LA CHINE CONTEMPORAINE
La marine de jadis et la nouvelle jlotte chinoise. -— Le temps n’est pas loin où toute la marine chi
noise consistait en navires de petites dimensions, construits plutôt en vue de la navigation fluviale et côtière que pour es longues traversées en mer, et semblables aux divers types dont nous donnons la très exacte reproduction.
Voici par exemple deux jonques de guerre qui paraîtront bien peu taillées pour la course et dont la surface rendrait illusoire tout idée de rencontre sérieuse avec le moindre des bâtiments de notre marine militaire. De ce type il en existe encore. Armées de mauvais canons fort mal servis par un équipage indiscipliné adonné à des pratiques su
perstitieuses s’accordant fort mal avec les besoins d’un service régulier, elles sont commandées par des capitaines connaissant à peine l’usage de la boussole, que cependant leurs ancêtres ont inventée, dit-on.
Voilà tout ce que la Chine avait de mieux à mettre en ligne il y a quelques années. C est seulement depuis l’expédition Anglo Française qu’elle a commencé à s’inquiéter, acquérant et faisant construire des vaisseaux en Europe, arrivant même à en construire, elle aussi, dans ses propres arsenaux, ainsi que le feront connaître les ren
seignements suivants qui sont puisés aux sources les plus sûres. On verra qu’en somme cela n’est pas bien terrible.
Organisation générale. — La flotte de Chine n’est pas sous les ordres d’un ministre ou d’une administration qui centralise ses services. Elle est répartie en plusieurs escadres qui obéissent respectivement aux fonctionnaires suivants :
i° Son Ex. le Vice-Roi Li-Hong-Tchang, en résidence à Tien-Tsin, chargé de la défense des côtes du Nord de la Chine.
2° Son Ex. le commissaire impérial de l’arsenal de Fou-Tcheou.
3° Le Vice-Roi de la province de Canton.
4° Le Vice-Roi de Nankin, son Ex. Tso-Tsing- Tang.
Matériel. — Cette flotte comprend comme matériel :
i° Deux croiseurs et dix canonnières achetées en Angleterre.
2° Deux croiseurs, trois canonnières-avisos, deux canonnières et treize transports avisos, trois avisos de flottille formant la flotte de Fou-Tcheou, provenant de l’arsenal créé dans cette ville par un Français, M. Giquel.
3° Treize canonnières ou chaloupes à vapeur relevant du Vice-Roi de Canton.
4° Six frégates et canonnières construites à Shanghaï et qui ont été pour la plupart transformées en navires de transport. 5° Six torpilleurs.
6° Trois croiseurs de la douane relevant de l’inspecteur général, sir Robert Hart.
Il faut ajouter à cette liste deux cuirassés construits à Stettin ; l’un n’est pas complètement achevé, l’autre pour partir attend prudemment,
dans le port de cette ville, que la diplomatie ait dit son dernier mot à propos du Tonkin.
Etats-Majors. — L’école de navigation de l’arsenal de Fou-Tcheou a été jusqu’à l’année dernière le seul établissement de ce genre existant en Chine pour instruire scientifiquement ses officiers. Elle vient d en organiser un second à Tien-Tsin.
Les cours y sont faits en anglais. On peut évaluer à soixante le nombre des élèves ayant reçu une instruction théorique et pratique complètes;
douze d’entr’eux ont été embarqués pendant deux ans sur des navires de la flotte cuirassée anglaise.
Ce nombre d’officiers étant notoirement insuffisant pour assurer les services de la flotte chinoise, on y a suppléé en faisant commander une partie des navires par d’anciens capitaines de jonques ou des pilotes de la côte de Chine, qui n’ont reçu aucune instruction technique.
Équipages. — Les matelots sont recrutés par voie d’enrôlements volontaires; ce système fonc
tionne d une façon satisfaisante, en raison des soldes relativement élevées qu’ils reçoivent.
Une indication de ce qu’ils vaudraient en temps de guerre nous est fournie par les cas de désertions si nombreux qui se sont produits récemment dans la flotte chinoise lors des démonstrations belliqueuses des Japonais.
