CARTE DU CONGO FRANÇAIS, INDIQUANT LES ITINERAIRES DE LA MISSION DE M. DE BRAZZA ET LES STATIONS CRÉÉES PAR ELLE Dressée par les soins de la Société de Géographie, qui l’a communiquée à l Illustration.
« Et il désignait, en parlant ainsi, un magnifique tapis et un coussin de velours, que, par une attention délicate, nous avions placés sur ses peaux de lion.
« Le peuple reprenait en chœur et en manière de refrain : « Ceux qui ont ainsi parlé sont des menteurs. » Puis, suivant l’étiquette admise, se levant en même temps que moi et faisant le même nombre de pas, Makoko me donnait une vigoureuse accolade, ne se lassant pas de sourire à son ancien ami.
« Je le priai de faire prévenir ses premiers vassaux, afin que la remise des traités pût se faire en séance solennelle. La cérémonie fut renvoyée au surlendemain.
« Au jour dit, tous les chefs et leurs premiers sujets répondirent à la convocation, et le palabre se tint sous un vélum de laine rouge semblable à celui sous lequel
avait eu lieu notre première réception. On avait déployé l’appareil le plus brillant des grands jours, et pour don
ner plus de solennité à la cérémonie, chacun avait apporté ses dieux lares pour les prendre à témoin.
« C’était un spectacle bien étrange que cette nombreuse réunion, foule compacte accroupie, où, dans la bigarrure desétoffes à couleurs vives,le mouvement d’une lance ou le déplacement d’un fusil faisait passer des éclairs. Ça et là, tranchant sur le reste, quelques pagnes de satin ou de velours nous indiquaient que des généro
sités étrangères avaient devancé les nôtres, et que tous n’avaient pas eu, comme le premier chef, le courage de refuser.
« Makoko trônait sur ses peaux de lion, négligemment accoudé sur ses coussins, entouré de ses femmes et de ses favoris. En face, à quelques pas de lui, M’pohontaba, son premier vassal, et les autres chefs, assis à terre sur des peaux de léopard, attendaient que le grand chef donnât le signal du palabre. Nous étions entre les
deux groupes, un peu sur le côté. Makoko, sans se lever, souhaita la bienvenue à tout son monde et expliqua en quelques mots le but de la réunion, puis, chaque chef, M’pohontaba le premier, vint à genoux protester de sa fidélité à Makoko, seul vrai chef, disaient-ils, et seul propriétaire et souverain de tous les territoires batékés.
Tous se déclarent, comme autrefois, heureux et fiers d’être placés sous la protection de notre drapeau, et le jurent sur les fétiches et par les mânes de leurs pères.
A mon tour, je rappelai le passé en quelques mots; mes hommes présentaient les armes, on sonna aux champs et je fis à Makoko la remise des traités au nom de la France. Procès-verbal de la cérémonie fut dressé et signé et on se rendit sous le « hall » improvisé, où se trouvaient exposés tous les présents destinés à chacun et
étiquetés à son nom. Les cris de surprise, les marques de joie, les remerciements, jetèrent leur note bruyante et gaie dans le va et vient d’une foule curieuse, et cha
cun emportant ses nouvelles richesses,on se dit gaiement au revoir. »
Notre deuxième gravure représente le premier vassal du roi Makoko faisant à Brazzaville, le 21 mai 1884, peu
de temps après la cérémonie de la remise du traité au roi, la remise des chefs vassaux des deux rives du Congo à M. de Brazza. C’est ce dernier qui avait provoqué ce
palabre, lassé des faux-fuyants dont l’Association usait à son égard lorsqu’il tentait de faire reconnaître, à Léopoldvillé, où il se rendit plusieurs fois, les droits acquis à la France par le traité avec Makoko. Dans la gravure, le premier vassal du roi présente à M. de Brazza les
chefs vassaux des deux rives du Congo, leur ordonne de n’obéir qu’à lui et, prenant les mains de tous, les met dans les mains de M. de Brazza en signe d’abandon. Pro
cès-verbal fut dressé de cette cérémonie et communiqué le lendemain au représentant de l’Association.
Parmi nos autres gravures, l’une est la vue intérieure de la case du roi Makoko. Cette case est longue de douze mètres environ et large de sept. Elle comporte une division qui sert d’alcôve ; une autre division renferme ses richesses consistant en ivoire, perles, fusils, poudre, etc. Toute une série de souvenirs sont disposés en une sorte de panoplie contre les murailles. Les objets d’un usage familier, tamtams, cloches, gongs, etc., sont épars sur le sol, à portée de la main. La pagaie que l’on aperçoit plantée au milieu de la case est un trophée destiné à perpétuer le souvenir d’une victoire rem
portée, par un des prédécesseurs de Makoko, sur une peuplade ennemie, sur le terrain même où se trouvent aujourd’hui Brazzaville et Léopoldville.
