NOS GRAVURES
l’enlèvement de la neige a paris
VENDREDi de la semaine dernière, vers midi, une tourmente de neige s’est abattue sur
Paris, assez violente pour que la couche atteignit rapidement sept à huit centimètres d’épaisseur. Sur le premier moment, les co
chers, pris au dépourvu, durent aller au pas ou conduire leurs chevaux par la bride; nombre même de voitures et d’omnibus restèrent en détresse. Mais au bout de quelques heures, la neige avait à peu près disparu do la chaussée et les rues avaient repris leur aspect accoutumé.
Cet enlèvement si rapide de la neige est obtenu avec l’aide du sel marin.
On sait que le sel mêlé à la neige forme un liquide qui ne peut plus se congeler qu’à une température très infé
rieure à zéro. Les ingénieurs de la ville de Paris ont utilisé cette propriété pour liquéfier la couche de neige dans les rues et en faciliter le balayage.
Les premières expériences furent faites par M.d’Ussel (un nom prédestiné),alors ingénieur duservice municipal, et les premiers essais un peu considérables eurent lieu dans l’hiver 80-81. Dès l’année suivante, le procédé entra dans la pratique courante; aujourd’hui il est à peu près exclusivement employé à Paris, sauf toutefois pour les chaussées en macadam, car le dégel rapide a l’inconvénient de désagréger et de détériorer les empierrements.
Pour payer des droits moins élevés, on emploie du sel dénaturé, comme celui utilisé par l’industrie et l’agri
culture. C’est du sel gemme, provenant des salines de l’Est, lequel, en gare de Paris, revient à environ 31 francs
la tonne. On en approvisionne de grands magasins d’où on le répartit, à l’entrée de l’hiver, dans des dépôts dis
séminés dans les divers quartiers de la capitale. Tous les ouvriers du service municipal sont stylés à l’avance :
aussitôt une chute de neige, chacun se rend directement à son poste, remplit de sel une brouette et le répand sur la portion de chaussée qui lui a été assignée.
Il a été essayé plusieurs machines combinées de manière à laisser écouler uniformément le sel ou le sable sur les surfaces qu’elles parcourent. Notre gravure re
présente un de ces appareils constitué par un tombereau muni, à l’arrière, d’une trémie par laquelle s’échappe le sable. L’emploi de ces machines ne s’est pas cependant généralisé. Disposant, en effet, d’un personnel exercé, on trouve plus simple et plus commode de lui faire répan
dre le sel directement à la main ou à la pelle, comme le semeur jette le grain dans le champ, ou comme le can
tonnier répand du sable sur le pavage en bois pour le rendre moins glissant.
H y a avantage à commencer l’opération aussitôt que la couche de neige atteint une certaine épaisseur. Le sel ne produit complètement son effet que lorsque la circu
lation des voitures l’a suffisamment mélangé avec la neige. Au bout de deux à trois heures, la liquéfaction est assez avancée pour qu’on puisse procéder au balayage des rues, soit à la main, avec des balais et des raclettes, soit au moyen des balayeuses mécaniques.
Le sel est peu employé sur les trottoirs, qui doivent être déblayés sur une certaine largeur par les soins des propriétaires riverains. Son mélange avec la neige serait du reste plus long à s’effectuer et constituerait une sorte de sorbet glacial très désagréable pour les piétons.
La ville de Paris a dépensé environ 220,000 francs pour les chutes de neige des 8 et 10 décembre dernier, où l épaisseur de la couche a atteint respectivement-H à 10 centimètres et 6 à8 centimètres.I .a quantité de sel em
ployée a été de 30 grammes en moyenne par mètre carré,
ce qui ne représente qu’une dépense de I à 2 inillimes de sel par mètre carré, alors que le déblaiement a coulé eu tout 3 à 4 centimes. Le prix du sel n’entre donc guère
que pour un trentième, c’est-à-dire pour une part très faible, dans la dépense totale. Et encore celle-ci, — il ne
faut point le perdre de vue, — serait beaucoup plus élevée avec tout autre procédé.
