HISTOIRE DE LA SEMAINE


Il n’est pas probable que la mort de M. le comte de Chambord change quoi que ce soit à l’état actuel des choses, et cependant il est impossible de ne point reconnaître que c’est un gros événement.
La date du 24 août 1883 marquera dans l’histoire la fin d’une époque. Avec M. le comte de Chambord ce n’est pas seulement un prétendant qui disparaît ni même un parti, c’est une institu
tion, c’est un principe. La monarchie de droit divin, héréditaire et absolue, la monarchie de Louis XIV était tout entière attachée à la personne du « roy Henri V. »
Je n’ai en aucune façon l’intention — et ce ne serait point ici la place — de faire une oraison fu
nèbre ou même une bibliographie de M. le comte de Chambord. Uniquement préoccupé des « événements » politiques, c’est-à-dire des faits et des con


séquences qu’ils peuvent avoir, c’est uniquement a a coint de vue des conséquences probables et des résultats à prévoir que j’entends me placer.




Pour déduire exactement ces conséquences, il faut préciser exactement le passé :


M. le comte de Chambord, depuis bientôt treize ans, a tenu sa place— et une place beaucoup plus
large qu’on ne le croirait peut-être — dans les agitations politiques de notre pays. Du 5 août au 27 octobre 1873, on a pu croire qu il rentrerait en France, comme il le disait, « en roy légitime » et qu’une troisième restauration — accompagnée d’une guerre civile formidable — allait se produire.
Jamais, cependant, jamais, entendez-le-bien ! jamais la restauration de la monarchie légitime avec lé comte de Chambord n’a été près de se réaliser. On a dit, on dit encore dans tous les journaux que le sort de la couronne a tenu à l’accep
tation ou au refus du drapeau tricolore ; on a fait à M. Chesnelong une querelle sur la façon dont il a rendu la parole de M. le comte de Chambord à
ce sujet; on discute encore à cette heure sur les circonstances des négociations qui aboutirent à l’échec des espérances royalistes ; mais la vérité vraie, personne encore, officiellement, du moins, ne l’a dite.


Lorsqu’au 24 mai 1873 le parti monarchique prit le pouvoir et le mit aux mains du maré


chal de Mac-Mahon — c’est-à-dire de M. de Broglie — lorsque, au 5 août 1873, sur le conseil de M. le duc de Broglie et contre l’avis du plus grand nombre de ses amis, M. le comte de Paris alla faire sa soumission à Frohsdorf, personne parmi les véritables meneurs de l’affaire ne songeait à restaurer la monarchie de droit divin, ou même sim
plement la monarchie légitime, avec la branche aînée des Bourbons.
Certes, on l’a laissé croire aux légitimistes qui, sans cela, n’eussent point donné leur concours.
Dans le gouvernement même on leur avait fait une place ; et, d’autre part, la soumission officielle des princes d’Orléans au chef de la « maison de France », donnait aux partisans de la branche aînée le droit de compter sur la restauration d’Henri V.


Mais, dans la coalition monarchique le centre droit, c’est-à-dire l’état-major orléaniste, tenait le


pouvoir, dirigeait tout, disposait de tout. Il se sentait si bien le maître que dès le 23 mai —- la


veille du coup de partie — dans le fameux comité des neufyka. candidature de M. le duc d’Aumale


obtint quatre vçix contre cinq données au maréchal de Mac-Mahon. Nous pourrions au besoin donner des noms à ces voix.
Ce fut M. de Broglie, croyons-nous, qui, précisément à cause de ses desseins orléanistes, préféra Je maréchal de Mac-Mahon. Et, en effet, choisir le
duc d’Aumale, c’eût été afficher des prétentions orléanistes qui eussent rompu toute alliance avec les partisans de la branche aînée que rassurait au contraire le choix du maréchal de Mac-Mahon.
Les orléanistes, à ce moment, calculaient et spéculaient sur deux choses : l’inébranlable fidélité du comte de Chambord à ses principes; l’impossibilité absolue de faire accepter par le pays la monarchie du drapeau blanc.
Leur plan était, une fois le comte de Paris reconnu comme héritier de la royauté, d’obtenir l’abdication du comte de Chambord. On espérait que, d’une part, le roi refuserait de renoncer au drapeau blanc ; que, d’autre part, il reculerait devant la guerre civile ; et tout le plan de cam
pagne aboutissait à la restauration de la monarchie constitutionnelle avec le comte de Paris. On se flattait même qu’après avoir vu de près la guerre civile, le pays considérerait le rétablissement de la monarchie parlementaire comme une solution inespérée et recevrait les d’Orléans comme des libérateurs.


En somme, c’était « un 1830 moral qu’on essayait de faire « par persuasion ».


Le coup manqua non pas seulement par la fermeté, mais aussi par la clairvoyance du roi. La lettre du 27 octobre fut un véritable coup de canon tiré par la royauté légitime sur la royauté d’usurpation.


Le coup porta juste; et même il eut des conséquences que M. de Broglie n’avait pas prévues :


dans la nomination des sénateurs inamovibles, les légitimistes purs, ceux qui recevaient directement les confidences et les ordres du roi, s’entendirent avec les républicains. Et M. le marquis de Franchère, répondant aux premières ouvertures qui lui furent faites de la part des républicains, formula ainsi sa pensée : « Votre parti et le mien peuvent
« s’entendre parce qu’ils reposent l’un et l’autre « sur un principe... et aussi parce que ce sont les « deux seuls partis honnêtes de l Assemblée. »
Voilà comment M. le comte de Chambord répondit aux manœuvres de M. de Broglie en sauvant la République.


