Comment votent les 48 Etats Unis.
Les Etats du Connecticut, de Rhode Island et du Massachusetts, peu discernables à l’échelle de cette carte,
votent rarement pour un démocrate.
par la moitié plus un des suffrages des électeurs au second degré, pourrait, à la rigueur, ne représenter que 28 % des suffrages du pays.
LA LEÇON DU PASSÉ
L’intérêt de ces considérations n’est pas purement académique. Sans arriver à ces chiffres-limite, on doit en effet constater que la majorité obtenue par les présidents successifs des Etats-Unis a été générale
ment faible dans le pays, même lorsqu’elle a fini par être forte au sein du collège électoral du second degré. Quelles que soient, par conséquent, la popularité ou l’impopularité d’un candidat présidentiel auprès des masses, il s’en faut de beau
coup que l’issue de la lutte puisse être prédite avec certitude.
La Société d’études et d’injormations économiques vient de publier à ce propos de très curieuses statistiques. L’une d’elles, reproduite par le tableau de la page cicontre, met en regard, pour les neuf der
nières élections, les pourcentages de voix obtenus par les candidats.
Ce tableau fait apparaître qu’aux élections du premier degré le plus grand succès, celui de Harding en 1920, n’a été obtenu qu’avec 60 % des suffrages du pays. Par contre, Wilson, en 1912 et en 1916, n’en réunissait que 42 et 49 %,
soit moins que la majorité absolue. Cette élection de 1916 est encore caractéristique par cet autre fait que le républicain Hughes, quoique battu, avait groupé 46 % des suffrages, soit 4 % de plus que ceux qui avaient assuré, en 1912, la victoire de Wilson.
LA CARTE ÉLECTORALE DES ETATS-UNIS
Comment une majorité infime chez les électeurs du premier degré peut se traduire par une majorité très nette dans le - corps électoral du deuxième degré, c’est ce qui ressort de la distribu
tion des voix républicaines et des voix démocrates dans le pays. Cela revient à dresser succinctement une carte électorale des Etats-Unis.
Le trait essentiel de cette carte est l’inégalité de la répartition des républicains et des démocrates dans les différents Etats de l’Union. D’une façon générale, les démocrates dominent nettement dans le Sud-Est et les républicains dans une large zone concentrique aux grands lacs, allant de la Penn
sylvanie aux plaines abruptes du haut Missouri. L’opposition que la guerre de Sécession a accusée entre Nordistes et Sudistes a incontestablement persisté, sous cette iorme atténuée, dans la phy
sionomie politique des Etats-Unis. Mais sans donner lieu à des contrastes aussi vifs, les républicains ont inondé l’Ouest jusqu’à la côte du Paci
fique, cependant que les démocrates faisaient tache d’hyile dans le Sud et dans une partie des Etats montagneux de l’Ouest. Par ailleurs, les démocrates ont pris pied dans les vieux Etats de l’Est au fur et à mesure que l’immigratioç et le développement des grandes villes en modifiaient la façon d’être.
Si l’on calcule le pourcentage moyen des suffrages que les électeurs américains ont accordés aux candidats des deux grands partis de 1892 à 1928, on peut répartir les quarante-huit Etats de l’Union en quatre catégories :
1° 12 Etats du Sud à majorité nettement démocrate, à savoir : la Caroline du Sud, le Mississipi, la Louisiane, le Texas, la Géorgie, la Floride, l’Alabama, l’Arkansas, la Virginie, la Caroline du Nord, le Tennessee et le Kentucky. Au total, 31.470.000 habitants disposant de 135 sièges ;
2° 11 Etats, dont 1 de l’Est, le Maryland, et 10 autres de l’Ouest — le Colorado, l’Oklahoma, le Missouri, le Nevada, l’Idaho, l’Arizona, le Nou
veau-Mexique,. le Montana, le Nebraska et le Kansas — à majorité douteuse, votant à peu près aussi souvent pour les démocrates que pour les républicains. Leur population est de 13.770.000 habitants pour 73 sièges ;
3° 14 Etats largement répartis de l’Atlantique au Pacifique, ayant en moyenne des majorités républicaines et votant généralement pour le candidat républicain. Ce sont les Etats de Wyoming,
de Washington, d’Utah, de la Virginie occidentale, de New York, d’Ohio, d’Indiana, du Massa
chusetts, de New Jersey, d’Illinois, de Wisconsin,
de Californie, du Connecticut et de Rhode Island. Ils comprennent des régions de toute première
importance, grandes villes ou centres industriels, et, pour une population de 55.331.000 habitants, détiennent 218 sièges ;
4° Enfin, 11 Etats du Nord-Est et du Nord- Ouest — l’Oregon, le North Dakota, le South
Dakota, le New Hampshire, le Maine, le Delaware, le Minnesota, le Michigan, le Iowa, la Penn
sylvanie et le Vermont — qui ne votent jamais pour le candidat démocrate. Leur population est de 23.696.000 habitants et le nombre de leurs sièges de 105.
