LE NOUVEL HÔTEL DE VILLE DE NEUILLY-SUR-SEINE
Depuis que Neuilly a pris une grande extension et s’est trouvé former en quelque sorte la continuation des beaux quartiers de Paris, l’ancienne mairie était devenue insuffisante pour les besoins d’une agglomération consi
dérable. En 1879,1a municipalité ouvrit un concours pour la construction d’un hôtel de ville. M. André, architecte à Lyon, obtint le premier prix; mais comme il ne put pas se charger de l’exécution des travaux, la direction en fut confiée à MM. Dutocq et Simonet, architectes à Neuilly.
Les travaux, commencés en juin 1882, ont été si rapidement menés, que tous les services ont pu être instal
lés dans les bâtiments neufs au mois de septembre 1885. La dépense totale s’est élevée à environ 1,460,000 francs.
Le nouvel hôtel de ville est construit sur l’avenue du Roule, en façade sur une place de moyennes dimensions. La largeur de cette façade est de 40 mètres. Au pied de l’édifice, un large perron conduit au niveau du rez-dechaussée. La hauteur totale, depuis le sol jusqu’au sommet de la coupole du campanile, est de 42 mètres.
Les trois arcades du rez de-chaussée laissent entre elles de robustes piédroits supportant bien le percement en sept entrecolonnements du premier étage. L’ordre co
rinthien domine dans la composition de cet étage. Audessus est un atlique surmonté de l’horloge. Le cadran central est encadré de deux figures de femmes debout,
représentant 1 ejour et la nuit; à droite et à gauche, des frontons circulaires servent de siège à des figures cou
chées représentant les droits et les devoirs du citoyen ; à la partie supérieure, est un attique à fronton couronné de deux enfants qui soutiennent un écusson.
Toute la statuaire de l’horloge est l’œuvre de M. Tony Noël. La frise, d’ordre corinthien, est composée de guir
landes et d’enfants dus au ciseau de M. Barrias; sur les
avant-corps, au-dessus des grandes croisées, les figures couchées représentent la Justice et la Bienfaisance. Les clefs des arcades du rez-de-chaussée ont été exécutées
par M. Gauthier. Les écussons des avant-corps sont ornés d’enfants écrivant on lisant des devises.
Les services généraux occupent le rez-de-chaussée et l’entresol de l’aile droite et de l’aile gauche du bâtiment. Le premier étage est réservé aux services d’apparat.
LE PASSAGE DES RAPIDES DE PRÉA-PATANG
Un fait de la plus haute importance pour la prospérité commerciale de notre colonie de la Côchinchine, a été accompli le 8 septembre de l’année dernière. Le torpilleur 44, envoyé en Chine pendant la guerre et actuellement affecté à la défense de la Côchinchine, a franchi les barrages (rapides) réputés infranchissables de Préa- Patang dans le Ilaut-Me-Kong (Cambodge). Il était com
mandé par le lieutenant de vaisseau Vignot et monté par M. Réveillère, commandant de la marine et M. Guiberteau, son adjudant de division. A quelques jours de la, le
lieutenant de vaisseau de Eésigny, commandant la canonnière la Sagaie, franchissait également les mêmes rapides sur un autre point.
Ce barrage de Préa-Patang était le seul point véritablement redoutable de la navigation du Haut-Me-kong. Il se trouve à une faible distance de la frontière du Laos, et ne s’étend que sur une longueur d’environ trois cents mètres; mais rien n’égale, en cet endroit, pendant les hautes eaux, la violence des flots du grand fleuve se bri
sant sur des milliers d’obstacles, assiégeant les berges, se ruant à travers la forêt submergée, tourbillonnant, creusant des gouffres, furieux et blancs d’écume, au milieu d’un bruit d’enfer.
En aval de ce barrage, les rapides, qui commencent à Samboc et avaient été précédemment reconnus par M. de Eésigny, peuvent être remontés par tous les navires de la station; en amont, le Me-Kong reprend ses belles et calmes allures dans le Laos et redevient navigable sur une longueur inconnue. U n’y avait donc d’obstacle à la libre navigation du fleuve que les rapides de Préa-Patang,
et cet obstacle n’existe plus. Ajoutons que la région des rapides se trouve tout entière en terre cambodgienne et que le jour où le gouvernement voudra entreprendre, en temps utile, des ouvrages d’aménagement et d’amélioration, il n aura à demander de permission à personne.
aride. C’est le désert. A l’intérieur, vingt kilomètres de sables, ponctués de quelques acacias mimosas, voilà en
quoi consiste l’établissement. Comme colonie, il n’y a donc rien à en faire; mais sa situation lui donne une certaine importance et c’est un dépôt de charbons qui a son utilité. Pendant la guerre avec la Chine, plus d’un de nos navires y trouva le combustible que l’Angleterre lui refusait à Aden. Le gouvernement français s’établit au cap Obock en 1867, à la suite d’un arrangement avec l’un des chefs des tribus nomades de Danakil, qui errent suile territoire. Un de nos dessins représente ce chef nommé Dini, et portant le titre un peu ambitieux de sultan. En effet, les Danakil, bien que mahométans, sont de vrais sauvages, à peine couverts de lambeaux d’étoffe et chaussés de sandales en peau d’antilope.
Le dankali (dankali est le singulier de danakil, comme targui est celui de touareg) est très belliqueux. Pour armes, il porte une lance, souvent deux, un sabre et un bouclier fait de peau. Son métier est de se battre. La femme garde le bétail. Elle ne manque pas de coquette
rie ; elle aime à se parer de bijoux grossiers faits d’os, de coquillages et de verroterie, et sait fort bien se draper dans l’étoffe qui l’enveloppe, mais en partie seulement.
Les Danakil vivent sous la tente ou plutôt en plein air et couchent à la belle étoile ; leurs tentes, très basses, se composent de quatre piquets, sur lesquels sont jetées quelques nattes, et servent surtout à mettre à couvert leurs provisions et leurs ustensiles. Aussi, pas le moindre village. Quand la France mit le pied sur le cap Obock, elle eut tout à construire. Nos dessins représentent les bâtiments divers de son établissement, où demeure notre résident avec une garnison de quinze soldats. Dans l’en
ceinte s’élève une tour carrée, surmontée du drapeau national et nommée Tour Soleillet, du nom du célèbre voyageur qui, outre ses voyages dans l’Afrique occiden
tale, a rempli diverses missions à Obock et dans les régions voisines. Cette tour est aujourd’hui en ruines, comme une partie des bâtiments de l’établissement fran
çais, qui ont été renversés par le terrible cyclone du mois de juin de l’année dernière, pendant lequel s’est
perdu corps et bien, en allant d’Obock à Aden, l’aviso le Renard. Deux autres de nos croquis représentent encore l’un la factorerie Godin, l’autre les jardins de la Compa
gnie Mesnier qui s’est établie plus récemment au cap Obock et y fait également le commerce de charbons.