L’emploi du sel constitue donc une économie très sérieuse, sans compter l’avantage inappréciable, pour la population et le commerce, d’un dégagement beaucoup plus rapide des voies publiques.
En pratique, la quantité de sel nécessaire par mètre carré peut dépendre de la température plus ou moins basse de l’atmosphère, mais les proportions employées ne varient pas sensiblement avec l’épaisseur de la couche de neige. Jusqu’ici, ces proportions ont été suffisantes pour des épaisseurs de 8 à 10 centimètres.
Nous avons dit que le sel abîmerait le macadam. Suiles chaussées empierrées, on se contente donc de racler la neige et de la balayer dans les ruisseaux, d’oii elle est entraînée dans les égouts. Le tombereau n’est employé que dans les cas de couches d’une grande épaisseur ; il sert alors à aller déverser la neige soit dans la Seine, soit dans des égouts à forte pente et à écoulement rapide.
Ch. T.
LES NOUVEAUX MINISTRES
M. Sarrien (Intérieur). — Un homme aimable, bon et honnête, et piocheur par dessus le marché! Dans les commissions du budget, on lui mettait sur le dos toutes les besognes un peu laborieuses; et il tes acceptait toutes; qui plus est, il les faisait !
C’est-à-dire qu’on se demande comment un homme aussi bon pourra se maintenir au ministère de l’intérieur
— où les loups sont plus en nombre que les agneaux. Vous verrez qu’un de ces matins on ne le retrouvera plus. Ses bureaux l’auront mangé, le trouvant trop tendre.
A moins que tes dents et les griffes ne lui poussent d’ici-là.
M. Goblet (Instruction publique). — Un petit homme, fort bien tourné, souriant, alerte, vif comme un écureuil, mais qui n’en a pas moins griffes et dents.
Il est avocat et parte avec une rapidité qui fait le désespoir des sténographes. Par moments, il atteint la vitesse de 28 lignes à la minute ! Et c’est toujours correct. M. Goblet est un homme précis, qui finit ses phrases.
Il a du nerf et de la ténacité. Au ministère de l’intérieur et même à celui de l’instruction publique, il est arrivé — ou à peu près — à se faire obéir de ses chefs
de service. Quand on peut dire cela d’un ministre, soyez sûrs que ce n’est pas le premier venu. Eh bien, M. Goblet est parvenu à faire travailler ses bureaux ! Même on ra
conte qu’il lui est arrivé quelquefois de parvenir à faire ce qu’il voulait, alors que les bureaux ne le voulaient pas !
Libéral obstiné, point jacobin, mais radical sous son libéralisme, M. Goblet a des amitiés dévouées et des inimitiés ardentes dans la Chambre. C’est un chef de cabinet de l’avenir.
Le général Boulanger (Guerre). — Nouveau dans la politique, mais non pas dans l’administration. C’est un jeune, il n’a guère que 42 ans. Mais s’il a avancé vite, du moins il ne s’est pas ménagé. A chacun de ses grades correspond une blessure.
C’est un Breton, blond cuivré, vif et dégagé dans ses allures comme un Méridional, gai, de bonne humeur et la langue aussi bien affilée que le sabre.
Il a fait la guerre un peu partout et connaît les besoins du.soldat. Il a passé par les bureaux, ayant été directeur de l’infanterie au ministère de la guerre, pendant deux ans. Ce n’est pas un routinier mais c’est un administrateur.
En Tunisie où, pendant trois ans il a commandé le corps d’occupation, il a eu maille à partir avec M. Cambon résident-général; et cette lutte qui fit quelque bruit, n’est pas encore finie, à l heure qu’il est. Si M. de Frey
cinet l’a pris dans son ministère ce n’est point pour
l’amour de M. Cambon, niais pour faire plaisir à M. Clémenceau qui fait grand cas de lui.
L’amiral Aube (Marine). — Beau-frére du général Faidherbe. Il est né à Toulon en 1826, ce qui lui donne soixante ans. Pour un amiral, c’est encore jeune. Il est d’ailleurs très vert et porte fort allègrement sa soixantaine.