Ingénieurs. — Une Ecole de construction navale créée par M. Giquel est adjointe à l’arsenal de Fou-Tcheou. Les cours y sont faits en français. Huit élèves sortis de cette école ont suivi avec succès les cours de l’Ecole du Génie Maritime de Cherbourg et en sont sortis avec des brevets. Ils diri
gent actuellement les diverses constructions de l’arsenal ou surveillent celles qui sont exécutées en Europe.
Contre-maîtres. — Des écoles d’apprentis fondées à l’arsenal de Fou-Tcheou ont fourni le per
sonnel nécessaire pour la conduite des ateliers de cet établissement. Six de ces apprentis, venus en Europe, ont suivi les cours de l’Ecole supérieure de Maistrame de Brest et en sont sortis avec des brevets de capacité. Trois autres ont suivi égale
ment avec fruit les cours de l’Ecole des Arts-et- Métiers de Châlons.
Mécaniciens pour navires. —- Ils sont formés à une école spéciale de Fou-Tcheou; les cours y sont faits en anglais.
Artillerie. — La flotte chinoise est armée de canons de systèmes et de calibres les plus divers, fran
çais, anglais, allemands : Vavasseur, Armstrong, Whithworh, Krupp, etc. Ce serait pour elle une source de difficultés sérieuses au cas où elle aurait à renouveler ses munitions épuisées par une lutte sérieuse. Même observation pour la Mousqueterie,
le cnoix qui a présidé à sa composition étant des plus éclectiques : Chassepots, Remington, Sniders, Martini, Henri Mauser etc., il s’y trouve un peu de tout.
L’arsenal de Shangaï est destiné à améliorer cet état de choses. Outillé pour la construction des canons en fer tubés en acier d’après le système Armstrong, des pièces de 40, 80 et 100 livres fournies par cet établissement en nombre assez con
sidérable depuis l’année 1880 ont bien supporté les épreuves d’essai.
L arrière de la canonnière le Chen-to. — Le Chen-to (7 canons, 250 tonnes, 75 chevaux vapeur)
est une des 8 ou 10 canonnières construites à Hong-Kong en 1868 pour le compte de la Chine. Placées d’abord sous le commandement d’officiers français et anglais, elles furent emp oyées à la ré
pression de la piraterie. A l’époque où nous avons fait le dessin reproduit par VIllustration, le Chento avait pour capitaine un Français ; voir la devise : Honneur et Pairie qui se lit au-dessus de l’entrée de la cabine réservée aux personnages « occupant le premier rang de la cour » (inscription en caractères chinois placées plus bas).
Ces canonnières commandées depuis quelques années par des Chinois servent au blocus de Hong- Kong, qui est le centre le plus actif pour la con
trebande de l’opium dans ces parages. Les graves inconvénients résultant de cette mesure pour le commerce anglais ont provoqué de vives et incessantes réclamations. Elles sont à la veille de re
cevoir satisfaction grâce à la pression exercée sur le gouvernement de Pékin par le ministre anglais sir Harry Park, qui n’a pas laissé échapper l’occasion favorable fournie par les complications actuelles.
La Corvette le Yang-ou. — Lancée en 1872 à Fou-Tcheou ; longueur 58 mètres; largeur nm 2 ; profondeur 7™ 2 ; tirant d’eau au milieu 5 mètres ; déplacement 1.608 tonneaux ; puissance 1.250 chevaux ; vitesse 13 nœuds.
Cette corvette est armée d’un canon de 19 cent, et de 12 canons de 16 centimètres Whitworth.
L’équipage est de 200 hommes.
C’est le plus fort navire que l’arsenal de Fou- Tcheou ait construit jusqu’à ces dernières années,et certainement un des meilleurs navires de guerre de la Chine. Le même arsenal vient de terminer un croiseur de 2150 tonneaux de déplacement d’une puissance de 2.400 chevaux qui a été complètement achevé par des ouvriers chinois sous la direc
tion d’ingénieurs chinois sortis de l’Ecole du Génie maritime de Cherbourg et qui avaient commencé
leur éducation dans les écoles fondées par M. Giquel en Chine.
Félix Régamey
CÉLINE
Quand ce fut à son tour de prendre la parole, Jacques s’exprima en ces termes :
-— Les premiers cols brodés que j’ai portés dans ma plus tendre enfance, — c était la mode et le luxe à cette époque, — ont été confectionnés par la
sœur de celui qui devait être un jour le maréchal Bosquet. Ceci vous explique pourquoi ce nom illuslustre reviendra souvent dans mon récit. Car c’est une histoire intime du maréchal que je vais vous conter, et une histoire qui ne figurera jamais dans les livres où l’on fera la plus large part à sa vie militaire.
