Réuni le 29 août en session extraordinaire pour statuer sur un traité de commerce récemment conclu entre Madrid et Berlin, le Parlement de l’em
pire allemand s’est séparé le Ier septembre sans que sa courte session ait été marquée par aucun des incidents qui devaient, au dire de gens d ordinaire
bien informés, en constituer l intérêt principal. De tout le bruit qui s’est fait dans ces derniers temps autour de l’article comminatoire lancé à notre adresse par l’un des porte-paroles ordinaires du prince-chancelier de l’empire, il ne reste donc, pour le moment, qu’une énigme dont il serait sans doute intéressant de connaître le mot, mais dont l’intérêt, tout bien considéré, ne semble point com
porter un semblable tapage. Qui trompe-t-on ici ? demandait Basile. Qui cherchait-on à tromper et quel est le véritable trompeur? demanderions-nous volontiers à la Gazette de l Allemagne du Nord, si nous étions de ceux à qui l’on fait de ces confidences.
Ce n’est pourtant point que les explications aient manqué. Depuis quelques jours, en effet, chacun a voulu donner son sentiment sur les causes plus ou moins mystérieuses de cette sortie aussi
inattendue qu’intempestive. Les uns y ont vu tout simplement un coup de pistolet tiré en pleine bourse par la banque allemande contre les fonds français. S’il en est ainsi, le coup n’a point porté aussi juste que pouvait l’espérer le tireur; les cours n’ont même pas attendu la fin du mois pour re
gagner ce que l’impression du premier moment leur avait fait perdre. D’autres ont supposé que, tout en affectant de viser la France, c’était la Rus
sie qu’on avait pris pour cible. Mais, soit qu’elle n’entende rien à ces finesses germaniques, soit qu’elle les ait trop bien comprises, la presse mos
covite et nét ers bourgeoise s’est renfermée dans une réserve glaciale, déconcertante, tellement générale qu’elle a paru le résultat d’un mot d’ordre, et que certains milieux allemands ont été plus impressionnés par son silence dédaigneux que par la vivacité des répliques françaises.
« Quand la haine nationale, écrivait à ce propos le correspondant berlinois d un grand journal belge, commence à se concentrer au point de dé
daigner la parole pour la laisser aux é/énements, cela ouvre une perspective qui ne laisse pas que d’être inquiétante. »
Quoi qu’il en soit, si la Russie se recueille, son recueillement n’a point les caractères de l’inertie.
Tandis que le vieil empereur Guillaume se prépare à inaugurer, au milieu de la foule des princes et des rois devenus ses feudataires, le monument élevé dans le Niederwald à la mémoire des événe
ments qui ont ressuscité le titre impérial aboli en 1806, une autre assemblée de souverains se tient à Copenhague, à la cour d’un roi que la Prusse a ja
dis dépouillé d’une notable partie de ses Etats. Ce n’est peut-être, disent les uns, qu’une assemblée de famille, mais d autres croient y voir quelque chose de plus et pensent que dans cette réu
nion, où vont se rencontrer le czar, les deux rois Scandinaves, le roi des Hellènes et l’héritier du trône de la Grande-Bretagne, il pourrait bien être question de certains groupements de forces natio
nales destinés à faire équilibre, aussi bien dans la péninsule Scandinave que dans celle des Bal
kans, au mouvement de concentration de l’Europe centrale réalisé par la triple alliance, et dans lequel on cherche à englober les nouveaux rovaumts
tranquillement le 29 du mois d’août occuper son siège au Reichstag parmi les députés de la protes
tation des provinces annexées. N est-ce pas là le cas de répéter, en anglais oj en français au choix des amateurs : Much ado for nothing — Beaucoup de bruit pour une bien piètre besogne.
