dans cette foule croissante d’artistes et d’artisans qui suivent l’exemple attirant de Lalique. En effet, depuis six ans, le « statuaire du bijou
fait école, involontairement. Le nombre de ses continuateurs s’accroît avec la vogue. On en trouverait, cette année, jusqu’au Salon des Indépendants... Le dessin capricieux de ses projets, l’accord imprévu de la couleur avec la matière ont fasciné bien des yeux, tourné bien des têtes, allumé tant de convoitises! Chacun, selon ses moyens, rêve d’imiter le maître ou de posséder son œuvre... De là, dans nos deux Salons, maintenant si voisins, cette multitude de bijoux; et les bons sont nombreux, malgré l’écueil inévitable de l’imitation : créer, n’est-ce pas inaugurer un poncif? Les bijoux augmentent, au détriment des autres sections déco
ratives. Les bijoutiers sont légion : j’en ai compté plus de vingt-cinq à la Société Natio
nale, une quarantaine à la Société des Artistes Français. Là aussi, là surtout, s’accusent les divergences entre les deux Sociétés rivales, l’une plus outrancière, l’autre plus encline à la tradition. Et cela, dans l’innovation même.
Et le rayonnement de Lalique à l’Esplanade des Invalides, en 1900, a favorisé cette opulence grandissante aux premiers Salons du XX“ siècle. Des absents, pourtant : libre héritier de la Re
naissance, Armand Point se tient à l’écart, de même que Mucha ne montre pas ses projets compliqués; cette fois, je n’aperçois pas Beaudouin, si poétiquement attrayant au Salon de 1899, ni Mlle Beetz, de Bruxelles, ni Colonna, ni Charpentier, ni Feuillâtre. Petits ou grands,
quelques maîtres ne sont représentés que par des bluettes. Et, comme
tout ce qui reluit n’est pas or, ne faut-il point découvrir la qualité dans la quantité? C’est l’affaire de l’a
moureux d’art, qui doit se montrer aussi sensible en présence de l’œuvre que l’artiste devant la nature. L’un crée, l’autre juge: de leur sympathie loyale résulte un courant nouveau.
D’accord avec la sainte parabole, les derniers venus sont plus d’une fois parmi les premiers. Témoin Robert Nau. Très jeune, c’est
lui qui, disciple d’Armand Point dans l’atelier florentin de Haute- Claire, signait Yahn; c’est lui que le poète Gustave Geffroy nommait, cet hiver, chez Georges Petit, « un observateur aux yeux fins, à l’es
prit agile.. , ravi par l’infinie variété de tout ce qui marche, rampe et vole... » Et nos esthètes de renchérir d’un sourire précieux! Plus d’arabesques; mais une faune divertissante et troublante, des formes excen
triques souvent, des contours sinueux d’or et de chrysoprase où luit l’étang mystérieux d’une émeraude : c’est une bague, c’est la Grenouille morte! En vingt-deux pièces de ce genre, le métal s’anime, la moderne expression met son
vague. Par la dernière exposition de Y Art clans tout, nos lecteurs connaissent déjà ce rêve un peu décadent où la technique laisse parfois
PH. WOLFERS
HENRI DUBRET
fait école, involontairement. Le nombre de ses continuateurs s’accroît avec la vogue. On en trouverait, cette année, jusqu’au Salon des Indépendants... Le dessin capricieux de ses projets, l’accord imprévu de la couleur avec la matière ont fasciné bien des yeux, tourné bien des têtes, allumé tant de convoitises! Chacun, selon ses moyens, rêve d’imiter le maître ou de posséder son œuvre... De là, dans nos deux Salons, maintenant si voisins, cette multitude de bijoux; et les bons sont nombreux, malgré l’écueil inévitable de l’imitation : créer, n’est-ce pas inaugurer un poncif? Les bijoux augmentent, au détriment des autres sections déco
ratives. Les bijoutiers sont légion : j’en ai compté plus de vingt-cinq à la Société Natio
nale, une quarantaine à la Société des Artistes Français. Là aussi, là surtout, s’accusent les divergences entre les deux Sociétés rivales, l’une plus outrancière, l’autre plus encline à la tradition. Et cela, dans l’innovation même.
Et le rayonnement de Lalique à l’Esplanade des Invalides, en 1900, a favorisé cette opulence grandissante aux premiers Salons du XX“ siècle. Des absents, pourtant : libre héritier de la Re
naissance, Armand Point se tient à l’écart, de même que Mucha ne montre pas ses projets compliqués; cette fois, je n’aperçois pas Beaudouin, si poétiquement attrayant au Salon de 1899, ni Mlle Beetz, de Bruxelles, ni Colonna, ni Charpentier, ni Feuillâtre. Petits ou grands,
quelques maîtres ne sont représentés que par des bluettes. Et, comme
tout ce qui reluit n’est pas or, ne faut-il point découvrir la qualité dans la quantité? C’est l’affaire de l’a
moureux d’art, qui doit se montrer aussi sensible en présence de l’œuvre que l’artiste devant la nature. L’un crée, l’autre juge: de leur sympathie loyale résulte un courant nouveau.
D’accord avec la sainte parabole, les derniers venus sont plus d’une fois parmi les premiers. Témoin Robert Nau. Très jeune, c’est
lui qui, disciple d’Armand Point dans l’atelier florentin de Haute- Claire, signait Yahn; c’est lui que le poète Gustave Geffroy nommait, cet hiver, chez Georges Petit, « un observateur aux yeux fins, à l’es
prit agile.. , ravi par l’infinie variété de tout ce qui marche, rampe et vole... » Et nos esthètes de renchérir d’un sourire précieux! Plus d’arabesques; mais une faune divertissante et troublante, des formes excen
triques souvent, des contours sinueux d’or et de chrysoprase où luit l’étang mystérieux d’une émeraude : c’est une bague, c’est la Grenouille morte! En vingt-deux pièces de ce genre, le métal s’anime, la moderne expression met son
vague. Par la dernière exposition de Y Art clans tout, nos lecteurs connaissent déjà ce rêve un peu décadent où la technique laisse parfois
PH. WOLFERS
HENRI DUBRET