Joseph Bosquet appartenait à une famille de la bourgeoisie la plus humble. Mais il avait pour mère une femme d’élite qui avait mis toutes ses es
pérances et toutes ses ambitions sur la tête de ce fils dont elle soignait l’éducation en conséquence, une grosse tête, comme dirent plus tard les Arabes. A l’époque où remonte mon récit, la famille Bos
quet occupait en location le rez-de-chaussée d’une maison modeste, rue Facture, à Pau, qui, je le crois, appartient encore à la famille Carreau. Il y avait là une mère et une fille vivant bien humble
ment, mais entourés de l’estime, de l’affection, au besoin de l’appui de tous les braves gens qui for
maient leur voisinage. Joseph était au collège. Il se préparait à subir ses examens pour entrer à l’Ecole polytechnique.Commentilen sortit, en 1830, par la prise du Louvre à la tête du peuple insurgé,
je n’ai pas à vous le dire ; vous le savez aussi bien que moi.
Mais je puis vous apprendre que, dès le collège, il avait montré des goûts de domination et des instincts de commandement qu’il devait porter partout dans sa carrière. Ses camarades le recon
naissaient volontiers pour chef. Il était du reste fort avancé pour son âge, et devait aux leçons inti
mes de sa mère une connaissance précoce de la vie. La brave femme n’avait voulu lui laisser rien igno rer de ce qui fait et complète l’homme. Malgré l’humilité du foyer domestique, Bosquet avait ainsi
reçu une de ces grandes et libérales éducations de famille comme on 11’en rencontre guère qu’en Angleterre.
Aussi ne serez-vous pas surpris quand je vous dirai qu’à dix-neuf ans, au moment où il entrait à l’Ecole polytechnique, Joseph Bosquet avait au cœur un amour violent, une de ces passions qu on peut bien oublier parfois dans les agitations brû
lantes d une vie active et accidentée, mais qu’on retrouve toujours à son chevet dès qu’on peut s’interroger avec sincérité et écouter ce que dit la con
science. A quelque âge que ce soit, lorsqu’elles entrent dans un cœur digne de leur servir de ta
bernacle, les passions de ce genre ne finissent jamais qu’avec la vie. Et Bosquet était tout ce qu’on vou
dra pour ceux qui jugent à la légère et mesurent les ambitieux à l’aune commune. Mais personne ne dira jamais avec vérité que ce fut une âme vulgaire.
Celle qu’il aimait, vous l’avez tous connue : c’était Céline Myrril. Elle avait douze ans quand il quittait le lycée et entrait à l’Ecole polytechni
que. Fille d’un colonel qui prenait sa retraite, pour cultiver les fleurs, elle n’avait qu’à se laisser vivre pour être la plus adulée de toutes les femmes. Tou
tes les bonnes fées avaient présidé à sa naissance et s’étaient cotisées pour lui donner à l’envi tout ce qui fait le charme des existences heureuses. A une fortune honnête et largement suffisante pour satisfaire des désirs qui ne sont pas effrénés, Céline unissait une beauté qui allait s’épanouissant de jour en jour et ne devait arriver à son entier dévelop
pement qu’à la vingtième année. En outre elle avait un caractère enjoué, une intelligence bien cultivée et un esprit enfin qui lui permettait de parler, même du voisin, sans aiguiser l’anecdote du jour d’une pointe de malice. C’est d’elle qu’un poèie de nos amis a pu dire après sa première apparition au bal.
Elle parut laissant son shall au corridor,
Avec ses longs cheveux, noués au peigne d’or... Riante et gracieuse. Ainsi d’un pas léger
Les femmes de Paris marchent sous l oranger,
Quand, jetant ses couleurs aux pelouses fleuries, Le tiède mois de mai pare les Tuileries.