Voilà le passé. Quel est le présent ?


Déjà nous pouvons le discerner : les légitimistes purs portent le deuil de la royauté. L’Univers écarte dédaigneusement la branche cadette; 1’ ZJnion essaie de l’enfermer dans le principe du droit divin. Mais les journaux qui portent le plusspécia
lement la pensée orléaniste, tout en revendiquant pour M. le comte de Paris la succession du « roi Henri V », ne proclament que « le roi Louis-Philippe II» ; ce qui est significatif et contient virtuellement la répudiation du droit divin.
Nous allons donc voir se constituer dans le parlement le parti de la monarchie constitutionnelle libérale. Ce parti sans dôme existait déjà, mais il
se cachait soigneusement sous des dénominations plus ou moins transparentes. Il compte à peu près 120 membres dans la Chambre, et, dans le Sénat,


à certains moments, il est l’appoint qui dispose de la majorité.




Cela modifiera sensiblement la situation parlementaire.


Mort de M. e comte de Chambord, le 24 août, à Frohsdorff. Il était né à Paris le 29 septembre 1820, sept mois après la mort du duc de Berry, son père, assassiné par Louvel. Il porta d’abord le titre de duc de Bordeaux et prit celui qu il porta le reste de sa vie, à la suite de la souscription nationale qui eut lieu pour lui faire don du château de Chambord. Il quitta la France avec sa famille en 1830. De 1831 à 1843 il vo) agea, et dans cette der
nière année, étant à Londres, il y fit pour la première fois acte de prétendant en présence de MM. de Chateaubriand, Berryer, de Larcy et autres personnages du
parti légitimiste qui, à leur retour en France, furent flétris dans l’adresse au roi de 1844. En 1847, il épousa la fille aînée du duc de Modène et se fixa à Frohsdorff. On sait qu’en 1873 il fut sur. le point de remonter sur le trône. MM. Chesnelong et Charles Brun s’étaient rendus auprès de lui pour lui soumettre le programme arrêté par la Commission des députés royalistes à l’Assemblée nationale. Tout semblait convenu. Mais la question du drapeau fit tout avorter. C’est du moins l’opinion générale.
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élections. — Législative. Deuxième circonscription de Nancy : M. Noblot. Elu. 11 s’agissait de remplacer M. Barlet, nommé sénateur. — Municipale. Quartier de Rochechouart, à Paris : candidats, MM. Strauss et Vazelle. Ballotage. Il s’agissait du remplacement de M. Dubois, décédé.


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DÉCRETS. — M. le général de division Roussel de Courcy est nommé au commandement du io°. corps d’armée, à Rennes, en remplacement de M. le général Davout, duc d’Auerstadt, arrivé au terme de son commandement.


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Affaires du Tonkin. — Bombardement et prise des forts de Hué par l’amiral Courbet, les r8, 19 et 20 août. Suspension d’armes demandée par le gouvernement annamite et accordés par l’amiral. Le plénipotentiaire français, M. Harmand/part pour Hué le 22, afin de traiter de la paix.
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Madagascar. — Une dépêche privée reçue à Londres annonce que la reine Ranavalo II est morte à Tananarive le 13 juillet. On avait déjà fait courir le même bruit il y a deux mois; cette fois la nouvelle paraît plus authentique. Ranavalo régnait depuis 1868; elle avait succédé à sa cousine Rosaherina, élevée au trône par les assassins de son mari. Quoique le royaume hova ressemble très peu à une monarchie constitutionnelle, on pou
vait dire de la reine qui vient de mourir qu’elle régnait sans gouverner. Le pouvoir souverain était exercé par le premier ministre, avec lequel seul les consuls étran
gers, et surtout le nôtre, M. Baudais, avaient affaire.
L’événement qui rend vacante la dignité royale restera donc vraisemblablement sans grande influence sur la solution de notre conflit avec les Hovas. Il peut néan
moins offrir un prétexte honnête pour la reprise des négociations.


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Allemagne. — Le conseil fédéral et le Parlement allemand sont convoqués extraordinairement, le premier pour le 27 août, le second pour le 29.
Adoption à l’unanimité par le Conseil fédéral de l’empire d’Allemagne du traité de commerce qui avait été conclu entre l’Allemagne et l’Espagne ; le gouvernement de Berlin est autorisé à le mettre provisoirement en vigueur. On sait que le chancelier n’avait pas attendu l’autorisation du Conseil fédéral pour mettre à exécution le traité hispano-allemand, et que ce sont les scrupules constitutionnels soulevés à propos de cette affaire qui ont servi de prétexte à la convocation inattendue du Reichstag.
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Grande-Bretagne. — Réunion à Londres, le 21 août, des délégués de la conférence danubienne, sous la présidence de Lord Granville, dans le but de ratifier la convention. Les délégués ottoman et russe n’ayant pas en
core reçu leurs pouvoirs se sont abstenus. Les autres membres ont signé.
Clôture du Parlement, le 25 août.
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Nécrologie. — M. Silvain Duval, sénateur des Côtesdu-Nord. Armateur dans cette ville et conseiller général, ce n’est qu’en 1880 qu’il entra dans la vie parle
mentaire, à la suite d’une élection sénatoriale partielle. Il siégeait à droite. Soixante-cinq ans.
M. Audemard, secrétaire-rédacteur du Sénat.,-Très ... versé dans les questions économiques, il était secrétaire de la commission sénatoriale des tarifs, présidée par M. Claude. Il collaborait à plusieurs journaux.