Eh bien non ! — nous éprouvons quelque plaisir à le dire — tout le tapage fait à cette occasion
n’aura pas été inutile; mais c’est notre cause qui en aura surtout profité. Il n’est pas mauvais que l’Europe ait de temps à autre quelque témoignage
bien irrécusable de la brutale impertinence de « dirigeants » que lui a donnés notre catastrophe. Il n’est pas mauvais non plus que les menaces à peine contenues de « l’ennemi héréditaire » nous imposent quelquefois l’obligation de toucher à des sujets qu’un sentiment facile à comprendre nous empêche de traiter plus souvent mais qu’il serait dangereux de bannir de nos mémoires, et surtout
de laisser ignorer à la génération qui s’élève. Quelque douloureux que soient certains souvenirs il est bon qu’ils soient parfois évoqués. Quel
que réserve qu’il convienne de garder dans l’expression de nos espérances, il serait imprudent,
dans un pays de suffrage universel, de ne point préparer l’opinion aux moyens qui peuvent en assurer un jour la réalisation. La Gazette de l Allemagne du Nord nous a fourni une de ces occa
sions de retours sur le passé et d’envolées vers un avenir meilleur. Bien des anciennes plaies se sont momentanément rouvertes, mais la douleur en était saine et tout compte fait, en regardant autour de soi, on a pu constater avec une certaine satis
faction que toutes les chances d’un conflit ne seraient pas en faveur des piovocateurs. On a fait trêve un instant aux éternelles querelles de ménage dans lesquelles se consume le plus clair de notre activité nationale, et, fait digne de remarque, quel
ques uns parmi les plus exaltes de la politique intérieure ont fait, sur un terrain nouveau, preuve de sang-froid et de clairvoyance.
Des hommes que l’on croyait voués au culte exclusif de la guerre civile — la seule légitime avaiton dit dans nous ne savons plus quelle réunion publique — ont un instant retrouvé la fibre du
patriotisme de l’année terrible. Des puritains de la révolution comospolite ont franchement admis l’é­
ventualité, sinon d’alliances permanentes tout au moins d’ententes temporaires basées simplement, en dehors de toute similitude d’institutions gou
vernementales, sur la nécessité d’abattre un ennemi commun. Ce sont là des germes que l’avenir se chargera de faire fructifier.
Parmi les qualités qui ont le plus fait défaut jusqu’à présent à la démocratie française, on peut compter le sentiment de la réalité dans les relations extérieures. Une manifestation comme celle que vient de faire l’organe officieux de M de Bismarck, par les commentaires qu’elle suscite dans les diffé
rents pays dont il nous importe de connaître les dispositions à notre égard, nous fournit ample matière à des comparaisons instructives.
Alors même qu’elle n’aurait servi qu’à dissiper les dernières illusions de beaucoup de Français à l’endroit de certains alliés d’hier prêts à devenir l’ennemi de demain, ce serait encore tout profit pour l’éducation politique de notre pays. Combien d’interminables débats, dans les Chambres et ail
leurs, dont, avec la meilleure volonté possible, on ne saurait dire autant. H. L.
Promulgation du traité relatif à la navigation du Danube, conclu à Londres, le 10 mars dernier, entre la France, l’Allemagne, l’Autriche, la Grande-Bretagne, l’Italie, la Russie et la Turquie.
Promulgation de la loi sur la réforme de l’organisation judiciaire. La période de trois mois accordée par l’article 11 de cette loi au garde des sceaux pour procé
der à la réduction du personnel des cours d’appel et des tribunaux est donc ouverte.
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Décision présidentielle, insérée au Journal officiel, et prononçant la mise en non activité par retrait
d’emploi de M. le général de brigade comte de Geslin, de la 2e section (réserve) du cadre de l’état-major géné
ral de l’armée. Cette décision est motivée par une lettre livrée à la publicité, dans laquelle M. de Geslin appré
ciait très vivement la circulaire du ministre de la guerre, en date du 30 juillet, sur le port de l’uniforme pour les officiers. M. de Geslin disait notamment que cette cirulaire lui faisait monter le rouge au front et qu’elle
n’avait pu être prise que parce que l’armée a pour chef « un officier général ne cherchant que la popularité
Décrets. — Sont promus au grade de général de division, les généraux de brigade dont les noms suivent : M. Villette, commandant la 6e brigade d’infante
rie et les subdivisions de région de Beauvais et d’Amiens, en remplacement de M. le général Teissier.
— M. Lambert, commandant la subdivision de Tunis, en remplacement de M. le général Brincourt. — M. Galland, commandant la 70e brigade d’infanterie et les subdivisions de région de Libourne et de Bordeaux, membre du comité consultatif d’état-major, en rempla
cement de M. le général de Bouillé. — M. Tricoche, directeur de la 30 direction au ministère de la guerre, en remplacement de M. le général Lian.