Telle était Céline. A douze ans, elle promettait ce qu’elle devait être à seize, et à seize ce qu’elle devait être à vingt ans, l’âge des grandes amours pour les femmes d’élite. Mais Céline était précoce. Dans les relations de voisinage, elle n’avait pas été
La marine de jadis et la nouvelle jlotte chinoise. -— Le temps n’est pas loin où toute la marine chi
noise consistait en navires de petites dimensions, construits plutôt en vue de la navigation fluviale et côtière que pour es longues traversées en mer, et semblables aux divers types dont nous donnons la très exacte reproduction.
Voici par exemple deux jonques de guerre qui paraîtront bien peu taillées pour la course et dont la surface rendrait illusoire tout idée de rencontre sérieuse avec le moindre des bâtiments de notre marine militaire. De ce type il en existe encore. Armées de mauvais canons fort mal servis par un équipage indiscipliné adonné à des pratiques su
perstitieuses s’accordant fort mal avec les besoins d’un service régulier, elles sont commandées par des capitaines connaissant à peine l’usage de la boussole, que cependant leurs ancêtres ont inventée, dit-on.
Voilà tout ce que la Chine avait de mieux à mettre en ligne il y a quelques années. C est seulement depuis l’expédition Anglo Française qu’elle a commencé à s’inquiéter, acquérant et faisant construire des vaisseaux en Europe, arrivant même à en construire, elle aussi, dans ses propres arsenaux, ainsi que le feront connaître les ren
seignements suivants qui sont puisés aux sources les plus sûres. On verra qu’en somme cela n’est pas bien terrible.
Organisation générale. — La flotte de Chine n’est pas sous les ordres d’un ministre ou d’une administration qui centralise ses services. Elle est répartie en plusieurs escadres qui obéissent respectivement aux fonctionnaires suivants :
i° Son Ex. le Vice-Roi Li-Hong-Tchang, en résidence à Tien-Tsin, chargé de la défense des côtes du Nord de la Chine.
2° Son Ex. le commissaire impérial de l’arsenal de Fou-Tcheou.
3° Le Vice-Roi de la province de Canton.
4° Le Vice-Roi de Nankin, son Ex. Tso-Tsing- Tang.
Matériel. — Cette flotte comprend comme matériel :
i° Deux croiseurs et dix canonnières achetées en Angleterre.
2° Deux croiseurs, trois canonnières-avisos, deux canonnières et treize transports avisos, trois avisos de flottille formant la flotte de Fou-Tcheou, provenant de l’arsenal créé dans cette ville par un Français, M. Giquel.
3° Treize canonnières ou chaloupes à vapeur relevant du Vice-Roi de Canton.
4° Six frégates et canonnières construites à Shanghaï et qui ont été pour la plupart transformées en navires de transport. 5° Six torpilleurs.
6° Trois croiseurs de la douane relevant de l’inspecteur général, sir Robert Hart.
Il faut ajouter à cette liste deux cuirassés construits à Stettin ; l’un n’est pas complètement achevé, l’autre pour partir attend prudemment,
dans le port de cette ville, que la diplomatie ait dit son dernier mot à propos du Tonkin.
Etats-Majors. — L’école de navigation de l’arsenal de Fou-Tcheou a été jusqu’à l’année dernière le seul établissement de ce genre existant en Chine pour instruire scientifiquement ses officiers. Elle vient d en organiser un second à Tien-Tsin.
Les cours y sont faits en anglais. On peut évaluer à soixante le nombre des élèves ayant reçu une instruction théorique et pratique complètes;
douze d’entr’eux ont été embarqués pendant deux ans sur des navires de la flotte cuirassée anglaise.
Ce nombre d’officiers étant notoirement insuffisant pour assurer les services de la flotte chinoise, on y a suppléé en faisant commander une partie des navires par d’anciens capitaines de jonques ou des pilotes de la côte de Chine, qui n’ont reçu aucune instruction technique.
Équipages. — Les matelots sont recrutés par voie d’enrôlements volontaires; ce système fonc
tionne d une façon satisfaisante, en raison des soldes relativement élevées qu’ils reçoivent.
Une indication de ce qu’ils vaudraient en temps de guerre nous est fournie par les cas de désertions si nombreux qui se sont produits récemment dans la flotte chinoise lors des démonstrations belliqueuses des Japonais.
