aux prises avec une sirène robuste, et qui soupçonnerait, le jour, une lampe électrique
dans le ballon du Louvre que tient cet enfant de M. Léo Laporte?
J’ai dit naguère, ici même, du bien de M. Léo Laporte. Comme beaucoup j’ai goûté dans ses statuettes une fine élégance, une grâce spi
rituelle et précieuse. Je crois qu’il s’égare à présent, qu’il use ses dons à de puériles cha
rades. Auprès du bambin au ballon, il nous montre une fillette penchée sur une lanterne japonaise, une femme inclinant une fleur de nénuphar, une mime romaine qui danse en re
levant sa robe, et la lanterne, la fleur, comme le ballon, recèlent une ampoule électrique, et la mime voit un globe à incandescence éclore aux plis de sa tunique mouvante. Voilà par exemple ce que je ne comprends pas, ce que je ne com
prendrais pas plutôt si je ne me rappelais la chanson enfantine et l’aventure du « pâtissier qui porte la lune dans son tablier». M. Léo Laporte nous offre encore un grand lampadaire formé de trois paons adossés, réunissant leurs queues, enfermant dans leur jabot une ampoule lumineuse. Ici la richesse du travail est grande, mais les patines, les pierres incrustées ne sau
LOUIS BOUCHER
PIÈCES DE TABLE (ÉTAIN)
raient nous faire perdre de vue l’incohérence de la conception. La «Fée» de M. Wolfers, toute charmante qu’elle soit en sa sveltesse ivoirine, constitue elle aussi un étiange appareil
d’éclairage. Pour loger sa lampe électrique le prestigieux joaillier belge a imaginé dans la main de sa figurine une cloche en plumes de paon ! Il eût pu chercher à cet effet un acces
soire moins singulier. J’aime mieux en somme
la lanterne minuscule de M. Léo Laporte. J’aime mieux le réverbère petit module que j’aperçois chaque matin à la vitrine d’un bazar. Au pied du réverbère un jeune ramoneur grille une ciga
rette. La statuette est d’une pitoyable niaiserie, mais il me semble au moins assez naturel que
le réverbère soit allumé. Je ne veux pas m’arrêter plus longtemps aux inventions de MM. Léo Laporte et Wolfers. Je ne discuterai pas les « sujets » lumineux de MM. Jonchéry, d’Eau
bonne, Levasseur et Ledru. Je les tiens aussi pour des bibelots sans importance, pour de simples joujoux. Or, ce que nous demandons, ce que toute notre époque réclame, ce ne sont pas des jouets plus ou moins ingénieusement
machinés, ce sont des choses indispensables à la vie, des choses usuelles, offrant la structure et le galbe les mieux appropriés à leur destination pratique.
Dès qu’on cesse d’envisager l’objet au
point de vue de l’ornement pour le considérer