Sont promus au grade de général de brigade, les colonels dont les noms suivent : M. Sermensan, colonel du 50e régiment d’infanterie de ligne, en remplacement de M. le général comte de Geslin. — M. Boudet, colo
nel d’infanterie hors cadre, chef d’état-major du iocorps d’armée, en remplacement de M. le général Maritz. — M. Raison, colonel du 90° régiment d’infanterie de ligne, en remplacement de M. le général Brice. — M. Munier, colonel du génie commandant la subdi
vision d’Aumale, en remplacement de M. le général Villette. — M. Renaudot, colone, du 30 régiment de hussards, en remplacement de M. le général Lambert.
— M. Voisin, colonel du 306 régiment d’artillerie, en
remplacement de M. le général Galland. — M. de Négrier, colonel de la légion étrangère, en remplacement de M. le général Tricoche. *
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Elections. — Municipale de Paris, neuvième arrondissement, quartier Rochechouart : M. Strauss. Il s’agissait de remplacer M. le docteur Dubois, décédé.
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Signature, le 25 août, des préliminaires du traité de paix avec 1’Annam.
En voici les conditions :
i° Reconnaissance pleine et entière du protectorat français sur 1’Annam et leTonkin;
2° Annexion définitive de la province de Bin-Thuan à la Cochinchine française;
30 Occupation par les troupes françaises des forts de Thuan-An (à l’entrée de la rivière de Hué) ;
40 Rappel immédiat des troupes annamites envoyées au Tonkin, dont les effectifs seront remis sur pied de paix ;
5° Ordre donné aux mandarins de reprendre leurs postes ;
6° Confirmation des nominations faites par l’autorité française ;
.7° La France se charge de chasser du Tonkin les bandes connues sous le nom de « Pavillons-Noirs » et d’assurer la liberté du commerce.
Il est bon d’ajouter, d’après les dernières nouvelles, que M. Harmand, notre commissaire civil aurait traité il Hué avec un personnage autre que l’empereur Van Lian, acclamé par les mandarins, ce qui réduirait à néant le traité de Hué.
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Les funérailles du comte de Chambord.— Exposition du corps et service funèbre à Frohsdorf. Trans
port du corps à Goritz où il doit être inhumé. Mnl° la comtesse de Chambord ayant désiré que la cérémonie de Goritz fut dirigée par les princes étrangers, proches parents du comte, M. ’e comte de Paris ne s’est pas rendu dans cette localité et est rentré en France.
Cérémonie, le 3 septembre, à Goritz, des obsèques de M. le comte de Chambord, dont le cercueil a été descendu dans le caveau du monastère de Castagnavizza.
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Allemagne. — Discussion au Parlement du traité de commerce Hispano-Allemand en première, deuxième et troisième lecture. Le traité est adopté et un bill d’indemnité est accordé au gouvernement qui l’avait de
mandé, pour l’avoir mis provisoirement en vigueur. La session extraordinaire du Parlement est ensuite close par un message impérial.

Nécrologie. — M. Benoît-Baruck Lévy, intendant général et président du comité consultatif de l’inten
dance. Frère de M. Michel Lévy, médecin en chef de l’armée d’Orient, M. Benoît Lévy était âgé de soixantecinq ans. Il avait le grade d intendant général depuis le 30 décembre 1875, et il était commandeur de la Légion d’honneur depuis le 3 juin 1871.
malsaine, puisant toutes scs aspirations chez les êtres ineptes qui émettent le vœu de voir les armées permanentes remplacées par des gai des nationales ».
riverains du Danube.
Une troisième opinion a cru trouver le véritable motif de ce quos ego sifflé par un reptile, dans le voyage entrepris sur la frontière de l’Est par
le général Thibaudin et dans les projets d’essai de mobilisation dont se seraient émus nos excellents voisins. Mais dans ce cas encore l’épée teutonique se trouverait avoir frappé un grand coup dans le vide. Quoiqu’on puisse penser à Berlin nous n en sommes pas encore réduits à renier ce vieux proverbe en vertu duquel « charbonnier est maître chez soi. » Enfin une dernière hypothèse veut que êoute la grosse artillerie du nouvel empire n’ait été braquée que sur un seul homme, auteur de certaine lettre que n’oubliera pas de sitôt le feldmaréchal gouverneur de l’Alsace-Lorraine. Hâtonsnous de le constater, M. Antoine, le vaillant élu des Français de Metz ne paraît pas avoir été atteint
le moins du monde par les projectiles qui devaient le pulvériser. Comme tous ses collègues, il est allé


HISTOIRE DE LA SEMAINE


l’effet d une « DOUCHE FROIDE »