viteur de tous les malheureux. Harcelé Souvent par la critique et attaqué par elle plutôt dans ses succès que dans son talent, peut-être mit-il quelquefois dans sa défense tout l’emportement d’imagina
tion si sensible dans ses livres; mais il y aurait de l’injustice à lui reprocher d’avoir plaidé sa propre cause avec cette chaleur passionnée qu’il prête à ses per
sonnages de roman. Les plus vives colères deSoulié n’étaient que des boutades, et, l’accès passé, il vous tendait la main.
Les haines, ou du moins les rancunes littéraires, n’avaient point de racine dans son cœur, et sa modestie égalait sa bonté. Comme il s’était lait de sa plume une mine d’or et qu’elle lui fournissait large
ment de quoi satisfaire les fan
taisies de son humeur libérale et même magnifique, NOus croirions faire injure à sa mé
moire en exaltant outre mesure l’indépendance qu’il sut gar
der; mais il faut le louer, dans ces jours néfastes d’ambitions à tort et à travers et de cupidités sordides, d’avoir été fi
dèle à sa vocation et à son titre d’homme de lettres. Il s’ho
NOrait de sa profession comme d’une dignité; les écrivains,
les artistes, il les accueillait comme des frères; il rendait hommage à l’art jusque dans la personne du plus humble ouvrier de la pensée.
« Il était de ceux, comme l’a dit M. Victor Hugo sur sa tombe, qui ne se courbent que pour prêter l’oreille à leur conscience et qui hoNOrent le talent par le caractère. Dans ses drames, ainsi que dans ses romans, il a toujours été l’es
prit sérieux qui tend vers une idée et qui s’est donné une mission. 11 était de ces hom
mes qui ne veulent rien devoir
qu’à leur travail, qui se font de la pensée un instrument d’honnêteté... Voulant travailler beaucoup, il travaillait vite
là aussi qu’il est mort; mais ne le plaigNOns pas, il a été récompensé par vingt triomphes, récompensé par une grande
et aimable reNOmmée qui n’ir
ritait personne et qui plaisait à tous. Cher à ceux qui le voyaient tous les jours et à ceux qui ne l’avaient jamais vu, il était aimé et il était populaire, ce qui est encore une des plus douces manières d’être aimé. Cette popularité, il la méritait, car il avait toujours présent à l’espritcedoublebutqui con
tient tout ce qu’il y a de NOble et de vrai dans l’homme : être libre et être utile. »
Si NOus avons vu Frédéric Soulié reNOncer de bonne heure à la poésie comme mère
NOurricière, jamais cependant il ne put se résoudre à lui dire un dernier adieu. Au con
traire, le vers resta toujours son langage de prédilection. C’est à la poésie qu’il confia
jusqu’à la fin ses meilleures et ses plus pures impressions : c’est la fée qui, pendant sa vie, lui avait envoyé ses plus beaux rêves, ce fut aussi l’ange qui recueillit son dernier souille. C’est en balbutiant ces vers qu’il s’est éteint :
Je n’achèverai point mon pé
nible labeur;
Plus de récolte, hélas ! imprudent moissonneur,
Hâtant tous les travaux faits à ma forte taille,
Je jetais au grenier le froment et la paille.
De mon rude labeur NOurris
sant ma maison,
Sans m’informer comment s’é­
coulait la moisson !
Portrait de Frédéric Soulié, par Giraud.
celle force qui se résolvait en vigueur pour les penseurs et en puissance pour la foule. 11 vivait par le cœur, et c’est par
NOus n’avons pas cru devoir placer sous les yeux du lec
teur la NOmenclature des œu
vres de Frédéric Soulié: on peut la trouver partout. En résumé, il lègue à ses contemporains, d’autres diront à l’avenir, quatre-vingts volumes de romans et douze pièces de théâtre. Pn. B.
L’Italie, si glorieuse par ses artistes à l’époque de la renaissance, semble avoir perdu à tout jamais le sceptre delà peinture. Les Flamands et les Hollandais produisent avec une
tableaux de genre et le paysage, mais restent inhabiles à la grande peinture. Les écoles de peinture de France et d’Allemagne ont seules une valeur sérieuse aujourd’hui.
Peintures à fresque exécutées par M. Bendemann au château royal de Dresde.
On sait dans quelle direction les artistes allemands ont exercé leurs efforts au commencement de ce siècle pour régénérer un art tombé en décadence. Ils ont voulu se retrem
per aux sources primitives de la peinture religieuse, et, pour mieux s’imprégner du senliment chrétien qu’on y respire,
quelques-uns des NOuveaux néophytes ont poussé l’ardeur jusqu’à abjurer le protestantisme et à se faire catholiques. MM. Owerbeck, Wilhelm Schadow, Vogel, Pli. Veit et son frère, Eggers, Millier de Gassel ; deux sculpteurs, MM. Roden
et Rod. Schadow ; un graveur, M. Ruschweyli, abjurèrent successivement. A côté de M. Owerbeck, né eu 1789, dont le talent rappelle la douceur mystique du Fiesole et de Pé
rugin, vint se placer bientôt M. Cornélius, né à Dusseldorf en 1785, qui jouit d’une célébrité ayant eu du retentissement en France, et dont le génie vigoureux jusqu’à la ru
desse a manifesté des tendances michelangesques. Ce der
nier a formé école, et lorsqu’en 1821 il fut NOmmé directeur de l’académie de Dusseldorf, beaucoup de jeunes gens, atti
rés par sa reNOmmée, vinrent se grouper autour de lui. Un de ses élèves les plus distingués est M. Kaulback, célèbre parmi NOus par les deux gravures qui NOus ont fait connaî
tre ses remarquables compositions, intitulées :1a Maison des fous et le Combat des Huns et des Romains. Les élèves de Cornélius le suivirent à Munich lorsqu’en 1825 il fut NOmmé directeur de l’Académie de cette ville, et ce furent eux qui peignirent, d’après ses dessins, les fresques NOmbreuses et importantes commandées par le roi de Bavière. Cette exclu
comme s’il sentait la mort approcher. Son talent, c’était son âme toujours pleine de la meilleure énergie; de là lui venait
De l’Art en Allemagne. — M. Bendemann.
industrieuse patience et une grande minutie de détails de froids et moNOtones pastiches, sans poésie, sans vie et sans saveur. Les Anglais cherchent l’effet pittoresque dans les