N° 35




AOUT 1901 L ART DÉCORATIF


LES SALONS DE 1901 (suite)


LES OBJETS D’ART


Les Salons de 1901 ont fait une large place à
l’art appliqué. 11 semble que les enseignements de la récente Exposition universelle et le spectacle du mouvement qui porte les nations étrangères à l’embellissement du milieu domestique aient stimulé le zèle de nos peintres,
de nos sculpteurs et de nos architectes. Ceux qui jusqu’à ce jour dédaignaient des besognes réputées inférieures mettent à les accomplir un enthousiasme véritable et comme une sorte de coquetterie. Ils modèlent avec la même ferveur une boucle de ceinture, une cafetière, la courbe d’une console et la gorge harmonieuse d’une déesse. L’esthète consent avec joie au rôle de l’artisan.
La chose en principe est excellente. Puisque nous ne sommes pas un peuple de connaisseurs, puisque le sens de la beauté n’est pas en chacun de nous comme il était dans le moindre potier de l’Attique, il est bon que l’on enseigne à nos ébénistes, à nos tapissiers, à nos bijoutiers, à nos orfèvres les formes rythmiques et pures, propres à charmer les yeux et à parer la vie.
Malheureusement ceux qui entreprennent cette tâche n’en ont pas toujours eux-mêmes une conception très claire, leur science est souvent incertaine, leur jugement obscurci par l’erreur. Actifs, ingénieux, en quête de créations origi
nales, il arrive qu’ils manquent de mesure et, bien mieux, de bon sens, cette qualité si modeste, si rare malgré tout chez les gens d’esprit.
L’art cependant, mes confrères et moi l’avons ici proclamé tour à tour, l’art est insé
parable de la logique, le beau se joint à la raison «comme à la jeunesse sa fleur». Un
objet doit satisfaire à sa fonction et c’est de la complète adaptation de sa forme à cette fonction que naît d’abord l’impression esthétique. Au Musée du Louvre, rangées dans leur vitrine, les poteries égyptiennes, grecques, étrusques m’em
plissent de ravissement. J’admire sans me lasser jamais la netteté de leur galbe, la sûreté de leurs contours, leurs cols élégants, leurs panses larges, leurs anses souples et légères, si bien en main, la juste et charmante proportion de toutes leurs parties. L’objet le mieux décoré, orné des fleurs les plus flexibles et des plus aimables figures ne saurait valoir pour moi cette exquise sobriété, cette présentation si nue et si pure du nécessaire. Aussi je suis heureux de voir quelques-uns de nos modernes céramistes
s’inspirer des céramistes antiques et poursuivre sur leur trace une noble simplicité. MM. Delaherche, Dammouse, Dalpeyrat, Lachenal ont trouvé, ou retrouvé, des formes raisonnables et
saines, et leurs grès revêtus d’émaux — si ce n’était un prix excessif — s’en iraient porter dans chaque demeure un exemple fécond de
LOUIS BOUCHER BOUCLE EN ARGENT