On voit pourquoi, en temps normal, le président des Etats-Unis est immanquablement un républicain. En fait, depuis la guerre de Sécession et l’élection d’Abraham Lincoln, en 1860, la Maison Blanche a toujours été occupée par un représen
tant du « bon vieux parti » (gr eat old party ou G. O. P.) avec deux exceptions : les présidences de Cleveland en 1884 et 1892 et celles de Wilson de 1912 à 1920. L’arrivée au pouvoir du parti démocrate, avec le changement complet d’équipe qu’elle implique dans le haut personnel diploma
tique et administratif et dans les cadres de chaque Etat, intervient à intervalles éloignés, comme une sorte de médication héroïque dont l’organisme gouvernemental aurait besoin pour se renouveler. Il faut pour cela une époque de crise. C’est ce
qui, aujourd’hui, a accru si considérablement les chances des démocrates.
LA CAMPAGNE ACTUELLE
Les candidats républicains sont le président et le vice-président sortants, MM. Herbert C. Hoover et M. Charles Curtis. Ce dernier, âgé de soixantedouze ans, est une figure peu marquante. Il est mêlé à la politique depuis une quarantaine
d’années, soit dans son Etat d’origine, le Kansas, soit au Sénat, à Washington. Son rôle, dans l’équipe qui touche à la fin de son mandat, était de rallier à M. Hoover les agriculteurs du Middle
West, dont l’opposition avait failli lui être fatale. Sa personnalité effacée fait encore mieux ressor
tir la vigoureuse autorité de son chef de file. Sans être populaire, car il n’est pas éloquent et n’a pas l’abord cordial, M. Hoover ne redoute pas les responsabilités. Son grand succès de 1928 a été dû à deux causes principales : la division du parti démocrate à la suite de la candidature de Smith, catholique et humide, et la réputation que s’était faite le parti républicain d’avoir apporté la pros
périté et su la développer : « Je suis un ingénieur, disait M. Hoover au cours de ses tournées, et je saurai organiser la. prospérité de façon à en obtenir
le meilleur rendement pour notre pays. » La majorité a fait confiance au technicien, mais l’échec de ses promesses se retourne aujourd hui gravement contre lui.
Son adversaire démocrate, M. Franklin Roosevelt, est un parent du grand président Roosevelt, mais de la branche démocrate de la famille, alors que le président de 1904 était républicain. Il a cinquante ans. C’est un modéré, aussi bien de manières que de pensée. Sénateur à Washington en 1910, il fut choisi par Wilson en 1913 comme sous-secrétaire d’Etat à la Marine et occupa ce poste jusqu’en 1920. Il fut élu gouverneur de l’Etat de New York en 1929, en remplacement de Smith, qui avait démissionné l’année précédente pour se présenter à la présidence contre Hoover. M. Roosevelt avait déjà été candidat à la viceprésidence en 1920, comme second de Cox, qui fut battu par Harding. Quant à M. John Garner. candidat démocrate à la vice-présidence, c’est un type de politicien régional de l’ouest du Mississipi. Elu en 1898, à vingt-neuf ans, député à la Chambre basse de l’Etat du Texas, puis à la Chambre des représentants de Washington dès 1903, il y fut constamment réélu et il en est devenu le président (speaker). C’est le chef de la fraction avancée du parti démocrate dont M. Roosevelt représente l’élément modéré.
Si l’opposition entre les démocrates et les républicains est acharnée, elle est beaucoup plus une
question de personnes et de clans que de doctrine. Naguère, un grand journal des Etats-Unis ouvrit un concours entre ses lecteurs pour la meilleure définition des deux partis. La. réponse qui fut considérée comme la meilleure était à peu près celle-ci : « Le démocrate est celui qui estime que les choses vont de mal en pis sous le régime républicain, tandis que le républicain pense que l’arrivée au pouvoir des démocrates serait une irrémédiable catastrophe. »
Quand on examine, en effet, les « platesformes » élaborées par la convention républicaine et par la convention démocrate pour la présente campagne, il faut bien convenir que peu de points les séparent. La crise est évidemment l’élément dominant de la situation, mais les deux partis n’y ont trouvé de remède spécifique que dans les coffres du trésor fédéral. Si les méthodes, diffèrent quelque peu dans la forme de l’aide à apporter aux agriculteurs, aux industries, aux banques, aux propriétaires fonciers ou aux chômeurs, c’est tou
jours au trésor public que les partis conseillent de s’adresser, soit directement, soit au moyen d’organismes, spécialisés et. de plans de grands travaux. L’un et l’autre prônent également les économies sérieuses, l’intangibilité de l’étalon-or, la protection des intérêts des propriétaires démunis d’argent. Leur position est identique à l’égard de la non-annulation des dettes interalliées et les