N° 28JANVIER 1901




L ART DÉCORATIF




LES BIJOUX DE VEVER*


A présent qu’augmente sans cesse le nombre
des ouvrages tendant à rénover l’art dans les objets, il est facile de constater que les
créateurs se trouvent divisés en deux groupes par le sens dans lequel ils font intervenir dans l’œuvre les éléments qu’ils puisent dans la nature.
Les uns s’en servent en caractéristes, c’està-dire conservent aux formes naturelles leur type particulier. Si leur fantaisie les modifie,
c’est pour exalter ce type et mieux frapper par le grossissement de ses particularités expressives.
Les autres, au contraire, ne cherchant dans les formes naturelles que le point de départ d’idées purement ornementales, synthétisent ces formes, les ploient aux besoins de chaque cas qui se présente, et les transforment en orne
ments, souvent en les fondant dans des jeux de lignes purement géométriques.
Ces deux modes d’élaboration de l’œuvre sont plus ou moins sensibles, ou se confondent plus ou moins, mais restent reconnaissables dans toutes les manifestations d’art. Ils sont la conséquence de deux compréhensions esthétiques différentes qui se partagent les hommes.
Egalement propres à la création dans l’art du bijou, chacun de ces modes expose le créateur à des dangers. Le caractériste insuffi
samment génial se dépense en représentations naturalistes banales. L’ornementaliste risque de tomber dans l’inexpressif ou dans une morne sécheresse s’il est outrancier dans sa vision de l’art.
Aujourd’hui, le mode caractériste et le mode ornementaliste sont représentés dans leur plus haute expression, le premier par M. Lalique, le second par M. Vever. Ce sont les œuvres de celui-ci que nous allons examiner.
Nous les diviserons non point selon leur destination spéciale, mais d’après leurs éléments
* Dans toutes les reproductions accompagnant cet article, la grandeur des bijoux et joyaux est
réduite d’un cinquième.VEVER
constitutifs. Nous aurons ainsi trois catégories de pièces : celles entièrement composées de lignes, celles qui comprennent des formes empruntées à la flore ou à la faune, celles où domine la figure humaine. Toutes présentent une monture architecturée sans maniérisme ni recherche maladive, beaucoup réunissent et l’ampleur et la grâce. Leurs diverses parties sont assemblées avec aisance, stylisées avec
goût, et leur contour général se profile d’une manière expressive. Mais avant d’entreprendre l’analyse de ces œuvres, rappelons que beaucoup sont des pièces de joaillerie, que l’on doit bien distinguer des bijoux.
Les bijoux sont plus particulièrement les ouvrages où le métal précieux règne en souverain sur les gemmes et les perles dont on