Voici la chaloupe le Ballay au débarcadère de Brazzaville. Elle a reçu son nom du collaborateur de M. de Brazza. C’est à M. Ballay que revient le mérite d’avoir
fait flotter sur le Congo la première embarcation à vapeur française. On sait qu’il a pris part à la conférence de Berlin relative aux délimitations du territoire du Congo. Il vient d’être promu officier de la Légion d hon
neur. Actuellement, il est au Congo, occupé; avec M. Rouvier aux travaux de délimitation de frontières.
L’aspect du Congo à N’ganlchou. N’gantchou est une station fondée par M. Ballay à son arrivée au Congo en octobre 1883. C’est le point de la rive le plus rapproché du village de M Bé, résidence de Makoko.
Trois autres paysages représentent divers aspects du pays. Ce sont d’abord les lagunes de Likouba, dahs les plaines basses du Delta de l’Alima, pays des Bapfourous, puis une cataracte dans un bras de l’Ogoôué, aù pays desAdoumas; enfin un campement au bord du même fleuve. Les convois transportant les marchandises de l’expédition comptaient souvent soixante ou quatrevingts pirogues comportant un équipage de huit cents à douze cents pagayeurs. Le soir, ces barques, cette foule, ce mouvement présentaient le plus curieux spectacle.
Nous terminons par le portrait de trois des collaborateurs de M. de Brazza : M. de Chavanne-s, qui nous a communiqué les dessins que nous reproduisons, est avocat à la cour d’appel de Lyon. Parti avec M. de Brazza comme secrétaire, il était devenu son fondé de pouvoir sur le Congo. M. Decazes, lieutenant, de chasseurs à che
val, d’abord fondé de pouvoirs à la côte, eût ensuite la direction de la contrée située entre l’Alima et Franceville. Il est actuellement directeur général intérimaire de tout l’intérieur. Enfin, M. Higail de Lastours, qui est mort de maladie en juin 1885, à. Madeville, sur l’Ogoôué, était ingénieur. Il avait déjà fait partie d’une expédition au Zambèze. Il avait la direction générale de l’Ogoôué, entre Franceville et N’Djolé.
Un dernier mot sur notre carte, qui a été dressée par les soins de la Société de Géographie, à qui nous en devons la communication. Elle montre clairement la si
tuation du Congo français, qui est compris entre notre colonie du Gabon et l Ogoôué, sur le cours duquel on voit échelonnées toutes les stations créées par la mis
sion; le cours de l’Alima, un des affluents du Congo; toute la rive droite de ce dernier fleuve jusqu’à l’océan, qui le borne à l’ouest jusqu’au cap Lopez.
« Et il désignait, en parlant ainsi, un magnifique tapis et un coussin de velours, que, par une attention délicate, nous avions placés sur ses peaux de lion.
« Le peuple reprenait en chœur et en manière de refrain : « Ceux qui ont ainsi parlé sont des menteurs. » Puis, suivant l’étiquette admise, se levant en même temps que moi et faisant le même nombre de pas, Makoko me donnait une vigoureuse accolade, ne se lassant pas de sourire à son ancien ami.
« Je le priai de faire prévenir ses premiers vassaux, afin que la remise des traités pût se faire en séance solennelle. La cérémonie fut renvoyée au surlendemain.
« Au jour dit, tous les chefs et leurs premiers sujets répondirent à la convocation, et le palabre se tint sous un vélum de laine rouge semblable à celui sous lequel
avait eu lieu notre première réception. On avait déployé l’appareil le plus brillant des grands jours, et pour don
ner plus de solennité à la cérémonie, chacun avait apporté ses dieux lares pour les prendre à témoin.
« C’était un spectacle bien étrange que cette nombreuse réunion, foule compacte accroupie, où, dans la bigarrure desétoffes à couleurs vives,le mouvement d’une lance ou le déplacement d’un fusil faisait passer des éclairs. Ça et là, tranchant sur le reste, quelques pagnes de satin ou de velours nous indiquaient que des généro
sités étrangères avaient devancé les nôtres, et que tous n’avaient pas eu, comme le premier chef, le courage de refuser.
« Makoko trônait sur ses peaux de lion, négligemment accoudé sur ses coussins, entouré de ses femmes et de ses favoris. En face, à quelques pas de lui, M’pohontaba, son premier vassal, et les autres chefs, assis à terre sur des peaux de léopard, attendaient que le grand chef donnât le signal du palabre. Nous étions entre les
deux groupes, un peu sur le côté. Makoko, sans se lever, souhaita la bienvenue à tout son monde et expliqua en quelques mots le but de la réunion, puis, chaque chef, M’pohontaba le premier, vint à genoux protester de sa fidélité à Makoko, seul vrai chef, disaient-ils, et seul propriétaire et souverain de tous les territoires batékés.
Tous se déclarent, comme autrefois, heureux et fiers d’être placés sous la protection de notre drapeau, et le jurent sur les fétiches et par les mânes de leurs pères.
