Le docteur empoigna vigoureusement par un bras chacun des combattants.
DESSIN D’EMILE BAYARD
TANTE AURÉLIE(1)
Par ANDRE THEURIET
VI
Octobre était arrivé, et avec lui une lettre de M. Desrônis redemandant ses deux enfants. — Le docteur s’ennuyait dans son logis vide, il insistait pour que Camille qui courait sur ses treize ans, vint s’initier à la tenue d’un ménage. D’ailleurs, Marcel Boisselier devant entrer au collège de Villotte en qualité de pensionnaire pour y com
mencer ses humanités, la présence de Sosthène à Renesson n’avait plus de raison d’être et il s’en allait temps que ce dernier reprît lui-même ses études classiques. — Les époux de Lisle s’étaient séparés sans trop de regrets de leurs petits enfants,
dont la turbulence dérangeait leurs habitudes casanières. Clairette la coquassière avait ramené sous la toile de sa carriole Camille et Sosthène, accompagnés de Marcel, tout marri de quitter pour la première fois sa maison, ses bois, sa liberté, et de les échanger contre les grands murs du collège. Mlle Herbillon les avait déjà précédés à Vil
lotte, afin d’assister à la réouverture des cours de la pension Papillon, et son départ avait considérablement allégé les regrets de Sosthène.
Les enfants Desrônis retrouvèrent la maison de la rue des Tanneurs presqu’aussi maussade que le jour où ils l’avaient quittée. Le docteur, irréprochablement vêtu de noir des pieds à la tête, poussait toujours de profonds soupirs en parlant de « sa
pauvre femme » ; néanmoins il avait repris son train de vie d’autrefois, et même, le soir après dîner, comme il ne pouvait supporter l’isolement, il allait passer quelques heures au cercle. Sos
thène se rendait deux fois par jour au collège, mais comme personne ne le surveillait, il bâclait ses devoirs, lisant plus de romans qu’il n’apprenait de leçons, et il acquérait au bout de quelques semaines, dans sa classe de quatrième, la ré
putation d’un assez joli cancre. Le docteur avait décidé que Camille n’irait pas en pension. Un pro
fesseur venait à domicile lui donner des leçons de
français, d’histoire et de calcul ; le reste du temps elle s’occupait du ménage. Le soir, après] le diner, Desrônis après avoir tourné mélancoliquement
(i) Reproduction interdite.— Droits de traduction réservés.