En face d’elle, le prince Vitale, masqué, s’acquittait de ses fonctions de professeur. dessin d’émile bavardSTEEPLE-CHASEPAR M. PAUL BOURGET(Suite).L anglais était rentré chez lui sous une impression de grande tristesse. Il avait réellement souffert des à-parté de Lucie et du prince Vitale, il avait ressenti à cette occasion celte sorte de malaise physique dont tous les jaloux connaissent trop bien le supplice, et la simple petite phrase du marquis sur la beauté de son rival, avait encore augmenté cette angoisse. Il donna Tordre qu’on dételât les chevaux, écrivit un billet pour se dégager d’un dîner auquel il était prié, passa un costume de fumoir,— car, en sa qualité de sujet de Sa Majesté la reine Victoria, il poussait jusqu’à la manie le culte de la toilette spéciale à chaquenouveau rite de la vie, —et couché sur un grand divan de cuir de sa pièce favorite, celle où il se renfermait quand il avait Pâme noire, il commença de fumer du labac très fort et très noir dans une courte pipe de bois de bruyère. C’était une mauvaise habitude contractée dans son collège de Christ-Church, à Oxford, et il la reprenait dans toutes ses mauvaises heures. De moment en moment, il faisait sauter le bouchon d’une bouteille de soda, en versait le contenu dans un grand verre, coupant le tout d’une forte dose de whisky. Lui qui ne touchait dans le monde età sa table ni à un verre de vin, ni à un verre de li- \queur, il aimait, tout seul ainsi, à s’intoxiquer avec cette boisson irlandaise qui sent la fumée et qui grise durement.— « Cette idée, s’écriait-il par moment, est intolérable. »C’était durant les minutes où l’image du sourire de Lucie au prince Vitale se faisait trop précise. Il apercevait, comme s’il l’eût en tous ces détails, là, devant lui, et la coupe de la joue de la jeune veuve, et le fin duvet dont s’adombrait cette fine joue, et un signe brun qu’elle avait au coin de la bouche, à gauche, et son regard. Puis il invoquait le prince Vitale, avec son beau et pâle visage qui faisait songer aux nobles portraits du Titien et du Véronèse. Il voyait les yeux du jeune homme, et dans ces yeux un désir de la personne de Mme de Salverte. Rien qu’à penser que le prince respirait, sir John avait quelquefois un serrement de cœur, mais quand il croyait constater