M. DE FALLOUX
La société religieuse et monarchiste vient de perdre, dans la personne de M. de Falloux, sinon une de ses gloi
res éclatantes, au moins une de ses plus honorables notabilités. Sans avoir été toujours reconnu et surtout suivi comme chef de parti, son action a été souvent puissante, parfois presque
décisive, et son nom reste inséparable de plusieurs actes ou tentatives poli
tiques qui ont une grande place dans les souvenirs contemporains.
Né à Angers, le 7 mai 1811, Alfred- Pierre de Falloux appartenait à une ancienne famille de commerçants an
gevins signalée pour son zèle monarchi
que. La Restauration l’en récompensa, en 1825, non pas, comme on l’a dit, en l’anoblissant, — elle jouissait déjà de la particule nobiliaire, — mais en lui décernant le titre de comte. Et,
détail assez curieux, par suite des retards de la chancellerie, ce ne fut qu’après la révolution de Juillet que fut contre-signée,le üOoetobre 1830,par Dupont (de l’Eure), comme garde des sceaux de Louis-Philippe, la lettre patente portant érection de majorât au titre de comte en faveur du père du plus fidèle champion de la légitimité.
M. de Falloux se révéla de bonne heure par deux ouvrages empreints d’un amour passionné pour l’ancien ordre de choses : une Histoire de Louis XVI (1840) et une Histoire de Saint Pie V, de l’ordre des Frères- Prêcheurs (1844). Il y donnait la me
sure et de sa foi politique et de sa foi religieuse, et se plaçait par l’accepta
tion confiante des naïfs miracles lé
gendaires à côté de l’auteur de la Vie de Sainte Elisabeth de Hongrie.
Il fut bientôt le collègue de Montalembert à la Chambre des députés où le département de Maine-et-Loire l’en
voya en 1846, et où il soutint ce qu’on appelait dès lors la cause de la liberté de l’enseignement.
Son rôle grandit après la révolution de 1848 et eut à diverses reprises une importance historique. Ce fut sur son rapport que l’Assemblée nationale prononça la dissolution immédiate des
M. LE COMTE DE FALLOUX
D’après la photographie de M. Walkmann.
ateliers nationaux, qui fut le signal des journées de juin. Après l’élection du prince Louis-Napoléon à la présidence de la République, il fut appelé au mi
nistère de l’instruction publique, et M. Jules Simon put dire alors, dans la Liberté de penser : « L’Université vient de recevoir son ennemi person
nel pour chef. » Il prépara ce fameux projet de loi organique de l’enseigne
ment qui a gardé son nom,quoiqu’il n’ait été voté qu’après sa sortie du minis
tère. Par une application de la maxime Divide et impera, il partageait la France en 86 académies, avec 86 recteurs, et assurait, par cet éparpillement de l autorité universitaire, la prépondérance universelle du clergé.
La participation de M. de Falloux aux luttes religieuses ou politiques, avant et après la chute de l’Empire, eut des fortunes diverses et le mit parfois aux prises avec les autres chefs de son parti. Il eut avec les journaux religieux d’ardentes polé
miques. Un démêlé particulier avec l’évèque de son diocèse, Mgr Freppel, lui attira même une excommunication qui fut ensuite annulée par le nonce du pape. Ses tentatives de conciliation dans la fameuse affaire de la fusion monarchique soulevèrent les protestations des purs légitimistes. Et cepen
dant, les orléanistes ne lui avaient jamais été bien sympathiques ; à pro
pos de sa candidature à l’Académie française, de Tocqueville avait exprimé la répugnance de ses amis, en disant qu’il trouvait en lui « un fumet de sacristie, désagréable à sentir ».
Homme politique et écrivain, M. de Falloux avait encore une spécialité qui lui était chère : l’agriculture. Il y trouvait une consolation dans ses tris
tesses, un refuge dans ses défaites ou ses déceptions. Il entrait en commu
nication aussi intime que possible avec les hommes simples et laborieux qui fécondent le sol, et lorsque pressentant une fin prochaine, il recomman
dait la plus grande simplicité pour ses funérailles, il disait : « Je veux être enterré comme un métayer angevin. »
G. V.
LE NOUVEL HOTEL-DE-VILLE DE NEUILLY