ARISTIDE MAILLOL
P
ak ce matin de décembre, le ciel
inclinait sur le jardin de Maillol la suie de ses brumes, parfois traver
sée d’une lumière semblable à l’orient des perles. On eût dit qu’une main
hésitante avait, en maigres traces de fusain, posé sur l’horizon les branches raidies des arbres. Et la terre, couleur
de bure, n’était pas plus triste que le ciel boueux qui descendait vers nous.
Maillol sortit de son atelier. Il portait une statue : une femme nue, debout,
qui ployant ses bras, ramenait ses mains à ses épaules. Maillol marchait à petits pas dans ses sabots. Il alla vers une colonne de pierre, dressée sous un vieux pommier dénudé, dont les branches, à partir du tronc droit,
traçaient dans l’espace des courbes opposées, ainsi que des tiges dans un vase divergent, débarrassées du lien qui les assemblait. Maillol posa la statue sur la colonne, sous les branches.
Alors il nous sembla que des pommes naissaient aux branches du pommier. La statue régna sur le matin de décembre humide. L’abondance, l’automne aux grands bras pleins,
comme les bras des femmes qui ont enfanté déjà, prirent la place de cet hiver débutant et malingre.
La campagne n’avait su, ce jour là, choisir ni son vêtement ni son hu
meur. Le matin sortait de la brume comme un neurasthénique de son lit. Le jardin était sans certitude et la tern
BAIGNEUSE
(Terre cuite).