Dans le cadre des amiraux il fait exception, étant franchement républicain et hardiment novateur. Il a publié dans plusieurs revues, la Revue des Deux Mondes, la Revue coloniale et maritime — des articles de stratégie navale qui passaient pour presque révolutionnaires aux yeux de certains membres du conseil de l’Amirauté.
L’amiral Aube pense que la torpille a tué la cuirasse et que ce n’est pas la peine de dépenser quinze à vingt mil
lions pour construire un monstre d’acier, lourd et lent, qu’un torpilleur rapide, — qui coûte à peine trois cent mille francs, — fera sauter en cinq minutes.
Du reste, l’amiral n’entend prendre de résolutions définitives qu’après avoir procédé à des expériences complètes et concluantes.
Très ferme et très affable, l’amiral Aube a prouvé qu’il sait, manier les hommes aussi bien que les navires, quoique ce ne soit pas toujours aussi facile. Pendant lieux ans U a gouverné la Martinique et ne s’en est pas mal tiré. U est vrai qu’à la Chambre on est peut-être encore plus divisé qu’à la Martrnique et ce sont tes ministres qu’on y mène comme les nègres.
M. Lockroy (Commerce et industrie). — Jeune encore — quarante-six ans -- malgré ses cheveux blancs, U a la verdeur d’esprit de la jeunesse.
Le lui a-t-on assez reproché, bon Dieu! Dans 1e monde parlementaire, il parait que c’est une véritable disgrâce que d’être homme d’esprit. On le traitait aussi de « bo
hème » parce qu’il avait fait l’expédition (tes « Mille »
avec Garibaldi, suivi Renan en Syrie, fait de la prison sous l’empire pour ses articles au Rappel, commandé un bataillon de mobilisés pendant le siège de Paris et donné sa démission de député en 1871 — après quoi,
d’ailleurs, menacé d’ètre fusillé par la Commune, il fut emprisonné par Versailles.
Il est très simple dans ses manières et sansla moindre morgue. Même avec le premier venu c’est toujours la même bienveillance familière et le même sans-façon spi
rituel. Les majestueux du centre gauche en demeurent éternellement scandalisés.
M. Granet (Postes et télégraphes). — Un jeune qui a de l’expérience comme un ancien. U a passé par l’admi
nistration, et il en connaît tous tes arcanes. C’est avec M. Constans, comme directeur du personnel, qu’il a complété son éducation.
Tour à tour préfet, chef du cabinet du ministre de l’intérieur, directeur du personnel, il s’est fait plus d’amis que d’ennemis, — ce qui n’est pas commun dans cette carrière.
C’est pour avoir été le concurrent — battu — de M. Clémenceau dans l’arrondissement d’Arles qu’ila con
quis l’amitié de M. Clémenceau. Puis la campagne acharnée qu’il a menée contre M. Ferry pendant toute la durée de son ministère a nécessairement achevé de resserrer 1e lieu. Comme obstinatum d’hostilité .M. Granet
ne le cédait à personne ; quand tout le .monde renonçait à l’altaque, c’était M. Granet qui se jetait à la tribune et relançait le chef des opportunistes. Personne n’a combattu plus résolument l’expédition du Tonkin.
LES NOUVEAUX DÉPUTÉS
(Suite.)
Adam. — Pas-de-Calais. Conservateur. Nouvellement élu. Ancien député à l’Assemblée nationale. Banquier.
Arnous. — Charente. Conservateur. Député sortant. Représentait la ville de Barbezieux. Grand propriétaire.
Benoist (de). — Aveyron. Conservateur. Nouvellement élu. Ancien magistrat.
Berger (F. K.). — Maine-et-Loire. Conservateur. Nouvellement élu. Ancien député. Ancien chef du personnel au ministère de l’intérieur sous l’empire; ancien conseiller de préfecture.
Blandin. — Marne. Républicain. Député sortant. Avocat. Ancien sous-secrétaire d’Etat à la guerre. Appartenait au groupe de l’Union républicaine.
