraît aussi authentique, qu’on NOus permette ce mot, que celui que Napoléon avait reçu à Finckenstein, car on prépare pour lui et pour sa suite le palais de l’Elysée-Bourbon. Il doit arriver prochainement à Paris. En ce moment il se re
pose à Toulon des fatigues de la traversée. Il se NOmme Mo
hamed-Ali-Kan. Il a cinquantequatre ans. Il est ministre des affaires étrangères. Il a amené avec lui, outre une dou
zaine de domestiques, son fils Mirza-Abdoul-Vanah, âgé de treize ans, son secrétaire Mirza-Hussein-Khan, âgé de vingt et un ans, et son gendre Mirza-Mahmoud. Arrivé à Toulon le 8 septembre à cinq heures de l’après-midi par le bateau à vapeur le Cuvier, il a été reçu avec tous les honneurs dus à son titre. Le bâtiment amiral a anNOncé son en
trée dans le port militaire par onze coups de caNOn : toutes les troupes faisaient la haie dans les rues qu’il devait tra
verser pour se rendre à l’hôtel de la Croix-d’Or, et le major général de la marine, le géné
ral de la sous-division et le sous-préfet ont pris place à ses côtés dans la voiture qui lui était destinée. Toutes les auto
rités civiles, militaires et maritimes de la ville sont allées lui rendre visite le lendemain de son arrivée.
Mohamed Ali-Khan est déjà venu en France en 1818, et il parle parfaitement le français. Il apporte, assure-t-on , des
présents magnifi
ques, entre autres les plus belles topazes qu’on puisse voir pour la reine, et un petit fusil persan en
richi de pierreries pour le comte de Paris. On le dit très-aimable. Il n’a qu’une femme, qu il aime beaucoup et qui lui est fort attachée. Ses enfants lui témoi
gnent un grand res
pect. Il est un peu voûté, quoi qu’il ait une taille assez éle
vée. Son teint est plutôt brun que ba
sané, sa barbe NOire est très-épaisse ; ses yeux ont une expres
sion extraordinaire et ses traits sont remarquablement
beaux. NOtre corres
pondant de Toulon, M.Letuaire, qui NOus a envoyé son por
trait, a groupé dans la même esquisse cinq de ses domesti
ques : celui du milieu est chargé exclusivementde l’entretien de son narguilé, qu’il tient à la main ; à sa droite est son écri
vain, et à sa gauche son valet de chambre. On reconnaîtra l’écrivain au rouleau de papier et à Tencrier allongé qu’il porte à sa ceinture.
Mohamed-Ali-Khan, ministre des affaires étrangères du shah de Perse et ambassadeur à Paris, d’après un dessin de M. Letuaire.
« L’empereur se promenait tous les jours avec lui dans les jardins de Finckenstein.
Le pauvre ambassadeur se
trouva un jour dans un grand embarras. Il manquait de hen
né, substance de couleur rouge dont il teignait habituellement ses ongles et la paume de ses mains, et il était aussi honteux de paraître devant l’empereur avec les mains blanches, qu’un
habitué de NOs salons le serait de s’y présenter sans gants.
La conversation roula un jour sur l’histoire d’Alexandre : l’ambassadeur dit que la véri
table histoire de ce prince se
trouvai t en Perse. D’après les indications qu’il donna, et les éclaircissements que fournit M. Jaubert,, l’empereur dut penser qu’elle pourrait faire partie de la collection des manuscrits de la bibliothèque im
périale. Il eut la curiosité de savoir ce qui en était. Un mémoire lui fut adressé en conséquence de Paris sur ce sujet. Mais ce mémoire ne contenait rien de NOuveau ni d’important.
«L’ambassadeur persan partit aussitôt après la signature du traité, pour retourner en Perse. Il fut suivi de près par le général Gardanne, aide de camp de l’empereur, qui fut accrédité en qualité d’ambassadeur auprès de la cour de Té
héran. D’habiles officiers fran
çais que l’empereur envoyait en Perse pour y servir d’instructeurs et d’auxiliaires fu
rent ad oints à la légation. Le général Gardanne alla à Téhéran avec l’espérance d’y retrou
ver un trésor que son grand-père y avait autrefois enfoui. Mais ses recherches furent vaines. »
L’ambassade dugénéral Gardanne n’eut pas les résultats qu’en espérait Napoléon. Dès que les Anglais avaient été instruits du départ de cette ambassade, ils s’étaientempressés d’envoyer au shah de Perse sir Harford Jones, avec de
riches présents. En approchant de Téhéran, l’ambassadeur anglais ht dire au shah qu’il n’entrerait dans la capitale que lorsque les Français l’auraient quittée. Grand fut alors l’embarras du shah. Il e- prouvait un vif désir de posséder les pré
sents des Anglais, et ie NOm seul de Na
poléon lui causait un
tel effroi, qu’il n’osait pas dire au général Gardanne de partir.