Ingénieurs. — Une Ecole de construction navale créée par M. Giquel est adjointe à l’arsenal de Fou-Tcheou. Les cours y sont faits en français. Huit élèves sortis de cette école ont suivi avec succès les cours de l’Ecole du Génie Maritime de Cherbourg et en sont sortis avec des brevets. Ils diri
gent actuellement les diverses constructions de l’arsenal ou surveillent celles qui sont exécutées en Europe.
Contre-maîtres. — Des écoles d’apprentis fondées à l’arsenal de Fou-Tcheou ont fourni le per
sonnel nécessaire pour la conduite des ateliers de cet établissement. Six de ces apprentis, venus en Europe, ont suivi les cours de l’Ecole supérieure de Maistrame de Brest et en sont sortis avec des brevets de capacité. Trois autres ont suivi égale
ment avec fruit les cours de l’Ecole des Arts-et- Métiers de Châlons.
Mécaniciens pour navires. —- Ils sont formés à une école spéciale de Fou-Tcheou; les cours y sont faits en anglais.
Artillerie. — La flotte chinoise est armée de canons de systèmes et de calibres les plus divers, fran
çais, anglais, allemands : Vavasseur, Armstrong, Whithworh, Krupp, etc. Ce serait pour elle une source de difficultés sérieuses au cas où elle aurait à renouveler ses munitions épuisées par une lutte sérieuse. Même observation pour la Mousqueterie,
le cnoix qui a présidé à sa composition étant des plus éclectiques : Chassepots, Remington, Sniders, Martini, Henri Mauser etc., il s’y trouve un peu de tout.
L’arsenal de Shangaï est destiné à améliorer cet état de choses. Outillé pour la construction des canons en fer tubés en acier d’après le système Armstrong, des pièces de 40, 80 et 100 livres fournies par cet établissement en nombre assez con
sidérable depuis l’année 1880 ont bien supporté les épreuves d’essai.
L arrière de la canonnière le Chen-to. — Le Chen-to (7 canons, 250 tonnes, 75 chevaux vapeur)
est une des 8 ou 10 canonnières construites à Hong-Kong en 1868 pour le compte de la Chine. Placées d’abord sous le commandement d’officiers français et anglais, elles furent emp oyées à la ré
pression de la piraterie. A l’époque où nous avons fait le dessin reproduit par VIllustration, le Chento avait pour capitaine un Français ; voir la devise : Honneur et Pairie qui se lit au-dessus de l’entrée de la cabine réservée aux personnages « occupant le premier rang de la cour » (inscription en caractères chinois placées plus bas).
Ces canonnières commandées depuis quelques années par des Chinois servent au blocus de Hong- Kong, qui est le centre le plus actif pour la con
trebande de l’opium dans ces parages. Les graves inconvénients résultant de cette mesure pour le commerce anglais ont provoqué de vives et incessantes réclamations. Elles sont à la veille de re
cevoir satisfaction grâce à la pression exercée sur le gouvernement de Pékin par le ministre anglais sir Harry Park, qui n’a pas laissé échapper l’occasion favorable fournie par les complications actuelles.
La Corvette le Yang-ou. — Lancée en 1872 à Fou-Tcheou ; longueur 58 mètres; largeur nm 2 ; profondeur 7™ 2 ; tirant d’eau au milieu 5 mètres ; déplacement 1.608 tonneaux ; puissance 1.250 chevaux ; vitesse 13 nœuds.
Cette corvette est armée d’un canon de 19 cent, et de 12 canons de 16 centimètres Whitworth.
L’équipage est de 200 hommes.
C’est le plus fort navire que l’arsenal de Fou- Tcheou ait construit jusqu’à ces dernières années,et certainement un des meilleurs navires de guerre de la Chine. Le même arsenal vient de terminer un croiseur de 2150 tonneaux de déplacement d’une puissance de 2.400 chevaux qui a été complètement achevé par des ouvriers chinois sous la direc
tion d’ingénieurs chinois sortis de l’Ecole du Génie maritime de Cherbourg et qui avaient commencé
leur éducation dans les écoles fondées par M. Giquel en Chine.
Félix Régamey
CÉLINE
Quand ce fut à son tour de prendre la parole, Jacques s’exprima en ces termes :
-— Les premiers cols brodés que j’ai portés dans ma plus tendre enfance, — c était la mode et le luxe à cette époque, — ont été confectionnés par la
sœur de celui qui devait être un jour le maréchal Bosquet. Ceci vous explique pourquoi ce nom illuslustre reviendra souvent dans mon récit. Car c’est une histoire intime du maréchal que je vais vous conter, et une histoire qui ne figurera jamais dans les livres où l’on fera la plus large part à sa vie militaire.