A mon tour, je rappelai le passé en quelques mots; mes hommes présentaient les armes, on sonna aux champs et je fis à Makoko la remise des traités au nom de la France. Procès-verbal de la cérémonie fut dressé et signé et on se rendit sous le « hall » improvisé, où se trouvaient exposés tous les présents destinés à chacun et
étiquetés à son nom. Les cris de surprise, les marques de joie, les remerciements, jetèrent leur note bruyante et gaie dans le va et vient d’une foule curieuse, et cha
cun emportant ses nouvelles richesses,on se dit gaiement au revoir. »
Notre deuxième gravure représente le premier vassal du roi Makoko faisant à Brazzaville, le 21 mai 1884, peu
de temps après la cérémonie de la remise du traité au roi, la remise des chefs vassaux des deux rives du Congo à M. de Brazza. C’est ce dernier qui avait provoqué ce
palabre, lassé des faux-fuyants dont l’Association usait à son égard lorsqu’il tentait de faire reconnaître, à Léopoldvillé, où il se rendit plusieurs fois, les droits acquis à la France par le traité avec Makoko. Dans la gravure, le premier vassal du roi présente à M. de Brazza les
chefs vassaux des deux rives du Congo, leur ordonne de n’obéir qu’à lui et, prenant les mains de tous, les met dans les mains de M. de Brazza en signe d’abandon. Pro
cès-verbal fut dressé de cette cérémonie et communiqué le lendemain au représentant de l’Association.
Parmi nos autres gravures, l’une est la vue intérieure de la case du roi Makoko. Cette case est longue de douze mètres environ et large de sept. Elle comporte une division qui sert d’alcôve ; une autre division renferme ses richesses consistant en ivoire, perles, fusils, poudre, etc. Toute une série de souvenirs sont disposés en une sorte de panoplie contre les murailles. Les objets d’un usage familier, tamtams, cloches, gongs, etc., sont épars sur le sol, à portée de la main. La pagaie que l’on aperçoit plantée au milieu de la case est un trophée destiné à perpétuer le souvenir d’une victoire rem
portée, par un des prédécesseurs de Makoko, sur une peuplade ennemie, sur le terrain même où se trouvent aujourd’hui Brazzaville et Léopoldville.
Voici la chaloupe le Ballay au débarcadère de Brazzaville. Elle a reçu son nom du collaborateur de M. de Brazza. C’est à M. Ballay que revient le mérite d’avoir
fait flotter sur le Congo la première embarcation à vapeur française. On sait qu’il a pris part à la conférence de Berlin relative aux délimitations du territoire du Congo. Il vient d’être promu officier de la Légion d hon
neur. Actuellement, il est au Congo, occupé; avec M. Rouvier aux travaux de délimitation de frontières.
L’aspect du Congo à N’ganlchou. N’gantchou est une station fondée par M. Ballay à son arrivée au Congo en octobre 1883. C’est le point de la rive le plus rapproché du village de M Bé, résidence de Makoko.
Trois autres paysages représentent divers aspects du pays. Ce sont d’abord les lagunes de Likouba, dahs les plaines basses du Delta de l’Alima, pays des Bapfourous, puis une cataracte dans un bras de l’Ogoôué, aù pays desAdoumas; enfin un campement au bord du même fleuve. Les convois transportant les marchandises de l’expédition comptaient souvent soixante ou quatrevingts pirogues comportant un équipage de huit cents à douze cents pagayeurs. Le soir, ces barques, cette foule, ce mouvement présentaient le plus curieux spectacle.
Nous terminons par le portrait de trois des collaborateurs de M. de Brazza : M. de Chavanne-s, qui nous a communiqué les dessins que nous reproduisons, est avocat à la cour d’appel de Lyon. Parti avec M. de Brazza comme secrétaire, il était devenu son fondé de pouvoir sur le Congo. M. Decazes, lieutenant, de chasseurs à che
val, d’abord fondé de pouvoirs à la côte, eût ensuite la direction de la contrée située entre l’Alima et Franceville. Il est actuellement directeur général intérimaire de tout l’intérieur. Enfin, M. Higail de Lastours, qui est mort de maladie en juin 1885, à. Madeville, sur l’Ogoôué, était ingénieur. Il avait déjà fait partie d’une expédition au Zambèze. Il avait la direction générale de l’Ogoôué, entre Franceville et N’Djolé.
Un dernier mot sur notre carte, qui a été dressée par les soins de la Société de Géographie, à qui nous en devons la communication. Elle montre clairement la si
tuation du Congo français, qui est compris entre notre colonie du Gabon et l Ogoôué, sur le cours duquel on voit échelonnées toutes les stations créées par la mis
sion; le cours de l’Alima, un des affluents du Congo; toute la rive droite de ce dernier fleuve jusqu’à l’océan, qui le borne à l’ouest jusqu’au cap Lopez.