Sur ces entrefaites, un seigneur de sa cour qui avait beau
coup voyagé, Mirza- Aboul-Hassan-Khan, conseilla au géné
ral Gardanne de fein
dre de la colère, de se retirer à une jour
née de marche, et le shah, effrayé, « ne manquerait pas, lui disait-il, de le con
jurer de rentrer. »
Le général Gardanne suivit cet avis, mais on ne le rappela pas, et tandis qu’il sortait par une por
te, sir Harford Jones entrait par l’autre. Depuis cette épo
que , Mirza-Aboul - Hassan-Khan reçoit
25,000 fr. par an de la compagnie des Indes. Pour se ven
ger du tour que les Anglais avaient joué à son ambas
sadeur , Napoléon déclara la guerre à la Perse.
Malgré cette déclaration de guerre qui n’a pas été abrogée, la France a reNOué aveclaPerse des relations diplomatiques. Charles X avait fait NOtifier au shah son avènement au trône, et, dans ces dernières années, l’espèce d’ambassade de
Hussein-Khan a été suivie de celle de M. le comte de Sercey. « Quoique l’ambassade de M. de Sercey n’ait rien produit, dit M. Fontanier, elle n’était pas moins nécessaire pour régu
lariser NOs relations avec la Perse ; ce dont on aurait dû s’é tonner, c’est qu’on y eût songé si tard.... La mission de M. de Sercey, ajoute-t-il, quoi qu’elle n’eût qu’un but ap
Principaux serviteurs de l’ambassadeur de Perse.
parent de politesse, n’est pas moins la cause première des succès qu’ont obtenus les envoyés qui l’ont suivi et de l’ar
rangement que l’on vient de conclure afin que les Français soient, dans les Etats du shah, traités comme les sujets des
nations les plus favorisées. Elle n’inspira pas moins quelque dépit aux Anglais : ils en plaisantèrent, disant qu’elle avait été fort mal reçue. 11 est très-vrai que le chah, obsédé tan
tôt par les Russes, tantôt par les Anglais, s’écria quelque
fois les larmes aux yeux : « Mais laissez-NOus en paix :
NOus ne voulons ni de votre commerce ni de votre civilisa
tion ; si vous avez entre vous de l’inimitié et de la jalousie, allez vous disputer ailleurs, ne prenez pas mon pays pour champ de bataille, ne le rendez pas victime de vos querelles. » Comme l’ambassadeur français n avait de riva
lité avec personne, peut-être fut-ce la cause d’une bonne réception qui, comme on voit, a porté ses fruits. »
Enfin le shah de Perse vient d’envoyer au roi des Français un ambassadeur qui paraît aussi authentique, qu’on NOus permette ce mot, que celui que Napoléon avait reçu à Finckenstein, car on prépare pour lui et pour sa suite le palais de l’Elysée-Bourbon. Il doit arriver prochainement à Paris. En ce moment il se re
pose à Toulon des fatigues de la traversée. Il se NOmme Mo
hamed-Ali-Kan. Il a cinquantequatre ans. Il est ministre des affaires étrangères. Il a amené avec lui, outre une dou
zaine de domestiques, son fils Mirza-Abdoul-Vanah, âgé de treize ans, son secrétaire Mirza-Hussein-Khan, âgé de vingt et un ans, et son gendre Mirza-Mahmoud. Arrivé à Toulon le 8 septembre à cinq heures de l’après-midi par le bateau à vapeur le Cuvier, il a été reçu avec tous les honneurs dus à son titre. Le bâtiment amiral a anNOncé son en
trée dans le port militaire par onze coups de caNOn : toutes les troupes faisaient la haie dans les rues qu’il devait tra
verser pour se rendre à l’hôtel de la Croix-d’Or, et le major général de la marine, le géné
ral de la sous-division et le sous-préfet ont pris place à ses côtés dans la voiture qui lui était destinée. Toutes les auto
rités civiles, militaires et maritimes de la ville sont allées lui rendre visite le lendemain de son arrivée.
Mohamed Ali-Khan est déjà venu en France en 1818, et il parle parfaitement le français. Il apporte, assure-t-on , des
présents magnifi
ques, entre autres les plus belles topazes qu’on puisse voir pour la reine, et un petit fusil persan en
richi de pierreries pour le comte de Paris. On le dit très-aimable. Il n’a qu’une femme, qu il aime beaucoup et qui lui est fort attachée. Ses enfants lui témoi
gnent un grand res
pect. Il est un peu voûté, quoi qu’il ait une taille assez éle
vée. Son teint est plutôt brun que ba
sané, sa barbe NOire est très-épaisse ; ses yeux ont une expres
sion extraordinaire et ses traits sont remarquablement
beaux. NOtre corres
pondant de Toulon, M.Letuaire, qui NOus a envoyé son por
trait, a groupé dans la même esquisse cinq de ses domesti
ques : celui du milieu est chargé exclusivementde l’entretien de son narguilé, qu’il tient à la main ; à sa droite est son écri
vain, et à sa gauche son valet de chambre. On reconnaîtra l’écrivain au rouleau de papier et à Tencrier allongé qu’il porte à sa ceinture.
Mohamed-Ali-Khan, ministre des affaires étrangères du shah de Perse et ambassadeur à Paris, d’après un dessin de M. Letuaire.