STEEPLE-CHASE(1)


NOUVELLE
(Suite et fin).
A la sixième partie, et quand ils additionnèrent, Vitale était rubiconné. Il devait un peu plus de quatre cents louis. Ils firent encore deux tours, et c’est sur une perte de dix-sept mille francs que le prince leva la séance à une heure du matin.
— « Il n’y a pas d’autre moyen, se disait-il le lendemain, en sortant de l’hôtel où il venait de régler sa dette à son adversaire de la veille, non, il n’y a pas d’autre moyen. Ou bien écrire à mon oncle et me faire marier par lui à une héritière après récon
ciliation...Ou bien Mme de Salverte, mais je n’ai plus le temps de marivauder... Encore un peu de temps et je tomberai dans les dettes, dans les ruses ignobles à la Bonnivet. A l’action, Iago. »
Et il hêla un fiacre qui passait. Ce n’était pas un homme très scrupuleux que le prince Vitale. Avec ses dehors abandonnés, il y voyait droit et juste.
— « Je lui ai demandé sa main une fois déjà, songeait-il, tandis que sa voiture filait au trot d’un petit cheval leste sur la route de la villa Vérékieff, elle a remis la réponse à six mois, et j’ai de quoi les attendre et au-de la. Mais d’ici à six mois, tout peut changer. Aujourd’hui je me trouve en faveur; profitons-en pour essayer. »
Depuis qu’il connaissait Lucie, Je jeune homme avait profondément réfléchi sur ce caractère de femme : « Si elle avait un amant à l’heure présente, s’était-il dit, elle l’épouserait. Un amant? Et pour
quoi non ?.. » Il se rappelait leur intimité de ces derniers joui-s, celle de la veille. Ne s’était-elle pas gentiment appuyée sur son bras pour descendre l’escalier en spirale qui mène à la crypte de la Chartreuse?
Et comme elle avait, avec un joli sourire, mis à son corsage les fleurs qu’il lui avait cueillies dans le pe
tit cimetière abandonné, au milieu du cloître! A ce souvenir, le prince Vitale se sentait plus décidé. Il faisait une après-midi un peu orageuse et lourde,


« un temps à mal de nerfs, comme dans les romans


français se dit encore le prince... Si elle est toute seule, osons. »
Toute seule ? Oui, Mme de Salverte ôtait toute seule quand le prince entra dans le petit salon de la villa. Elle se tenait assise à une menue table mo
bile, écrivait une lettre, et l’extrême finesse de ses traits était rendue plus sensible par unp sorte de fraise qui encadrait son cou délicat. Elle était tout en noir avec des nœuds orange aux bras, à l’épaule, une ceinture de môme nuance, et quelque chose de la langueur du jour flottait dans ses yeux et son souri re.
— « Que vous ôtes gentil d’être venu, fit-elle en tendant la main au jeune homme, je suis aujourd’hui dans mes blue devils...
— « J’en ai autant à vous offrir », fit le prince eu prenant place à côté d’elle sur le divan très bas où elle était assise, et en lui baisant, la main : — « La seule différence, hélas, est que vous avez des raisons imaginaires, et que moi j’en ai de véritables.
— « Ah! dit-elle vivement, comprend-on jamais la souffrance d’un autre?
— « Mais, répondit le prince, je crois que je vous comprends très bien. Vous souffrez de mener une vie contraire à la vérité de la nature... regardez ce ciel...» Et il lui montrait le profond azur qu’on apercevait à travers la fine guipure du long rideau — « re


