l’ornement même doit être construit; que les yeux ni le sentiment ne peuvent éprouver de satisfaction complète si la logique n’est d’abord contentée.
Et désormais pénétré de ceci, l’art français reste — et restera! — ce qu’il a toujours été:
l’art du peuple qui fit du rire grossier le sourire, du peuple qui sait dire plus et mieux d’un mot que les autres en un livre, du peuple dont les les femmes savent faire d’un chiffon la plus plus aimable parure, du peuple où l’on n’assène pas un coup de poing quand une chiquenaude du bout des doigts suffit : du peuple du tact, de la mesure et de l’esprit.
Quel malheur qu’avec ces qualités la
volonté d’entreprise et celle d’association des efforts individuels dans l’initiative commune
nous fassent défaut ! Peut-être, hélas, cet art charmant qui naît nous restera pour compte, et c’est l’art de Walhalla de nos voisins qui saura s’imposer, sinon se faire accepter par le monde!
Mais ceci n’est plus de la critique. J’y reviens en constatant l’éclat dont l’art du bijou resplendit au Salon. Lalique, artiste incompa
rable, créateur merveilleux de joyaux devant lequels pâlit ce que les artistes de vingt siècles ont enfanté, a fait plus que s’égaler lui-même: il s’est transformé. Son génie éclatait en éclairs fulgurants: il s’est fait radieux. Derrière lui, cherchant chacun une voie à soi, et la trouvant, dix autres apportent des œuvres vraiment nou
velles, inattendues, piquantes les unes, aimables les autres, toutes marquées du sceau d’un goût pur et charmant. Fouquet et Desrosiers, deux collaborateurs inséparables, Dubret, un nouveau dont on reparlera, Descomps, Becker, Richard, — je ne cite que quelques noms au hasard.
A côté, Wolfers, un Belge, révèle dans sa somptueuse vitrine un talent de haut ordre, et le peintre Mangeant donne aux bijoux d’argent un intérêt d’art insoupçonné.
Avec le bijou, l’orfèvrerie et le bronze restent les arts français par excellence. Notre penchant pour les formes arrondies, les modelés adoucis, les contours d’où les duretés, les rudesses sont bannies, n’a-t-il pas dans la fusion
des métaux le procédé le plus propre à s’exprimer? Aussi, nos adeptes de ces arts sont légion, et le nombre est grand de ceux qui y excellent. Ne pouvant les citer tous dans cette revue sommaire, je n’en nommerai qu’un: Jean Baffier, dont le gallicisme excessif, encore que sympa
thique, s’exagère sans doute ce qu’ordonne l’amour de son pays, mais qui traduit ses idées en grand artiste. Le surtout de table exposé par lui est simplement un chef-d’œuvre. Je ne sais rien qui dépasse les deux grandes pièces de ce
surtout en noblesse, en pureté des formes et du décor, en beauté d’expression des figures. Une seule œuvre comme celle-là suffirait à la gloire d’un artiste.
La céramique est encore une branche d’art
RENÉ LALIQUE