Boreau-Lajanadie. — Charente. Conservateur. Nouvellement élu. Ancien député à l’Assemblée nationale. Ancien conseiller à la cour de Bordeaux.
Boscher-Delangle. — Côtes-du-Nord. Conservateur. Nouvellement élu. Ancien député. Banquier.
Breteuil (de). — Hautes-Pyrénées. Conservateur. Nouvellement élu. Ancien député.
Briet de Rainvillers. — Somme. Conservateur. Nouvellement élu. Conseiller général. Ancien capitaine d’état-major. Grand agriculteur.
Colombet (de). — Lozère. Conservateur. Nouvellement élu. Ancien sénateur. Conseiller général.
Dellisse. — Pas-de-Calais. Conservateur. Nouvellement élu. Conseiller général. Grand industriel.
Dupuy. — Aisne. Républicain. Nouvellement élu. Médecin. Maire de Vervins et conseiller général.
Dupuy (Ch.) — Haute-Loire. Républicain. Nouvellement élu. Inspecteur d’Académie. Vice-recteur en Corse.
Fairé. — Maine-et-Loire. Conservateur. Nouvellement élu. Ancien député. Avocat.
Fouquet. — Eure. Conservateur. Nouvellement élu. Grand industriel.
Godet de la Riboullerie. — Vendée. Conservateur. Ancien député à l’Assemblée nationale.
Hubbard. — Seine-et-Oise. Républicain. Nouvellement élu. Avocat. Conseiller municipal de Paris.
Jaurès. — Tarn. Républicain. Nouvellement élu. Professeur agrégé à la Faculté des lettres de Toulouse. Neveu de l amiral.
Jouffrault. -Deux-Sèvres. Républicain. Nouvellement élu. Ancien député. Conseiller général.
Juigné (de). — Loire-Inférieure. Conservateur. Député sortant. Membre du conseil des haras.
Lamazière (Daniel). — Haute-Vienne. Républicain. Nouvellement élu. Ancien représentant. Conseiller général.
Lamberterie (de). — Lot. Conservateur. Nouvellement élu. Ancien sous-préfet.
Lascombes. — Cantal. Républicain. Nouvellement élu. Avocat. Conseiller général.
Legge (de). — Finistère. Conservateur. Nouvellement élu. Ancien député en 1871. Ancien commandant des mobiles bretons pendant le siège de Paris.
Le Gludic. — Sarthe. Républicain. Député sortant. Maire de Sablé.
Lesage. — Cher. Républicain. Nouvellement élu. Conseiller général. Agriculteur.
Levrey. — Haute-Saône. Républicain. Nouvellement élu. Cultivateur.
Lorois. — Finistère. Conservateur. Ancien député, Conseiller général.
Lyonnais. -- Seine-inférieure. Républicain. Nouvellement élu. Ouvrier.
Magnien. — Saône-et-Loire. Républicain. Nouvellement élu. Conseiller général. Avoué.
Marquiset. — Haute-Saône. Républicain. Appartenait à l’Union républicaine. Maitre de forges.
Mennesson. — Marne. Républicain. Nouvellement élu. Avocat.
Michou. — Aube. Républicain. Député sortant. Médecin.
Monteils. — Lozère. Conservateur. Nouvellement élu. Ancien député. Médecin.
Pajot. — Cher. Républicain. Nouvellement élu. Conseiller général.
Pons-Tande. — Ariège. Républicain. Nouvellement élu. Ancien représentant à l’Assemblée législative
Rochet. — Rhône. Républicain. Nouvellement élu. Ouvrier tisseur.
Roure. — Alpes-Maritimes. Républicain. Nouvellement élu. Notaire et maire de Grasse.
Roussin. — Finistère. Conservateur. Nouvellement élu. Ingénieur. Conseiller général et maire de Romelin.
Rumillet-Charretier. — Haute-Loire. Républicain. Nouvellement élu. Industriel.
Saint-Ferréol. (de) — Haute-Loire. Républicain. Nouvellement élu. Ancien représentant en 1848. Maire de Brioude.
Soucaze. Iiautes-Pyrénées. Conservateur. Nouvelle
ment.élu. Notaire.