gardez ces fleurs... » — et il touchait de la main à de


frêles roses-thé qui achevaient de mourir dans leurs
vases de verre de Venise en embaumant l’air de la chambre, — « regardez toutes choses autour de vous, dans la lumière de cet heureux printemps. A h ! Lucie, tout autour de vous parle d’aimer et votre cœur aussi... vous lui dites de se taire et il étouffe... Voilà tout le secret de vos heures tristes.
— « L’amour, dit-elle d’un ton accablé, toujours l’amour!... Il semble que ce soit là toute l’existence de la femme, d’après vous autres.
— « Je vous plains, » reprit Vitale avec un accent très sérieux.
Le contraste entre cet accent et le ton habituel de sa causerie donnait plus de valeur à ses paroles qui convenaient du reste à sa beauté. Avec son front pâle, ses boucles fières, l’éclat de ses yeux, sa jolie
bouche aux dents si blanches, il pouvait prononcer sans ridicule de ces phrases d’exaltation qui exer
cent un attrait si puissant sur les femmes, môme lorsqu’elles sont débitées avec des physionomies d’hommes d’affaires.
— « Oui, je vous plains, et malgré les aLroces mélancolies que je peux cacher sous ma gaieté, com
bien je trouve mon sort préférable au vôtre ! Je
souffre, moi aussi, mais je vis, du moins... Ah! je vous aime!... » continua-t-il en lui prenant la main.
Elle se retournait vers lui, touchée par l’accent de cette voix, et son regard se fit doux et caressant en rencontrant celui du jeune homme. Celui-ci n’attendait que ce moment pour agir. Tout en prononçanl ses phrases tendres et s’abandonnant, lui aussi, à l’émotion qu’il exprimait, il ne perdait pas de vue la résolution prise. Il passa la main qu’il avait libre autour de la taille de Lucie et l’attira vers lui, si faible
ment d’abord qu’elle ne résista point. Ce ne fut qu’à la seconde où elle sentit le souffle de cet homme sur son visage, où elle l’entendit lui dire : « Ah! Lucie, aimez-moi... » qu’elle se leva, comme d’un bond, et repoussa Vitale. Ce dernier, au lieu de la laisser s’en
aller, se ieva à son tour et l’attira sur le divan, d’une
étreinte plus forte. Elle se débattit. Le prince perdant à. cette lutte son sang-froid de tout à l’heure, la prit aar le poignet, et d’un mouvement si brusque qu’il ui fit mal. Elle jeta un cri, et la colère qui se lisait sur son joli visage fit comprendre à cet homme que cette défense n’était pas jouée.
— « Je n’ai pas mérité cela, disait-elle, je n’ai pas mérité cela... »
Et se dégageant, avec un effort suprême, elle s’enfuit à l’autre bout de la pièce. Mais, là, au lieu d’ap
peler, et comme si la dépense d’énergie nerveuse qu’elle venait de faire l’avait épuisée, elle se mit à fondre en larmes en jetant ces mots :
— « Vous vous êtes conduit, comme un drôle. Ne me parlez plus jamais, jamais, de votre amour...
— « Encore une partie de perdue, se dit le prince,
c’est une série. »
Lu résumé, aujourd’hui sont acquis les points suivants : i La navigation de Samboc à Sung-Treng, la capitale du bas Laos, est possible, puisqu’elle a été exécutée;
2 Les Rapides, à la saison des pluies, offrent une hauteur d eau largement suffisante, 3° Dans tout le parcours de Samboc à Sung-Treng, il n’y a qu’un passage délicat, d’une longueur de 300 mètres environ; 4» Pour franchir ce passage, il n’est nullement nécessaire d’un navire ayant une vitesse exagérée : une vitesse comprise entre 10 et 12 nœuds parerait à tout, le courant n’y dépassant pas 7 à 8 nœuds.
On peut donc dire en toute assurance que le Laos est ouvert à nos navires et que tout son commerce et celui de l’intérieur de la presqu’ile indo-chinoise, qui se fait actuellement par Bangkok, prendra vraisemblablement,
dans un avenir prochain,la voie du Me-kong par Pnum- Penh et Saigon.
l’établissement français d obock
Obock est une petite possession française située sur la côte de l’Afrique Orientale, au nord-est de Tadjoura, à l’entrée de la mer Rouge. La côte est escarpée et le pays
(1) Voir les numéros des 20 décembre, 2 et 9 janvier.