Joseph Bosquet appartenait à une famille de la bourgeoisie la plus humble. Mais il avait pour mère une femme d’élite qui avait mis toutes ses es
pérances et toutes ses ambitions sur la tête de ce fils dont elle soignait l’éducation en conséquence, une grosse tête, comme dirent plus tard les Arabes. A l’époque où remonte mon récit, la famille Bos
quet occupait en location le rez-de-chaussée d’une maison modeste, rue Facture, à Pau, qui, je le crois, appartient encore à la famille Carreau. Il y avait là une mère et une fille vivant bien humble
ment, mais entourés de l’estime, de l’affection, au besoin de l’appui de tous les braves gens qui for
maient leur voisinage. Joseph était au collège. Il se préparait à subir ses examens pour entrer à l’Ecole polytechnique.Commentilen sortit, en 1830, par la prise du Louvre à la tête du peuple insurgé,
je n’ai pas à vous le dire ; vous le savez aussi bien que moi.
Mais je puis vous apprendre que, dès le collège, il avait montré des goûts de domination et des instincts de commandement qu’il devait porter partout dans sa carrière. Ses camarades le recon
naissaient volontiers pour chef. Il était du reste fort avancé pour son âge, et devait aux leçons inti
mes de sa mère une connaissance précoce de la vie. La brave femme n’avait voulu lui laisser rien igno rer de ce qui fait et complète l’homme. Malgré l’humilité du foyer domestique, Bosquet avait ainsi
reçu une de ces grandes et libérales éducations de famille comme on 11’en rencontre guère qu’en Angleterre.
Aussi ne serez-vous pas surpris quand je vous dirai qu’à dix-neuf ans, au moment où il entrait à l’Ecole polytechnique, Joseph Bosquet avait au cœur un amour violent, une de ces passions qu on peut bien oublier parfois dans les agitations brû
lantes d une vie active et accidentée, mais qu’on retrouve toujours à son chevet dès qu’on peut s’interroger avec sincérité et écouter ce que dit la con
science. A quelque âge que ce soit, lorsqu’elles entrent dans un cœur digne de leur servir de ta
bernacle, les passions de ce genre ne finissent jamais qu’avec la vie. Et Bosquet était tout ce qu’on vou
dra pour ceux qui jugent à la légère et mesurent les ambitieux à l’aune commune. Mais personne ne dira jamais avec vérité que ce fut une âme vulgaire.
Celle qu’il aimait, vous l’avez tous connue : c’était Céline Myrril. Elle avait douze ans quand il quittait le lycée et entrait à l’Ecole polytechni
que. Fille d’un colonel qui prenait sa retraite, pour cultiver les fleurs, elle n’avait qu’à se laisser vivre pour être la plus adulée de toutes les femmes. Tou
tes les bonnes fées avaient présidé à sa naissance et s’étaient cotisées pour lui donner à l’envi tout ce qui fait le charme des existences heureuses. A une fortune honnête et largement suffisante pour satisfaire des désirs qui ne sont pas effrénés, Céline unissait une beauté qui allait s’épanouissant de jour en jour et ne devait arriver à son entier dévelop
pement qu’à la vingtième année. En outre elle avait un caractère enjoué, une intelligence bien cultivée et un esprit enfin qui lui permettait de parler, même du voisin, sans aiguiser l’anecdote du jour d’une pointe de malice. C’est d’elle qu’un poèie de nos amis a pu dire après sa première apparition au bal.
Elle parut laissant son shall au corridor,
Avec ses longs cheveux, noués au peigne d’or... Riante et gracieuse. Ainsi d’un pas léger
Les femmes de Paris marchent sous l oranger,
Quand, jetant ses couleurs aux pelouses fleuries, Le tiède mois de mai pare les Tuileries.
Telle était Céline. A douze ans, elle promettait ce qu’elle devait être à seize, et à seize ce qu’elle devait être à vingt ans, l’âge des grandes amours pour les femmes d’élite. Mais Céline était précoce. Dans les relations de voisinage, elle n’avait pas été