lue, qui pèse au sol et dont le volume est réel dans l’espace, la statue est un objet. Ce qu’elle suggère n’est pas distinct de ce qu’elle est.
Par là, le sculpteur est aujourd’hui comme un musicien qui jouerait des symphonies sur un piano muet. Les sculpteurs des grandes époques d’archi
tecture racontaient la vie et les sentiments des hommes. Mais ils respectaient l’architecture, tout comme les grands écri
vains respectent la syntaxe. Où donc les sculpteurs d’aujourd’hui chercheraientils leur syntaxe, puisque les architectes
ont oublié qu’ils sont là pour aider les hommes à vivre ?
Les peintres sont aidés par l’époque. Leur langage s’est assoupli et varié. Il sa
vent dire les vérités modernes, les aspects que notre esprit choisit, maisqu’ilne croit pas éternels. Le peintre est libre, comme l’écrivain. Son langage est conventionnel ;
il plie à sa volonté les sentiments et les instants : il fabrique sa lumière.
Le sculpteur n’a pas ce pouvoir. Il crée un objet.
Et pourtant les peintres, qui sont de la génération de Maillol et qui sont les fils de Cézanne ont éprouvé le besoin de restituer à leurs tableaux une signification monumentale et décorative. Puis
que les murs doivent être muets, puisque la fresque est impossible, c’est à l’inté
rieur même du cadre que l’équilibre décoratif imposera sa loi.
Chez un Cézanne la volonté de composer n’est pas distincte de l’acte même de voir et dépeindre. Chez d’autres, épris
de néo-classicisme, la composition est empruntée seulement au passé des mu
sées. Les néo-classiques pensent mettre de l’ordre dans leurs sentiments d’aujourd’hui, en suivant les règles qui ordon
naient la sensibilité des hommes, il y a trois siècles.
FEMME DEBOUT, VUE DE DOS